Le "drone inconnu" contre le prétexte des armes chimiques

Deux développements majeurs se sont produits ces dernières heures au Proche-Orient: Le premier est le survol par un «drone inconnu» de la baie de Haïfa, en Palestine occupée. Le second est le retour en force de la question des armes chimiques en Syrie. En apparence, ces deux événements sont indépendants l'un de l'autre. Mais en réalité, ils sont directement liés.
Comment et pourquoi?
Lorsque les rebelles syriens ont utilisé des gaz toxiques à Khan al-Assal, près d'Alep, le mois dernier, faisant 25 morts et plus de 150 blessés, Damas a officiellement demandé aux Nations unies d'envoyer une commission d'enquête. Ban Ki-moon, qui est plus un exécutant de la politique des Etats-Unis que secrétaire général de l'Onu, a cédé aux pressions de Washington, de Londres et de Paris, et a saisi cette occasion pour élargir le champ d'action des enquêteurs à toute la Syrie, alors que les indices étaient encore récents à Alep et les preuves auraient pu être recueillies sur le terrain et auprès des témoins. Mais cet incident risquait de se retourner contre les rebelles syriens et leurs mentors occidentaux. L'affaire a alors été étouffée par la manœuvre qui consistait à élargir le champ d'action à des incidents non avérés, alors que les preuves tangibles et visibles à l'œil nu ont été négligées.
Après un silence de plusieurs semaines, la question des armes chimiques est ressortie subitement par un responsable du renseignement militaire israélien, Itai Brun. "D'après ce que nous avons compris, le régime a utilisé des armes chimiques meurtrières dans un certain nombre d'incidents, probablement du gaz sarin", a dit ce général de brigade, mardi. Ses déclarations ont été diffusées par la radio militaire israélienne ainsi que sur le compte Twitter officiel de l'armée, dans un souci de faire le plus de bruit possible. Le général Brun a précisé que cette analyse se basait notamment sur des photos de victimes dont les pupilles sont contractées et dont de la mousse s'échappe de la bouche. Autant de signes qui "attestent de l'utilisation d'armes chimiques mortelles", selon lui.
Evidemment, les photos et les témoignages des victimes et des médecins de Khan al-Assal, diffusés par les médias syriens, ont été complètement ignorés par ce général et par les Occidentaux, car elles mettent en cause les "révolutionnaires" d'Al-Qaïda et autres extrémistes entrainés, financés et armés par l'Otan et ses auxiliaires européens, régionaux et arabes.
Fabrication de preuves
Comme par enchantement, les informations de cet officier israélien ont servi de base aux accusations américaines et britanniques, relayées par des fonctionnaires de l'Onu. La semaine dernière, des diplomates avaient confié sous le couvert de l'anonymat que les pays occidentaux avaient des "preuves solides" que des armes chimiques avaient été utilisées au moins une fois dans le conflit syrien.
Le Washington Post et la revue Foreign Policy, qui citent des "responsables" dont les noms ne sont pas mentionnés, ont rapporté que la France et le Royaume-Uni ont informé Ban Ki-moon que des examens du sol, des entretiens avec des témoins et des rebelles montraient que des agents neurotoxiques avaient été utilisés dans et autour d'Alep (nord), de Homs (centre) et peut-être à Damas.
Cette information, rapportée par des "sources anonymes", qui se basent sur des examens effectués par des enquêteurs invisibles et inexistants, commence à enfler dans les médias et à faire la une de la presse. Mais les images et les témoignages des victimes et les preuves apportés par les médecins de Khan al-Assal, n'ont suscité aucun intérêt.
Où en est actuellement le processus de fabrication de preuves?
"Nous sommes désormais en possession de certains indices selon lesquels des armes chimiques ont été utilisées sur la population en Syrie, ce sont des évaluations préliminaires qui sont fondées sur nos opérations de renseignement", a dit Barack Obama face aux journalistes, avant une réunion dans le Bureau ovale avec le roi Abdallah II de Jordanie, vendredi. "Il existe de nombreuses questions sur la façon dont ces armes ont été utilisées, quand et où", a ajouté le président américain. M. Obama a promis que "nous allons mener nous-mêmes une enquête très solide, et mener des consultations avec nos partenaires dans la région, ainsi que la communauté internationale et les Nations unies pour faire en sorte d'enquêter sur cela aussi efficacement et aussi rapidement que possible (...) Le recours possible à des armes de destruction massive sur des civils franchit une nouvelle frontière dans le domaine des lois internationales", a-t-il souligné.
En clair, nous sommes devant un scénario classique de "build-up", qui consiste à monter une affaire de toute pièce, pour mobiliser l'opinion publique sur une question bien déterminée -en l'occurrence l'utilisation d'armes chimiques par le 'méchant' Bachar al-Assad-, afin de l'amener à appuyer une intervention militaire. Exactement comme ce fut le cas lors de l'affaire des armes de destruction massive irakiennes (ADM), qui n'existaient pas, mais qui ont quand même justifié l'invasion du pays par les Américains, en 2003.
Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Mikhaël Bogdanov, en visite à Beyrouth, a d'ailleurs établi la comparaison. Il a réaffirmé le refus catégorique de son pays "de toutes les introductions visant à préparer une attaque militaire contre la Syrie, y compris les allégations américaines et occidentales sur l'utilisation par l'armée syrienne d'armes chimiques contre les rebelles". Dans une déclaration à la chaine al-Manar, M. Bogdanov a dit: "Nous voulons connaitre la vérité et obtenir des faits et non pas des informations de presse. Il y a un précédent historique où la force a été utilisée en Irak sous prétexte de l'existence d'ADM, alors qu'il est apparu que ces informations étaient fausses".
Ce n'est pas un hasard si les Occidentaux ont décidé de ressortir l'affaire des prétendues armes chimiques syriennes au moment où l'armée régulière inflige de graves défaites aux rebelles autour de Damas, à Homs et à Idleb, brisant le rêve de "la grande bataille finale de Damas", qui renverserait le régime du président Bachar al-Assad. Non seulement cette "attaque décisive" contre la capitale n'est plus possible, mais les rebelles sont sur le point de s'effondrer dramatiquement sur plus d'un front.
C'est pour cette raison qu' "Israël", les Etats-Unis et leurs alliés envisagent une intervention, sous une forme qui reste encore à déterminer.
Le drone de la dissuasion
Mais c'est sans compter sur les pays et les forces qui font face aux projets hégémoniques de l'Occident. C'est dans ce cadre qu'il faut inscrire le survol de Haifa par le "drone inconnu". L'avion sans pilote aurait été abattu à huit kilomètres aux larges des côtes de Haïfa après avoir volé pendant huit minutes dans l'espace aérien israélien. Selon certaines informations, il aurait survolé les puits de gaz du champ de Tamar.
"Israël" a immédiatement accusé le Hezbollah. "C'est une nouvelle tentative du Hezbollah de faire pénétrer un avion sans pilote en Israël", a déclaré le vice-ministre israélien de la Guerre, Danny Danon. "Nous sommes prêts et nous agirons en conséquence. Il y aura une réaction israélienne. Le Hezbollah sait qu'il ne faut pas nous provoquer", a assuré le ministre israélien.
De son côté, le Hezbollah a démenti avoir envoyé ce drone. En octobre 2012, la Résistance avait reconnu avoir envoyé le drone "Ayyoub", qui avait survolé pendant des heures les territoires occupés, y compris la région de Dimona où se trouve un réacteur nucléaire israélien.
Peu importe qui est derrière ce drone. Ceux qui le faisaient opérer veulent surtout envoyer à "Israël" et ses soutiens occidentaux un message à caractère dissuasif: toute tentative d'intervenir militairement en Syrie risque de provoquer un conflit à l'échelle régionale.
A bon entendeur salut...
Source : moqawama.org
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