Un nouveau pari «israélien» sur les sanctions contre l’Iran: Que se passerait-il si le sort s’inversait ?

Par Ali Haidar*
«Israël» cherche à établir les sanctions contre l'Iran comme un outil stratégique après la guerre de douze jours, dans le but de l'étouffer et d'empêcher son redressement, malgré les risques d'escalade des réponses de Téhéran.
Au fil des années, les sanctions internationales contre l'Iran ont constitué un élément central dans la conception stratégique des décideurs en «Israël».
Ces sanctions n'ont pas été perçues comme un simple outil économique, mais comme une carte de pression stratégique multifonctionnelle, capable de priver Téhéran de ressources clés, de contenir ses ambitions dans les domaines du développement militaire, nucléaire et balistique, tout en travaillant, simultanément, à remodeler l'environnement régional qui l'entoure.
L'un des aspects les plus marquants de l'approche «israélienne» dans ce domaine est sa dynamique et sa flexibilité. Elle n'est pas rigide, mais ses paris et objectifs évoluent en fonction des changements dans les conditions internationales, de la situation interne en Iran, et des résultats des confrontations militaires et politiques dans la région.
Ainsi, les sanctions sont devenues un élément où se mêlent sécurité nationale et politique étrangère, rendant parfois difficile la séparation des dimensions économiques des dimensions politiques et psychologiques.
Avant l'accord nucléaire, «Tel Aviv» considérait les sanctions comme une ceinture de sécurité essentielle pour limiter le développement global de Téhéran, en particulier pour l'empêcher de progresser dans ses programmes nucléaire et militaire. À cette époque, on estimait que le renforcement des sanctions sévères serait suffisant pour contraindre l'Iran à faire des concessions significatives ou à reculer sur son projet.
Même Benjamin Netanyahu lui-même pariait sur le fait qu'une pression économique intense pourrait conduire à un effondrement du régime de l'intérieur. Cette conviction a conféré aux sanctions un caractère stratégique qui, aux yeux d'«Israël», surpassait toute option de négociation, leur attribuant une fonction dissuasive qui dépassait les limites de l'économie pour toucher au cœur politique et symbolique du régime iranien.
Avec la signature de l'accord nucléaire en 2015, et les événements qui ont suivi jusqu'au retrait du président américain Donald Trump de l'accord en 2018, «Tel Aviv» a ouvertement promu une seule alternative : le retour à une politique de sanctions, considérées comme le meilleur moyen de contraindre l'Iran à modifier ses choix stratégiques, plutôt que de s'engager dans un règlement à long terme.
Après l'arrivée de Trump à la Maison Blanche et l'adoption de sa politique de «pression maximale», qui a nécessité l'élargissement des sanctions aux secteurs financier, énergétique, maritime, ainsi qu'aux activités des Gardiens de la Révolution pour assécher les sources de puissance de l'Iran, «Israël» a vu une occasion en or de mettre en œuvre sa stratégie.
Un excès de sanctions pourrait pousser l'Iran à élargir ses réponses non conventionnelles dans la région
Aujourd'hui, après la guerre de douze jours, «Israël» cherche à élever les sanctions à un niveau supérieur, dépassant le simple objectif de prévenir l'enrichissement ou de réduire le programme de missiles, pour se concentrer sur la consolidation des résultats de la guerre elle-même. «Israël» estime qu'il n'a pas atteint tous ses objectifs et qu'il existe un véritable danger que l'Iran reconstruise ses programmes nucléaire et balistique, en tirant des leçons de l'affrontement.
Ainsi, les sanctions sont présentées actuellement comme un cadre global reliant économie, politique et société, dans le but d'atteindre plusieurs objectifs, parmi lesquels les plus notables sont les suivants : assécher les ressources financières de la République islamique, restreindre ses options internes en exacerbant les crises économiques et les manifestations sociales, délégitimer le régime de l'intérieur en amplifiant le coût de ses politiques auprès de l'opinion publique et en soulignant le lien entre l'activité régionale de Téhéran et les souffrances de son peuple, et renforcer l'alignement américano-«israélien» en utilisant les sanctions comme un outil commun pour redéfinir les règles du jeu régional.
Ce qui rend les sanctions plus urgentes après la guerre, c'est la conviction d'«Israël» que l'Iran dispose d'une période relativement courte pour reconstruire ses capacités, ce qui nécessite de renforcer le blocus à son encontre – tout en menaçant de la cibler à nouveau – en profitant de l'attention internationale récemment accordée au dossier iranien et en ouvrant la voie à une mobilisation plus large au sein du Conseil de sécurité et de l'Union européenne, tout en réduisant la marge de manœuvre de ses alliés régionaux.
Cependant, cette approche, malgré sa cohérence apparente, comporte des défis et des paradoxes. Jusqu'à présent, il n'y a pas eu en «Israël» de voix influente remettant en question l'efficacité du pari sur les sanctions, malgré l'expérience qui a montré la capacité de l'Iran à s'adapter et à trouver des alternatives. De plus, le contexte international actuel est très différent de celui qui prévalait au sommet des précédentes sanctions ou lors de la période de l'accord nucléaire.
Par ailleurs, un excès de sanctions pourrait inciter l'Iran à élargir ses réponses non conventionnelles dans la région et à renforcer le soutien populaire autour du régime plutôt que de l'affaiblir, surtout si le blocus est perçu comme une extension de la guerre agressive récente et comme une tentative de renverser le régime par des moyens non militaires.
Dans ce sens, l'Iran mise sur la résilience de son système interne et sa capacité à déplacer le conflit vers d'autres fronts.
En conséquence, il est clair que la phase post-guerre de douze jours n'est pas une continuation des phases précédentes, mais une étape charnière censée tracer le nouveau cadre du conflit : empêcher l'Iran de se redresser économiquement et militairement, et transformer la pression exercée sur ce pays en un outil de négociation plus coercitif.
C'est ici que réside le paradoxe stratégique ; l'instrument sur lequel on compte pour faire pencher la balance du conflit en faveur des États-Unis et d'«Israël», comporte de grands risques qui pourraient redéfinir l'environnement régional d'une manière différente de ce que Washington et «Tel Aviv» envisagent.
*Article paru dans le quotidien libanais AlAkhbar, traduit par l’équipe du site
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