Démission de Jebali : Les scénarios prévus en Tunisie

À la suite du refus catégorique du mouvement Annahda, de la proposition de son secrétaire général, le Premier ministre tunisien Hamadi Jebali de former un nouveau gouvernement de technocrates, non candidats aux législatives, et de la démission de ce dernier, il semble que la crise se dirige vers un consensus entre les parties concernées. Un consensus qui pourrait rétablir le calme dans la rue, et dans la classe politique divisée en deux camps.
Les fuites d’informations relatives aux réunions tenues entre le premier ministre et les leaders des principaux partis politiques, font état de l’éventuelle mise en place d’un gouvernement mixte, formé de technocrates et de partis politiques, présidé par M. Jebali lequel désire satisfaire toutes les composantes du pays.
Les ministères souverainistes
Après que l’opposition a renoncé à sa demande relative à la mise en place d’un gouvernement de technocrates, il ne parait pas qu’elle admette la remise des portefeuilles souverainistes du prochain gouvernement au mouvement Annahda.
En effet, les forces de l’opposition veulent désigner des figures non partisanes à la tête de ces ministères, en vue de garantir la neutralité des prochaines élections.
M. Jebali, dont la nomination est prévue pour la formation du nouveau gouvernement, a déclaré que les législatives prévues se dérouleront sous une supervision internationale, contrairement aux dernières élections qui étaient transparentes et acceptées par tous, en dépit de leur tenue sous la supervision du Haut Comité indépendant des législatives, en présence d’un certain nombre de contrôleurs étrangers.
De ce fait, il est prévu que le mouvement Annahda fasse des concessions concernant les ministères de l’Intérieur et de la Justice. Il pourrait maintenir le portefeuille des Affaires Etrangères, alors que le ministre actuel de la Défense, Abdel Karim Zoubeidi, proche du commandant en chef de l’armée, garderait ses fonctions.
Par conséquent, les concessions faites par l’opposition d’une part, et Annahad de l’autre ont pavé la voie à l’éventuel consensus, lequel prémunirait le pays du chaos, durant la deuxième période transitoire que traverse le pays.
La Ligue de la protection de la révolution
En dépit de l’accord autour de la structure du prochain gouvernement, il ne semble pas qu’il y ait des solutions concernant le rôle des Ligues de la protection de la révolution, considérées par l’opposition comme étant le bras exigeant du mouvement Annahda, ou en d’autres termes, les milices de ce mouvement.
Ces Ligues sont impliquées dans des actes de violence et d’agressions contre les partis et les journalistes opposants, et contre la Fédération générale des Travailleurs. Certains membres de ces ligues sont même accusés de l’assassinat d’un responsable du parti l’Appel de la Tunisie (Nida’ Tunis), présidé par Qaid Essabssi.
Le mouvement Annahda et son leader Rached Ghannouchi, jugent que ces ligues représentent «la conscience de la révolution». Si leur dérive vers la violence serait prouvée, il revient au pouvoir judiciaire d’en assumer l’abolition et non au gouvernement.
Ces ligues sont de même appuyées par le parti «Congrès pour la République», présidé par le président de la République, Monsef El-Marzouki. D’autres membres de ces ligues adhèrent au parti du «Congrès».
Une nouvelle carte politique
La structure du nouveau gouvernement que formerait M. Jebali est encore vague. On ne connait pas encore les partis qui y participeraient. Le parti « Forum démocratique pour le Travail et les Libertés », présidé par le chef du Conseil constitutif, Moustapha Ben Jaafar (un de parti de la troïka au pouvoir), pourrait ne pas prendre part au gouvernement, vu son insistance dernièrement sur le gouvernement de technocrates. Mais en tout état de cause, le leader du Forum pourrait rester à la tête du Conseil Constitutif.
D’autres informations font état de l’éventuelle participation du Parti Républicain, présidé par Najib Chabi, au gouvernement. Ce fait serait un prélude à de nouvelles coalitions politiques en Tunisie. Mais les leaders du parti affirment qu’en cas de la participation du Parti Républicain au nouveau gouvernement, ils ne renonceront pas à leur alliance avec Qaid el-Sabssi et Ahmad Ibrahim (chef du parti La Voie Sociale).
Un tournant décisif
La majorité des analystes craignent que le mouvement Annahda refuse d’abandonner les ministères souverainistes et de démanteler les ligues de la protection de la révolution. Selon les analystes, le pays sera devant une impasse menant à la guerre civile voire à un coup d’état militaire qui avorterait le rêve tunisien de bâtir un régime démocratique, qui garantit la dignité des individus et protège les libertés. Effectivement, l’explosion du pays était imminente à la suite de l’assassinat de Chokri Belaïd, avec le mouvement de protestation de plus d’un million et demi de Tunisiens, s’opposant aux politiques du mouvement Annahda, en faveur duquel avait voté le même nombre de Tunisiens dans les dernières législatives.
L’initiative de Jebali avait contribué donc à calmer les esprits. La décision revient actuellement au mouvement Annhda : présenter la candidature de son secrétaire général, Hammadi Jebali, jouissant d’une quasi-unanimité, pour que le président de la République le charge de former le gouvernement dans lequel des technocrates dirigeraient les ministères souverainistes, ou bien, l’opposition se soulèvera de nouveau, plongeant le pays dans la violence.
Bref, l’opposition et la rue en effervescence ne tolèreront guère le retour à la situation précédant l’assassinat de Belaïd, puisque notamment, la légitimité postélectorale accordée au mouvement Annahda, devait durer un an, en attendant la rédaction de la Constitution et l’organisation des élections pour clôturer la période de transition. Mais le délai s’était écoulé et le mouvement Annahad n’avait pas tenu à ses engagements, ce qui a suscité des craintes d’une période transitoire sans fin.
Source : Alahednews, traduit par : moqawama.org
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