Le vrai visage du Courant du Futur

Soraya Hélou
Lorsqu’en février 2005, dans la foulée de l’émotion causée par l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri, son fils cheikh Saad a été désigné pour reprendre le flambeau, il avait un immense héritage. Cheikh Saad qui n’avait pas de véritable expérience politique bénéficiait d’un énorme capital sympathie à la mesure du respect dont jouissait son père au sein de toutes les factions libanaises. Que reste-t-il de tout cet héritage huit ans après ? La question mérite d’être posée, alors que le jeudi 14 mars, les célébrations de ce «grand moment» se sont faites aussi discrètes que possible, au milieu de divergences profondes entre les protagonistes que leurs médias ne parviennent plus à dissimuler.
Selon d’ailleurs le mot de l’un d’eux, en 2008, le 14 mars a été célébré sans l’une de ses composantes essentielles, le CPL du général Michel Aoun. En 2009, il a été célébré sans une autre de ses composantes et pratiquement son chef de file, Walid Joumblatt et en 2013, il est célébré sans les deux principales formations chrétiennes du 14 mars. A elle seule, cette équation montre la régression totale de ce mouvement due en grande partie au comportement du Courant du Futur et de son leader cheikh Saad.

Sur le plan politique, alors qu’en 2005, tout le Liban estimait que la présidence du Conseil devait revenir au moins sur le plan moral au Courant du Futur, cheikh Saad s’il le souhaite ou toute autre personne de son choix, en 2013, ce Courant est hors du pouvoir et il n’y a aucune possibilité concrète pour qu’il y revienne de sitôt. En même temps, le cheikh qui, depuis son éviction du pouvoir n’a cessé de mener bataille sur bataille contre le gouvernement en place et son chef, Négib Mikati, en commençant par un premier mouvement de protestation soi-disant pacifique à Tripoli qui s’est terminé par des actes de vandalismes que des voyous ne commettraient pas et en passant par un assaut lamentable contre le sérail en principe considéré comme «l’institution-mère» des sunnites. En même temps, le Courant du Futur ne rate pas une occasion de montrer ses armes et son irrespect des institutions et même des lois et de la Constitution. Un peu curieux tout de même pour un Courant qui s’est voulu le grand défenseur de l’Etat face au «mini-Etat» du Hezbollah.
Ce n’est d’ailleurs pas le seul slogan du 14 mars bafoué par le Courant du Futur. On se souvient comment au cours de la cérémonie du 14 mars en 2011, un immense portrait du roi Abdallah d’Arabie s’est imposé à la tribune en toile de fond des orateurs. Curieux pour un mouvement qui se veut souverainiste et prône à longueur de déclarations, l’indépendance du Liban. Cela, sans parler de son appui ouvert et direct à l’opposition syrienne qui, grâce à lui, n’a pas seulement pignon sur rue au Liban mais a désormais des îlots qu’elle contrôle totalement, loin de l’autorité de l’Etat libanais. Les exemples sont légion et ils sont présents dans toutes les mémoires qu’il s’agisse de Tripoli, de Ersal ou de certaines localités du Akkar…
Autre slogan du 14 mars, la démocratie et la diversité contre le «totalitarisme» du Hezbollah. Là aussi, le Courant du Futur n’a pas tardé à montrer son vrai visage ; notamment lorsque les discussions sérieuses sur la future loi électorale ont commencé. Pas question pour lui de tenir compte des intérêts de ses alliés notamment chrétiens. Ce qu’il veut c’est être la seule autorité, le décideur et les autres doivent suivre. Lorsqu’à la demande des institutions chrétiennes, il a été question de redonner leurs droits politiques aux chrétiens, c’est-à-dire la possibilité d’élire leurs députés par leurs propres voix, il a clairement opposé un refus définitif, alors que, il faut bien le signaler le Hezbollah et Amal ont tout de suite accepté à la demande de leurs alliés chrétiens. En somme, lequel est le plus totalitaire, le Hezbollah et Amal ou bien le Courant du Futur ? Finalement, cette année, le 14 mars est une célébration bien triste pour ses partisans. Tout ce qui a été dit, chanté et clamé pendant plus de sept ans s’est avéré être une illusion. A bon entendeur salut !
Source : moqawama.org
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