Un coup d’épée dans l’eau…

Soraya Hélou

Bienvenue au monde virtuel du chef du Courant du Futur. Super Saad a remplacé Super Mario et expose à ses partisans ses idées profondes sur la situation du monde et son évolution. Ce Super Saad est un homme moderne qui utilise les moyens de communication dernier cri et qui est au fait donc de l’air du temps et des besoins de la population. C’est pourquoi il ne pouvait qu’apparaître à ses partisans que sur le réseau social Twitter, répondant à leurs questions et leur donnant un aperçu de ses activités visant à améliorer le monde et à le rendre plus démocratique sans aucun doute. A ses partisans inquiets, Super Saad s’est voulu rassurant : ses déplacements d’un palais à un jet et d’un jet à un bateau n’ont entamé ni sa détermination à rester leur
leader ni sa connaissance du monde.

Entre la plongée sous marine et le vélo, il a largement du temps pour réfléchir et tenter de trouver des solutions à la crise économique mondiale et à la sienne en particulier. Mais au lieu de se livrer à des réflexions utiles, il a préféré se livrer à ce qu’il sait faire le mieux : montrer l’aridité quasi-totale de son cerveau et la légèreté de sa pensée, se lançant dans des commentaires puérils sur le Président de la Chambre dont le parcours en deux ans est plus riche en idées que toute la vie de Super Saad. Comme si la politique et le leadership étaient un hobby amusant qu’il gère comme on gérait nos querelles d’enfants dans la cour de l’école. Plus de six mois après son exil volontaire à l’étranger parce qu’il ne pouvait plus supporter l’idée d’être hors du pouvoir et que ses tentatives pour décourager son successeur Négib Mikati avaient échoué, il a cru pouvoir effectuer un retour tonitruant sur la scène politique locale en utilisant Twitter et en multipliant les remarques se voulant vexatoires et les promesses ridicules de ne pas voter pour Berry à la tête du Parlement après les élections de 2013. Le monde est en plein bouleversement, la région est en ébullition, l’Iran et les Etats-Unis sont au bord de la guerre (une guerre qui n’aura probablement pas lieu, signalons-le au passage), mais tout ce qui intéresse Super Saad c’est de boucher un coin au président de la Chambre et de le faire trembler pour son poste… pour une échéance qui aura lieu dans un peu moins de deux ans. Quelque part, c’est un constat terrible d’échec de la part de super Saad qui reconnaît ainsi implicitement que d’ici à 2013, il ne pourra rien contre ce nouvel ennemi qui s’appelle Nabih Berry… La cible qu’il s’est choisie n’est pas d’ailleurs le fruit du hasard. Ses conseillers (ceux-là même qui lui ont conseillé d’utiliser Twitter pour avoir l’air moderne et dans le coup et pour se présenter comme l’initiateur du printemps libanais comme les printemps arabes sont en train d’utiliser les réseaux sociaux, Twitter en tête pour faire avancer les révolutions) lui ont sans doute suggéré de concentrer les critiques sur Berry pour briser son alliance avec le Hezbollah et diviser ainsi les chiites, d’autant qu’entre Amal et le Hezbollah, ont dû dire les conseillers de Super Saad, les frictions sont nombreuses et Berry et son mouvement sont dans ce duo, un maillon faible. Super Saad a donc été de sa petite tirade, croyant faire trembler de peur Berry et son mouvement. Mais l’homme qui a roulé sa bosse dans la politique libanaise depuis les années 60, alors jeune étudiant, en a vu bien d’autres et le jeune Super héros qui n’a vécu que dans les palais, tantôt en tant qu’enfant gâté et tantôt en tant que compagnon d’émirs, coupé du monde réel, n’est certainement pas en mesure de lui faire peur.
Le grand retour de Super Saad ressemble donc plus à un flop médiatique qu’à un coup de maître. Et le chef du Courant du Futur ferait bien mieux de s’occuper de son courant tiraillé entre les ambitions de Ahmed Hariri et celles de Fouad Siniora sans parler des appétits de Nohad Machnouk et des conflits entre les seconds couteaux, Allouche, Houri, Fatfat, Daher et d’autres…Le prétendu retour en force n’est autre qu’un coup d’épée dans l’eau.