De Saïda à la banlieue sud, un même plan et un même échec

Souraya Helou
Imaginons un instant -à Dieu ne plaise- que l’explosion de la voiture piégée à Bir el Abed avait eu lieu dans un quartier à majorité non chiite. Quels auraient été les commentaires des personnalités du 14 mars? Elles se seraient empressées de montrer du doigt le régime syrien et les armes du Hezbollah, leur faisant directement ou non assumer la responsabilité de cet attentat. Pour moins que cela, le 14 mars et en particulier le Courant du Futur ont des accusations toujours prêtes à être lancées. Que serait-ce donc dans le cas d’une agression aussi violente et destructrice? Et si par la suite, comme ce fut souvent le cas au cours des huit dernières années, leurs accusations s’avèrent injustifiées, ils s’empressent alors d’affirmer qu’il s’agissait «d’accusations politiques». Ce qui prouve bien qu’en réalité les accusations toutes faites et toujours prêtes ne sont pas simplement le fruit d’un manque d’imagination ou de l’incapacité de lire correctement le déroulement des événements. Elles s’inscrivent dans le cadre d’un plan visant à semer la discorde entre sunnites et chiites pour affaiblir l’axe dit de la résistance. Ce plan peut revêtir plusieurs formes et plusieurs aspects, mais il pointe à chaque fois son nez, en dépit des coups qu’il reçoit.
Ce qui s’est passé à Saïda au cours de ces deux dernières semaines en est un des derniers exemples. En résumé, on peut reprendre les faits suivants: les partisans de cheikh Ahmed al-Assir attaquent un barrage de l’armée de sang froid, après avoir annoncé aux autorités, dont le ministre de l’Intérieur, le report de toute action de protestation. Ils ont donc profité de l’effet de surprise pour tuer quatre soldats et en blesser deux autres. Contrairement à ce qui s’était passé lors d’une agression similaire à Ersal, l’armée a décidé de réagir et a lancé une opération contre le cheikh et ses partisans. Les combats se sont poursuivis tout au long de la nuit et en moins de 24 heures, l’armée a réussi à envahir le fief d’al-Assir, après la fuite de celui-ci, et elle a découvert une véritable forteresse, selon les propres termes du ministre Marwan Charbel.
Que fait alors le 14 mars? Il critique l’armée, l’accusant tantôt d’exactions contre «les citoyens» (autrement dit les partisans d’al-Assir) et tantôt de s’être laissée aider par le Hezbollah et les «brigades de la défense» qui relèvent de son autorité. De Tripoli à Saïda, les réunions du 14 mars se multiplient pour réclamer «que justice soit faite» en faveur «des habitants de Saïda», lesquels sont d’ailleurs très heureux d’être débarrassés du cheikh al-Assir et de sa bande voyous.
Mais ce détail échappe bien sûr au Courant du Futur et à ses alliés. Ils ont un plan à exécuter et ils le font consciencieusement. Les événements de Abra ayant évolué contrairement à leurs espérances, c'est-à-dire que al-Assir a été vaincu très rapidement et le Hezbollah est resté à l’écart, puisque c’est l’armée qui a mené l’opération, il fallait donc tenter de relancer la polémique qui alimente la discorde entre sunnites et chiites.
Comme l’armée a montré qu’elle était la véritable garante de la paix civile et de la stabilité interne en réagissant contre celui qui l’a attaquée et a violé la loi, c’est donc contre elle que le Courant du Futur et ses alliés dirigent désormais leurs attaques. Tantôt, ils réclament que les soldats soient punis pour avoir prétendument usé de la force contre les citoyens et commis des exactions et tantôt, ils exigent une enquête sur de prétendus tirs contre la villa de Bahia Hariri à Majdelyoun. L’enquête a bel et bien eu lieu et les traces de deux balles ont été trouvées sur l’enceinte extérieure du la villa de Mme Hariri. Vraiment de quoi faire trembler le Liban! A entendre cette dernière, il se serait agi d’une tentative d’assassinat similaire à l’explosion du 14 février 2005 qui avait coûté la vie au Premier ministre Rafic Hariri. Comme si les deux situations pouvaient être comparées!
Mais pour le 14 mars, il ne s’agit pas de faire preuve de logique, simplement d’alimenter la discorde et de faire monter les tensions. Que gagnent-ils en critiquant l’armée? Ils cherchent à la discréditer pour neutraliser son rôle. De la sorte, il n’y aura plus, croient-ils de tampon entre les sunnites et les chiites et le Hezbollah sera ainsi malgré lui entraîné de facto dans un affrontement communautaire qui lui fera perdre définitivement le chemin de la résistance.
Malheureusement pour eux, aussi bien l’armée que le tandem Amal-Hezbollah, sont conscient de l’existence de ce plan, qui chaque fois qu’il reçoit un coup, s’empresse de rejaillir sous une autre forme. Ils parviennent donc à chaque fois à le déjouer, de Tripoli, à Ersal, en passant par Saïda et… la banlieue sud. Car, l’explosion de la voiture piégée dans la banlieue sud était forcément destinée à pousser les commandements de la région à accuser les sunnites et l’opposition syrienne, plongeant le pays dans une nouvelle violence verbale qui serait probablement suivie, en raison de la tension, d’affrontements sur le terrain. En tout cas, elle était destinée à déstabiliser la région et à ébranler la confiance entre les habitants et leur commandement. Mais rien de tel n’a eu lieu. Et c’est au contraire une sorte de sursaut national qui a eu lieu, à cause de la sagesse du commandement chiite et des responsables officiels.
Source: french.alahednews
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