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Entretien avec cheikh Naim Qassem sur la chaîne Al Manar à l’occasion du premier anniversaire de sa nomination au poste de secrétaire général du Hezbollah 

Entretien avec cheikh Naim Qassem sur la chaîne Al Manar à l’occasion du premier anniversaire de sa nomination au poste de secrétaire général du Hezbollah 
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Imad Marmal :
Une année s’est écoulée depuis l’élection d’un nouveau secrétaire général du Hezbollah et depuis la bataille des Vaillants. Le point commun entre ces deux événements est un homme courageux, doté d’une bravoure exceptionnelle, qu’on a surnommé «le martyr en puissance»: cheikh Naim Qassem, qui a assumé la plus lourde des responsabilités et relevé le défi le plus difficile à un moment où certains pensaient qu’il était impossible pour le Hezbollah de se relever après l’assassinat de sayyed Hassan Nasrallah, celui de sayyed Hachem Safieddine et d’une élite de cadres et dirigeants.
Soudain, cheikh Qassem s’est retrouvé au cœur de la salle d’opérations, dirigeant la résistance dans l’une des batailles les plus décisives, lui qui, du jour au lendemain, est passé du champ politique à la gestion du terrain militaire.
Malgré cela, il est resté ferme, solide, calme, rassurant et confiant, au point que certains de ses proches ont affirmé qu’ils l’avaient redécouvert durant la guerre et des qualités de leadership qui étaient jusque-là en sommeil sont soudain apparues au grand jour.
Il n’est pas seulement le secrétaire général du Hezbollah, mais il est devenu – par décision populaire – le chef dépositaire de l’héritage du martyr suprême, l’expression de ses espoirs et de ses douleurs.
Son environnement l’a plébiscité et une relation d’affection réciproque, sincère et spontanée, s’est établie entre eux.
Après une année à la tête du Hezbollah, comment cheikh Naïm Qassem décrit-il cette expérience? Que va-t-il révéler des chapitres de la bataille des Vaillants et de ses multiples dimensions ? Que dira-t-il du parcours de la résistance, de son avenir, de ses armes et de son peuple? Jusqu’à quand restera-t-il armé de la patience stratégique face aux agressions israéliennes ? S’attend-il à une nouvelle offensive majeure contre le Liban ?
Et puis, où se situe le parti dans les dossiers internes ?
Veut-il réellement que les élections législatives aient lieu à leur date constitutionnelle ?
Quel sera le devenir de la relation avec les présidents de la République et du Conseil des ministres ?
Quelle place occupe le président Nabih Berry auprès de cheikh Kassem?
Comment aborde-t-il les législatives et leurs alliances ?
Et qu’en est-il des dossiers de la reconstruction, de la libération des prisonniers, et d’autres questions seront abordées dans cet entretien exceptionnel.
Imad Marmal: D’abord, personnellement vous m’avez beaucoup manqué, je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de vous rencontrer.
Cheikh Qassem: Que Dieu vous bénisse.
Imad Marmal: Avant d’entrer dans les axes de l’entretien, il y a une question qui intrigue les adversaires et les amis depuis la création du Hezbollah : alors que vous faites d’immenses sacrifices que beaucoup ne peuvent supporter – sang, destruction, pressions, siège – vous êtes toujours restés debout, solides, influents et patients.
Quel est votre secret ? Est-ce de l’obstination ou une énergie extraordinaire ?
Cheikh Naim Qassem :
Bismillah al rahmane al rahim
Le Hezbollah est un projet stratégique lié à une vision, lié au traitement des affaires des gens et à la position face à tout ce qui constitue un défi ou un affrontement.
S’agissant de la vision, nous sommes un groupe qui s’engage dans l’islam originel.
S’engager dans l’islam signifie que l’homme a choisi une méthode de vie : une méthode fondée sur la foi, la pensée, la culture, la pratique, le comportement, la politique et la société.
Celui qui veut savoir comment cette méthode s’applique n’a qu’à regarder l’expérience du Prophète Mohammad: à La Mecque, il a appelé à suivre Dieu et cette voie divine ; à Médine, il a établi l’État islamique. Il a été le commandant de l’armée et il a mené de nombreuses batailles pour consolider ce projet et affronter les ennemis qui s’étaient ligués contre lui et contre sa mission.
Il a aussi établi une structure sociale, culturelle et comportementale à l’intérieur de la société.
En d’autres termes, l’islam est une méthode de vie.
Nous avons choisi l’islam comme méthode de vie. Le Hezbollah a donc choisi l’islam comme voie pour sa vie : c’est le premier point.
Deuxièmement, lorsque nous sommes confrontés à des défis – sociaux, économiques, moraux, éducatifs, ou à des agressions, des usurpations de terre, à l’agression israélienne et tout ce qui la soutient, il y a une position à adopter : la résistance, le défi, l’affrontement.
Dans le processus de la résistance, nous ne menons pas un projet en disant : «Nous avons une terre occupée, nous essayons de régler le problème ; si ça marche tant mieux, si ça échoue on laisse tomber.»
Non. C’est une résistance, un jihad, un projet, une méthode – une méthode pour toute la vie, du début à la fin.
Ce n’est pas une méthode pour une partie de la vie.
Ce n’est pas un projet que l’on adopte seulement si l’on obtient des profits tactiques.
Dès la création du Hezbollah sur la méthode de l’islam et sur l’adoption du projet de la résistance – face à des défis qui ne peuvent être traités que par le jihad et la résistance – cela signifie que tous ceux qui s’inscrivent dans cette voie sont prêts à faire les sacrifices les plus extrêmes.
Dans l’islam, il est dit : «Dieu a acheté aux croyants leurs personnes et leurs biens en échange du Paradis. Ils combattent dans la voie de Dieu : ils tuent et sont tués.»
Nous avons pris cette décision dès le départ : nous voulons affronter ; nous pouvons obtenir le martyre ou obtenir la victoire.
Ainsi, la question «Êtes-vous fatigués ?» n’a pas lieu d’être.
Nous ne nous fatiguons pas, parce que la vie est faite d’épreuves. Il est normal qu’elle soit fatigante. Ce qui n’est pas normal, c’est qu’un homme, sous prétexte de fatigue, se rende, s’effondre ou change ses principes pour des acquis passagers.
Nous, grâce à Dieu, nous sommes solides, constants – non pas en tant qu’individus, mais en tant que collectivité. Tous ceux qui appartiennent à ce parcours, au Hezbollah et à la résistance – qu’ils soient dans l’organisation, ou des soutiens ou encore engagés d’une manière ou d’une autre dans cette voie – sont des gens qui supportent les défis et en sortent plus purs.
Ce qui m’a frappé il y a deux jours, c’est qu’en suivant une chaîne de télévision, j’ai entendu une présentatrice dire : «Toutes les forces, tous les partis passent par une phase où ils atteignent un sommet, puis essuient des coups, ont des problèmes, des complications, et déclinent peu à peu jusqu’à disparaître.
Sauf le Hezbollah : il apparaît que plus les coups sont rudes, plus il devient déterminé, plus les gens se rassemblent autour de lui, plus il y a d’interaction autour de lui.»
La présentatrice a ajouté : «Nous cherchons la raison.»
Et la raison était, c’est en tout cas ce qu’elle a dit: cette foi dans l’invisible et dans le spirituel qui produit cette solidité.
Elle a déclaré cela – et je le confirme. Cette foi dans l’invisible se renforce au lieu de s’affaiblir face aux défis.
Le Coran dit : «Ceux auxquels les gens ont dit : “Les gens se sont rassemblés contre vous, craignez-les !” – cela ne fit qu’augmenter leur foi, et ils dirent : “Dieu nous suffit, et quel excellent Protecteur !”»
Plus la pression augmente, plus l’homme se sent responsable de préserver la voie à laquelle il croit – celle de l’islam, de la résistance, de la dignité, et de l’unité.
Imad Marmal :
Après avoir assumé le secrétariat général du Hezbollah et dirigé l’affrontement avec l’ennemi israélien après l’assassinat des sayyeds Hassan Nasrallah et Hachem Safieddine, on a dit que cheikh Naïm Qassem était «un martyr en puissance» au sens littéral du terme, parce que vous avez assumé un rôle dangereux à un moment critique.
Honnêtement,: avez-vous appréhendé cette responsabilité ?
Cheikh Naim Qassem :
D’abord, je souhaite commenter cette description selon laquelle certains me qualifient de «martyr en puissance» : c’est vrai, mais ils ne se rendent pas compte que tous les membres du parti sont des martyrs en puissance.
Pourquoi ?
Celui qui se tient sur la ligne de front, celui qui se tient derrière le missile, celui qui offre ce qu’il a de plus précieux pour se rapprocher de Dieu – ces familles qui élèvent leurs enfants dans cette voie et supportent toutes les difficultés – ce sont tous des martyrs en puissance.
Je suis l’un d’eux.
Ce n’est donc pas une caractéristique qui m’est propre.
Cette voie fabrique des martyrs en puissance, et seul celui qui veut être un martyr en puissance peut s’y maintenir.
Ce terme signifie accepter d’affronter les difficultés pour réaliser l’idée en laquelle on croit, et non pas rechercher la mort. C’est plutôt ne pas en avoir peur.
Lorsque la responsabilité est venue de manière très, très, très soudaine – je ne m’attendais pas à perdre le deuxième secrétaire général aussi vite, et de cette manière – je n’y étais pas préparé.
J’ai déjà dit que j’ai senti, l’espace d’un instant, que ma vie avait basculé: tout devait être changé, ma manière de vivre, ma façon de suivre les dossiers…
Mais en y réfléchissant intérieurement, je me suis dit : j’ai choisi cette voie – celle de l’islam, de la résistance.
Cette voie n’est pas exempte de difficultés ; on ne sait pas quand viendra la réussite, ni quand on se reposera.
Puisque j’ai choisi cette voie, je dois accepter tout ce qu’elle englobe.
J’ai donc accepté sereinement la responsabilité, et j’ai considéré que Dieu guide et accorde Son assistance, et c’est ce que j’ai ressenti dès le premier instant jusqu’à aujourd’hui.
Je n’exagère pas quand je dis : «Dieu est mon guide», parce que je crois qu’il y a un soutien divin immense à cette responsabilité.
C’est Sa voie, Son chemin, et grâce à Dieu ce parcours avance jusqu’à maintenant.
Imad Marmal:
Avez-vous eu le sentiment d’être devenu seul après l’assassinat de vos compagnons de route et de jihad, les deux sayyeds Hassan Nasrallah et Hachem Safieddine ?
Cheikh Naim Qassem :
Pourquoi serais-je seul ?
Si j’étais seul, pourrais-je accomplir quoi que ce soit ? Non.
C’est un parti structuré : il y a une Choura, des dirigeants, des combattants, un peuple, des scouts…
Ce parti n’est pas dirigé par un seul homme.
S’il n’y a pas des gens qui travaillent avec lui, l’aident et assument les rôles, un responsable ne peut rien accomplir.
Je n’ai pas senti que j’étais seul, et je ne l’étais pas, grâce à Dieu.
Nous nous consultons avec les frères, avec les membres de la Choura pour les décisions qui le nécessitent.
Nous délibérions et prenons les décisions collectivement.
Avec les dirigeants militaires aussi, nous nous consultons, donnons des ordres, recevons des propositions…
S’il n’y avait pas un collectif actif, nous n’aurions pas pu réussir.
Je le dis : les réalisations de la bataille des Vaillants sont celles du parti en tant que tel, de la résistance en tant que telle, et non celles d’un individu.
Imad Marmal :
On vous a proposé durant la guerre de partir en Iran et de diriger la bataille à partir de là-bas, mais vous avez refusé. Pourquoi avoir rejeté cette option alors que votre présence ici représentait un risque élevé, surtout à un moment où le Hezbollah ne pouvait pas supporter un nouveau coup ? Pourquoi avez-vous pris ce risque et êtes-vous resté ?
Cheikh Naim Qassem :
L’un des frères, un commandant des Gardiens de la révolution présent au Liban, a demandé un rendez-vous urgent.
Nous nous sommes rencontrés.
Il m’a dit : «Je pense qu’il serait préférable que vous alliez en Iran.»
Je lui ai demandé : «Pourquoi ?»
Il m’a répondu : «Parce que le premier secrétaire général a été assassiné, le deuxième aussi, et apparemment vous risquez de les suivre. Il est impossible pour quelqu’un de se cacher ou même de bouger dans la situation actuelle.
Et je vous garantis que si vous allez là-bas, vous disposerez de tous les moyens de communication nécessaires pour gérer la bataille, avec les jeunes, les dirigeants, de sorte que personne ne pourrait sentir votre absence.»
Je lui ai répondu : «L’essentiel, c’est ce  que moi je sens.
Puis-je quitter la bataille dans laquelle sont présents tous les gens, tous les jeunes ?
Je ne le peux pas.
C’est exclu.
Nous devons, nous et les frères chargés de la sécurité, créer les conditions adéquates pour la protection et ne pas abandonner la place.
Je n’ai pas accepté, car on doit suivre le terrain, être au cœur de la bataille.
Mon devoir, mon obligation me commandent de rester.
Les destinées sont entre les mains de Dieu.
Nous faisons ce qu’il faut en matière de précautions, et on se remet à Dieu.
Et grâce à Dieu, il en a été ainsi.»
Imad Marmal :
Entre l’assassinat de sayyed Hachem Safieddine le 4 octobre et votre entrée en fonction officielle en tant que secrétaire général le 29 octobre, il y a eu une phase transitoire.
Qui a dirigé le parti pendant cette phase ?
Et est-il vrai que la décision finale revenait à Téhéran à ce moment-là ?
Cheikh Naim Qassem :
Dès l’assassinat du secrétaire général, le maître des martyrs de la nation, sayyed Hassan, selon le règlement interne, le secrétaire général adjoint le remplace jusqu’à l’élection d’un nouveau secrétaire général.
J’ai donc immédiatement assumé la fonction.
Je me suis entretenu avec sayyed Hachem, je lui ai dit : «Répartissons les rôles selon la situation actuelle : puisque vous êtes au Conseil jihadiste et proche des frères, prenez en charge le dossier militaire, et je suivrai le dossier politique, médiatique et les autres. Nous nous consulterons sur les détails, même pour décider quand frapper Tel-Aviv ou ne pas la frapper.»
C’est ce qui s’est passé durant cette courte période.
Lorsque sayyed Hachem a été assassiné - il disait environ deux jours avant son martyre, un mercredi, qu’il avait fait son choix pour être le prochain secrétaire général, et nous avions convenu d’annoncer cela samedi ou dimanche- je continuais à assumer la responsabilité.
Lorsqu’il a été assassiné le jeudi, j’ai continué à assumer la responsabilité du secrétaire général, en tant que secrétaire général adjoint.
Rien n’a changé dans le suivi.
À noter que sayyed Hachem a été assassiné le 4 du mois.
Les frères m’ont choisi comme secrétaire général le 9 du mois, mais cela n’a pas été annoncé parce qu’il y avait une difficulté essentielle : nous n’avions pas pu retrouver le corps de sayyed Hachem.
Il restait une possibilité qu’il soit en vie.
Comment annoncer un nouveau secrétaire général alors que le sort de l’ancien n’était pas encore connu ?
Ainsi, que ce soit en tant que secrétaire général adjoint remplaçant le secrétaire général, ou en tant que secrétaire général élu le 9, je suivais naturellement toute cette période.
Toutefois, je n’utilisais pas le titre de secrétaire général dans la structure interne tant que cela n’était pas annoncé.
L’annonce n’a été possible qu’après la confirmation du sort de sayyed Hachem le 29.
Une semaine après cette confirmation, l’annonce officielle a été faite.
Durant toute cette période, la direction s’est déroulée selon le règlement interne.
Quant au fait de dire que les Iraniens dirigeaient le parti pendant cette période, c’est une histoire inventée par ceux qui n’ont pas compris notre organisation interne.
Nous n’avons aucune ambiguïté : le secrétaire général adjoint remplace le secrétaire général en tout.
Et c’est ce qui s’est passé.
Je rappelle que le 8 octobre – c’est-à-dire quatre jours après l’assassinat de sayyed Hachem- dans un discours pour l’anniversaire du Déluge d’al-Aqsa, j’ai dit : «Nous avons rétabli le système de commandement et de contrôle.»
Certains médias, étrangers et «israéliens», ont cru que c’était un discours purement destiné à relever le moral de nos partisans.
Mais, quatre ou cinq jours plus tard, ils ont constaté que le front fonctionnait régulièrement et que les missiles et les drones étaient lancés de manière organisée.
Cela n’aurait pas pu se produire s’il n’y avait pas de direction ni d’organisation dans le suivi.
Nous avons retrouvé rapidement notre cohésion, rempli les postes vacants, et la direction a été efficace grâce à tous les frères qui ont contribué à ce résultat.
Les dix jours qui ont suivi le 27 du mois jusqu’au 7 ont été très difficiles, des jours ressemblant à un «tremblement» pour nous.
Puis les choses se sont organisées graduellement.
Grâce à Dieu, tout s’est déroulé normalement, et la bataille a été gérée par le Hezbollah, avec sa direction, sa Choura, ses combattants et tous ceux qui travaillent sous cette bannière.
Imad Marmal :
Quel effet a eu sur vous la lettre que vous a adressé le Guide de la République islamique, l’ayatollah Ali Khamenei, après votre élection à la tête du Hezbollah, dans laquelle il vous a exprimé son soutien personnel?
Cheikh Naim Qassem :
J’avoue qu’elle a eu une valeur immense pour moi.
L’ayatollah Khamenei a utilisé cette expression :
«Je vous soutiendrai de la même façon dont je soutenais le sayyed martyr.»
Que signifie que le wali al-faqih accorde un soutien du même niveau et de la même façon dont il soutenait le sayyed des martyrs de la nation – avec tout ce qu’il représente- dans sa position et son rôle ?
J’ai considéré que c’était une dose de soutien qui aide le secrétaire général à accomplir la mission qui lui est confiée.
Savoir que le leader de la Révolution islamique d’Iran est derrière vous, vous donne son appui, donne un élan et une force morale.
En effet, nous avons remarqué plus tard que l’aide financière et toutes les formes de soutien nous sont parvenues.
J’ai appris par la suite que l’ayatollah Khamenei suivait en détail la bataille, ses résultats, le niveau des besoins et il donnait des instructions pour le soutien.
Sinon, comment ces moyens, ces aides, même les armes, auraient-ils pu arriver en pleine guerre, via la Syrie et d’autres voies ?
Pour moi, cela signifiait beaucoup.
J’avais besoin que quelqu’un m’aide et soit avec moi. J’avais les frères de la Choura, les dirigeants, et le Guide qui me donnait l’élan moral, en plus de sa présence pratique.
Imad Marmal :
J’ai appris que durant la guerre, vous répétiez la parole de l’imam Ali : «Le terme de chacun suffit comme gardien.» Peut-on en déduire que vous vous protégiez de la mort… par la mort ?
Cheikh Naim Qassem :
Alors là, c’est votre expression à vous : «se protéger de la mort par la mort ». Elle est belle, cette formule.
Cette parole de l’imam Ali, j’ai une histoire avec elle. Un jour, je suis allé en visite en Iran, et je voulais faire un tour pour rencontrer des chercheurs. C’était en 1980, donc peu après le début de la victoire de la Révolution. J’ai rendu visite à l’un des chercheurs – un homme vertueux, d’une grande éducation morale. Il se trouve que ma visite a eu lieu à l’heure du maghreb. Nous avions terminé, et nous voulions partir au moment du maghreb pour aller prier. Et je l’ai trouvé sortant avec moi. Je me suis dit : c’est naturel qu’il m’accompagne jusqu’à la porte. Il m’a accompagné jusqu’à la porte, ce qui est normal.
Très bien, nous avons franchi la porte, mais il a continué à marcher avec moi. Je lui ai dit : «Maître, je veux prendre un taxi.»
La distance entre la maison et la rue principale était d’environ trente mètres. Je craignais qu’il continue à m’accompagner plus loin.
Il m’a répondu : «Non, ce n’est pas pour vous accompagner. Je veux moi-même prendre un taxi, car j’ai une prière collective dans un autre endroit.»
Nous nous sommes donc mis en route. À l’époque, il y avait en Iran des assassinats. Je lui ai dit : «Maître, que dites-vous ? Il se peut que l’un d’entre vous soit assassiné en chemin. Pourquoi ne prenez-vous pas des précautions ?»
Il m’a répondu : «Le terme suffit comme gardien», en dialecte persan. Quelle belle phrase ! Bien sûr, je la connaissais déjà, mais elle est apparue là dans cette scène remarquable.
Depuis ce jour, c’est comme si quelque chose était tombé dans mon esprit et dans mon âme : j’ai commencé à ressentir que la mort vient toujours de Dieu. «Lorsque le terme vient, personne ne peut ni le retarder ni l’avancer d’une heure.» Alors pourquoi l’homme se mettrait-il à calculer ? L’homme accomplit son devoir. Pour cette raison, oui, j’affirme que «le terme suffit comme gardien».
Oui, nous accomplissons nos devoirs, nos devoirs de protection, mais ces devoirs n’empêchent pas le terme. Ils empêchent ce que nous voyons. C’est-à-dire que moi, ce que je vois comme menant à la mort, je dois m’en prémunir, mais il peut y avoir d’autres causes, parfois l’homme ne sait pas comment elles surviennent, mais le terme arrive, et l’affaire se termine. C’est pour cela qu’avec le Commandeur des croyants : «Le terme suffit comme gardien.»
Imad Marmal :
Quelle a été la stratégie que vous avez adoptée dans la direction et la gestion de la bataille des Vaillants ? C’est-à-dire : comment voir cette bataille à travers les yeux de celui qui l’a dirigée ?
Cheikh Naim Kassem :
Écoutez, l’un des frères, une semaine après que j’ai commencé à diriger la bataille, m’a dit : «Vous devez savoir que nous sommes surpris.»
Je lui ai dit : «Pourquoi surpris ?»
Il me répond : «C’est que la gestion militaire est différente de la gestion politique.»
Je lui ai dit : «N’oubliez pas que nous sommes un parti. Dans ce parti, il y a une direction. Cette direction comprend un certain nombre de personnes, toutes qualifiées pour diriger. Pourquoi ? Parce qu’elles maîtrisent la pensée culturelle et spirituelle, maîtrisent la pensée politique, connaissent la stratégie du travail, et elles sont assises en train de diriger et d’organiser. Donc l’un d’eux doit forcément connaître la stratégie.
Deuxièmement, il doit avoir une capacité administrative. Aucune personne ne peut occuper cette position si elle n’a pas une certaine compétence administrative. Donc lorsque la vision stratégique existe et que la capacité d’administration existe, les choses avancent tout de suite.
Pour ce qui est de la gestion de la bataille, en vérité, il y avait quelqu’un qui cherchait certaines méthodes adaptées aux circonstances dans lesquelles nous nous trouvions. Par exemple : il y a eu une difficulté dans les communications. Elles sont restées, mais elles étaient difficiles parce qu’elles étaient à découvert.
Très bien, il fallait inventer des méthodes de communication, de liaison, de tenue de réunions, de transmission des décisions, adaptées au contexte militaire difficile. Et tout cela s’est produit, et nous avons commencé à le développer encore davantage. Alors, la communication, le mouvement, la gestion, ainsi que la prise de décision sont devenus possibles. Par exemple, la décision chez nous est connue : c’est une décision de «choura» (concertation). Très bien, on a commencé à contacter les membres de la choura, à recueillir leurs avis. Parfois il n’était pas possible de tenir une réunion. Alors, il y avait d’autres moyens, et nous les avons adoptés pour assurer la communication.
Donc pour la gestion et le suivi, il y a bien sûr un ensemble de méthodes, mais je ne peux pas en donner les détails. Je ne vais pas dévoiler tous les secrets, surtout ceux qui concernent la manière de gérer. Mais vous pouvez deviner à partir des résultats- c’est-à-dire que les roquettes ont été lancées de façon régulière, chaque jour, à raison de 150 roquettes et drones, pendant des mois, deux mois plus précisément. Tout cela est-il possible sans gestion ?! Mais comment s’effectue la communication ? Là se trouve le secret, qui reste dans le cadre de nos ententes avec les frères qui sont sur le terrain. Et Dieu soit loué, il y a aussi des personnes avec qui nous travaillons et qui ont des compétences et des capacités, et elles ont aidé aussi dans ce domaine.
Imad Marmal :
Peut-on dire que le lancement des roquettes et le choix des cibles relevaient d’une décision politique, ou bien y avait-il une marge d’initiative pour les hommes du terrain ?
Cheikh Naim Qassem :
Dans le lancement des roquettes, il y a deux éléments essentiels :
Premièrement : un lancement routinier. C’est-à-dire, par exemple, qu’il faut lancer chaque jour cent roquettes. On appelle cela un lancement routinier : cent roquettes, par exemple, qui doivent atteindre certains endroits fixés ici et là, c’est-à-dire que les lieux sont déterminés.
Deuxièmement : un autre type de lancement, comme viser «Tel-Aviv», ou certains endroits à Haïfa, ou des sites spécifiques dans certaines casernes. Cela nécessite une décision particulière.
La méthode coordonnée entre le secrétaire général et le commandement militaire établissait un tableau, dans lequel figurait ce qui devait être exécuté sur plusieurs jours, et il y avait autre chose en lien avec un événement particulier : par exemple, si nous voulons frapper «Tel-Aviv», cela nécessite une autorisation au moment voulu.
Tout cela était suivi selon un plan et un mécanisme de communication. Rien n’était aléatoire. Tout était fondé sur des propositions du commandement militaire, sur le suivi du secrétaire général et sur le suivi direct du commandement militaire.
Imad Marmal :
Arrêtons-nous sur certaines étapes de la bataille des Vaillants. Par exemple : la frappe visant Netanyahou ou son domicile. Comment cette opération avait-elle été planifiée ? Quels en étaient les contextes et les objectifs ? Vouliez-vous réellement l’assassiner ou vouliez-vous simplement lui adresser un avertissement, en introduisant un drone de la résistance dans sa chambre à coucher dans sa maison de Césarée ?
Cheikh Naim Qassem :
L’un des frères qui avaient un lien avec le terrain, qui avait la carte et connaissait les lieux, a informé son responsable et lui a dit : «Si vous avez l’idée de frapper cet endroit, je suis capable de préparer les coordonnées exactes pour le frapper.» Il a obtenu l’autorisation, et il a frappé. Et ce frère a réussi parce qu’il a su établir les coordonnées correctement.
Il y en a beaucoup comme lui, car les frères sont entraînés et possèdent une grande expertise. La preuve : tous les endroits qu’ils ont ciblés et qu’ils voulaient atteindre, ils les ont atteints, grâce à Dieu.
Donc oui, cette frappe visait soit à l’atteindre lui, soit à atteindre sa maison. Car personne ne peut savoir, à ce moment-là, s’il se trouvait dans la maison ou non. Nous ne sommes pas allés jusque-là dans les détails. Le ciblage concernait la maison, et la chambre à coucher précisément.
C’était une réalisation supplémentaire au niveau du renseignement, en plus de la réalisation opérationnelle, puisqu’on a effectivement atteint la cible.
Imad Marmal :
Un autre moment marquant de la bataille des Vaillants: le bombardement de «Tel-Aviv» d’une manière douloureuse et sévère, quelques jours avant l’accord de cessez-le-feu, ce jour, les «Israéliens» l’ont appelé le «dimanche noir». Ce scénario de bombardement de «Tel-Aviv» avait-il été élaboré sur la base d’une décision politique que vous aviez personnellement prise, ou bien était-ce une initiative du terrain ?
Cheikh Naim Qassem :
Non. En réalité, il y a eu une discussion parmi les frères militaires. Ils nous ont même transmis ce point : «Le rythme que nous suivons, fait certes mal à l’ennemi, mais il semble qu’il ne soit pas suffisant. Nous avons besoin de quelque chose de plus douloureux.»
Nous frappions «Tel-Aviv» de temps à autre : une roquette, deux ou trois. Et Haïfa était presque devenue une cible permanente. Une proposition a donc été faite : «Lançons une salve exceptionnelle.» C’est-à-dire un modèle qui ne se répète pas tous les jours, mais certains jours seulement. Ce modèle, si la guerre s’était prolongée, aurait pu se répéter à d’autres reprises.
Ce jour-là, la décision a été prise : «Faisons une frappe spéciale, pour faire plus mal à l’ennemi, cela pourrait accélérer la conclusion du cessez-le-feu.»
En réalité, cela reposait sur une décision politique, pas seulement sur une initiative du terrain. Le niveau de discipline et d’engagement du commandement militaire est très élevé. Il n’y a pas cette distinction : le front d’un côté, la direction politique, le secrétaire général et les membres de la choura de l’autre. Tout l’ensemble dirigeant n’en forme qu’un seul, et tout cela est intégré.
L’une des grâces divines est que nous avons réussi, durant la guerre, à rester soudés et interactifs. Certains pourraient être surpris que des décisions comme celle portant sur le cessez-le-feu et ses détails aient nécessité des discussions. Ce n’était pas : «Voici ce que nous avons, qu’en pensez-vous ? Oui ou non ?» Non, ce n’était pas ainsi.
L’un d’entre nous disait : «Peut-être devrions-nous ajouter cette remarque.»
Un autre répondait : «Non, nous avons certaines modifications.»
Il y a eu une véritable discussion. Nous avons apporté l’accord tel quel et l’avons distribué aux membres de la choura et à certains autour de la choura. Les avis ont commencé à arriver : l’un disait «faites ceci», l’autre «faites cela», etc. Il y a eu des échanges avant que les résultats ne soient présentés.
Cela montre qu’il existait un système de commandement et de contrôle politique, ainsi que militaire.
Imad Marmal :
Malgré cela, les partisans de la résistance supposaient que les roquettes du Hezbollah étaient capables d’infliger à Israël des dégâts et des pertes plus importants que ce qu’il a déjà subis, en lien avec ce que vous aviez déclaré auparavant au cas où l’ennemi lancerait une offensive élargie.
Y a-t-il eu une faille dans vos calculs, ou bien la première et grande frappe que l’ennemi a portée contre la résistance au début de l’élargissement de la guerre a-t-elle eu un impact majeur, disons, en perturbant les plans existants ?
Cheikh Naim Qassem :
Je veux être franc avec vous. La frappe du 23 septembre, quatre jours avant le martyre du sayyed martyr de la nation, qui a compté mille six cents raids et où cinq cent cinquante martyrs et martyres sont tombés – y compris des civils –, cette frappe a eu un très gros impact. Et lorsque les frappes visant les commandements ont eu lieu, cela a joué un rôle dans la réduction de la capacité et de la préparation.
Donc, lorsque nous sommes arrivés et avons commencé à suivre la bataille, nous la suivions avec une capacité inférieure à celle du début, avec des données dont nous observions les effets et les résultats.
Il y avait quelqu’un au cœur de la bataille qui disait : «Eh bien, allons frapper de manière aléatoire.»
Bien sûr que nous pourrions atteindre des bâtiments, provoquer des incendies, enflammer Karish, et faire ce que nous pouvions. En sommes-nous capables ? Oui. Mais nous considérions que si nous voulions agir avec barbarie, l’ennemi l’est bien plus. Et donc le prix à payer serait très élevé.
C’est pourquoi nous avons maintenu la précision : nous avons ciblé uniquement les objectifs militaires.
Et en ciblant les objectifs militaires, tenant compte des circonstances, et de notre appréciation politique de ce qui est utile ou non, voilà le résultat que vous avez vu devant vous.
C’est le résultat d’une évaluation et d’une capacité.
Maintenant, certains diront : «S’ils avaient frappé Tel-Aviv tous les jours, cela aurait été mieux». 
Premièrement, il faut regarder notre conviction du moment : fallait-il frapper «Tel-Aviv» quotidiennement ou pas ? Voilà une chose.
Deuxièmement : comment voulions-nous gérer la bataille de manière à garantir la plus longue durée possible de confrontation, sans nous retrouver dans une situation où nous n’aurions plus la capacité de continuer ?
Tout cela faisait partie du calcul.
Imad Marmal
 Une autre question que j’ai entendue après le martyre de sayyed Hassan Nasrallah : pourquoi le Hezbollah n’a-t-il pas immédiatement répliqué par une réponse sévère à la hauteur du crime commis par l’ennemi israélien ? Y avait-il des considérations particulières qui ont limité vos options à ce moment-là ?
Cheikh Naïm Qassem :
C’est exactement la même réponse que précédemment.
Un jour après le martyre du Sayed, nous avons frappé la zone d’«Adoumim», «Maalé Adoumim», située à 150 kilomètres de la frontière, dans la région d’al-Qods (Jérusalem). C’est l’une des réponses qui a été faite.
Ensuite, nous avons fait ce que nous pouvions. Selon notre estimation, ce que nous avons fait, c'était ce qui était possible.
Quelqu’un peut sortir et dire : «Vous auriez dû faire plus ou moins.»
Mais celui qui regarde de l’extérieur est une chose, et celui qui dirige depuis le terrain en est une autre.
Je pense que nous avons fait ce que nous devions faire et ce que nous étions capables de faire.
Imad Marmal : Étant donné la répartition des rôles et des missions au sein du Hezbollah, en tant que secrétaire général adjoint, vous n’étiez pas au courant de tous les détails du volet militaire. Comment avez-vous pu, après avoir assumé la direction générale, gérer cette question alors que vous étiez en plein cœur de la bataille, là où il fallait prendre des décisions plutôt qu’acquérir de l’expérience ?
Cheikh Naïm Qassem :
Maintenant, au cœur de la bataille, qu’est-ce qui est demandé au secrétaire général ?
Ce qui est demandé, c’est de dire : devons-nous frapper ? Et combien frapper ? Et où diriger la frappe ? Et quand s’arrêter ? Et quelle quantité ? Et quelles sont les cibles ?
Il n’est pas demandé au secrétaire général de connaître la composition du canon, du char, les portées, le missile, l’obus ou l’avion.
J’ai une idée, en tant que secrétaire général : il faut frapper Haïfa.
Nous demandons au responsable militaire : «Comment frapper Haïfa pour faire mal à ce niveau à l’ennemi ?»
Il répond : «Il y en a trois : un, deux, trois.»
Alors je dis : «En tant que responsable militaire, lequel est le meilleur et que fait-il selon vous?»
Il répond : «Celui-ci touche ici mais fait ceci, et celui-là touche là mais fait cela.»
Alors nous disons : «Donne-nous la deuxième option, et plaçons notre confiance en Dieu.»
Donc, on s’appuie sur les expertises présentes : ce sont elles qui font les propositions.
Même au cœur de la bataille, les frères combattants militaires disaient par exemple : «Nous proposons de frapper Tel-Aviv une fois tous les trois jours.»
Et un autre disait : «Non, il faut la frapper quotidiennement.»
Et un troisième : «Il faut maintenant se concentrer sur Haïfa.»
Des propositions étaient avancées, et nous les examinions : quelle proposition est la meilleure selon la situation politique ?
Aucune bataille n’est sans une dimension politique, car il faut d’abord regarder : combien de temps peut durer la bataille ? Cela joue un rôle dans la manière de réagir.
Les réactions de l’ennemi jouent aussi un rôle.
Qu’est-ce que tu veux cibler ? Et où veux-tu parvenir ?
Si vous vous en souvenez, nous avons dit pendant la bataille : «Nous voulons faire souffrir l’ennemi.»
Je ne cache pas que certains m’ont contesté en me disant : «C’est quoi cette ‘souffrance’ ? Il faut tout détruire...».
A ceux-là, j’ai répondu : «Non. Si je leur dis que je vais tout détruire et que je ne le fais pas, je perdrais toute crédibilité.»
«Faire souffrir l’ennemi» est un objectif réaliste que l’on peut atteindre.
Et en réalité, nous avons fait souffrir l’ennemi.
À quel point ? Cela se mesure.
Ce sujet est lié à la lecture des circonstances, à l’appréciation de la situation, et à la manière dont il faut agir.
Laisse-moi vous dire clairement : dans la bataille des Vaillants, nous avons commencé à passer à une nouvelle phase différente de celle qui existait avant elle.
C’est-à-dire que les outils sont différents, il y a beaucoup de choses qui nécessitent une modification dans la manière de les aborder. Le public doit accepter des choses qu’il ne vivait pas auparavant et qu’il n’acceptait pas.
Au final, quand votre situation change, il y a des choses qui vont changer aussi :
elles doivent changer dans la gestion, elles doivent changer dans la communication, elles doivent changer dans l’acceptation du public, elles doivent changer dans l’interaction.
Vous ne pouvez pas, dans une phase qui avait ses propres circonstances, transférer tous ces détails à la phase suivante. Non, ça diffère.
Nous sommes désormais dans une situation où il est clair qu’il n’y a pas d’équilibre de force entre nous et «Israël», de manière très flagrante, avec les frappes qu’ils nous ont assénées : ce n’est pas rien.
C’est-à-dire, entre la frappe des «bipeurs», celle des radios, la frappe sur les capacités qualitatives, l’assassinat de deux secrétaires généraux et de cadres…
Tout cela doit être pris en considération dans la manière de poursuivre la bataille et de continuer la lutte.
Imad Marmal :
On connaît de vous que vous avez un talent remarquable pour la gestion. Dans quelle mesure avez-vous tiré profit de cette qualité pour gérer les dossiers de la guerre ?
Cheikh Naïm Qassem :
La gestion est une seule et même chose. C’est à dire que si une personne a une capacité de gestion, cela signifie que, de la même manière qu’elle peut gérer une institution, ou gérer en politique, elle peut gérer des affaires militaires ou des affaires sociales ; mais les détails diffèrent, les spécialisations diffèrent, et les outils diffèrent. Cependant, la structure administrative a sa propre méthodologie dans la manière de suivre les choses.
Je remercie Dieu , je ne cesse jamais de le faire: l’expérience précédente dans la gestion dans différents postes – que ce soit les postes éducatifs, culturels, sociaux, les élections législatives, ou encore la gestion des députés et du travail gouvernemental – ce sont tous des fonctions variées, différentes les uns des autres, qui m’ont donné une grande expérience. Nous en avons certainement tiré profit.
Ainsi, chaque fois qu’une personne assume une position déterminée, elle le fait avec une certaine compétence qu’elle possède, et elle regarde comment l’employer dans le poste qu’elle occupe. Si elle est compétente, elle devrait donner un résultat adéquat. Et avant tout cela, il y a la réussite accordée par Dieu.
Imad Marmal :
Le Hezbollah a t il exagéré dans l’affichage ou dans l’étalage de son surplus de force avant la dernière guerre ?
Cheikh Naïm Qassem :
Le surplus de force qui était affiché auparavant, a t il donné ses fruits ? De 2006 à 2023, la dissuasion d’«Israël» était due à la mise en avant de ce surplus de force. Cette méthode a donc rempli son rôle et avait son utilité dans la phase précédente.
Ainsi, si quelqu’un vient : «Pourquoi l’avez vous fait ? Ou pourquoi ne l’avez vous pas fait ?». La question n’est pas là. Il ne s’agit pas de demander si nous l’avons nous fait ou non, mais : Cela a t il produit son effet ou non ?
Maintenant, après la bataille des Vaillants est il utile de dire : «J’ai un surplus de force» ou «Je n’en ai pas» ?
À mon avis, maintenant, la tactique a changé, et l’affichage a changé. Au contraire, maintenant nous n’affichons pas de surplus de force, et nous n’avons pas de surplus de force. Nous travaillons de manière normale. Nous avons la force que nous avons. Pourquoi en faire un surplus ?
Imad Marmal :
De toute façon, cela comporte des messages.
Imad Marmal :
Si le temps revenait en arrière, et que le Hezbollah se retrouvait entre deux options : ouvrir le front de soutien à Gaza qui a causé la mort en martyr de sayyed Hassan Nasrallah, ou ne pas mener cette guerre et que le sayyed reste en vie… Quel choix aurait fait le parti ?
Cheikh Naïm Qassem :
Ces suppositions n’ont pas de sens. Mais essayons de voir la réalité : si je veux me placer dans l’esprit du sayyed, lorsqu’il a pris cette décision avec la direction du Conseil de la Choura, l’a t il prise par conviction ou non ? L’a t il prise par devoir ou non ? Non, nous étions convaincus à cent pour cent que nous ne pouvions rien faire d’autre.
Si vous me demandez : «Si vous faisiez face à la même question aujourd’hui, que feriez vous ?», je dirais : Nous prendrions la même décision.
Pourquoi ? Parce que nous ne pouvons pas accepter le fait que l’ennemi soit à notre frontière, en train de frapper une résistance dans un processus d’extermination, pour ensuite se consacrer au reste de la région, où tout le monde deviendra à son tour une victime. Plus tard, Netanyahou l’a même déclaré : Son projet c’est celui du «Grand Israël».
Donc, politiquement, moralement, éthiquement, religieusement, et selon notre conviction : oui, l’ouverture du front de soutien était une décision juste et appropriée, et si cela devait se reproduire, nous referions la même chose, sur la base du même principe.
Quant à supposer que nous savions qu’il deviendrait un martyr… Les durées de vie sont entre les mains de Dieu. Et qui dit que le sayyed ne souhaitait pas le martyre ? Ainsi, on peut faire un lien aléatoire entre une chose qui est entre les mains de Dieu, et une chose que la personne elle-même souhaitait – que sa vie se termine au moment décidé par Dieu par le martyre...Cela n’a rien à voir avec le front de soutien, mais avec la fin de la vie.
Le lien entre les deux montre une orientation politique qui vise  à déformer l’image du front de soutien…
Tout ce qui s’est produit était justifié, et le sayyed a obtenu ce qu’il souhaitait : les plus hauts degrés de distinction et le martyre. En tout cas, ce grand homme a prouvé qu’il laissait derrière lui un parti et une communauté capables de porter avec une immense force les enseignements qu’il a enracinés en eux, au cours de sa vie. C’est en soi un exploit extraordinaire.
Tout le monde pariait – et tous les ennemis pariaient – sur le fait que ce qui est arrivé au Hezbollah pourrait l’anéantir totalement. Il est apparu que ce parti – dont le guide était sayyed Hassan- a montré qu’il était structuré de manière à pouvoir continuer, si Dieu le veut, jusqu’à Lui remettre l’étendard à la fin du Parcours, sans craindre que nos vies soient la poussière sacrifiée. Personne à part nous ne remettra cet étendard.
Imad Marmal :
Comment expliquez vous la résistance légendaire que les combattants ont montrée durant la bataille des Vaillants, alors que l’ennemi «israélien» s’attendait à leur effondrement militaire et psychologique après le martyre de leur guide, sayed Hassan Nasrallah ?
Comment le martyre du sayyed est il devenu une énergie supplémentaire pour ces combattants, alors que l’ennemi supposait que son martyre serait un motif de désespoir et d’effondrement ?
Cheikh Naïm Qassem :
Il y a une expression qu’utilisait l’imam Khomeiny : «Tuez nous, et notre peuple deviendra de plus en plus éveillé». Sayed Abbas Moussaoui l’a répétée plus d’une fois, et sayyed Hassan la répétait également :
«En vérité, le martyre donne naissance à la vie.»
Qui a dit que le martyre signifie que l’homme recule ? Au contraire.
Le martyre de l’imam Hussein qui est exceptionnel à tous les égards, le seigneur des martyrs du paradis et le seigneur des martyrs de tous les mondes, parmi les premiers et les derniers – lui et son groupe, ils étaient soixante dix hommes devenus des martyrs. Et pourtant, après eux, une énergie exceptionnelle est née.
Aujourd’hui, l’un des éléments fondamentaux de notre conviction repose sur Achoura.
Ce qui s’est produit à Achoura a façonné la formation des générations et l’éducation des individus – hommes et femmes, jeunes, adolescents et enfants. Et cela ne pouvait pas se produire d’aucune autre manière.
Je le dis : Regardez le résultat aujourd’hui, un an après. Regardez : l’environnement, les combattants, la situation actuelle… Comment les voyez-vous ? Aujourd’hui, nous sommes mieux que nous ne l’étions avant la bataille des Vaillants. 
C’est à dire qu’il y a une amélioration dans l’interaction, dans l’émotion, dans la force, dans la fermeté, dans la dignité, dans le défi et dans la décision de continuer.
Quant aux combattants sur les lignes de front, en vérité, ils ne sont pas seulement des martyrs potentiels, mais des martyrs «loyaux» et «divins», c’est à dire littéralement ils baignent dans l’amour du Seigneur des mondes, dans l’interaction avec Lui, et dans le désir d’être plus proches de Lui.
Ils ont donné leurs âmes à Dieu Tout Puissant.
Chacun d’entre eux, avant de partir, savait qu’il ne reviendrait pas. C’est à dire qu’il savait qu’il deviendrait un martyr sur le chemin de Dieu.
Ces hommes ont combattu jusqu’au dernier souffle : si l’un d’eux était blessé, il restait sur place, puis revenait combattre une deuxième et une troisième fois à peine remis de ses blessures.
Certains de ceux qui sont revenus ne parviennent pas à croire qu’ils sont encore vivants, car selon ce qu’ils ont fait, ils n’auraient pas dû revenir… Mais que pouvaient ils faire ? Ceux qui étaient en face étaient des lâches, c’est à dire qu’ils n’approchaient pas beaucoup, c’est pourquoi ils n’ont pu les atteindre que dans une certaine mesure.
Ainsi, je dis que les jeunes combattants, les résistants, sont réellement des légendes.
Quelqu’un peut il comprendre comment ils ont stoppé la progression de soixante quinze mille soldats ? Combien étaient ils, eux ? Quelques centaines. Ce n’est pas un grand nombre, mais la volonté qu’ils ont, la foi qu’ils ont les ont poussés à arrêter la progression des soldats ennemis… En fait, rien ne les effraie excepté Dieu Tout Puissant.
Et Dieu leur a donné cette détermination et cette force exceptionnelles.
C’est pourquoi ils ont résisté, et leur résistance a étonné le monde entier : comment ces hommes tiennent ils ?
Certainement, le martyre du sayyed leur a donné un élan supplémentaire.
C’est à dire qu’ils étaient déjà prêts à être martyrs, mais avec ce martyre… Eh bien, si leur guide a offert son âme et s’est offert lui même, c’est une motivation encore plus grande pour que nous soyons prêts, si nécessaire, à offrir les nôtres.
Ainsi, le modèle est extraordinaire et légendaire.
Et en vérité, le monde entier est étonné – l’ennemi comme l’ami – de ce qu’ont donné les combattants.
En vérité, ce qu’ils ont offert restera pour tout l’avenir.
Ils n’ont pas seulement dessiné la bataille des Vaillants, ils ont aussi dessiné la bataille des Vaillants qui continuera jusqu’au Jour du Jugement Dernier, si Dieu le veut.
Imad Marmal :
Quelles répercussions la résistance des combattants sur la ligne de front a-t-elle eues sur le déroulement de la guerre et sur l’équilibre au sein de l’accord de cessez-le-feu ?
Si l’ennemi avait réussi à franchir la première ligne, quelle réalité aurait-il pu imposer au Liban ?
Cheikh Naïm Qassem :
Vous me ramenez aux hypothèses ? Je ne travaille pas avec les hypothèses et je ne réponds pas aux hypothèses, car cela fait perdre du temps. Il me suffit de vous dire que par leur présence, nos combattants ont empêché soixante-quinze mille soldats de progresser.
C’est-à-dire qu’ils ont éliminé la possibilité d’atteindre le fleuve Litani. Ils ont empêché la possibilité pour «Israël» d’atteindre la capitale Beyrouth. Ils ont empêché «Israël» d’atteindre ses objectifs.
Que demander de mieux ?
Bien sûr, leur résistance a joué un rôle.  Ces combattants tenaient le front avant, mais il ne faut pas oublier ceux qui se tenaient à l’arrière – qui lancent les roquettes, les canons, les drones, et se tiennent à différents endroits –le front n’était pas seulement en avant, il était partout et à tous les niveaux. Ainsi, cette complémentarité entre les premières lignes et les lignes arrières et les performances des deux ont été l’une des raisons pour lesquelles «Israël» est arrivée à la conviction que la guerre n’était plus efficace.
Dans la bataille, les Américains sont venus un jour – alors que Hochstein négociait l’accord –dire : «Dites-moi qu’avez-vous accompli ? Sinon tuer et encore tuer... Ces gens-là, personne ne peut les vaincre, ils resteront toujours ainsi.»
Bien sûr, je suppose que cela s’est passé ainsi, je n’ai pas d’informations précises à ce sujet.
Ils ont compris qu’ils ne parviendront pas à nous éliminer de cette façon, car nous ne nous laisserons pas faire.
C’est ce qui a poussé Netanyahou à envisager la conclusion de l’accord, à cause de cette résistance et à cause de la résistance globale de tous les combattants.
Imad Marmal :
L’ennemi israélien a affirmé pendant la guerre avoir éliminé la plupart des forces de l’unité «Radwan ». Que pouvez-vous nous dire sur l’état de cette force ?
Cheikh Naïm Qassem :
La force Radwan fait partie de la résistance. Elle a subi ce que la résistance a subi : il y a eu des pertes, il y a eu des sacrifices, comme c’est le cas pour la résistance, comme c’est le cas pour ses capacités, et comme c’est le cas dans tout l’environnement existant.
Mais aujourd’hui, avec la continuité, elle est toujours active. A-t-elle souffert ? Oui. A-t-elle fait des sacrifices ? Oui. Mais après cela, elle existe toujours, comme la résistance existe aujourd’hui.
Quelqu’un m’a dit : «Ne parlez pas trop du fait que vous avez retrouvé votre force parce qu’Israël vous surveille et utilisera cela pour justifier ses attaques?»
Je lui ai répondu : « Pourquoi ? Ce qui existe dans la rue et parmi les gens, ne montre-t-il pas que la résistance se rétablit ? Que dites-vous de la foule immense qui a participé aux funérailles? Comment appelle-t-on cela ? Est-ce que cela veut dire que le malade est encore à l’hôpital ? Non, cela s’appelle la guérison.
Que dites-vous des soixante-quinze mille scouts ? Cela veut-il dire qu’ils n’ont aucune capacité ? Il y a des gens qui construisent l’avenir sur cette base. Voilà pourquoi je dis : nous avons subi beaucoup de dommages, nous avons eu de lourdes pertes et fait d’énormes sacrifices, tout cela est évident. Mais de même que les sacrifices sont évidents, il est aussi évident que nous avançons toujours sur nos pieds.
Bien. Si cela suffit, la situation est acceptable. Nous ne marchions pas très bien sur nos pieds, maintenant nous marchons correctement. Cela suffit, oui, cela suffit ! L’essentiel ce ne sont pas les armes, mais la foi et la volonté : cette foi et cette volonté existent chez nos enfants. Et je vais plus loin : elles existent même dans les fœtus.
En Islam, si une femme lit le Coran pendant sa grossesse, mange des dattes, et fait certaines bonnes actions, cela a un effet sur le fœtus.
Alors, si une femme combattante prie Dieu pour le triomphe des combattants et pousse ses enfants à aller au combat ? Bien sûr, cela aura un impact considérable sur eux.
C’est ainsi que nous fonctionnons.
Maintenant, que les autres interprètent cela comme ils veulent, que cela leur plaise ou non, c’est leur problème.
Grâce à Dieu, nous existons en tant que résistance et nous accomplissons notre devoir. L’essentiel dans la continuité de la résistance, c’est la foi et la volonté.
Quant au reste – les armes ou le nombre – c’est un complément pour ceux qui possèdent la foi et la volonté.
Imad Marmal :
Au cœur de la bataille, les combattants vous ont envoyé un message émouvant, s’adressant à vous pour la première fois en tant que secrétaire général du Hezbollah et commandant de la bataille.
Et vous, vous leur avez répondu par un message également émouvant. Comment décrivez-vous cette interaction qui a eu lieu pendant la guerre entre vous et les combattants, et quel effet a-t-elle eu sur votre manière de gérer et de traiter ce défi auquel vous faisiez face ?
Cheikh Naïm Qassem :
Je ne vous cache pas que la première idée qui m’est venue après le martyre des deux grands sayyeds, c’est que lorsque le secrétaire général sayyed Hassan apparaissait pour parler et exposer la situation, j’étais comme tout le monde, j’étais un simple membre du public. Je prenais plaisir à l’écouter et je sentais que cela m’indiquait le chemin. Je me suis dit : maintenant, je veux agir ainsi, et j’ai voulu apprendre comment le faire.
Les gens voulaient désormais que je leur fasse ressentir ce que je ressentais moi-même en écoutant le sayyed en tant qu’individu et combattant.
Évidemment, cela a été très émouvant pour moi.
Quand les combattants ont envoyé ce message, ils l’ont fait avec un sentiment rempli d’amour et d’espoir, et le désir de créer cette communication et cette cohésion, afin que nous puissions ensemble traverser cette étape. Ils savent combien c’est important pour eux spirituellement, et en même temps pour le secrétaire général.
Je vous dis autre chose : que personne ne pense que lorsque le secrétaire général envoie un message aux combattants, il leur fait une faveur parce qu’il répond à un message attendu. Non, le secrétaire général attend leur message de la même manière qu’ils attendent le sien, car il se nourrit du leur comme ils se nourrissent eux-mêmes du sien.
En vérité, le message des combattants est une nourriture pour le secrétaire général. Et sa réponse est dictée par les sentiments. Elle n’est pas le résultat de l’écriture d’un livre organisé et révisé.
Je vais vous raconter une petite histoire : les frères m’ont dit : «Nous voulons fabriquer un bouclier pour le distribuer aux familles des martyrs.» Ils m’ont envoyé les dessins pour que je choisisse l’un des quatre modèles présentés. L’homme qui l’a envoyé, avec beaucoup de politesse et de délicatesse, m’a envoyé aussi le texte à mettre au centre du bouclier – pour que cela m’apaise aussi.
Un beau texte certainement. Mais je lui ai dit : «Écoutez, je voudrais m’excuser. Votre texte est beau et bon, mais je veux exprimer mes sentiments avec les jeunes, alors permettez-moi d’écrire mon propre texte. Même si votre texte est peut-être meilleur que le mien, mais le texte des sentiments est plus fort que le texte préparé.»
Mon message aux frères exprimait les sentiments qui m’étreignaient avec eux. Je leur disais – et je leur dis maintenant – vous m’avez donné un élan et une force, en tant que secrétaire général, inimaginables. Car je sens que vous êtes les yeux, les mains et les armes, et vous voulez quand même communiquer pour savoir si le secrétaire général vous accorde de l’attention, s’il est avec vous ou non, s’il vous écoute ou non...Tout cela me remue profondément… lorsque j’ai envoyé ce message, je disais : je ne suis pas seulement avec vous, je fais partie de vous, et cela m’honore d’être l’un des vôtres, un résistant sur le terrain.
Imad Marmal :
Quand on parle de la bataille des Vaillants, on ne peut pas oublier le rôle du peuple, qui a été un pilier fondamental de cette bataille. Comment ce moral élevé qui est apparu chez le public de la résistance pendant la guerre s’est-il reflété, et comment cela vous a-t-il influencé dans votre direction de la bataille ?
Cheikh Naïm Qassem :
Il est clair que le peuple est le premier élément de force dans la bataille. Le secrétaire général et les combattants viennent en second. Pourquoi ? Parce que cet environnement, quand il est rempli de foi, de force, de dignité et de détermination, donne de la force et de l’élan au secrétaire général et aux autres.
Nous avons des gens uniques au monde. Nous avons des gens – petits et grands – qui ont tous un même niveau de conscience. Il y a quelques jours, nous avons vu un enfant blessé de quatre ans qui parlait comme s’il avait un doctorat dans une grande université, il parlait de politique, d’émotions, d’engagement, de sa propre dignité, il parlait de tout ! D’où viennent ces gens ?
Cet environnement, ces gens avec ce niveau de réaction, qui ont prêté allégeance sans rechigner, qui ont supporté le déplacement et sont prêts au sacrifice… Et maintenant, dans certaines interviews ou réunions, on les voit s’exprimer spontanément. Tous, tous répondent de la même manière ! Tous sont présents et attentifs.
Encore plus, quelqu’un peut dire : «Nous voulons enlever les armes». Ils disent : «Prenez nos vies mais ne retirez pas les armes». Et nous sommes là derrière eux, car ils devancent tout le monde.
Je crois que nous ne pouvons pas rendre justice à ces gens. Mais je veux leur dire : ce que vous faites est ce qu’il faut faire, avec ce moral que vous avez, vous rendez le parcours solide. Sachez que vous êtes tous partie intégrante des victoires de la résistance.
La résistance n’est pas seulement le combat sur le front, la résistance c’est l’amour, la résistance c’est l’adoration de Dieu, la résistance c’est la parole, la résistance c’est la position, la résistance c’est le soutien financier, la résistance c’est le service social, la résistance c’est la protection civile, la résistance c’est la mère, la sœur, la fille… Tous font partie de la résistance.
Ainsi, ce public, en vérité, a été extraordinairement exceptionnel. Quelqu’un a dit dans une interview il y a deux jours : «Il devient nécessaire que tout le monde, surtout les ennemis de la résistance, réfléchisse : si un million de personnes au cœur du Liban sont prêtes à faire ce que personne d’autre ne ferait pour préserver leur présence, leur existence, leur résistance et leurs armes, alors les autres doivent repenser et examiner leurs réactions face à cette réalité.»
Ces gens ne cèdent pas, et personne ne peut leur imposer quoi que ce soit. Je remercie tout cet environnement et ces gens, et je leur dis : en tout cas, votre statut est grand auprès de Dieu.
Imad Marmal :
Vos adversaires vous disent : «Vous épuisez votre base populaire, en menant une guerre après l’autre. N’est-il pas temps – disent-ils – de donner à cette population repos, stabilité et prospérité, plutôt que de la faire passer d’une guerre à l’autre ?»
Cheikh Naïm Qassem :
La guerre ce n’est pas nous qui la faisons, nous sommes attaqués. Quand on est attaqué, soit on fait face, soit on se rend. Nous faisons face, nous ne fabriquons pas la guerre, nous sommes une résistance, nous sommes en situation défensive. La guerre d’appui était entièrement défensive, du début à la fin.
Pourquoi tout cet appui ? Nous agissons contre un ennemi qui occupe une terre, contre un ennemi qui exterminerait votre voisin et voudrait vous exterminer, contre un ennemi qui occupe encore des terres au Liban et en Palestine. Nous ne créons pas la guerre, nous faisons face à la guerre. Donc on ne dit pas à celui qui défend : «Pourquoi vous défendez-vous ?»
Quelqu’un m’a dit un jour : il y avait un homme dans la rue, connu comme un « brigand » de rue, impossible à supporter. Un petit enfant est venu en pleurant. Il lui a demandé : «Pourquoi pleures-tu ?» L’enfant dit : «Untel m’a frappé». Il demande : «Où t’a-t-il frappé ?» Il répond : «Dans cette rue». Il demande : «Pourquoi passes-tu par cette rue ?»
L’erreur vient de lui parce qu’il est passé par cette rue, pourquoi l’a-t-il fait ? «Ne sais-tu pas qu’il y a un brigand, pourquoi passes-tu ?» Vraiment ! Aujourd’hui, au lieu de chasser le tyran, on dit à l’enfant : «Ne passe pas par là !».
Aujourd’hui, ils nous disent : «Ne répondez pas à Israël». Si nous ne répondons pas, au lieu de prendre un pouce de terre, il s’emparera de tout le territoire. Au lieu d’avoir un petit contrôle, il en aura un très grand. Au lieu d’éliminer ce groupe, il éliminera les générations à venir.
Nous ne menons pas notre peuple vers de mauvaises options, nous le menons vers de grandes options. Preuve en est que rien dans la région n’a de dignité sans la bénédiction de la résistance.
Et cette résistance est celle qui, pendant quarante-deux ans – depuis 1982 – a libéré le Liban, a infligé une grande leçon à «Israël», et a chassé «Israël» du Liban.
Aujourd’hui, le rapport de forces est déséquilibré. C’est une phase passagère. Combien de temps «Israël» pourra-t-il agir comme il veut ? Peut-être que demain il implosera de l’intérieur, demain peut-être nous verrons des résultats différents. Personne ne dit que l’histoire est finie. C’est une phase, mais elle ne doit pas être prise isolément des autres phases pétries de dignité et de continuité. Ce qui est le plus important dans toutes les phases, c’est ce que l’homme veut : veut-il une vie digne ou non ? S’il veut une vie digne, il doit supporter le doux et l’amer, et au final, tout deviendra doux car c’est la dignité qui génère la douceur.
Imad Marmal :
Pour conclure le volet de la relation avec le peuple, vous recevez certainement des échos, qui vous rapportent que vous n’êtes plus pour les gens le secrétaire général du Hezbollah seulement, vous êtes aussi devenu un symbole pour eux, et ils vous considèrent comme responsable d’eux. Les grands et les petits expriment toujours leur amour, leur loyauté et leur allégeance envers vous. Est-ce que ce sentiment intense et cette affection vous confèrent une responsabilité supplémentaire ?
Cheikh Naïm Qassem :
Bien sûr, le regard des gens est important. Je vous dis : quand j’étais secrétaire général adjoint, je ne ressentais pas cette relation avec les gens comme maintenant. Aujourd’hui, je sens qu’ils sont dans mon cœur et mon esprit. Je me sens concerné par chacun d’eux et je dois prendre en compte toutes les situations en gardant à l’esprit que ce groupe avec lequel je suis sur le même bateau attend quelque chose de moi. Je dois répondre à leurs espoirs. Si j’ai des lacunes, je dois voir comment les combler, si j’ai des incapacités, je dois voir comment les arranger, car il n’est pas permis de leur dire «non». Je dois leur dire «oui». Cependant, selon mes capacités, je m’efforce toujours et je travaille pour répondre à leur attente.
Ils nous ont certainement confié une grande responsabilité. Parfois, je me dis à moi-même : «Maintenant, je prie pour le martyre», et ils me disent : «Non, que Dieu prolonge votre vie !» Alors, que peuvent-ils faire pour moi ? Parfois, ils placent des obstacles sur mon chemin. Quoi qu’il en soit, ce que Dieu a décidé n’est pas entre nos mains. Je leur dis : je vous suis très reconnaissant pour cette confiance, et, si Dieu le veut, je serai à la hauteur.
Je sais que cette position implique d’être fidèle à la responsabilité. Je cherche toujours à respecter les principes de noblesse, d’éthique, de foi, de sincérité et de loyauté. » Inchallah, je serai à la hauteur de cette responsabilité, et je me ferai tout mon possible avec l’aide de Dieu pour bien l’assumer.
Imad Marmal :
Passons maintenant à un autre sujet, concernant le rôle du président Nabih Berri dans la bataille diplomatique menée pour parvenir au cessez-le-feu.
Tout d’abord, que pouvez-vous dire sur l’expérience de coopération et de coordination avec le président Berri pendant l’agression ?
Cheikh Naïm Qassem :
La relation avec le président Berri est excellente, et pendant toute la période de l’agression, elle s’est basée sur une coordination constante.
Nous le tenions informé de l’évolution des événements et de ce que nous avions du côté de la résistance, et lui faisait aussi le suivi de son côté.
Le moment le plus important dans la bataille des Vaillants a été la conclusion de l’accord, qui était présenté par Hochstein. Le président Berri nous l’a transmis, et il y a eu un échange de points de vue entre le président Berri et le Conseil consultatif par l’intermédiaire du secrétaire général.
Ainsi, nous étions toujours sur la même longueur d’onde, avec des principes communs et une compréhension commune, ce qui a facilité l’accord dans la forme qu’il a prise.
Depuis l’accord, jusqu’à aujourd’hui -un an après la bataille des Vaillants la coordination avec le président Berri se fait au plus haut niveau, et cela suscite même la jalousie d’autres personnes qui se demandent pourquoi nous sommes tellement en phase. On entend parfois des critiques : «Il faut un troisième ou quatrième acteur chez les chiites.» Mais l’unité est meilleure que la division. Tant que nous sommes d’accord, venez vers nous, vous avez votre part, votre place, n’ayez pas peur.
La relation entre le Hezbollah et le mouvement Amal, entre le secrétaire général et le président Berri, est excellente.
Le fondateur du Hezbollah a établi cette relation, et le secrétaire général l’a maintenue au plus haut niveau. C’est encore valable aujourd’hui et nous continuons de suivre la même voie en maintenant la relation au même niveau. Grâce à Dieu. Cela se manifeste dans toutes les positions et à toutes les étapes. Le président Berri mérite d’être salué pour son engagement et sa coopération totale. Nous partageons la même vision, la même compréhension, la même conscience, le même souci pour la communauté, pour le Liban et pour la résistance. Nos principes sont communs, donc nous sommes en harmonie.
Imad Marmal :
Comment a évolué l’aspect personnel de votre relation avec le président Nabih Berri depuis votre élection comme secrétaire général du Hezbollah ?
Car, selon mes informations- si elles sont correctes- il y aurait parfois un échange de messages personnels et émotionnels entre vous. Est-ce exact ?
Cheikh Naïm Qassem :
Laissez-moi vous dire quelque chose que peu de gens savent : ma relation avec le président Berri ne date pas d’aujourd’hui. J’ai été un jour membre du mouvement Amal et j’occupais le poste de direction au sein du «Mouvement des Déshérités». Après la disparition de l’imam Moussa Sadr, le président Berri a pris la direction politique du mouvement. Il y avait un secrétaire idéologique et culturel, un secrétaire politique et un secrétaire social. Nous étions appelés «les secrétaires». J’étais secrétaire idéologique et culturel, et lui était secrétaire politique. Donc nous avons été tous les deux dans la direction du mouvement pendant environ un an, avant que je ne le quitte. Il y a donc entre nous une connaissance ancienne et une coopération antérieure.
Maintenant, après ma nomination comme secrétaire général, la première chose que j’ai faite a été de lui envoyer un message avant l’annonce officielle pour qu’il en soit informé avant tout le monde. Bien sûr, il m’a envoyé ses félicitations et il m’a assuré de sa disposition à coopérer. Il y a eu plusieurs échanges de correspondances entre nous, certaines exprimant des sentiments mutuels. Je veux dire : la connaissance est ancienne, mais bien sûr, dans ce poste, la relation est nouvelle. Cependant, notre souci de porter les mêmes principes nous impose de travailler ensemble. Habituellement, si ce type d’échange n’a pas de côté émotionnel, il ne réussit pas. Honnêtement, j’aime M. Nabih. Je veux dire, ne vaut-il pas mieux agir en politique selon une pensée commune ? Après la prise de la direction générale, on dirait que nous nous aimons encore plus...
Imad Marmal :
Passons à la situation actuelle, environ un an après la bataille des Vaillants. Je ne sais pas si la question est appropriée, car vous m’avez dit précédemment que le sujet du rétablissement est sensible. Mais je dois quand même la poser :
La résistance s’est-t-elle pleinement rétablie un an après la bataille des Vaillants ?
Et jusqu’où sont allées les enquêtes du Hezbollah sur les failles qui ont permis à l’ennemi «israélien» de réaliser certaines percées sécuritaires et de renseignement ?
Cheikh Naïm Qassem :
Indépendamment du niveau de rétablissement du Hezbollah, nous sommes une résistance, et nous déclarons au monde entier : si nous n’avions que nos ongles ou un bâton, nous resterions une résistance et nous ne nous arrêterons pas.
Ne cherchez pas quelles sont nos capacités, mais combien nous avons de foi et de détermination. Ce n’est pas que nous sommes «guéris», ce rétablissement se poursuit, comme vous le voyez.
Ainsi, quand nous disons que nous sommes prêts, nous le sommes pour la défense, pas pour déclencher une bataille. Nous n’avons pas de décision d’attaquer, mais si une bataille nous est imposée, même avec une simple branche, nous n’autoriserons pas «Israël» à passer. Nous combattrons jusqu’au dernier homme et jusqu’à la dernière femme. C’est une décision que l’ennemi comprend et connaît bien.
Bien sûr, nous ne sommes pas seulement dotés d’ongles et de bâtons, nous avons plus. L’important n’est pas le nombre ou la quantité, mais la volonté et la décision. Nous sommes en position défensive et nous ne l’abandonnerons pas. La ligne de résistance fait partie de notre sang, de nos âmes, de notre histoire, de nos martyrs et de notre avenir. Cela continuera, quelles que soient nos capacités, et cela doit être connu et pris en compte.
Nous poursuivons les enquêtes, et quand elles seront terminées, nous annoncerons leur résultat et nous en informerons le public, comme promis.
Imad Marmal :
La résistance, d’une manière ou d’une autre, retrouve sa vigueur et sa capacité physique comme nous aimons la décrire. Mais la question est : comment y parvenir dans un environnement stratégique défavorable, avec le problème syrien suite au changement de régime, et la fermeture des voies d’approvisionnement traditionnelles depuis l’Iran ?
Cheikh Naïm Qassem :
Le Hezbollah peut être coincé, les voies peuvent être bloquées de tous côtés. Mais comme je l’ai dit en 1996 lors d’une interview avec un journaliste canadien sur l’agression de 1996, il m’avait demandé: «Toutes vos routes sont fermées, comment vous procurez-vous ce dont vous avez besoin ?» Je lui avais répondu : «Dieu pourvoira.» Il a insisté : «Non, je pose une question sérieuse.» J’ai dit : «Je vous donne une réponse sérieuse : Dieu pourvoira.»
Celui qui a la volonté et met sa confiance en Dieu trouvera toujours des voies adaptées pour continuer. L’essentiel de notre travail aujourd’hui dans notre société, que ce soit au niveau civil, sur le plan de la reconstruction, de l’hébergement, de la culture ou de la santé, n’est pas nouveau. Toute notre histoire est ainsi.
Nous ne sommes pas comme certains députés qui ouvrent un centre social deux mois avant les élections et le ferment ensuite. Nous sommes un groupe avec cette foi : être avec les gens, servir, éduquer, former, et faire durer le mouvement. Ce que vous voyez sur le terrain est lié à nos convictions et aux moyens dont nous disposons, et nous continuerons à gérer nos affaires.
Certes, nous ne sommes pas à l’aise actuellement, nous n’avons pas toutes les capacités nécessaires et nous souhaiterions pouvoir faire davantage, mais nous ne nous arrêterons pas. Inchallah, les portes s’ouvriront.
Imad Marmal :
Au cours de cet entretien, vous avez beaucoup insisté sur l’aspect idéologique qui constitue un pilier essentiel du Hezbollah et de la résistance.
Certains Libanais vous disent : «Ce pays est diversifié et multiconfessionnel, pourquoi les autres paient-ils le prix de vos particularités idéologiques et des décisions qu’elles vous dictent ?»
Cheikh Naïm Qassem :
Premièrement, nous ne forçons personne, nous n’imposons rien. Voyons d’abord qui paie, quand quelqu’un perd sa maison, qui paie le prix fort. S’il est obligé d’annuler une soirée, nous n’avons plus personne pour sortir et faire la fête. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit. On ne peut pas faire de telles comparaisons. Nous payons 95 % du prix, et lui 5 %. Je ne dis pas qu’il ne paie rien.
Deuxièmement, que faisons-nous ? Nous forçons quelqu’un à choisir ? «Israël» le force à choisir, les États-Unis le forcent à choisir. Ils agressent le Liban et nous essayons de le protéger.
Nous avons accompli le travail le plus noble et le plus élevé que puisse faire une résistance dans le monde. Deux mois après la bataille des Vaillants, nous avons conclu un accord avec l’État libanais, l’État a pris ses responsabilités, et nous avons respecté l’accord pendant dix mois sans tirer un seul coup. Pourquoi avons-nous accepté l’accord et n’avons-nous pas tiré une seule balle ? Pourquoi avons-nous remis les responsabilités entre les mains de l’État libanais ?
Une des raisons est que nous voulions soulager le pays et ne pas être la cause ou le prétexte de nouvelles violences. Cela ne s’arrête pas là. Dans ce cas, qui crée le problème ? Regardez «Israël» et les États-Unis derrière eux, qui vous commandent le contraire, qui provoquent les conflits et vous incitent à agir. Je dis donc : si quelqu’un pense que nous faisons cela contre le pays, il se trompe lourdement.
Nous payons le prix de ces résultats négatifs beaucoup plus que les autres.
C’est pourquoi nous disons : la résistance au Liban est nationale. Certes, elle se trouve dans un environnement majoritairement chiite, mais elle est pour toutes les confessions, pour le Liban tout entier. Ne sommes-nous pas des citoyens libanais défendant notre terre ? Quand je défends la terre, parce que je suis confronté à l’ennemi «israélien», je défends tout le pays.
Cette terre n’est pas divisible, le Liban est un et non deux. Arrêtez de dire «vous et nous», le pays est un et la résistance est une. Pourquoi le pays a-t-il retrouvé sa force ? N’est-ce pas grâce au fait que nous avons chassé «Israël» en 2000 en réalisant la libération du Liban ? N’est-ce pas un des résultats de cette libération ? Même la stabilité et le redressement du Liban viennent de là.
Nous contribuons aussi à la situation économique, politique et sociale du mieux possible. Je dis : cherchez la source du problème, pas celui qui défend.
Imad Marmal :
Il y a une question qui se pose maintenant et qui préoccupe les Libanais: y aura-t-il une guerre ou pas ? 
«Israël» est-il en train de préparer une large agression contre le Liban, ou bien l’escalade qu’il pratique actuellement restera-t-elle limitée à ce rythme ?
Cheikh Naïm Qassem :
Selon les informations disponibles et la lecture directe, les «Israéliens» suivent ce rythme, car il existe une décision américano-israélienne selon laquelle ce rythme sert à exercer une pression pour obtenir par la diplomatie ce qui n’a pas pu être obtenu par la guerre.
Les Israéliens essaient depuis dix mois au même rythme, à le faire, en  maintenant la pression sous le prétexte suivant : «peut-être atteindrons-nous ainsi nos objectifs politiques», car «Israël» n’a pas atteint ses objectifs en deux mois. Aujourd’hui, s’ils lançaient une guerre, pourraient-ils atteindre leurs objectifs ? Non, pas aujourd’hui.
Si l’on réfléchit : pourquoi la guerre n’a-t-elle pas eu lieu jusqu’à présent, alors que nous sommes au dixième mois sous le même rythme ?
Parce que la guerre ne peut pas leur garantir d’atteindre leurs objectifs, et parce qu’il existe un certain niveau de dissuasion — pas un niveau qui empêche la guerre, mais un niveau qui empêche la réalisation des objectifs.
Je vous dis maintenant : si «Israël» pense à déclencher une guerre, même grande et massive comme la bataille des Vaillants ou plus, il ne réussira rien. Autrement dit, ce sera un échec, aucune garantie de bon résultat. Qu’ils le sachent dès maintenant. Ce n’est pas tant parce que nous sommes capables de faire ceci ou cela, mais parce qu’ils ne le peuvent pas.
Ainsi, je dis : s’ils arrivent à la conclusion qu’ils veulent se tester, peut-être déclencher une guerre pour changer un peu l’équilibre, parce que la situation actuelle ne va pas comme ils le veulent, alors la probabilité de guerre existe. Je peux donc dire en résumé : la guerre est possible, mais non certaine, et cela dépendra de leurs calculs selon les données sur le terrain.
Si je devais leur donner un conseil - même s’ils sont nos ennemis-, je dirais : appliquez l’accord conclu, tout le monde en tirera profit. Pourquoi ?
Les «Israéliens» n’ont-ils pas conclu l’accord, qui stipule que la zone au sud du fleuve Litani devait être démilitarisée, et que les colonies seraient ainsi sécurisées ? C’était leur objectif. Nous avons accepté l’accord avec l’État libanais parce que nous avons estimé que la guerre avait atteint un point où il n’y avait plus d’équilibre des forces, et qu’il valait mieux soulager le pays. Donc, cet accord sert leurs objectifs et les nôtres.
Si vous ne respectez pas l’accord et continuez dans cette voie, vous n’obtiendrez aucun résultat. Nous continuerons à nous préparer à faire face à toute agression possible, et il est certain que vous n’atteindrez pas vos objectifs, vous perdrez votre temps inutilement.
C’est pourquoi je dis : nous n’avons pas d’autre choix que de rester prêts à cette éventualité.
Imad Marmal :
Pourquoi êtes-vous si sûr que l’ennemi israélien ne pourra pas atteindre ses objectifs s’il déclenche une nouvelle guerre contre le Liban, alors que l’expérience récente a montré qu’il possédait un certain avantage sur nous ?
Cheikh Naïm Qassem :
Vous demandez pourquoi je suis sûr ? J’ai vu de mes yeux : n’avez-vous pas vu comment ces jeunes ont tenu la frontière, les empêchant pendant deux mois, alors qu’ils étaient 75 000 militaires ? Nos combattants ont impressionné le monde entier...
Celui qui possède de telles personnes et une telle résistance, peut-il craindre leur échec ? Les «Israéliens» n’ont rien atteint, leurs objectifs ne sont toujours pas atteints.
Que font-ils maintenant ? Ils tuent des civils, des ingénieurs, des enfants, des femmes, et détruisent des maisons. Est-ce là leurs objectifs ? Est-ce de la bravoure ? Non, cela ne sert pas leurs objectifs. Ils essaient de créer un problème entre nous et notre environnement, de le fragmenter, mais ils ne réussiront pas. La population comprend qu’il s’agit d’une agression, et la stabilité de ses positions constitue la solution pour l’avenir.
Donc, je dis : lors de la bataille des Vaillants, ils n’ont pas atteint leurs objectifs, et au-delà de l’accord, ils ne peuvent pas les atteindre. Si vous continuez dans cette voie, vous n’atteindrez rien, car nous sommes présents et prêts. La résistance est motivée. Les «Israéliens» ne pourront pas faire plus que cela.
Pourquoi n’ont-ils pas atteint leurs objectifs à Gaza ? Je le répète, ils ne les ont pas atteints, et ils ont dû reculer après deux ans. Aujourd’hui, regardez les résultats pour «Israël» : le monde entier parle d’Israël comme d’un État barbare, auteur de crimes, de génocide contre les Palestiniens, un Etat qui ne respecte pas l’humanité. Cela seul a fait échouer le projet israélien au niveau mondial. Et il y a d’autres problèmes internes chez eux.
Oui, je suis sûr qu’«Israël» ne peut pas atteindre ses objectifs au Liban. Veulent-ils se contenter de ce qui s’est passé ? Comme s’ils disaient : « Si ce niveau a marché, tant mieux ; sinon, nous sommes prêts à défendre.»
Nous disons : nous sommes pour la défense, pas pour l’attaque. Quelqu’un peut dire : «frappez-les, vous dites que vous êtes forts». Nous répondons : nous défendrons, pas plus.
Nous avons la capacité de défense. Oui, nous l’avions lors de la bataille des Vaillants. Étions-nous incapables de défendre ? Non, nous étions en position défensive, et si nous étions restés jusqu’au dernier jour, c’est grâce à notre capacité de défense.
Imad Marmal :
Dans le contexte de la défense, certains disent : pourquoi le Hezbollah ne répond-il pas aux attaques «israéliennes» quasi quotidiennes, aux assassinats, raids, frappes et survols, à toutes les violations de la souveraineté libanaise commises par «Israël» ? Pourtant, le Hezbollah garde son sang-froid. Ne considérez-vous pas que répondre maintenant serait un acte de légitime défense ?
Cheikh Naïm Kassem :
Avant la bataille des Vaillants, le parti et la résistance islamique répondaient directement avec logique : si «Israël» attaque, nous ripostons. Nous occupions alors la position de défense du Liban, de la résistance, du peuple et de ce projet.
Oui, après l’accord, nous avons remis cette responsabilité à l’État libanais, car nous ne sommes pas seuls au cœur du pays. Il est naturel de demander : «pourquoi défendez-vous seuls ?» D’autres sont aussi responsables de la défense. Nous avons appuyé l’idée de ceux qui estiment que la défense doit se faire par l’État.
Aujourd’hui, l’État est responsable de la défense, de l’exercice de la souveraineté, de la pression internationale et de la prévention des agressions. Depuis qu’ils sont responsables, personne ne nous demande : «pourquoi ne répondez-vous pas ?»
Si nous répondions maintenant, nous violerions l’accord et donnerions à «Israël» un prétexte. L’État libanais dirait : vous n’avez pas respecté mon projet complet.
Nous disons à l’État libanais : dix mois se sont écoulés, vous n’avez pas avancé, alors bougez, exercez la pression et assumez vos responsabilités. C’est une leçon pour les autres.
Vous me dites : «vous avez été patients». Oui, le parti mérite cet hommage. Si le parti s’engage sur une chose, il s’y tient. Cela montre que l’accord est applicable sur cette base. Si les autres ne tirent pas la leçon, c’est leur problème.
Oui, cela ne peut pas durer éternellement. Un jour, l’État libanais pourrait dire : «Venez, discutons de la façon de riposter contre Israël.» Inchallah, Dieu inspirera leurs cœurs, et nous verrons comment élaborer alors un plan autre que la diplomatie actuelle. Pour l’instant, la responsabilité de la gestion de la position libanaise incombe à l’État.
Imad Marmal :
Y a-t-il une date limite pour la patience stratégique ?
Cheikh Naïm Qassem :
Sur ce sujet, personne ne parle de date limite. On observe les circonstances et les données. Laissons le suivi décider.
Imad Marmal :

Comme nous l’avons dit avant la pause, certains à Beyrouth disent : «Tant que le Hezbollah conserve ses armes, Israël a une excuse pour continuer ses agressions.»
La question est : pourquoi ne pas lever cette excuse et remettre les armes à l’armée libanaise, et non à «Israël» ?
Cheikh Naïm Qassem :
Commençons par poser la question : pourquoi le Hezbollah possède-t-il ses armes ?
Pour résister à «Israël» qui occupe la terre et constitue une menace stratégique pour le Liban et toute la région. En réalité, nous défendons la Palestine, le Liban, l’Égypte, la Syrie et le monde entier, en faisant partie de cette défense contre Israël qui veut tout contrôler. Certains disent : «moi je veux juste défendre le Liban».
Nous répondons : qu’avez-vous fait face à «Israël» ?
«Israël» est resté de 1982 à 2000, et avant cela, pendant quatre ans, il n’a pas appliqué la résolution 425.
Dites-moi : pendant 22 ans, qu’avez-vous accompli, vous les souverainistes, pour chasser «Israël» ? Rien. Vous n’avez jamais parlé d’affronter cet ennemi, vous n’avez rien dit. Plus tard, vous avez commencé à le dire après le départ d’«Israël».
D’accord, nous acceptons cela maintenant, mais la présence militaire du Hezbollah dépend de l’occupation ennemie. La résistance est un réflexe, pas un acte de volonté. S’il n’y avait pas d’ennemi, le Hezbollah serait peut-être resté uniquement culturel et politique, sans armes. L’ennemi est là, donc le réflexe résistant se poursuit. L’occupation se poursuit, la menace persiste, et même plus : il y a des discours sur «le Grand Israël», une menace existentielle actuelle et future pour nous tous. Ainsi, la possession des armes est un droit légitime de défense pour le pays et son existence. Il n’y a pas de séparation entre notre existence et celle du pays. Nous sommes en fusion avec le pays, car c’est notre terre, et avec les autres Libanais, nous devons nous défendre.
Quant à l’idée des prétextes : «Israël» a-t-il besoin de prétextes ? Quelle excuse ont-ils en Syrie ? Même s’ils n’ont rien laissé, ni dépôt, ni caserne, ni capacité militaire, ni opposition, ils frappent et entrent quand ils veulent. Où est le prétexte ? Il y a une expansion, pas de prétexte.
Si nous retirions le prétexte, ils en trouveraient un autre. Que diraient-ils ? «Le Hezbollah viole l’accord depuis dix mois». Dites-moi où nous violons l’accord ?
Ils disent qu’il y a un endroit que nous avons indiqué à l’armée libanaise et elle n’y est pas allée, donc nous avons frappé. Ils disent qu’il y a un autre endroit, nous n’y avons jamais été, donc ils frappent.
Puis ils inventent d’autres prétextes : «Le Hezbollah reconstitue ses capacités»... Qui peut dire quand cela cessera ? Personne. L’ennemi demandera toujours plus, jusqu’à ce qu’il reste une seule arme, il dira : nous n’avons pas encore atteint 50 %, il peut même ne pas avoir la seule arme qui reste, mais il dira peut-être qu’il y en a encore une...»
Le point à comprendre : il y a un ennemi, cet ennemi exige des choses du Liban qui ne sont pas justifiées, que demande-t-il exactement ? Il veut imposer un système politique qui lui convient, imposer des sanctions, contrôler des zones géographiques. Tout cela c’est de l’agression et de l’occupation.
Comment puis-je accepter cela ? Pour conclure : il y a un ennemi. Je ne discute pas avec lui de prétextes, je discute avec lui de son agression. S’il n’a pas le droit d’agresser, il doit s’arrêter, sinon nous devons le confronter.
Pour faire face à son agression, l’armée libanaise doit intervenir. En l’absence de capacité de l’armée, la résistance populaire doit faire face. Avec l’armée et la résistance, il doit y avoir coordination. Mais personne ne dit : «retirez les armes pour supprimer le prétexte». D’abord arrêtez l’agression, ensuite on parlera des armes.
Nous avons été clairs : arrêtez l’agression pour permettre le retrait, la reconstruction, la libération des prisonniers. Nous sommes prêts à discuter d’une stratégie défensive positive avec l’État et l’armée libanaise, dans le but d’adopter une stratégie de sécurité nationale.
Et eux demandent : «Comptez-vous déposer les armes ou non ? Y aura-t-il résistance ?» C’est de l’agression, et face à l’agression, la résistance existe.
Imad Marmal :
Vos adversaires disent : «la résistance n’est plus présente au sud du Litani, elle n’est plus en contact direct avec l’occupation, elle ne répond plus aux attaques et ne mène plus d’opérations pour libérer les territoires occupés au Sud.
Ainsi, tous ces éléments justifient la disparition de la résistance. Pourquoi donc le Hezbollah conserverait-il ses armes, s’il ne les utilise plus ?»
Cheikh Naïm Qassem :
Il semble que nous devions rappeler : il y a une différence entre le groupe armé au sud du fleuve Litani et la résistance nationale qui fait face au projet israélien.
Ils peuvent dire qu’il n’y a plus de groupe armé au sud du Litani, c’est vrai, il n’y en a plus, car l’armée libanaise est désormais responsable. Mais la résistance est liée à tout le système de confrontation contre l’agression. Tant que l’agression continue, il doit y avoir une résistance.
Que la résistance atteigne les frontières ou non, qu’elle soit à l’intérieur ou pas, qu’elle se prépare pour une phase dans dix ans ou non, cela ne change rien à sa raison d’exister…
En fin de compte, la résistance est un droit légitime et cela n’a rien à voir avec la géographie, ni avec le sud ou le nord du fleuve, ni avec la Bekaa ou le Mont-Liban. Cela n’a pas d’importance.
Je dis donc : le rôle de la résistance n’a pas disparu, parce que l’agression continue. S’il n’y avait pas du tout d’agression, alors nous pourrions parler de disparition du rôle de la résistance.
Quant à savoir si elle peut ou non atteindre la frontière, la résistance n’est pas limitée à une frontière. La résistance, c’est une décision, une volonté, une indépendance, une souveraineté et une confrontation contre l’agression.
Ce n’est pas une question de limites géographiques. Ce n’est pas non plus une question de moyens, comme quand on vous dit : «vous n’avez pas la capacité de vaincre Israël maintenant». Ce n’est pas un problème, demain nous aurons cette capacité. La résistance et la confrontation sont cycliques, il y a des jours favorables et des jours moins favorables. Qui a jamais comparé la résistance aux moyens à la disposition d’un tyran, d’un agresseur ou d’un occupant ? La résistance est une idée, un projet, une volonté et une confrontation, même si elle est menée par une seule personne qui reste seule pour mourir.
Imad Marmal :
D’accord. Une autre affirmation dit que vous avez accepté le principe de remise des armes lorsque vous avez accepté l’accord de cessation des hostilités, qui stipule dans l’un de ses articles que les forces autorisées à porter des armes au Liban se limitent à l’armée, aux forces de sécurité intérieure, à la Sûreté générale, à la sécurité d’État, aux douanes et à la police municipale. Que répondez-vous à cette interprétation ? Est-il vrai que vous avez accepté un accord déséquilibré ?
Cheikh Naïm Qassem :
Il faut faire une distinction entre la résolution 1701, qui contient tous ces aspects que vous mentionnez, et l’accord de cessation des hostilités, entré en vigueur le 27 novembre.
L’accord de cessation des hostilités ne concerne que le sud du fleuve Litani. Le sud du Litani est mentionné cinq fois dans l’accord et cet accord est une introduction et un prélude à l’application de la résolution 1701.
«Israël» et son entité, et leur lien avec l’État libanais, sont limitées à l’application de l’accord : il s’agit seulement de la zone au sud du Litani. L’État libanais prend en charge la zone et les «Israéliens» se retirent et appliquent tous les autres points, de l’arrêt de l’agression au reste. L’accord est exécuté et clos. La résolution 1701 impose des responsabilités à l’État libanais. Mais c’est l’État libanais qui décide de sa politique interne : établir sa souveraineté, coordonner la situation avec la résistance, trouver comment gérer le problème des armes et autres détails, qui deviennent donc des affaires internes libanaises, discutées et traitées en interne, sans intervention d’«Israël».
Maintenant, «Israël» cherche à intervenir dans les affaires internes du Liban. Nous devons donc nous mettre d’accord en interne au Liban, mais «Israël» veut que nous passions à la phase des armes, alors que dans la première phase, de tout ce qui concerne les «Israéliens» rien n’a été exécuté. Les questions internes ne concernent pas les «Israéliens».
Imad Marmal :
Que répondez-vous à ceux qui disent que la décision de remettre ou de conserver les armes est finalement iranienne, puisque les armes proviennent de la République islamique d’Iran et que c’est elle qui décidera de leur sort ?
Cheikh Naïm Qassem :
Est-ce que les Iraniens envoient leurs gardes pour porter les armes et protéger les dépôts ? Ou bien est-ce nous qui portons les armes et protégeons les dépôts ?
Nous sommes Libanais, c’est notre décision, elle est entre nos mains, ce sont nos armes. Nous partageons des idées avec l’Iran : nous sommes contre «Israël», les Iraniens sont aussi contre «Israël», nous voulons libérer la Palestine, ils veulent libérer la Palestine. Mais nous sommes sur notre terre, au Liban : nous combattons, nous libérons, nous devenons des martyrs, et nous continuerons. Les armes nous appartiennent et la décision qui les concerne nous appartient.
Cela devrait être clair : l’Iran serait très heureux si nous ne remettions pas nos armes. Oui, qu’ils se réjouissent. Leur pensée est comme la nôtre... Nous sommes également heureux quand ils réussissent et frappent «Israël» pendant douze jours, et ne lui permettent pas d’atteindre ses objectifs. Nous partageons leur joie.
Imad Marmal :
Pour conclure ce chapitre : certains vous conseillent de renoncer volontairement aux armes, sinon «Israël» les enlèvera par la force. Que répondez-vous à cela ?
Cheikh Naïm Qassem :
La main de l’ennemi israélien ne peut rien faire. Nous sommes présents, et grâce à Dieu nous avons appris à réagir. Nous le ferons, Inchallah, au niveau voulu et nous sommes prêts à faire face dans toute confrontation. Ils ont essayé lors de la bataille des Vaillants et ils n’ont rien obtenu. S’ils veulent réessayer, nous nous en remettrons à Dieu.
Notre décision reste celle de la défense et de la résistance jusqu’au dernier souffle, et notre confiance en Dieu est grande : nous sommes victorieux et nous poursuivrons notre chemin.
Imad Marmal :
Ne craignez-vous pas que cette position crée un problème à l’intérieur du Liban, vis-à-vis de l’État ou des autres forces opposées aux armes ?
Cheikh Naïm Qassem :
Maintenant, s’il y a des gens effrayés, voulez-vous que je devienne effrayé comme eux pour qu’ils m’acceptent ? Pourquoi sont-ils si effrayés, pourquoi se cachent-ils et se terrent-ils ? Que veulent-ils ? Vivre deux ou trois jours sans savoir où, puis quelques jours en paix selon leur optique. Qui les en empêche ? Les gens sont attaqués et vous voulez jouer dehors ? Allez-y, personne ne vous en empêche. Mais vous voulez nous obliger à agir comme vous ? Non.
Nous sommes un groupe qui a sa fierté, sa dignité et qui vénère sa patrie. Nous faisons ce que nous jugeons utile. Je ne réponds pas à ceux qui critiquent, je réponds aux patriotes qui considèrent que défendre la patrie est fondamental, que la souveraineté est fondamentale et qui prouvent à chaque moment leur indépendance. Pas à ceux qui nous veulent nous donner des leçons alors qu’ils échouent partout. Non, nous n’accepterons pas cela.
Imad Marmal :
Face au refus international de reconstruire le Liban avant la remise des armes et aux moyens limités de l’État libanais… que fera le Hezbollah sur ce dossier ? La population, ou «l’environnement de la résistance», souffre aussi : certains ne peuvent pas reconstruire ni retourner dans leurs maisons. Comment le Hezbollah traitera-t-il ce dossier ?
Cheikh Naïm Qassem :
Le Hezbollah intervient autant qu’il peut. Là où il ne peut pas, il cherche à rendre possible ce qui peut l’être, dans la mesure de ses moyens. Lorsque nous avons réinstallé 350 000 familles chez elles- soit par restauration des maisons endommagées, soit par relogement : 300 000 restaurations, 50 000 relogements pour maisons détruites – qu’est-ce que cela signifie ?
C’est un effort, un dévouement. Nous nous considérons responsables envers notre environnement, et nous faisons notre devoir.
La reconstruction est avant tout la responsabilité de l’État, car lorsqu’Israël attaque, c’est le Liban qui est attaqué, et les citoyens libanais sont les victimes. L’État doit protéger ses citoyens, s’occuper de leurs problèmes, reconstruire leurs maisons détruites. C’est la responsabilité de l’État, annoncée dans le programme gouvernemental et rappelée par le Premier ministre et le président. L’État est donc responsable.
Certes, il y a des pressions extérieures qui empêchent l’afflux de fonds, mais l’État doit commencer. S’il dit qu’il n’a pas assez de moyens, il doit commencer avec ce qu’il a. Si le budget prévoit 100 millions de dollars, commençons par ce minimum. Nous ne demandons rien à l’État qu’il ne puisse assumer.
Il doit commencer par confier une partie du projet de reconstruction, créer un fonds, solliciter des dons de l’étranger, exercer la pression nécessaire. Il est faux de dire : «parce qu’ils ne nous soutiennent pas, nous ne commençons pas». L’État doit agir.
Quant à nous, nous ne manquerons pas à nos devoirs. Cela demande de la patience pour compléter les projets et voir l’État agir davantage. Nous continuerons à faire ce que nous pouvons.
Imad Marmal :
Mais l’ennemi tente également d’empêcher toute reconstruction dans le Sud. Cherchent-ils à monter votre environnement populaire contre vous?
Cheikh Naïm Qassem :
C’est leur but principal. S’ils empêchent les gens de retourner chez eux et les maintiennent déplacés, espèrent-ils créer une réaction contre le Hezbollah et la résistance, et influencer ainsi sur le futur de la résistance ?
Voyez le résultat : ils détruisent davantage, l’environnement reste uni et affirme son attachement à la résistance. «Israël» ne réussira pas dans ce projet. Certes, l’État libanais doit agir plus efficacement. Que fait le mécanisme ? Que fait le président du mécanisme ? Ce président «américain» est-il là pour détruire et pour aider Israël ? Ou doit-il signaler les violations et les stopper ? Actuellement, toutes les violations viennent d’«Israël» et nous ne voyons aucune action de la part du « mécanisme».
Je le répète toutefois : la reconstruction doit être menée par l’État libanais.
Imad Marmal :
Et le dossier des prisonniers dans les prisons israéliennes ? Que fait le Hezbollah pour leur libération ? Certains se demandent pourquoi le Hamas n’a pas réclamé la libération des prisonniers libanais dans le cadre des négociations avec «Israël», alors que le Hezbollah a soutenu Gaza auparavant ?...
Cheikh Naïm Qassem :
La situation à Gaza n’a pas permis de faire plus que ce qui a été fait. Même certains chefs  palestiniens n’ont pas pu être libérés.
Les dirigeants du Hamas nous ont dit qu’ils tenteraient de sortir des prisonniers dans le cadre d’un accord, mais je pense que cela n’a pas été facilité, Israël était intraitable. Quant à nos prisonniers, la responsabilité première incombe à l’État libanais, qui supervise et suit l’accord. Il n’existe pas d’autre moyen que la pression de l’État et des garants étrangers. L’État doit continuer à agir, hausser le ton, se mobiliser davantage. C’est une partie intégrante de la confrontation à l’agression que l’État doit gérer.
Imad Marmal :
Passons aux relations avec les forces politiques et les présidents. Commençons par la plus complexe et tendue : avec le Premier ministre. Peut-on espérer un apaisement entre le Hezbollah et Nawaf Salam au moins jusqu’aux élections législatives, ou est-ce difficile de gérer ce différend ?
Cheikh Qaïm Kassem :
Il faut rappeler que dès le départ, nous n’avons pas nommé le Premier ministre, mais nous avons accordé notre confiance au gouvernement. Nous avons donc tendu la main et nous sommes prêts à coopérer.
Il peut y avoir des divergences sur certains points, ce qui est acceptable. Mais si le différend est fondamental et que le Premier ministre agit sur des points pouvant créer un problème national – comme cela a été le cas lors de la séance gouvernementale du 5 août-, nous devons dire que c’est une erreur et ne pas l’accepter. Ensuite, sur la question du Rocher de Raouché, il y a eu récemment des déclarations positives du Premier ministre.
Je dis au Premier ministre : nous sommes aussi positifs, nous voulons coopérer et réussir ensemble, dans l’intérêt du pays. Nous ne voulons pas de conflit. Mais les grandes questions stratégiques ou tout ce qui peut provoquer une crise nationale, il vaut mieux les laisser de côté et en discuter dans des cercles fermés pour trouver un terrain d’entente. Nous voulons l’unité du pays et le succès du gouvernement.
Je le dis clairement : entre nous et le Premier ministre, il n’y a pas de problème. Nous sommes prêts à coopérer. Si le Premier ministre avance d’un pas, nous avancerons dix fois plus. Nous n’attendons d’ailleurs pas qu’il fasse le premier pas. Inchallah, nous nous rencontrerons, nous nous comprendrons et nous discuterons en toute franchise... l’avenir le montrera. Les problèmes passés sont derrière nous. Il n’y a pas de conflit personnel. La priorité, c’est l’intérêt du pays et la gestion de ses problèmes.
Imad Marmel :
Je ne veux pas gâcher cette ambiance positive entre vous deux, et c’est vrai, comme vous le dites, que les récentes déclarations ont donné des signaux positifs, notamment lorsque le Premier ministre a dit qu’il apprécie les sacrifices du Hezbollah qui ont contribué à la libération du Sud. Mais il a dit aussi, dans une autre déclaration, qu’il faut que le Hezbollah se transforme en parti politique et qu’il renonce à sa branche armée.
Cheikh Naïm Kassem :
Je ne le blâme pas pour ces paroles. Il exprime son opinion, il n’y a pas de problème. Mais ce n’est pas lui qui nous transformera ainsi ! Il y a une différence entre dire : «Mon avis est tel», et il est libre de son avis. Et dire : «Je veux vous obliger à agir ainsi» ! Soyez donc un peu patients avec nous... Donc, je dis que personne n’empêche quiconque de donner son avis, mais nous ne voulons pas entrer en confrontation.
Imad Marmal :
Comment décrivez-vous la relation avec le président de la République, le général Joseph Aoun, à ce stade ? Et dans quelle mesure sentez-vous qu’il est devenu plus réaliste et pragmatique - si je puis dire - dans son approche du dossier des armes de la résistance ?
Cheikh Naïm Qassem :
Le président Joseph Aoun, depuis le début, avait une approche positive dans le traitement des dossiers par le dialogue, et il l’a exprimé à plusieurs reprises.
Maintenant, ce qui s’est passé avant et après le 5 août n’a pas perturbé le climat entre nous. Nous considérons que notre coordination avec le président est essentielle, nécessaire et continue. La communication existe à travers certaines correspondances entre nous et lui. Inchallah, de cette manière, nous réaliserons des acquis pour le Liban. Mais le Liban ne peut se développer sans consensus. Il faut bien comprendre qu’au Liban, personne ne peut atteindre un résultat par le conflit. Ceux qui appellent au conflit recherchent simplement un rôle, et ils considèrent que leur rôle est dans le conflit pour que les gens se battent entre eux, et ainsi ils continuent d’exister. Pauvres d’eux, ils ne savent pas que nous avons un long souffle, et ils ne nous feront pas tomber dans le piège du conflit, et leur situation sera de plus en plus évidente jour après jour. Même si vous pensez maintenant que vous étalez un peu de plumes, cela ne durera pas. Améliorez vos actions, ce serait préférable. Nous, nous tendons la main à tous, et nous avons dit : «Même à ceux avec qui nous sommes en désaccord, nous voulons tendre la main. S’ils ne veulent pas la saisir, au moins qu’ils ne soient pas hostiles envers nous. Nous leur disons : ne vous comportez pas en ennemis.» Qui est l’ennemi ? L’ennemi est celui qui prend des mesures ou appelle à des mesures destinées à nous frapper. Que dois-je faire avec ces gens ?... Je dis donc que le président de la République est totalement éloigné de cette atmosphère, et en fait, il est pris pour cible par ces mêmes groupes. Davantage de coopération ne peut qu’être profitable pour le Liban.
Imad Marmal :
Comment décririez-vous la relation avec l’armée libanaise ? Et comment gérez-vous son plan pour le contrôle des armes sur le territoire libanais ?
Cheikh Naïm Qassem :
L’armée libanaise est une armée nationale, sa doctrine est nationale, et sa performance durant la période passée a été bonne. Elle l’est toujours actuellement. Donc, nous considérons que l’armée nationale a réussi à être un sujet de consensus pour les Libanais. Il faut préserver cela et continuer sur cette voie.
Concernant le plan de monopole des armes, elle agit de manière équilibrée. J’invite à continuer à prendre en compte qu’il ne doit y avoir aucune arrière-pensée de confrontation avec l’environnement en réponse à une pression d’où qu’elle vienne. Actuellement, des pressions sont exercées. Mais pour nous, l’intérêt du Liban reste la priorité, et notre continuité avec eux dans le cadre d’une même nation est plus importante que tout.
Inchallah, le futur sera en faveur de la puissance de l’armée libanaise, et Inchallah, elle sera mieux et plus équipée et elle disposera de plus de moyens et de capacités. Pour nous, la devise reste la même : armée, peuple, résistance.
Imad Marmal :
Cette équation est-elle toujours en vigueur ?
Cheikh Naïm Qassem :
Oui, elle est en vigueur, car lorsqu’on parle d’une nation, elle doit avoir les moyens de sa défense. Toutes les mains doivent contribuer et toutes les possibilités doivent être présentes. Il ne suffit pas de laisser l’armée seule, sauf si elle est capable. Or, la nôtre ne l’est pas entièrement. Nous, en tant que résistance, devons être avec elle, et nous, en tant que peuple, devons être avec elle.
Imad Marmal :
Dans quelle mesure peut-on dire que la force de la résistance a perdu sa couverture officielle en raison du changement d’attitude de l’État après les fameuses décisions du 5 et 7 août ? Avant, vous aviez une légitimité provenant de l’État libanais qui était aligné sur votre position, dans les mandats précédents. Maintenant que cette position a changé, sentez-vous que cela a affaibli la couverture qui protégeait le Hezbollah à l’intérieur du pays ?
Cheikh Naïm Qassem :
Voyez-vous, durant la période précédente, la résistance a travaillé pour avoir plusieurs couvertures :
•    une couverture populaire,
•    une couverture de coopération avec tous les résistants,
•    une couverture de l’unité nationale,
•    une couverture de forces politiques supplémentaires,
•    et une couverture dans la Déclaration ministérielle.
Donc elle avait plusieurs couvertures. Car plus vous êtes présent sur le terrain, plus vous pouvez rassembler autour de vous, plus vous obtenez de force. Oui, nous avons perdu quelque chose dans la position de l’autorité politique. Mais ce n’est pas tout. Grâce à Dieu, les autres couvertures existent encore, et même la couverture de l’État- comment dire ? peut être un peu déchirée, mais nous savons comment la recoudre.
Imad Marmal :
Maintenant, je vous pose une question sur la préparation des élections législatives, car certains considèrent que le prochain scrutin est la continuation de la guerre par des moyens politiques et qu’il y aura des «urnes de combat» équivalentes aux boîtes de munitions, si je puis dire.
D’abord, le Hezbollah veut-il réellement organiser les élections législatives à la date prévue par la Constitution, ou estime-t-il que les circonstances actuelles ne lui sont pas favorables, et qu’il préférerait peut-être reporter cette échéance ?
Cheikh Naïm Qassem :
Nous sommes pour la tenue des élections à la date prévue, pour plusieurs raisons :
•    La première raison : c’est l’ordre général.
•    La deuxième raison : pour prouver que nous sommes dans le cadre des élections, comme avant, grâce à Dieu nous avons une large et influente représentation au sein du parlement.
•    La troisième raison : certaines équations internes au parlement pourraient changer, et la situation pourrait devenir meilleure que celle qui prévaut actuellement.
Donc, en tenant compte du respect des règles et de la loi, et avec la possibilité d’obtenir des améliorations, nous considérons que tenir les élections à la date prévue est plus reposant et préférable pour nous et pour le pays en général. Un report de deux jours ne sert à rien, ni un report estival, ni autre chose, sauf si quelqu’un a un objectif précis. Nous n’avons pas d’objectifs particuliers.
Pour nous, tenir les élections à la date prévue est approprié. Il y a une loi en vigueur, donc appliquons-la. On ne peut pas constamment la changer pour créer une loi à la mesure de telle ou telle autre partie. Donc, nous sommes pour la loi en vigueur, qu’elle soit appliquée.
Imad Marmal :
Pourquoi avez-vous cette sensibilité concernant l’octroi du droit de vote aux expatriés pour les 128 députés ?
Cheikh Naïm Qassem :
Tout d’abord, nous sommes en faveur de la loi. La loi donne le droit aux expatriés et elle stipule qu’ils ont six sièges à l’extérieur des circonscriptions.
La question : pourquoi, lorsque nous avons conclu l’accord en 2017, toutes les forces ont placé les expatriés à l’étranger dans les six sièges ? Pourquoi ? A ce moment, on pensait qu’il ne fallait pas que ceux qui sont à l’extérieur influencent toutes les élections à l’intérieur du pays, et nous n’avions pas les moyens de nous déplacer à l’étranger.
Je vous révèle un secret : nous avons accepté en 2022 que ceux qui sont à l’étranger votent, car certains de nos alliés étaient déterminés à adopter cette position. Nous les avons donc suivis. Maintenant, ils ont changé. Maintenant, nous réalisons que nous ne pouvons pas contrôler les expatriés à l’extérieur, car nous n’avons pas une capacité de mouvement à l’étranger, et tous les pays surveillent les jeunes et les femmes. Donc nous ne pouvons pas agir, ni faire campagne à l’étranger.
Nous ne disons donc pas que les expatriés ne doivent pas voter. Depuis la fondation du Liban jusqu’à présent, les expatriés venaient-ils voter ? Oui. Que cela continue.
Imad Marmal :
Quel sera le critère pour vos alliances électorales ? Et dans quelle mesure cela vous a-t-il dérangé que certains alliés vous aient abandonnés ?
Cheikh Naïm Qassem :
Concernant les critères pour les élections législatives, généralement, c’est l’intérêt électoral qui prime. Donc parfois, vous voyez des personnes qui ne sont pas d’accord politiquement, s’accorder électoralement. Quoi qu’il en soit, nos critères actuels sont les suivants: là où il y a un intérêt électoral et un intérêt politique, nous formons une alliance. Donc nous n’avons pas de règle absolue pour dire que nous formons alliance avec untel et pas avec tel autre. Nous agissons selon le détail sur le terrain.
Imad Marmal :
Au niveau politique, vous avez remarqué que certains alliés se sont éloignés de vous récemment, cela vous a-t-il dérangé ?
Cheikh Naïm Qassem :
En fin de compte, vous pourriez dire que c’est une perte, vous avez perdu un allié. Oui, nous avons perdu, mais que faire ? Nous faisons ce que nous devons, et nous faisons aussi confiance à Dieu. Je suis responsable de moi-même, pas des autres. Un allié part, un autre arrive à sa place. Dieu envoie toujours quelqu’un.
Imad Marmal :
Vous vous allierez avec le Courant patriotique libre aux élections selon les circonstances ?
Cheikh Naïm Qassem :
Ce n’est pas une règle générale, mais rien n’empêche de le faire, selon l’intérêt des deux parties.
Imad Marmal :
J’ai entendu des rumeurs selon lesquelles le député Hajj Mohammad Raad pourrait ne pas rester président du bloc de la Fidélité à la résistance à l’avenir, autrement dit, il pourrait ne pas se présenter aux élections pour se consacrer à d’autres responsabilités au sein du Hezbollah, est-ce exact ?
Cheikh Naïm Qassem :
Nous n’avons pas encore pris de décision sur qui se présentera et qui ne le fera pas.
Imad Marmal :
Dans votre dernier discours, vous avez critiqué le gouverneur de la Banque centrale et le ministre de la Justice pour les mesures qu’ils ont prises à l’encontre des citoyens libanais figurant sur la liste des sanctions américaines, ou même proches du Hezbollah. Dans ces mesures, il suffit d’être proche du parti pour faire l’objet de restrictions. Ma question : ces mesures laissent-elles entendre que l’influence du Hezbollah au sein de l’État libanais a diminué, et que la voix dominante est maintenant celle de la tutelle américaine ?
Cheikh Naïm Qassem :
Nous n’abordons pas la question sous l’angle de l’influence du Hezbollah. Il y a des lois libanaises.
Ces lois donnent au citoyen le droit de voir ses droits civils protégés : pouvoir obtenir une carte d’identité, vendre et acheter, transférer des propriétés, déposer son argent dans une banque, etc.
Ce sont des droits civils, supposés être communs à tous les Libanais. Tout responsable de l’État- qu’il soit ministre, gouverneur de la Banque centrale ou autre- doit traiter tous les citoyens libanais de manière égale. Lorsque le gouverneur ou le ministre publie une décision disant : «Parce que les Américains l’ont mis sur la liste», dites-moi : quel est votre rôle ? Que les Américains fassent ce qu’ils veulent dans leur pays. Même vous, vous devriez dire aux Américains : «Je ne peux pas, je suis responsable de ce citoyen dans mon pays et je veux lui donner ses droits, je ne peux pas l’en priver». Vous remarquerez que nous n’avons pas été les seuls à nous opposer, le Courant patriotique libre a aussi protesté, des juristes ont protesté, car il y a un problème réel : un notaire a des fonctions précises, et si vous l’obligez à suivre les fonds, vous lui donnez des responsabilités qu’il n’a pas à assumer. Vous le mettez ainsi en faute. Donc, il y a là une violation réelle de la loi. Nous discutons de cela non pas seulement parce que cela nous touche, mais parce que légalement, vous ne pouvez pas utiliser votre position ainsi. Il faut mettre fin à cela, car tout citoyen libanais a le droit d’agir dans son pays comme les autres citoyens, et le responsable ne doit pas se comporter comme un agent américain.
Imad Marmal :
Quel est le sort de l’invitation que vous avez adressée à l’Arabie saoudite pour ouvrir une nouvelle page dans vos relations ? Y a-t-il eu un écho positif à Riyad pour cette invitation, selon vos informations ?
Cheikh Naïm Qassem :
Nous n’avons reçu aucun retour, personne ne nous a parlé de cette initiative positive envers l’Arabie saoudite. Donc, si cela arrive, on le verra. Mais nous avons fait ce que nous devions faire. Nous considérons que nous tendons la main, publiquement et non secrètement, à toute personne qui considère avoir un problème ou des interrogations sur le Hezbollah. Le Hezbollah est ouvert à tous et tend la main à tous. Et même si des problèmes passés existent ici ou là ou avec un État particulier, nous sommes prêts à ouvrir une nouvelle page. Sauf bien sûr, avec les États-Unis et «Israël». En tout cas pas avant que les Etats-Unis changent leur comportement. Jusqu’à présent, quand les États-Unis ouvrent une relation, pensez-vous qu’ils le font pour coopérer ou pour frapper l’autre et lui dire «rendez-vous» ?
Imad Marmal :
Le Hamas a-t-il négocié avec les Américains ?
Cheikh Naïm Qassem :
Ils ont leurs propres circonstances, et ils ont négocié dans la mesure qu’ils ont jugée appropriée. Dans nos conditions, nous ne voyons pas l’intérêt d’ouvrir la relation, donc pourquoi s’asseoir avec eux ? Pour recevoir des leçons ou augmenter la pression sur nous ? Il n’y a aucun intérêt.
Imad Marmal :
Les déclarations et le comportement des émissaires américains au Liban, notamment Tom Barrack, vous irritent-ils ?
Cheikh Naïm Qassem :
En réalité, je ne m’attendais pas à autre chose de sa part. Au contraire, c’est le meilleur qui soit venu au Liban, parce qu’il est direct et franc. Mais je voudrais que tous ceux qui ont entendu ses propos et qui ont avalé leurs langues, répondent à ma question : N’est-ce pas une violation de la souveraineté ? Il a repris les menaces «israéliennes» et il a clairement affirmé : «pas de reconstruction», il a insulté tout le monde, et il a donné des ordres à l’armée libanaise pour qu’elle entre en confrontation avec la résistance ? Tout cela, cela ne s’appelle-t-il pas une ingérence dans les affaires internes? Grâce à Dieu, tout cela montre où se situent réellement les gens et les forces politiques. Cela révèle qui est pour la souveraineté et qui ne l’est pas.
Imad Marmal :
Nous arrivons à la fin de l’émission, quelques dernières questions. Pour revenir au début, qu’est-ce qui a changé dans votre mode de vie en tant que secrétaire général du Hezbollah ?
Cheikh Naïm Qassem :
J’avais une vie sociale, qui a disparu. Autrement dit, nous sommes maintenant à un endroit et la famille est ailleurs. J’avais un emploi du temps quotidien à la minute près. Maintenant ce système n’existe plus, il y a un autre emploi du temps, d’autres arrangements. J’avais des tâches à accomplir et un peu de temps libre ; maintenant je n’ai plus de temps libre, car les responsabilités sont plus grandes et plus vastes.
Mais si vous me demandez : «êtes-vous à l’aise dans votre position ?» Je réponds : je suis à l’aise, parce que je remplis ma mission. Nous sommes les enfants d’un parcours : celui de l’islam, du Hezbollah et de la résistance. Celui qui prend ce chemin ne parle pas de fatigue ou de confort, mais de la bonne exécution de la mission ou de ce qui lui reste à faire. Avec Dieu, nous faisons le nécessaire. Certainement, certaines choses ont changé dans ma vie, et j’apprends chaque jour de nouvelles choses : les combattants m’enseignent, les gens m’enseignent. Je leur ai dit un jour en donnant une conférence : «croyez-vous que quand je donne une conférence, j’apprends quelque chose que j’ajoute avant même de parler avec vous ?»
Car lorsqu’on est face au public, il y a toujours une interaction, une idée peut naître grâce à lui. Même dans la manière de l’exposer, on peut la changer à cause de lui. On apprend toujours des choses. Aujourd’hui, j’apprends encore plus des gens, des combattants, et bien sûr de mes frères, parce que nous sommes une direction collective, c’est-à-dire une direction consultative et des dirigeants en place. Grâce à Dieu, nous avons une façon de travailler, mais cela fait partie de notre parcours.
Imad Marmal :
Un proche nous a dit qu’avant de devenir secrétaire général, vous comptiez jusqu’à trois avant de dormir en posant la tête sur l’oreiller. Maintenant, après votre nomination, comptez-vous jusqu’à dix ? La différence est-elle grande ? Dormez-vous tranquillement ?
Cheikh Naïm Qassem :
Maintenant, peut-être que cela est lié à l’organisation, une des choses qui m’aide à ne pas m’inquiéter - et cela peut être lié à mon corps, chaque personne peut être différente, ne dites pas que je suis unique-, je ne laisse rien occuper mon esprit. Par exemple, j’ai des suivis précis, je les note. Une idée me vient, je l’écris. Ce que font les gens normalement : «rappelle-moi de prendre mon médicament», ou «rappelle-moi ceci», je prends une feuille ou je règle une alarme pour être rappelé. Il y a donc des techniques pour ne pas rester trop occupé mentalement. Grâce à Dieu, nous accomplissons la tâche requise. Il y a certainement des jours où le temps de sommeil est plus réduit que d’autres. Mais en général, nous suivons un système, si Dieu le veut, conforme à nos capacités : la capacité du corps. Si ce corps se repose un moment, il peut donner plus d’efforts à un autre endroit. Cela fait partie du système adopté.
Imad Marmal :
Comment gérez-vous le danger d’être pris pour cible par «Israël» ?
Cheikh Naïm Qassem :
Je ne ressens pas le danger, car je fais ce que je dois faire, et Dieu s’occupe du reste. De quel danger s’agit-il? Vais-je me lamenter ? Non, la situation est normale, tant que nous prenons les mesures nécessaires.
Imad Marmal :
Après la dernière guerre, nous avons entendu des expressions telles que : «le Hezbollah a disparu, ou il s’est affaibli, il a été vaincu, il a reculé». Le secrétaire général du parti, Cheikh Naïm Qassem, comment voit-il l’avenir du parti aujourd’hui ?
Cheikh Naïm Qassem :
Le premier point de ma réponse est que je veux évoquer sayyed Hassan il ne faut pas l’oublier. Il y a aussi ceux qui ont travaillé pendant toute cette période, avec les chefs combattants, il ne faut pas les oublier non plus. C’est un parcours. Ceux qui ont semé, nous avons vu leurs fruits dans la bataille des Vaillants. Après cette bataille, il est apparu que malgré cette pression exceptionnelle — 4000 bipeurs et talkies walkies qui explosent, des chefs de premier rang qui sont tués, deux secrétaires généraux morts en martyrs, des frappes d’une intensité incroyable en un seul jour — tout cela n’aurait pas seulement ébranlé les montagnes, ni détruit des partis en entier, cela aurait détruit des Etats. Malgré cela, le parti est toujours là et il poursuit son parcours.
Je suis présent dans ce parti et je le vois s’épanouir davantage et croître encore plus. D’ailleurs, il y a un aspect que nous n’avons pas abordé : j’ai parlé des familles, mais ici, je veux insister sur les femmes, les jeunes filles, les mères. Ce sont elles qui fabriquent et donnent le courage, elles construisent, elles deviennent des martyrs et elles donnent des martyrs, car ce qu’elles font n’est pas ordinaire, ni naturel. Ce sont de véritables piliers.
Je vois qu’un parcours comme celui-ci, malgré toutes les pressions exercées, ne peut que se poursuivre et même plus, il s’améliore. Jusqu’à présent, on nous envie pour notre continuité, et une présentatrice disait hier : «Pourquoi continuent-ils à s’améliorer de plus en plus ?» Si Dieu le veut, nous continuerons ainsi, de plus en plus.
Nous sommes un groupe qui vit dans l’attente de l’Imam Mahdi. Qui peut nous arracher cette conviction ? Qui peut nous enlever notre force et notre capacité ? Nous avons l’Imam, Dieu, les combattants, le sang des martyrs, les sœurs et les mères, les jeunes et les hommes, et toute cette capacité à donner. Si Dieu le veut nous continuerons toujours vers l’avant.
Imad Marmal :
Cela en ce qui concerne le Hezbollah. Et aux Libanais en général, que leur dites-vous ? Quel est votre message pour eux, surtout qu’ils vivent dans l’inquiétude… je veux dire, concernant l’avenir ?
Cheikh Naïm Qassem :
Je dis aux Libanais : si nous nous mettons d’accord entre nous - même les différentes forces politiques - et que nous mettons de côté les sujets sur lesquels nous ne sommes pas d’accord, comme les armes ou autres, et que nous travaillons ensemble pour construire l’économie, l’administration, combattre la corruption, coopérer –même si nous avons des divergences sur les détails- dans le but de construire notre pays, et que nous cessons de faire tout ce qui pourrait servir à «Israël» et lui être profitable, nous pourrons aller de l’avant. Certains devraient donc cesser de donner des déclarations qui servent «Israël» et lui profitent. Au contraire, poussez-les au désespoir face à nous. Si nous sommes unis et que nous poussons nos ennemis au désespoir, notre pays sera reconstruit, et nous nous entendrons entre nous.
Imad Marmal :
Avec ces belles paroles, nous concluons cet entretien passionnant avec vous Cheikh Naïm Qassem, à l’occasion du premier anniversaire de votre prise de fonction comme secrétaire général, et également un an après la bataille des Vaillants. Si Dieu le veut, la résistance et le Liban réaliseront de nombreux succès sous votre mandat au sein du Hezbollah.


 

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