Coup dur

Soraya HELOU
Le coup est dur pour le 14 mars. Faisant une fois de plus les mauvais paris, ce camp avait cru pouvoir pousser le gouvernement Mikati vers la sortie, d’abord avec le grand rassemblement prévu dimanche dernier à Tripoli et ensuite avec la pression du financement du TSL. Le camp du 14 mars a même cru avoir réussi son pari avec la bombe lancée par le Premier ministre au cours de son interview télévisée de jeudi dernier lorsqu’il avait annoncé son intention de démissionner si le financement du TSL était rejeté par le gouvernement. Mais c’était compter sans le lamentable flop du grand rassemblement de Tripoli. En dépit de toute la campagne médiatique pour mobiliser les Tripolitains ( pendant dix jours, les députés du 14 mars étaient sur toutes les chaînes de télévision pour expliquer la portée de ce meeting, officiellement dédié à la fête de l’indépendance…) et des fonds versés dans le but de pousser les gens à manifester dans la rue, il n’y avait pas foule dimanche dans les rues de la capitale du Nord, fief de Négib Mikati.
Les gens ne sont donc pas venus au rendez vous que leur avait fixé le 14 mars. Le courant du Futur a dû se rabattre sur « le réservoir humain » du Akkar, à coups de bus spécialement loués par le Courant du Futur, alors que les partisans annoncés des Forces Libanaises et des kataëbs n’ont tout simplement pas osé faire le déplacement. Pourtant, tout au long de la semaine qui avait précédé le meeting, les informations avaient annoncé que le Courant du Futur avait demandé à ses alliés chrétiens d’être présents en force sur place et même certaines rumeurs précisaient que le chef des FL Samir Geagea ferait partie des orateurs. Une fois de plus, il a ainsi fait preuve d’une méconnaissance totale de la dignité et de l’état d’esprit des citoyens de Tripoli. Pour eux, Geagea reste l’assassin d’une des plus grandes figures de Tripoli Rachid Karamé et il ne peut en aucun cas se promener dans les rues de la ville sans être hué, même si le Courant du Futur a lui, décidé d’oublier cet épisode. Amine Gemayel était président de la République à cette époque et pour les Tripolitains, il reste un peu responsable de l’impunité des assassins qui ont dû attendre la fin des années 90 pour l’ouverture du procès devant la Cour de justice. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si le président Gemayel, qui était déjà arrivé à Chekka dans sa route vers Tripoli, a dû rebrousser chemin après avoir reçu un coup de fil lui conseillant de ne pas poursuivre son chemin. Quant à Samir Geagea, il a préféré rester absent, sans attendre de conseils en ce sens, conscient de l’hostilité populaire à son égard à Tripoli. Tous les moyens de son allié, l’ancien Premier ministre Saad Hariri n’y pourront rien changer.
Tripoli a donc donné une leçon de dignité et de loyauté au Courant du Futur et à ses responsables. La ville et ses habitants ont montré, à part une petite minorité, qu’ils ne veulent pas être utilisés comme du bois pour chauffer les conflits internes et comme tremplin pour pousser le fils de la ville à la démission et faire entrer ainsi le Liban dans une zone de turbulences destinée en principe à nuire au régime syrien, mais touchant en fait le Liban. Tripoli et ses habitants n’ont en fait pas oublié comment entre 2005 et 2009, leur ville avait été utilisée comme fer de lance contre la Syrie, avant que le chef du Courant du Futur ne décide de se réconcilier avec Bachar Assad. Ils ne veulent donc pas rééditer cette expérience désastreuse et ils ne veulent pas que leur ville soit utilisée dans un conflit qui dépasse les frontières du pays. Tout comme ils ne veulent pas donner un camouflet au fils de Tripoli, aujourd’hui Premier ministre.
S’il y a donc une leçon à tirer du meeting oratoire de dimanche dernier, c’est que le Courant du Futur ne peut pas utiliser Tripoli selon ses propres envies. Même en jouant à fond sur la fibre sunnite et sur la confessionnalisation à outrance des débats et de la politique, il reste des lignes rouges à ne pas franchir. Chapeau Tripoli !
Comments

Nouvelle phase de la guerre universelle contre la Syrie
depuis 12 années

