Mohammad Afif, responsable des relations du Hezbollah avec les médias, un an après le martyre
Par Nasser Qandil*
Mohammad Afif, le responsable des relations du Hezbollah avec les médias, a terminé ses études et a passé l'examen final, obtenant le diplôme avec mention : le martyre.
Il a consacré plus de quatre décennies de sa vie à remporter des succès successifs dans les examens sur les bases du commandement au sein de la Résistance et celles de la direction médiatique. Il a parfaitement réussi à les allier.
Il laisse derrière lui un parcours unique et un héritage qui ne peut être résumé par le simple fait qu'il a parachevé son existence en martyre lors d'une action héroïque, qui n'était en aucun cas suicidaire, comme le pensent certains; et ce malgré le fait qu’il répétait, après le martyre du maître de la Résistance, de sa célèbre phrase à de nombreux amis, «Que Dieu ne bénisse ma vie après toi, ô sayyed Nasrallah».
J'ai décidé de consacrer cet article à ce leader martyr pour discuter, d'un esprit serein, de ses qualités et des compétences qui font de lui une école en matière de leadership, et en particulier de leadership médiatique, bien que cela suscite en moi une émotion profonde, la douleur de sa perte étant vive, éveillant de nombreux sentiments de nostalgie et de désir de l’évoquer comme un frère et ami.
Au cours de plus de quatre décennies d'amitié, de fraternité et de proximité dans le domaine des médias, j'ai pu témoigner des qualités de leadership qui ont façonné l'école médiatique de Mohammad Afif. J'ai constaté que parler de ces qualités à tous les collègues, amis et lecteurs est le meilleur hommage que l'on puisse rendre en sa mémoire. Hajj Mohammed, comme il aimait qu'on l'appelle, a inlassablement élargi ses compétences pour rester à jour avec les innovations dans les sciences et technologies médiatiques, tout en suivant de près les nouvelles théories et stratégies médiatiques. Il avait également un souci constant de l'actualité politique, militaire et économique au Liban, dans la région et dans le monde, car un discours médiatique correct, basé sur un suivi précis et fiable des informations, est le pilier du travail médiatique.
Le premier principe de l'école médiatique de Mohammad Afif était de refuser de considérer le travail médiatique comme une simple tâche fonctionnelle. Lorsque je lui ai proposé, il y a des années, de participer à une conférence sur les médias résistants dans le cadre du cours de formation intitulé Sanaa Mheidleh, que le Parti social nationaliste syrien (PSNS) m’avait honoré de superviser, hajj Mohammed a rédigé le texte de sa conférence. Le thème central de son texte était que la cause que le médiateur cherche à promouvoir, à défendre et à servir, et son degré de légitimité et sa proximité des droits des gens, sont des facteurs déterminants pour son succès. Sa foi en cette cause, son dévouement à son service et sa disposition à se sacrifier pour elle sont également des éléments cruciaux. Il croyait fermement que la différence entre les médias résistants et tout autre type de médias réside dans le fait qu'il n'y a pas de place pour les employés dans les médias de la Résistance, c'est-à-dire des journalistes qui ne croient pas en la résistance et qui travaillent pour elle comme ils pourraient le faire pour d'autres ou pour ses adversaires, en fonction de la provenance de leur salaire et de l'entité qui possède le média.
Il a relaté un échange qu'il a eu avec le défunt journaliste Talal Salman, lorsqu'il lui a présenté le premier communiqué de la Résistance islamique. Talal Salman lui a demandé : «Qui êtes-vous ?» À cela, il a répondu : «Nous sommes la Résistance.» Il a compris alors que l'intérêt des médias pour ce que la Résistance produit et son degré d'interaction avec sa crédibilité seront toujours le reflet de l'importance de ce que représente la Résistance sur le terrain, et non le résultat d'autres considérations. Cette leçon est restée présente dans l'école de hajj Mohammad jusqu'au jour où il est tombé en martyre.
Le deuxième pilier de l'école du hajj Mohammad est le courage et la disposition au sacrifice, car le journaliste engagé est avant tout un résistant. Tout le monde sait que hajj Mohammed a failli devenir martyr lors du ciblage du convoi du martyr Sayed Abbas Moussaoui et qu'il a été l'assistant du martyr cheikh Ragheb Harb en tant que conseiller médiatique, rédigeant et distribuant ses déclarations. Il a souvent été à deux doigts du martyre lui-même. Même jusqu'en 2006, il est resté dans la chaîne Al-Manar pendant les bombardements qui ont visé le bâtiment et après, cherchant à sauver tout ce qui pouvait l'être, y compris son matériel et ses archives, éléments essentiels de la poursuite du travail de la chaine télévisée. Il fut le dernier à quitter le bâtiment détruit. Ce n'est que grâce à un message de sayyed Nasrallah lui ordonnant de partir qu'il a changé son plan, pourtant il avait l'intention de reprendre les émissions depuis le site détruit.
Ceux qui ont observé l'expérience de hajj Mohammed pendant l'agression contre le Liban après le Déluge de l'Aqsa, notamment après le martyr de sayyed Nasrallah, savent que son insistance à tenir des conférences de presse dans la banlieue sud était une expression de sa conviction selon laquelle le courage et la disposition au sacrifice doivent aller de pair avec la responsabilité médiatique dans la Résistance, mais sans imprudence et avec réflexion, discernement et étude.
Sur la base de ces deux piliers, hajj Mohammad a travaillé à investir dans une série de qualités que je vais énoncer, chacune nécessitant explication, détail et exemples illustrant comment ce modèle de leadership rare dans les médias, les a traduites. Parmi les plus importantes figurent la culture, qu'il poursuivait sans cesse en diversifiant ses sources et ses domaines ; la précision dans la transmission d'informations et la présentation des récits ; la vérification des informations jusque dans leurs sources et leurs origines ; ainsi que le sérieux dans chaque tâche et activité qui s'y rattache.
Le sérieux qu'il accordait à ce que d'autres pouvaient considérer comme des questions mineures était identique à celui réservé aux questions majeures. Il encourageait la rédaction sur tout, notait des observations lors de chaque rendez-vous, échange ou dialogue, et rédigeait le texte qu'il allait prononcer tout en le vérifiant, malgré sa mémoire exceptionnelle, son abondant réservoir de connaissances, sa vivacité d'esprit, sa promptitude et sa perspicacité.
Il maîtrisait la langue à la fois à l'écrit et à l'oral, et il conseillait toujours de poursuivre l'éducation personnelle en matière de langue, admirant quiconque s'y engageait, considérant cela comme un signe de respect de soi, de l’identité, de la cause et des autres. Il voyait les erreurs linguistiques comme une faiblesse à laquelle aucun journaliste ne devrait se résigner sous prétexte qu'il y a toujours quelqu'un pour corriger.
C'est ici qu'entre en jeu l'initiative. Quiconque a connu hajj Mohammad sait qu'il était l'auteur d'initiatives, toujours offertes sous forme d'idées originales. Ses collègues à Al-Manar, qui l'ont accompagné en tant que directeur des actualités et des programmes politiques, ainsi que ses pairs au sein de la rencontre médiatique nationale, témoignent qu'à chaque tournant, événement ou développement majeur, il était le premier à appeler à la concertation, apportant une série d'idées. Mais il était également ouvert, sans hésitation, à entendre les suggestions des autres, et souvent il transformait ces idées en initiatives alternatives. Cela s'est produit à plusieurs reprises, et ses initiatives stimulaient souvent la réflexion, aboutissant à un mélange de ses idées initiales et des discussions qui en découlaient. Chaque fois, une idée d'un collègue devenait une initiative qu'il adoptait.
Dans son martyre, qui était le fruit d'un rôle de leader qu'il s'était choisi après les coups douloureux infligés à la Résistance, le plus dur étant le martyre de sayyed Nasrallah, suivi de celui de sayyed Hachem Safieddine, seul celui qui a choisi le martyre ou qui a décidé de se préparer à l'accepter peut jouer ce rôle. Cependant, cela doit être envisagé comme une mission, et non comme un suicide.
Bien que je puisse ajouter beaucoup d'éléments sur les piliers de son école, qui se sont manifestés avec splendeur durant les combats initiaux, je vais me limiter à expliquer la philosophie de hajj Mohammad concernant sa dernière mission, où il s'est manifesté avec les plus belles expressions de l'énonciation. Il croyait que la Résistance avait besoin de quelqu'un qui lui achète du temps en étant un dirigeant martyr prêt au sacrifice, ayant arrêté son choix sur la réussite de la mission tout en se préparant au martyre. Ce temps, nécessaire pour que la Résistance puisse rassembler ses éléments épars, réorganiser ses rangs, et panser certaines de ses blessures, devait, du point de vue de l'ennemi, être perçu comme empli de force, de vigueur et de défi, afin d'éviter que la Résistance n'apparaisse dans un moment de faiblesse.
Les combattants, en première ligne du front, ont besoin de sentir qu'il y a ceux qui protègent leurs dos sur le plan politique, par une présence constante et dynamique. Et le conflit avec l'ennemi nécessite une présence qui donne l'impression que la Résistance contrôle chaque détail et chaque mouvement, ce qui fait partie des exigences de la guerre. Le coût de ce rôle est probablement le martyre. À ce sujet, il disait : «Quelle valeur de rester en vie après le départ de notre âme, le maître de la Résistance ? Nous sommes tous abattus le jour de son martyre, mais nous continuons simplement à porter son sang jusqu'à notre fin».
Il y aura des occasions et des opportunités pour parler et écrire abondamment sur les caractéristiques de l'école médiatique établie par ce leader exceptionnel, qui, par son éthique, son humilité, sa sincérité, sa compassion, son émotion et sa noblesse, était une version du maitre de la Résistance, ayant appris ces qualités de ses enseignements et s'efforçant de les diffuser et de répandre leur parfum là où sa voix, son regard ou sa présence pouvaient atteindre.
Article paru dans le quotidien libanais al-Binaa, traduit par l’équipe du site
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