Chassez le naturel…

Soraya Hélou
Les chrétiens du 14 mars veulent déclarer la guerre au patriarche Raï. Alors qu’au moment de son élection, le chef des Forces libanaises Samir Geagea avait annoncé que « le camp du 8 mars qui crie victoire déchantera bien vite et regrettera bientôt le patriarche Sfeir », aujourd’hui, c’est bien le 14 mars chrétien qui lui, ne ménage pas ses critiques à l’égard du nouveau patriarche.
Même au plus fort de leurs divergences politiques avec Mgr Nasrallah Sfeir, les piliers chrétiens de la majorité actuelle n’ont jamais été jusqu’à mettre directement en cause le chef de l’Eglise maronite, affirmant à plusieurs reprises qu’il reste le patriarche, mais qu’il devrait ne pas s’occuper de politique. Les défenseurs de la politique du patriarche à l’époque sont aujourd’hui les premiers à dénigrer Mgr Raï, oubliant sciemment que ce dernier a l’aval du Vatican. Emportés dans leurs guéguerres stériles contre le Hezbollah et le régime syrien, ils ne respectent plus rien, même pas le statut de chef de l’Eglise maronite, eux qui se sont longtemps voulus les défenseurs de Bkerké. La défection du parti Kataëb qui, par les voix de son chef, le président Amine Gemayel et d’un de ses plus hauts responsables, le député Samy Gemayel, a refusé de critiquer ouvertement Mgr Béchara Raï ne les a même pas découragés et les voilà qui cherchent à organiser le 23 de ce mois un colloque élargi à laquelle 700 personnalités chrétiennes sont en principe invitées. Officiellement, il ne s’agit pas de critiquer ouvertement les positions du patriarche, mais ces emballages verbaux ne cachent pas la réalité : il s’agit bel et bien d’une réunion destinée à refuser les thèses patriarcales sur la protection de la présence chrétienne dans la région et la nécessité d’assurer une relève rassurante pour les chrétiens en cas de changement de régime.
Le grand défenseur de la présence chrétienne au Liban, qui, par ses actes, avait facilité l’exode chrétien des villages à l’Est de Saïda et dans la montagne, Samir Geagea est l’un des principaux organisateurs de cette réunion, avec Farès Souhaid, secrétaire général du 14 mars et héros de l’affaire des terrains de Lassa. Que du beau monde donc, au passé éloquent en matière de défense des chrétiens.
Le refus du couvent Notre Dame du Mont d’accueillir cette réunion élargie n’a pas découragé les organisateurs qui ont maintenu le nom (qui évoque les réunions chrétiennes pendant la guerre), mais changé le lieu, annonçant leur volonté de se déplacer vers l’Hôtel Regency à Adma. A son tour, la direction de l’hôtel pourrait refuser d’accueillir la réunion, pour ne pas indisposer ses clients, mais les organisateurs affirment qu’ils ne renonceront pas à leur projet parce que « les chrétiens doivent montrer qu’ils ne peuvent défendre les dictatures mais au contraire militer en faveur des libertés et de la démocratie ».
En d’autres termes, Samir Geagea, Farès Souhaid et leurs amis connaissent mieux les intérêts des chrétiens que le patriarche maronite et le Vatican. Ils ont d’abord essayé de dire que le patriarche a parlé en France de son propre chef dans un élan d’impulsivité. Mais, depuis, Mgr Béchara Raï a largement eu l’occasion de rectifier le tir si ses propos avaient dépassé sa pensée et celle du Vatican. Tout comme ce dernier aurait eu largement le temps de le rappeler à l’ordre si ces propos étaient en contradiction avec sa politique dans la région. Mais les chrétiens du 14 mars ne veulent rien entendre. Ils ont une mission : dénigrer le patriarche et diviser encore plus les chrétiens et ils tiennent à la mener à bien. Leurs alliés des autres communautés ne pouvant pas critiquer ouvertement le patriarche maronite, ils s’en chargent eux-mêmes sans le moindre état d’âme. Et avec cela, ils prétendent défendre les chrétiens…Finalement, on a beau dire que les gens peuvent changer, mais pour certains le seul adage valable reste le suivant : chassez le naturel il revient au galop.

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