A Damas, le patriarche Raï a montré le chemin

Soraya Hélou
Le patriarche maronite le cardinal Béchara Raï a surpris tout le monde, sauf bien entendu le Vatican et ses proches, et il s’est rendu à Damas pour assister à la cérémonie d’intronisation du nouveau patriarche grec orthodoxe. Avec une grande sagesse, il a d’ailleurs attendu vendredi soir pour annoncer la visite le lendemain, ne laissant pas le temps à ceux qui sont contre cette visite de préparer leurs critiques. De toute façon, le patriarche avait pris sa décision et rien n’aurait pu l’empêcher de l’exécuter. Mieux que personne, il mesure l’importance de cette visite surtout en cette période particulièrement délicate et alors que le chemin de Damas est surtout pratiqué dans le sens des départs, non des arrivées. Ceux qui ne voient les événements que sous l’angle de leurs intérêts étroits et de leur haine ne peuvent pas en comprendre la portée. Petits ils sont, petits ils resteront. Mais pour tous les autres, cette visite de 24 heures entrera forcément dans l’Histoire. C’est en effet la première fois depuis l’époque du mandat français au début du siècle dernier qu’un patriarche maronite se rend à Damas. Et le cardinal Raï a attendu que la situation soit réellement mauvaise pour accomplir ce qui ressemble fort à un pèlerinage. Il ne s’est pas rendu en Syrie lorsque le régime de Damas était au plus fort de sa puissance, ni lorsque les parties libanaises qui réclament aujourd’hui sa chute ne savaient pas comment l’impliquer davantage dans les affaires internes libanaises. Non, le patriarche maronite s’est rendu à Damas alors que la situation y est précaire et que les Syriens, toutes communautés confondues, ont plus que jamais besoin d’un témoignage concret de solidarité.
C’est donc en messager de paix et en ami que le patriarche Béchara Raï s’est rendu à Damas. Il n’est pas question pour lui d’appuyer une partie politique contre l’autre, puisque sa mission est au-delà des considérations politiques et surtout politiciennes, mais d’exprimer son soutien à tous les Syriens en cette période d’inquiétude. Le cardinal

Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à voir les visages émus des fidèles en accueillant le patriarche maronite. C’est dans les moments difficiles que l’on a le plus besoin de soutien et c’est ce qu’a compris le cardinal Béchara Raï qui n’a pas été avare de bénédictions à tous ceux qui sont venus prier et à ceux qui n’ont pas pu venir. C’était certainement un grand moment d’émotion, pour les chrétiens de Syrie, mais aussi pour tous les chrétiens de la région. Et c’est ainsi que l’a voulu le patriarche et avec lui le Vatican, qui a clairement exprimé aux sceptiques qu’il appuie totalement cette visite.
Seulement bien sûr, le secrétaire général du 14 mars Farès Souhaid- qui était bien silencieux ces derniers temps- connaît mieux les intérêts des chrétiens que le Vatican et le patriarche réunis. Il a donc vu dans cette visite, une menace pour la présence chrétienne dans la région. Alors que la seule grande menace pour ces chrétiens c’est justement Farès Souhaid et ses compagnons qui n’ont rien trouvé de mieux pour les protéger que de s’allier aux extrémistes qui massacrent à tour de bras, pillent et brûlent les églises (20 églises ont été détruites en Syrie), attaquent l’armée en Syrie et au Liban et n’en finissent plus de semer la haine et la violence. Mais ce ne sera pas la première fois que Farès Souhaid et ses compagnons ne comprennent rien ni à la stratégie ni à l’évolution de la situation. Car même si la visite du patriarche Raï à Damas n’est pas politique, elle constitue toutefois un indice de l’étape à venir. Maintenir la présence chrétienne dans la région est une priorité pour le Vatican et pour tous ceux qui veulent éviter le chaos et l’éclatement d’une discorde entre sunnites et chiites dans la région, dont les chrétiens seraient la première victime. Cette visite s’inscrit donc dans cette stratégie et il est clair que le plan de donner le pouvoir aux groupes extrémistes dans la région est en train de prendre l’eau. Grâce sans doute à la résistance du régime syrien, mais aussi à la voracité des groupes extrémistes qui ont rapidement montré leur incapacité à gérer la diversité. Le monde est en train de prendre conscience de cette réalité, mais si l’Eglise d’Orient ne décide pas de prendre son destin en mains, nul ne l’aidera. C’est ce message qu’a voulu transmettre le patriarche Raï à Damas, en prenant lui-même le risque, montrant ainsi le chemin aux autres.
Source : moqawama.org
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