Interprétation du communiqué du «gouvernement» de l’ennemi: la souveraineté et le monopole des armes tels que les voit «Israël»

Par Ali Haidar*
Le communiqué publié par la présidence du «gouvernement israélien», en réponse à la décision du gouvernement libanais de désarmer la Résistance, ne peut pas être considéré comme une simple déclaration politique passagère, mais plutôt comme une expression d'un parcours stratégique que l'on souhaite dessiner pour le Liban et la région.
Le communiqué publié lundi 25 aout par la présidence du «gouvernement israélien», en réponse à la décision du gouvernement libanais de désarmer la Résistance, ne peut pas être considéré comme une simple déclaration politique passagère, mais plutôt comme une expression d'un parcours stratégique que l'on souhaite dessiner pour le Liban et la région.
À un moment où plusieurs croisements sont constatés, à savoir des pressions internes sur la Résistance au Liban, des paris «israéliens» continus sur le démantèlement de son milieu populaire, et des efforts pour donner une légitimité officielle à ce que l'ennemi a échoué à imposer par la force militaire, les mots ne sont plus de simples positions, mais se transforment en outils dans une bataille à long terme, visant à redéfinir les équations de souveraineté et de pouvoir au Liban.
Ce qui attire l'attention dans ce communiqué, c'est qu'il émane directement de la présidence du «gouvernement israélien», un fait inhabituel, ce qui reflète la gravité de la décision du gouvernement libanais. «Israël» ne l'a pas considérée comme un événement interne libanais, mais comme une étape stratégique méritant une attention particulière et une exploitation. Il est clair que le communiqué n'est pas une réaction impulsive, mais une tentative de consolider ce qu'«Israël» considère comme le fruit d'efforts accumulés, issus des pressions politiques et diplomatiques exercées par des acteurs internationaux et régionaux en accord avec ses intérêts.
Ce qui ressort du contenu du communiqué «israélien», c'est que la décision du gouvernement libanais n'était pas une initiative indépendante, mais plutôt une réponse à des paris et des pressions extérieures. «Israël», qui a essayé la force militaire et a échoué à détruire l'armement de la résistance malgré les frappes sévères qu'il lui a infligées, s'est tourné vers les enjeux internes libanais, où les divisions politiques pourraient ouvrir des portes que les chars et les avions n'ont pas pu atteindre. Dans ce sens, la décision libanaise devient une sorte de «victoire par procuration» pour «Israël», lui permettant d'ouvrir un nouveau chemin vers le démantèlement de l'équation de défense établie par la Résistance depuis la libération, passant par la guerre de juillet, jusqu'aux récentes confrontations.
Les paris de Netanyahu
Lorsque Netanyahu a décrit la décision comme étant «d'une grande importance», ce n'était pas une simple louange passagère, mais une déclaration explicite indiquant que ce qui s'est passé n'est pas une fin en soi, mais le début d'un nouveau parcours. Cette étape constitue un point de départ vers des mesures ultérieures plus graves qui pourraient modifier les rapports de force au Liban et dans la région. Dans cette optique, chaque concession interne au Liban devient une opportunité supplémentaire pour «Israël» d'élargir son cercle de pression et de transformer le moment présent en une base solide pour des gains stratégiques.
L'impudence du communiqué «israélien» s'est manifestée par l’oubli total, ce qui était prévu, de la réalité de l'occupation continue et de ses violations quotidiennes de la souveraineté libanaise par voie terrestre, maritime et aérienne. En même temps, «Israël» s'est présenté comme le gardien de la souveraineté, tandis que la Résistance, qui a été fondée essentiellement pour défendre la terre et le peuple libanais, a été rangée dans la catégorie des menaces contre cette souveraineté. Cette inversion paradoxale n'est pas innocente ; elle vise à miner la légitimité de la Résistance dans la conscience des Libanais et des Arabes, transformant l'occupation d'un ennemi en un acteur «assistant» ou «partenaire» dans la construction de la stabilité !
Lorsque le communiqué «israélien» parle de «reconstruire les institutions de l'État et de l'armée loin de l'intervention des acteurs non gouvernementaux», il ne s'agit pas de renforcer l'armée pour qu'elle puisse faire face à l'ennemi, mais de reproduire un État faible, soumis à une tutelle extérieure. Il semble que l'objectif soit d'établir un État sans véritables éléments de puissance, une armée sans capacité défensive, et des institutions fonctionnant sous le plafond des conditions israéliennes et internationales. De cette manière, le concept de souveraineté est vidé de son contenu et réduit à une fonction formelle qui ne protège pas le pays contre aucune agression.
Le communiqué «israélien» ne s'est pas contenté de se féliciter de la décision libanaise, mais a clairement proposé un «partenariat avec le gouvernement libanais pour désarmer le Hezbollah et travailler ensemble pour un avenir plus sûr». Cette offre contenait un message public sur la nécessité de passer à l'harmonie et à l'intégration, en vue d'une coordination pour faire face à l'«objectif commun» qu'est la Résistance.
Cette position ouvre la voie à divers scénarios qui doivent être surveillés politiquement de près pour suivre leurs traductions pratiques. Au minimum, cet appel révèle le désir d'«Israël» de passer d'une phase de pressions indirectes à une phase de coopération publique, en accord avec le climat de normalisation croissant dans la région. «Israël» ne se contente plus de rester derrière la table ; il cherche à établir une relation directe avec le Liban, même à travers un processus graduel qui étend son influence à l'intérieur du pays.
Absence de garanties
Même dans l’évocation de ce qu’il appelle des «mesures correspondantes», le communiqué n’a pas dépassé le discours sur un «retrait progressif des troupes» plutôt que sur un retrait complet des territoires libanais occupés. Il n’a pas inclus d’indication sur l’arrêt des agressions aériennes et terrestres continues, ce qui signifie qu’«Israël» cherche à obtenir des concessions stratégiques de la part du Liban sans offrir de véritables garanties en retour.
De fait, ce n'est pas la première fois ; l'ennemi a déjà promis des retraits et des accords qu'il a ensuite sapés, profitant du soutien américain, de la complicité internationale et de l'indifférence officielle libanaise, tout en s’adaptant aux réalités qu'il impose avec un soutien américain clair.
Si nous supposons que la décision libanaise va jusqu'à son terme, le Liban se retrouvera non seulement privé de l'armement de la Résistance, mais aussi de l'équation de force qui a constitué un élément d'équilibre avec l'ennemi. Plus inquiétant encore, «Israël» pourrait alors intervenir directement dans la formulation de l'avenir politique et sécuritaire du Liban sous le prétexte de «stabilité». De cette manière, le Liban se transformerait en un terrain mis à découvert, dépourvu d'outils de protection, soumis aux diktats régionaux et internationaux qui ne le considèrent que comme une fonction dans un projet plus vaste.
À partir de ce qui précède, il est clair que le communiqué «israélien» n'est pas simplement un hommage à une décision libanaise, mais une annonce d'une nouvelle phase du conflit ; une phase où l'affrontement se déplace des frontières du sud vers le cœur du Liban. L'objectif n'est plus seulement de désarmer, mais de démanteler le modèle de résistance et de l'éradiquer de la conscience collective de la société.
Cependant, la vérité fondamentale demeure qu'«Israël», malgré son discours confiant, reconnaît implicitement son échec militaire, ce qui l'oblige à parier sur les divisions internes libanaises.
La question qui se pose aujourd'hui est la suivante : le Liban peut-il préserver sa souveraineté en l'absence de sa Résistance, ou certains Libanais réaliseront ils les dangers vers lesquels le Liban est poussé avant qu'il ne soit trop tard, en comprenant que la Résistance n'est pas un fardeau, mais la seule garantie face à un ennemi qui ne connaît que le langage de la force et de l’hégémonie ?
*Artilcle paru dans le quotidien libanais Al-Akhbar, traduit par AlAhed
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