L’Europe se met hors-jeu au Liban

La décision de l'Union européenne (UE) d'inscrire «l'aile militaire» du Hezbollah sur sa liste des organisations terroristes est non seulement «agressive et injuste», comme le fait remarquer le parti dans sa première réaction, mais elle constitue une rupture totale avec les principes défendus par l'Europe depuis des décennies, et dénote une méconnaissance totale des réalités libanaises.
Les Etats-Unis, «Israël» et leurs plus proches alliés en Europe sont parvenus à vaincre les réticences des Etats européens opposés à l'inscription du Hezbollah sur la liste noire de l'UE. Mais ce n'est pas en apportant des «preuves» irréfutables d'une prétendue participation du parti à des activités violentes sur le Vieux continent qu'ils sont arrivés à leurs fins, car de telles preuves ne sont pas en leur possession. Ils ont simplement cédé aux pressions de Washington et de «Tel-Aviv», qui ne prenaient même plus la peine d'emprunter des canaux diplomatiques discrets pour forcer la main aux récalcitrants, mais exprimaient leurs souhaits en public, à travers les médias.
Cette réalité est accablante pour l'Europe, car elle met à nue des Etats qui ont foulé du pied les principes qu'ils prétendent défendre depuis des décennies.
Le premier de ces principes est la présomption d'innocence. En effet, nul n'est coupable jusqu'à preuve du contraire. Or le Hezbollah a été déclaré coupable d'implication dans l'attentat de l'aéroport bulgare de Bourgas, en juillet 2012, avant même qu'un quelconque verdict judiciaire ne vienne le condamner. Pourtant, le ministre des Affaires étrangères bulgare, Kristian Vigenin, avait déclaré, le 5 juin, qu'aucune preuve formelle impliquant le Hezbollah dans l'explosion de Bourgas, n'a pu être trouvée, atténuant ainsi les accusations de son prédécesseur. Qu'est-ce qui a changé entretemps? Rien, sauf que les Israéliens ont discrètement envoyé une délégation à Sofia...
L'autre principe violé par les Européens, et qu'ils ont eux-mêmes contribué à inscrire dans la Charte des Nations unies, est celui du droit des peuples à résister par tous les moyens à l'occupation. Dans cette affaire, ce sont les résistants qui sont sanctionnés et les occupants récompensés. En effet, le Hezbollah est, avant tout, un parti qui s'est illustré dans sa lutte contre les Israéliens lorsqu'ils occupaient une partie du Liban, de 1978 à 2000. Et c'est essentiellement grâce au Hezbollah, qui a repris le flambeau en 1982, qu'«Israël» a retiré ses troupes du Liban sans contrepartie politique aucune.
Aujourd'hui, «Israël» continue d'occuper les fermes de Chebaa et les collines de Karchouba au Liban-Sud, mais il n'est pas inquiété par l'Europe, qui a dans son viseur ceux qui réclament le retrait de l'occupant, plutôt que l'occupant lui-même.
Pas d'indépendance politique
Le troisième principe bradé par l'Union européenne est celui de son indépendance politique, dont elle prétend faire son objectif inaliénable. Non seulement l'inscription du Hezbollah sur la liste noire ne sert pas les intérêts politiques européens, mais elle leur porte atteinte d'une manière directe. En effet, les principaux pays européens disposent de contingents déployés dans le cadre de la Finul au Liban-Sud, dans une zone où l'écrasante majorité des habitants soutient le parti de la Résistance, le Hezbollah. Le moins que l'on puisse dire est que s'aliéner plus d'un million de personnes du jour au lendemain est une décision maladroite. Les Européens ont transformé leur périmètre de déploiement de zone bienveillante, ou du moins neutre, en région hostile.
Au lieu de se positionner comme médiateur, ou arbitre, entre les grands axes en conflit au Moyen-Orient -et qui ont tous leurs alliés au Liban- les Européens ont pris parti pour l'un des deux camps, celui des Etats-Unis, d'«Israël» et de leurs alliés arabes. Ils se mettent hors-jeu, se confinant au rôle réducteur de sous-traitant pour le compte des vrais décideurs. S'ils veulent être généreux, ceux-là leur jetteront quelques miettes le jour où le compromis sera conclu. Exactement comme cela s'est produit dans d'autres régions du monde.
Même les rares nuances qui existaient entre les Européens et l'axe Washington - «Tel-Aviv» ont disparu. Le Hezbollah a parfaitement raison: La mesure adoptée par l'Union européenne est «une décision américaine écrite avec de l'encre israélienne».
Les Européens sont apparus comme de simples exécutants non pas de la haute politique des Etats-Unis ou de l'Otan, mais des décisions vindicatives du Conseil de coopération du Golfe (grand havre de la démocratie et des droits de l'Homme!), qui avait pris, quelques semaines plus tôt, exactement les mêmes mesures contre le Hezbollah.
Enfin, et c'est le plus important, la décision de l'UE fait montre d'une affligeante incompréhension des réalités libanaises. L'Europe a choisi le bras de fer. Elle pense qu'en exerçant des pressions sur le Hezbollah, il pliera et reculera sur plusieurs dossiers, régionaux et internes, comme sa position sur la crise syrienne ou sur la nature du gouvernement libanais. Elle pense qu'en essayant de l'isoler, il cèdera sur ses constantes. C'est mal le connaitre, surtout de la part de pays comme la France, présents au Liban-Sud à travers leurs contingents au sein de la Finul depuis des décennies. Le Hezbollah n'a pas baissé les bras mêmes lorsque des milliers de tonnes de missiles et de bombes lui tombaient sur la tête, même quand «Israël» a transformé la banlieue sud de Beyrouth en tas de ruines.
Et puis la distinction faite entre l'«aile militaire» et la «branche politique» est plus que bizarre, elle fait sourire. Le Hezbollah n'est pas un groupe armé, ou une milice isolée de la population. C'est une idée, une culture, celle de la Résistance face à l'occupation. C'est un parti soutenu non seulement par les partisans qui y sont affiliés, mais par tout un peuple, par une grande partie des Libanais, de toutes les communautés religieuses et de diverses tendances politiques.
Tout le tapage médiatique et tous les efforts déployés, à grand renfort de millions de dollars, pour ternir son image et porter atteinte à sa réputation, ne parviendront pas à changer cette réalité que les Européens ne comprendront jamais.
Source : French.alahednews
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