Liban: Séance gouvernementale sur le désarmement, un compromis trouvé

Par Assia Husseini
La séance ministérielle du gouvernement libanais consacrée «à la présentation et à la discussion du plan d’application relatif à la limitation des armes, confié à l’armée conformément au deuxième point de la décision du Conseil des ministres n° 1, en date du 5 août 2025» a eu lieu comme prévu le 5 septembre. Cette séance, qui aurait pu conduire le pays à un point de confrontation, s’est achevée sur un cadre plus ou moins positif.
Une séance potentiellement conflictuelle
Il est vrai que le cabinet n’a pas retiré sa décision de désarmer la résistance prise le 5 août, mais en même temps, il n’est pas allé jusqu’à adopter un mécanisme exécutif à durée déterminée, ce qui a, d’une manière ou d’une autre, apaisé les tensions internes entre les différents belligérants.
Les ministres du Hezbollah et du mouvement Amal n’ont assisté à la séance que durant les premières minutes, jusqu’à l’arrivée du commandant en chef de l’armée libanaise, Rodolph Haykal, chargé d’exposer le plan militaire d’exécution des décisions gouvernementales. Après l’avoir salué, ils se sont aussitôt retirés, signifiant ainsi que leur objection visait la décision du cabinet et non l’institution militaire.
Dans son intervention, le chef de l’armée a exposé la position de l’institution sur la question du désarmement de la résistance, affirmant que l’armée n’était pas disposée à se confronter avec une partie du peuple libanais. Il a insisté sur la nécessité, en priorité, de mettre fin aux agressions «israéliennes» et d’obtenir le retrait des forces d’occupation des points encore occupés au sud du pays. Toute discussion sur le désarmement de la résistance, ne pourrait intervenir qu’après la réalisation de ces deux préalables.
Entre affirmation formelle et recul stratégique
Selon l’expert politique, le Dr Wissam Ismail, c’est l’armée libanaise qui a imposé le compromis trouvé, en liant la poursuite du plan de désarmement du Hezbollah, d’une part, à l’engagement «israélien», et, d’autre part, aux moyens et aux capacités dont dispose l’armée libanaise.
Sur le plan formel, le gouvernement a réaffirmé les décisions du 5 août, la poursuite de son orientation et la mission confiée à l’armée de désarmer le Hezbollah.
Mais dans le fond, il y a un recul qui s’explique par plusieurs raisons, dont la principale est que l’armée libanaise a été réaliste et rationnelle en évitant toute confrontation avec quiconque dans le pays, car sa mission est de préserver la paix civile et non de s’affronter avec qui que ce soit.
M. Ismail rapporte qu’une communication avec le commandant de l’armée a eu lieu avec le Hezbollah et le mouvement Amal. Il est apparu que, bien que ce duo ne soit pas intéressé à affronter l’armée ni concerné par cela, il reste déterminé à ce qu’il ne soit pas porté atteinte à une capacité détenue par les Libanais, une capacité qui appartient au Liban : les armes de la résistance.
Hezbollah et Amal ont affirmé qu’ils n’étaient en aucune manière concernés par une confrontation interne, mais suivraient la voie politique d’opposition, allant jusqu’à démissionner du gouvernement, ce qui signifierait l’entrée du pays dans une longue impasse politique.
Pressions internationales et recul du gouvernement
La décision prise le 5 août a été une traduction directe des pressions exercées par l’émissaire américain, Tom Barrak, et son équipe, liées aux pressions exercées par l’Arabie saoudite sur les responsables libanais via son émissaire Yazid Ben Farhane.
Ce dernier avait exigé du Premier ministre Nawaf Salam d’aller jusqu’au bout dans sa politique agressive contre le Hezbollah, même si ceci aboutissait à une confrontation interne, voire une guerre civile.
Alors, comment expliquer ce recul en arrière du Premier ministre et les résultats de cette séance ?
Des sources bien informées assurent que la question du désarmement du Hezbollah n’est pas une simple question libanaise, mais qu’elle est liée à la situation générale de la région : le Yémen et, en particulier, Ansurollah, ne peuvent pas rester sans réagir en voyant leur allié, le Hezbollah, attaqué à l’intérieur du pays ainsi que par des parties externes.
Il semblerait que ce message ait été adressé aux Saoudiens via des canaux de communication, et que ces derniers se soient vus contraints de faire un pas en arrière concernant cette question.
De son côté, M. Ismail assure que l’Arabie saoudite ne détient aucun moyen de pression, sauf politique, contre le Hezbollah, et se trouve donc incapable aujourd’hui d’exécuter son plan agressif. Les Américains, en voyant cette résistance contre leur volonté, ne pourront qu’exécuter leurs menaces de couper les dons offerts à l’armée libanaise, qui ne dépasseraient pas les 160 millions de dollars, une somme trop faible pour former une force de pression. «La seule partie qui pourra exercer de vraie pression est les ‘’Israéliens’’, qui ne sont pas enchantés de la dernière séance du gouvernement libanais et procéderont donc à des frappes visant non seulement la résistance, mais aussi la sécurité nationale libanaise, en ciblant des sites civils, et en particulier ceux détenus par des personnes appartenant à la base populaire de la résistance, afin d’y faire pression», a-t-il ajouté.
Le Liban a donc réussi à franchir ce cap et s’en est sorti, une fois de plus, avec le moins de dégâts possible. Mais le combat ne s’arrête pas là : les Américains, et derrière eux les «Israéliens», sont pressés de tirer profit de la situation régionale et de réaliser leur projet avant que tout ne se retourne, encore une fois, contre leurs intérêts. Reste à savoir si Beyrouth saura maintenir son équilibre fragile face à ces pressions grandissantes.
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