Ce qui n’a pas été pris par la force, ne sera point imposé, même par la force

Par Ali Haïdar-AlAkhbar
Le discours du cheikh Qassem avertit que l'erreur grave du gouvernement constitue une menace existentielle pour le Liban, et que toute utilisation de l'État pour éliminer la Résistance fait du silence une trahison envers le sang et la patrie.
Les déclarations du secrétaire général du Hezbollah, cheikh Naïm Qassem, dans son dernier discours, découlent d'une compréhension profonde de la phase politique cruciale que traverse le pays. Il a souligné que le chemin emprunté par l'État s'écarte de la défense nationale pour entrer dans un parcours extrêmement dangereux, qui a des conséquences équivalentes à celles de la guerre elle-même : le démantèlement de l'État de l'intérieur, ce que «Israël» a échoué à réaliser tout au long de son histoire.
Le discours du secrétaire général du Hezbollah n'était pas simplement un discours mobilisateur émotionnel, mais constitue une déclaration de position et de choix basés sur une évaluation approfondie des risques et des options. Par ces propos, il a cherché à redéfinir les limites de l'engagement interne et à établir un plafond de dissuasion politique, selon laquelle il n'est pas question de céder de la part de la Résistance.
Trois éléments d'une grande gravité se sont entrecroisés dans ce discours :
Le premier élément est une décision gouvernementale prise le 5 août, qui consiste à un dépouillement pratique du Liban de sa force de défense face à la menace «israélienne».
Le deuxième élément est une pression américaine directe, traduite par des instructions claires qui sont mises en œuvre avec une rigueur officielle stricte. Le troisième élément est une réjouissance «israélienne» publique, exprimée personnellement par le «Premier ministre israélien Benjamin) Netanyahu, considérant la décision du gouvernement libanais comme un «succès politique» ayant accompli ce que la guerre n'a pas pu réaliser.
En revanche, comme l'a souligné cheikh Qassem, la Résistance a respecté les plus hauts degrés de discipline nationale après la guerre de 2024, en respectant le cessez-le-feu, en facilitant le déploiement de l'armée au sud, et en supportant patiemment pendant huit mois les attaques politiques, médiatiques et socio-économiques contre sa population et son environnement.
Cependant, l'équation change lorsque l'État passe d'un rôle de partenaire à celui d'un adversaire, et lorsque ses décisions servent de couverture à l'élimination de la Résistance au lieu de protéger la souveraineté.
À ce moment-là, le silence n'est pas une position nationale, mais une trahison du sang.
Cela dit, une analyse du discours révèle que la position exprimée par cheikh Qassem n'était pas un rejet du concept d'État, mais un cri face à son recul par rapport à son véritable rôle souverain.
La Résistance, comme il l'a présentée, n'est pas l'antithèse de l'État, mais un soutien et un partenaire dans la protection, et non un concurrent pour le pouvoir. Dans cette vision, désarmer la Résistance sans une stratégie de défense nationale claire n'est pas un acte légal, mais un démantèlement du pacte national lui-même, et un rejet de la première fonction de l'État : protéger son peuple et préserver sa souveraineté.
Lorsque l'État devient une couverture pour éliminer la Résistance, le silence n'est plus une position nationale, mais une trahison du sang.
Dans ce sens, le discours a servi de cri d'alerte face aux discours politiques officiels, qui se sont alignés avec les voix des adversaires intérieurs et des ennemis extérieurs pour représenter la Résistance — et non l'occupation — comme la menace et le fardeau.
En réalité, elle est une force de défense et de protection. Ce retournement conceptuel ne vise pas uniquement la Résistance, mais menace le Liban lui-même en tant qu'entité multiethnique reposant sur le pacte et l'équilibre national.
Il est notable que, malgré ses positions fermes, le discours a exprimé une politique d'apaisement de la crise. Il n'a pas appelé à descendre dans la rue, bien qu'il sache que des centaines de milliers de personnes auraient répondu immédiatement s'il avait donné le signal. Au lieu de cela, il a présenté le report de la confrontation comme un choix rationnel : nous ne voulons pas de «fitna», mais nous n'accepterons pas la capitulation.
À ce moment précis, le Hezbollah a voulu confronter les Libanais à la vérité, leur offrant une opportunité de réflexion et d’examen : qui cherche à semer la discorde ? Qui reste ferme sur la terre pour la protéger et en supporter les fardeaux ? Et qui signe des décisions qui correspondent point par point au projet «israélien» ?
«Tel Aviv» surveille et parie
Dans ce contexte, la dimension «israélienne» émerge comme un point d'ancrage dans le discours. La Résistance, comme l'a expliqué Qassem, se trouve face à un axe intégré : un État sioniste qui définit ses objectifs et ses ambitions, une administration américaine qui trace la voie, et un gouvernement libanais qui met en œuvre ce que la guerre directe n'a pas pu accomplir, tentant de le compléter par des outils politiques et administratifs.
«Israël» dans ce contexte, ne mise pas seulement sur des guerres de terrain. Il mène une guerre plus subtile : celle de démanteler la scène intérieure, de la faire exploser, et de produire une nouvelle élite libanaise qui adopte le démantèlement de l'équation défensive en échange d'une garantie de maintien au pouvoir ou de l'approbation de l'extérieur.
Le discours, en ce sens, indique clairement l'échec du pari israélien. Tout ce que «Israël» n'a pas pu réaliser dans le Sud, il tente aujourd'hui de l'imposer à Beyrouth. La Résistance avertit les Libanais d'une réalité : il ne s'agit pas simplement de désarmer, mais de retirer la capacité de résilience et de survie.
Sans l'annoncer explicitement, le discours offre une carte précise pour évaluer la situation :
Éléments de force : la cohésion organisationnelle de la Résistance, un soutien populaire solide, la possession de la décision sur le terrain, et la capacité de mobilisation en cas de besoin.
Éléments de pression :
- La décision officielle,
- Le soutien occidental à celle-ci,
- La menace de sanctions,
- La division interne.
Menaces :
- Entraîner le gouvernement et l'armée dans un conflit interne,
- Enflammer des tensions entre les différentes composantes,
- Effondrement de la confiance envers l'État.
Opportunités :
- Former un véritable front national pour protéger la souveraineté,
- Relancer le débat sur une stratégie de défense commune,
- Revenir sur la décision gouvernementale visant à dépouiller le Liban de sa force défensive, une décision dangereuse pour l'avenir et la sécurité du pays.
Vers où ?
Le discours n'exclut pas les options, mais fixe des limites claires :
- Si la décision gouvernementale reste lettre morte, elle passera sans confrontation, mais la confiance envers l'État demeurera fragile.
- Si le débat est relancé autour de la stratégie de défense, la Résistance restera un partenaire, comme elle l'a toujours été, dans la protection de la patrie.
- En revanche, si l'exécution est imposée par la force, le gouvernement libanais commettra une grave erreur envers le Liban et au profit de ses ennemis, et le pays pourrait faire face à une menace existentielle.
Dans tous les cas, le discours déclare clairement : la Résistance ne remettra pas ses armes, car l'arme n'est pas qu'un simple fusil, mais un droit, un sang et une souveraineté.
En conclusion, il rappelle que ce que les guerres ont échoué à réaliser ne peut être imposé par des décisions administratives et politiques.
L'équation demeure constante : pas d'État sans Résistance pour le protéger, et pas de Résistance en dehors du cadre des intérêts nationaux du Liban.
Le véritable danger ne réside pas dans la présence d'armes, mais dans le fait de céder la décision libanaise à l'hégémonie américano-«israélienne». La discorde ne commence pas lorsque la Résistance répond, mais lorsque certains choisissent de faciliter son élimination, prétendant que cela se fait «pour la patrie».
Au fond, le discours ne demande rien de plus qu'un véritable partenariat et la reconnaissance que la Résistance n'est pas une exception au sein du corps de la nation, mais une partie vivante de son âme. Tant que cette vérité demeure, le Liban perdurera. En revanche, si elle est écartée, les conséquences seront fatales.
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