L’«EIIL» et le «Front islamique», les deux faces d’une même médaille

Par Samer R. Zoughaib
Depuis le début de la crise syrienne, les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, parlent d'«opposition modérée» et ont attribué cette appellation à la soi-disant «Armée syrienne libre» (ASL). Pourtant, une grande partie des bataillons et des groupes qui constituaient
cette armée étaient d'obédience salafiste radicale. L'une de ses principales composantes, «Liwaa al-Tawhid», qui compte 10000 hommes, est considérée comme la branche armée des Frères musulmans en Syrie.
Les «rebelles modérés» ont disparu avec l'«ASL», qui n'a pas résisté aux contradictions sur lesquelles elle était bâtie. Mais cela n'a pas empêché les Etats-Unis de tenter de nouer des liens avec la nouvelle structure apparue sur ses décombres, le «Front islamique». Créé le 22 novembre 2013, ce «Front» est une coalition de sept groupes extrémistes: «Liwa al-Tawhid», «Ahrar al-Sham», «Jaïch al-islam», «Suqour al-Sham», «Liwa al-Haq», «Ansar al-Sham» et le «Front islamique kurde», tous d'obédience salafiste pure et dure. Des sources diplomatiques occidentales ont indiqué que la plupart de ces formations sont financés par l'Arabie saoudite, le Qatar et des milieux extrémistes koweitiens et émiratis. Le «Front islamique» compterait quelques 60000 combattants.
L'appel du pied de John Kerry
Dès l'annonce de la création de cette structure, le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, a affirmé qu'une rencontre entre des représentants américains et le «Front islamique» était «possible». Mais craignant d'être grillés auprès de l'opinion publique syrienne, les dirigeants du mouvement ont décliné l'offre. «Le Front islamique a refusé de s'asseoir à la table avec nous, sans donner de raisons», a déclaré l'ambassadeur des Etats-Unis en Syrie Robert Ford. «Nous sommes prêts à les voir parce que nous parlons avec tous les partis et groupes politiques en Syrie», a ajouté le diplomate.
«Le Front islamique est une alliance de groupes islamistes connus au sein de l'opposition syrienne et nous pouvons engager (le dialogue) avec eux parce qu'ils ne sont pas, bien sûr, considérés comme des terroristes», a de son côté déclaré la porte-parole adjointe du département d'Etat Marie Harf.
Aucun contact officiel n'a été annoncé entre les deux parties depuis. Mais des sources
diplomatiques arabes et européennes assurent que plusieurs rencontres ont eu lieu en Turquie et dans d'autres pays, mais elles ont été tenues secrètes pour ne pas embarrasser aussi bien les dirigeants du «Front» que les Etats-Unis.
Ce n'est pas parce que le «Front islamique» a déclaré la guerre à «l'Etat islamique en Irak et au Levant» (EIIL) qu'il peut prétendre à une virginité politique et mériter l'appellation «modéré». Le «Front al-Nosra» est également à couteaux tirés avec «l'EIIL», mais il reste quand même le représentant officiel d'Al-Qaïda en Syrie, adoubé par le chef de l'organisation, Ayman al-Zawahiri.
En réalité, les principales composantes du «Front islamique» ont de nombreuses affinités idéologiques avec «l'EIIL» et «al-Nosra», avec qui ils partagent aussi les méthodes sanglantes contre leurs opposants et contre les minorités religieuses. Sans oublier de mentionner que leur but ultime est le même: «l'établissement d'un Etat islamique sur le modèle du califat».
La figure la plus puissante du «Front islamique» est son chef militaire,
Zahrane Allouche, dirigeant et fondateur de «Liwa al-Islam», qui a pris le nom de «Jaïch al-Islam», l'été dernier.
Zahrane Allouche est nommément accusé par la Russie d’avoir perpétré l’attaque chimique contre la Ghouta de Damas, le 21 août dernier, pour faire accuser l'armée régulière syrienne et provoquer une intervention militaire occidentale.
«Jaïch al-Islam» compterait entre 20 et 25000 hommes, répartis sur 60 brigades, et dispose de 20 bureaux administratifs. Son armement est constitué de véhicules blindés, des chars T72, des missiles anti-char et un système de défense anti aérienne de type Osa, volés dans les dépôts de l'armée syrienne.
Zahrane Allouche, un wahhabite
Zahrane Allouche, âgé de 37 ans, est le fils d'un cheikh wahhabite, Abdallah Allouche, très proche de la famille royale saoudienne. Zahrane a d'ailleurs fait ses études religieuses à l’université islamique en Arabie saoudite. Rentré en Syrie, il a exercé en couverture une activité commerciale après avoir fondé une société et s’est installé à Douma, à 12 kilomètres au nord-est de Damas. Il y était connu pour ses positions salafistes extrémistes, ce qui lui a valu d'être arrêté en 2009 pour «formation de cellules salafistes armées».
Libéré en juin 2011 à la faveur d'une amnistie décrétée par le président Bachar al-Assad, il a pris les armes et créé «Saraya al-Islam», puis «Liwaa al-Islam». Les moyens financiers considérables qu’il a reçu des pays du Golfe, notamment de l'Arabie saoudite et du Koweït, lui ont permis de former une des plus puissantes milices.
La grille de lecture politico-religieuse de Zahrane Allouche n'est pas différente de cette d'Al-Qaïda. Il affirme vouloir «fonder un Etat islamique après le renversement du régime
nosseiri», qui est le terme utilisé par les extrémistes pour désigner les alaouites.
Dans des vidéos disponibles sur Youtube, Zahrane Allouche lance un appel solennel «à tous les jihadistes à venir en Syrie». «Nous accueillons en Syrie les honorables jihadistes qui veulent soutenir leurs frères opprimés», dit-il dans l'une de ses interventions. Il n'hésite pas à tenir des propos dégradants à l'encontre des minorités religieuses, notamment les alaouites et les chiites, exactement comme on en retrouve dans le littérature de «l'EIIL» et du «Front al-Nosra». Lors de l'entrée des rebelles dans la cité ouvrière de Adra, près de Damas, en décembre, ses hommes ont massacré plusieurs dizaines de personnes, en majorité des druzes, des alaouites, des chrétiens et des sunnites partisans du régime syrien.
«Ahrar al-Sham», deuxième plus importante composante du «Front islamique», compte une vingtaine de milliers de combattants. A l'image de son chef Hassan Abboud, ce groupe est l'une des factions salafistes les plus radicales de Syrie. Intolérante envers les minorités religieuses, elles est également responsable de nombreuses exactions.
«Suqour al-Sham», dirigés par Ahmed Issa, désigné chef du «Front islamique», n'a rien à envier aux deux autres mouvements, pas plus que le secrétaire général Abou Rateb, chef de «Liwa al-Haq». Ce sont tous des salafistes radicaux qui tiennent un discours extrémiste. Ils ont combattu pendant plus de deux ans et demi dans les mêmes tranchées que «l'EIIL» et le «Front al-Nosra». Ensemble, ils ont procédé à des épurations religieuses, chassant chrétiens, alaouites et chiites, et perpétrant de nombreux massacres.
Le fait que ces groupes n'aient pas fait acte d'allégeance publique à Zawahiri n'en fait pas interlocuteurs crédibles et respectables. Il n'en reste pas moins qu'ils sont très proches d'Al-Qaïda. Et c'est avec ce type de mouvements que les Etats-Unis prétendent vouloir construire la Syrie de demain, où les églises sont saccagées, leurs croix brisées et brûlées, et leurs statuettes détruites, avant d'être transformées en dortoirs pour les miliciens.
Source: French.alahednews
Depuis le début de la crise syrienne, les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, parlent d'«opposition modérée» et ont attribué cette appellation à la soi-disant «Armée syrienne libre» (ASL). Pourtant, une grande partie des bataillons et des groupes qui constituaient

Les «rebelles modérés» ont disparu avec l'«ASL», qui n'a pas résisté aux contradictions sur lesquelles elle était bâtie. Mais cela n'a pas empêché les Etats-Unis de tenter de nouer des liens avec la nouvelle structure apparue sur ses décombres, le «Front islamique». Créé le 22 novembre 2013, ce «Front» est une coalition de sept groupes extrémistes: «Liwa al-Tawhid», «Ahrar al-Sham», «Jaïch al-islam», «Suqour al-Sham», «Liwa al-Haq», «Ansar al-Sham» et le «Front islamique kurde», tous d'obédience salafiste pure et dure. Des sources diplomatiques occidentales ont indiqué que la plupart de ces formations sont financés par l'Arabie saoudite, le Qatar et des milieux extrémistes koweitiens et émiratis. Le «Front islamique» compterait quelques 60000 combattants.
L'appel du pied de John Kerry
Dès l'annonce de la création de cette structure, le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, a affirmé qu'une rencontre entre des représentants américains et le «Front islamique» était «possible». Mais craignant d'être grillés auprès de l'opinion publique syrienne, les dirigeants du mouvement ont décliné l'offre. «Le Front islamique a refusé de s'asseoir à la table avec nous, sans donner de raisons», a déclaré l'ambassadeur des Etats-Unis en Syrie Robert Ford. «Nous sommes prêts à les voir parce que nous parlons avec tous les partis et groupes politiques en Syrie», a ajouté le diplomate.
«Le Front islamique est une alliance de groupes islamistes connus au sein de l'opposition syrienne et nous pouvons engager (le dialogue) avec eux parce qu'ils ne sont pas, bien sûr, considérés comme des terroristes», a de son côté déclaré la porte-parole adjointe du département d'Etat Marie Harf.
Aucun contact officiel n'a été annoncé entre les deux parties depuis. Mais des sources

Ce n'est pas parce que le «Front islamique» a déclaré la guerre à «l'Etat islamique en Irak et au Levant» (EIIL) qu'il peut prétendre à une virginité politique et mériter l'appellation «modéré». Le «Front al-Nosra» est également à couteaux tirés avec «l'EIIL», mais il reste quand même le représentant officiel d'Al-Qaïda en Syrie, adoubé par le chef de l'organisation, Ayman al-Zawahiri.
En réalité, les principales composantes du «Front islamique» ont de nombreuses affinités idéologiques avec «l'EIIL» et «al-Nosra», avec qui ils partagent aussi les méthodes sanglantes contre leurs opposants et contre les minorités religieuses. Sans oublier de mentionner que leur but ultime est le même: «l'établissement d'un Etat islamique sur le modèle du califat».
La figure la plus puissante du «Front islamique» est son chef militaire,
Zahrane Allouche, dirigeant et fondateur de «Liwa al-Islam», qui a pris le nom de «Jaïch al-Islam», l'été dernier.
Zahrane Allouche est nommément accusé par la Russie d’avoir perpétré l’attaque chimique contre la Ghouta de Damas, le 21 août dernier, pour faire accuser l'armée régulière syrienne et provoquer une intervention militaire occidentale.
«Jaïch al-Islam» compterait entre 20 et 25000 hommes, répartis sur 60 brigades, et dispose de 20 bureaux administratifs. Son armement est constitué de véhicules blindés, des chars T72, des missiles anti-char et un système de défense anti aérienne de type Osa, volés dans les dépôts de l'armée syrienne.
Zahrane Allouche, un wahhabite
Zahrane Allouche, âgé de 37 ans, est le fils d'un cheikh wahhabite, Abdallah Allouche, très proche de la famille royale saoudienne. Zahrane a d'ailleurs fait ses études religieuses à l’université islamique en Arabie saoudite. Rentré en Syrie, il a exercé en couverture une activité commerciale après avoir fondé une société et s’est installé à Douma, à 12 kilomètres au nord-est de Damas. Il y était connu pour ses positions salafistes extrémistes, ce qui lui a valu d'être arrêté en 2009 pour «formation de cellules salafistes armées».
Libéré en juin 2011 à la faveur d'une amnistie décrétée par le président Bachar al-Assad, il a pris les armes et créé «Saraya al-Islam», puis «Liwaa al-Islam». Les moyens financiers considérables qu’il a reçu des pays du Golfe, notamment de l'Arabie saoudite et du Koweït, lui ont permis de former une des plus puissantes milices.
La grille de lecture politico-religieuse de Zahrane Allouche n'est pas différente de cette d'Al-Qaïda. Il affirme vouloir «fonder un Etat islamique après le renversement du régime

Dans des vidéos disponibles sur Youtube, Zahrane Allouche lance un appel solennel «à tous les jihadistes à venir en Syrie». «Nous accueillons en Syrie les honorables jihadistes qui veulent soutenir leurs frères opprimés», dit-il dans l'une de ses interventions. Il n'hésite pas à tenir des propos dégradants à l'encontre des minorités religieuses, notamment les alaouites et les chiites, exactement comme on en retrouve dans le littérature de «l'EIIL» et du «Front al-Nosra». Lors de l'entrée des rebelles dans la cité ouvrière de Adra, près de Damas, en décembre, ses hommes ont massacré plusieurs dizaines de personnes, en majorité des druzes, des alaouites, des chrétiens et des sunnites partisans du régime syrien.
«Ahrar al-Sham», deuxième plus importante composante du «Front islamique», compte une vingtaine de milliers de combattants. A l'image de son chef Hassan Abboud, ce groupe est l'une des factions salafistes les plus radicales de Syrie. Intolérante envers les minorités religieuses, elles est également responsable de nombreuses exactions.
«Suqour al-Sham», dirigés par Ahmed Issa, désigné chef du «Front islamique», n'a rien à envier aux deux autres mouvements, pas plus que le secrétaire général Abou Rateb, chef de «Liwa al-Haq». Ce sont tous des salafistes radicaux qui tiennent un discours extrémiste. Ils ont combattu pendant plus de deux ans et demi dans les mêmes tranchées que «l'EIIL» et le «Front al-Nosra». Ensemble, ils ont procédé à des épurations religieuses, chassant chrétiens, alaouites et chiites, et perpétrant de nombreux massacres.
Le fait que ces groupes n'aient pas fait acte d'allégeance publique à Zawahiri n'en fait pas interlocuteurs crédibles et respectables. Il n'en reste pas moins qu'ils sont très proches d'Al-Qaïda. Et c'est avec ce type de mouvements que les Etats-Unis prétendent vouloir construire la Syrie de demain, où les églises sont saccagées, leurs croix brisées et brûlées, et leurs statuettes détruites, avant d'être transformées en dortoirs pour les miliciens.
Source: French.alahednews
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