Attaque «israélienne» à Doha: un coup fatal à la médiation qatarie ?

Par Assia Husseini
La capitale qatarie, Doha, a été, le 9 septembre 2025, le théâtre d’un raid aérien «israélien» qui a visé une réunion de dirigeants du Hamas, constituant, semble-t-il, un coup fatal aux efforts de médiation menés par Doha entre les deux parties palestinienne et «israélienne». Doha a qualifié l’attaque de «terrorisme d’État» qui menace les tentatives visant à parvenir à un cessez-le-feu. Le Premier ministre qatari Mohammed Ben Abderrahmane Al Thani a souligné que les dernières années avaient permis d’établir la confiance envers le Qatar en tant que médiateur, mais que ce qui s’est passé «détruit le canal le plus fiable pour transmettre des messages à la direction du Hamas à Gaza».
Il a insisté sur le fait que son pays «n’avait ménagé aucun effort pour assurer la réussite des négociations, mais qu’après l’attaque, il ne restait plus rien», en référence à l’érosion du rôle de médiateur du Qatar et à l’arrêt de toute discussion sérieuse avec les deux parties.
«Israël» en crise interne
Le professeur en droit international, le Dr Hassan Jouni, a considéré qu’«Israël» traverse une crise interne et a voulu déplacer la bataille vers l’extérieur : «Israël» a saisi cette opportunité, étant isolé sur le plan intérieur, l’assassinat de hauts dirigeants du Hamas pourrait le renforcer en interne et lui rendre la visibilité perdue récemment. Il a ajouté qu’«Israël» a cherché à «fuir en avant» pour enregistrer une victoire fictive, à la fois sur le plan interne et externe, mais que cette tentative a échoué et qu’il devra en payer le prix, notamment sur le plan de l’échec du renseignement, d’autant plus que même ses alliés se sont retournés contre lui, considérant que cet acte est extrêmement grave et menace la paix civile aux niveaux international et régional.
M. Jouni a rappelé que la Charte des Nations unies, notamment son article 2 qui interdit le recours à la force, a été ouvertement bafouée, mettant en danger la paix internationale. Il a indiqué qu’une partie du message de cette frappe peut être interprétée comme une réponse américaine au sommet de l’Organisation de Shanghai auquel le Qatar avait participé : «Washington voulait ainsi signifier à Moscou et à Pékin que cette région est la mienne et j’y fais ce que je juge opportun.»
Il est en effet difficile de croire que Washington ignorait la frappe contre le Hamas au Qatar.
Selon l’analyste palestinien Saleh Abou Ezza, l’annonce de la proposition américaine ressemble à un piège tendu au Hamas : pousser ses dirigeants à se réunir pour en discuter, afin de faciliter la frappe. Le président américain Donald Trump lui-même avait déclaré, en présentant son plan, qu’il s’agissait d’un «ultimatum», ce qui suggère une connaissance préalable du projet israélien, ajoute-t-il. L’attaque ayant eu lieu à Doha, alors que l’espace aérien qatari est sous contrôle militaire américain via la base militaire américaine Al Udeid, il est difficile d’imaginer que l’opération se soit déroulée sans le consensus américain. En effet, l’argument selon lequel les États-Unis n’ont fait que recevoir l’information concernant la frappe aérienne contre le Qatar apparaît comme une tentative maladroite de disculper la Maison-Blanche et de réduire l’embarras vis-à-vis de son allié et partenaire, à savoir le Qatar.
Une négociation paralysée
La frappe contre le Qatar a entraîné une quasi-paralysie du processus de négociation sur la trêve et l’échange de prisonniers. Les dirigeants du Hamas s’étaient en effet rassemblés pour discuter de la proposition de trêve américaine. Cette proposition, selon Abou Ezza, n’est pas un compromis entre les deux parties, mais bien, dans les faits, une capitulation imposée aux Palestiniens au profit d’«Israël». Voilà le nœud du problème, ajoute-t-il : les États-Unis se présentent comme arbitres, mais demeurent totalement alignés sur la position «israélienne». Ainsi, le dernier document présenté par l’administration Trump est perçu comme une «charte de reddition» pour la résistance, rédigée à «Tel-Aviv» puis annoncée au nom de Trump.
On ne peut donc pas qualifier ce texte américain de véritable base de négociation : il n’offre aucun espace de discussion, mais exige de la résistance la libération de tous les prisonniers en échange de l’arrêt de l’opération «Chariots de Gideon 2», autrement dit la suspension de l’occupation de Gaza, avant d’entrer en pourparlers sous garantie américaine – ou simplement sous la parole de Trump. Or, l’expérience récente démontre la fragilité de ces promesses. Abou Ezza rappelle qu’il y a quelques mois à peine, la libération du soldat «israélo»-américain Aidan Alexander avait été conditionnée par l’acheminement d’une aide humanitaire vers Gaza, qui s’est traduite par le déclenchement d’une guerre de famine contre la population palestinienne.
Une déclaration de guerre
Au-delà de son impact diplomatique, l’attaque de Doha est perçue comme une déclaration de guerre contre toute perspective de règlement politique. Elle envoie un message clair : seule une capitulation totale de la résistance palestinienne est acceptée.
Pendant ce temps, les agressions «israéliennes» se poursuivent contre Gaza. Les habitants de la ville sont poussés vers le sud sous la menace de bombardements massifs. Les tours et immeubles résidentiels sont réduits en ruines, conformément à une stratégie de terreur destinée à priver la population de toute stabilité. Selon les observateurs, «Israël» a ainsi «ouvert les portes de l’enfer sur Gaza».
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