Wikileaks/ évènements de 7 mai 2008: Hariri a demandé à Washington d’envoyer ses avions en Syrie

Le site Wikileaks continue de dévoiler les scandales des responsables politiques libanais ayant comploté contre la résistance et le Hezbollah. Cette fois, les câbles diplomatiques américains révèlent les dessous des deux résolutions prises par le gouvernement de Fouad Siniora en Mai 2008.
Le quotidien libanais Al-Akhbar, citant le site Wikileaks, a révélé que Saad Hariri, Samir Geagea, ainsi que d’autres personnalités des forces du 14 mars ont sollicité l’aide des Américains pour les soutenir en face du Hezbollah et préparer la bataille pour l’après deux fameuses résolutions décrétées le 5 mai 2008.
Les câbles montrent par ailleurs les divergences des points de vue entre les cadres du 14 mars quant à la décision du gouvernement de revenir sur sa décision, et leurs positions face à l’initiative arabe couronnée par l’accord de Doha à cette époque.
En effet, le câble portant le numéro BEIRUT669 08 datée du 12 Mai 2008 de la part de la chargée d’affaires américaine Michel Sisson révèle que le chef des Forces Libanaises Samir Geagea a dit au cours d’une visite nocturne à l’ambassade le 12 Mai 2008, en compagnie du ministre du tourisme Joseph Sarkiss, que le comportement du Premier ministre Fouad Siniora était « excellent ».
Geagea a ajouté que les deux dirigeants du 14 mars Saad Hariri et Walid Joumblatt devraient cesser de faire pression sur Siniora pour qu’il préside une réunion du conseil des ministres dans le but de revenir sur ses deux décisions controversées, à savoir le remplacement du directeur de la sécurité de l’aéroport et l’annonce de l’illégalité du réseau des télécommunications du Hezbollah.
Geagea: j’œuvre avec Rifi pour acheter des munitions aux combattants des Forces Libanaises
Sisson souligne que « Geagea croit que la délégation de la Ligue arabe, dirigée par le Qatar, pourrait être très utile si elle arrivait à Beyrouth le 14 Mai pour présenter un projet sérieux, au lieu de se contenter d’entendre. Enfin de compte, une stratégie à long terme visant à écraser le Hezbollah est nécessaire », a déclaré Geagea.
« Il nous a dit qu’il œuvre avec le directeur des forces de sécurité intérieure, le général Ashraf Rifi (allié de Saad Hariri) pour acheter des munitions aux milices des Forces Libanaises et aux combattants du parti progressiste socialiste de Joumblatt », ajoute Sisson dans ce câble.
Cette dernière a de plus rapporté de Samir Geagea qu’il avait visité Fouad Siniora pour le convaincre de convoquer le cabinet ministériel à une réunion afin de discuter d’une possible abolition des deux décisions prises le 25 Mai, et liées au remplacement du directeur de la sécurité de l’aéroport et l’annonce de l’illégalité du réseau des télécommunications du Hezbollah. Siniora a rejeté sa demande et il lui a dit que le gouvernement ne pouvait pas revenir sur ses deux décisions sans une garantie sérieuse quant au retrait de l‘opposition des rues et de la route de l’aéroport. Geagea a dit que Siniora menaçait de démissionner juste pour son refus de retirer les deux décisions. De plus, Geagea a estimé que « les forces du 14 mars ont subi assez d’humiliation à ce jour ».
Le chef des FL a conclu que Siniora ne changera pas de position, et que Saad Hariri et Walid Joumblatt devraient cesser de faire pression sur le Premier ministre. « Le Premier ministre ne présentera rien gratuitement », a expliqué Geagea qui a affiché son soutien à la position de Siniora. Là, Sisson mentionne une remarque : « Joumblatt nous a cité, juste avant notre rencontre avec Geagea, les noms des dirigeants du 14 mars voulant que le gouvernement revienne sur ses deux décisions ».
Elle ajoute : « Geagea nous a dit qu’il soutiendrait l’élimination des deux résolutions, au cas où ceci conduirait à la résolution de la crise ». Et là encore, une remarque écrite par Sisson : « Nous n’étions pas surpris des propos du ministre Sarkiss selon lesquels au cas où le gouvernement se réunit, il votera contre l’élimination des deux décisions. Deux membres du gouvernement étaient hors du pays ces derniers jours, empêchant la tenue d’une réunion ministérielle, mais le ministre des affaires étrangères Tarek Mitri est rentré le 12 Mai, alors que les plans du ministre des déplacés Nehmé Tohmé restaient inconnus ».
« Ensuite, Geagea nous a appelé vers 22h40 locale du même jour pour nous informer que Saad comptait sur lui pour sommer ses ministres (Sarkiss) à accepter l’élimination des deux décisions. Geagea a dit qu’il poursuivra ses efforts envers Ghattas Khoury, le plus haut conseiller de Saad Hariri. Il a indiqué par ailleurs que Saad tiendra un point de presse prochainement », poursuit l’ambassadrice américaine au Liban dans sa lettre au département d’Etat américain.
Et elle conclut : « (…) Nous sommes d’accord que la délégation arabe sera plus efficace si elle présente un programme sérieux. Nous proposons que cette délégation fixe un programme décisif avant son arrivée ».
Hariri à Sisson: Que vos avions survolent Damas
Dans un autre câble portant le numéro BEIRUT66308, daté également du 12 Mai 2008, Sisson raconte que Saad Hariri et ses conseillers Nader Hariri et Ghattas Khoury ont sollicité d’elle le 12 Mai une aide américaine supplémentaire dans les prochaines 24 heures, avertissant qu’ils ont besoin de cette aide dans quelques heures et non pas dans les prochains jours ! Saad a proposé que les Etats-Unis envoient un avion pour survoler la Syrie ou qu’ils déploient leur sixième arsenal maritime tout au long de la côte syrienne. Il a averti que les forces du 14 mars ne pourront pas faire face longuement au Hezbollah, et qu’elles seront contraintes de parvenir à un accord au cas où cette aide tarde à venir.
Saad a par ailleurs insisté sur l’importance de l’arrivée de la délégation arabe présidée par le Qatar, et s’est dit profondément inquiet que leur arrivée ne soit pas prévue avant deux jours, c’est-à-dire avant le 14 Mai. Saad a réitéré qu’il s’est mis d’accord avec son collègue Walid Joumblatt sur la nécessité d’abolir les deux décisions gouvernementales au sujet du directeur de la sécurité de l’aéroport et l’illégalité du réseau des télécommunications du Hezbollah.
Il a souligné que les Libanais sont profondément déçus, et qu’ils n’ont plus confiance aux forces du 14 mars ni à la communauté internationale. « La Maison Blanche a utilisé le 9 Mai le terme « espérer » en parlant du Liban. Ca veut dire quoi espérer ? Espérer ne dissuadera pas la Syrie. Si les Etats-Unis ont pris la décision de ne pas agir, bon, ça on le connait, mais tout ce qu’ils doivent faire est d’envoyer un avion pour survoler Damas, en signe de menace ». Le chef du courant du Futur a par ailleurs proposé que les Etats-Unis déploient leur sixième arsenal maritime tout au long de la côte syrienne. « Faites quelque chose en Syrie, et non au Liban », a-t-il dit.
Ghattas Khoury aux Américains: Nous voulons vous voir agir en Syrie
De son côté, Ghattas Khoury a dit : « Parce que nous sommes des nationalistes arabes, nous voulons vous voir faire quelque chose en Syrie ».
Saad a indiqué que les forces du 14 mars n’ont pas besoin seulement d’encouragement pour rester « fortes ». « Sinon nous allons parvenir à un accord, ce qui apparaitra humiliant. Nous sommes en train de nous casser les os et nous ne voulons plus être vaincus dorénavant ». Il a affirmé qu’il a pris la décision, tout comme Joumblatt, de résister, mais s’ils ne trouvent aucun appui américain, ils se demanderont des raisons pour lesquelles ils poursuivent leur alliance avec les Etats-Unis. « Siniora ne veut pas d’effusion de sang au cours de son mandat », a ajouté Saad, mettant en garde que « le prolongement du conflit provoquera plus de pertes dans leurs rangs ».
De retour à Ghattas Khoury, celui-ci a espéré que Washington les appuie dans les prochaines 24 heures, en imposant un blocus aérien sur la Syrie et en augmentant les sanctions, et/ou en multipliant ses menaces contre l’Iran.
Nader Hariri a, lui, rappelé que cette aide est nécessaire « dans quelques heures et non pas dans les prochains jours, sinon, le gouvernement de Siniora tombera. Le Premier ministre doit sentir qu’il est sécurisé et qu’il est soutenu », selon lui.
Saad a demandé à Michel Sisson de transmettre à Washington un message, selon lequel : « Vous savez ce que vous devez faire, je ne sais pas ce que vous attendez. Dites à Washington, et non pas à moi, d’être forte ».
« L’Iran renforce son contrôle et la communauté internationale se contente de regarder », s’est plaint Saad. « Dans quelques mois, les problèmes se multiplieront », a-t-il prévu. Ghattas Khoury a par ailleurs dit : « Nous sommes maintenant en guerre civile, et nous devons la finir ».
Dans le cadre de cette rencontre, Saad s’est dit surpris que la délégation arabe n’arrivera que mercredi, le 12 Mai. Il a exprimé son inquiétude quant à une possible dégénération de la situation sur le terrain dans les deux prochains jours ». « Pourquoi ce retard ? Nous avons besoin d’eux maintenant », a insisté Saad.
Quant à la rumeur sur la planification de la Ligue arabe de tenir un round de pourparlers à Doha, Saad a tranché qu’il restera à Beyrouth, parce que, selon lui, son départ pourra compliquer le conflit, et de longues discussions pourront avoir lieu après l’élection du chef de l’Etat.
Au cours de cette rencontre, l’adversaire politique druze de Joumblatt, Talal Erslane, a mis en garde ce dernier, à travers des déclarations télévisées via la chaine AlArabiya qu’il « devrait remettre ses armes ou bien … ».
Saad a prétendu que ce dernier avertissement est derrière le retard de l’arrivée de la délégation arabe, affirmant qu’ « il est prévu que Damas ait informé cette délégation de reporter son arrivée », selon la version de Sisson.