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Une manœuvre dévoilée…

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Soraya Hélou

Alors que les Tripolitains s’apprêtaient à célébrer la désignation de 5 ministres (dont le premier) originaires de la ville pour la première fois dans l’histoire du Liban moderne, les partisans des rebelles syriens ont choisi ce même moment pour exprimer dans la rue leur solidarité avec eux. Les Tripolitains avaient annoncé à l’avance leur décision de réserver un accueil chaleureux et populaire à Négib Mikati et à ses quatre ministres (Mohammed Safadi, Fayçal et Ahmed Karamé et Nicolas Nahas), mais la manifestation en faveur des rebelles syriens n’avait pas été annoncée à l’avance. La précision mérite d’être relevée car elle donne une idée de l’arrière pensée des organisateurs. Il fallait en quelque sorte empêcher les Tripolitains de fêter la naissance du nouveau gouvernement, jugée provocante par les parties de la nouvelle opposition libanaise et en particulier par le Courant du Futur. Et, avec ironie, le lieu prévu pour la manifestation dite de solidarité avec le peuple syrien n’était autre que la rue de Syrie, qui sépare les quartiers de Baal Mohsen et de Bab Tebbané, traditionnellement rivaux et qui guettent la moindre étincelle pour exprimer leur hostilité réciproque. D’autant que Baal Mohsen est traditionnellement connu pour être favorable au régime syrien et Bab Tabbané est un fief des islamistes sunnites proches du Courant du Futur.

Il n’en fallait donc pas plus pour allumer une mini-guerre entre ces deux quartiers, semant la peur et le chagrin dans le cœur des Tripolitains. De véritables combats ont eu lieu, avec des armes légères et moyennes, rappelant aux habitants de la ville les pires moments de la guerre et modifiant les priorités. Il ne s’agissait plus de féliciter des ministres fraîchement nommés, mais de se cacher en attendant la fin des combats. L’armée a tenté d’intervenir, mais les agresseurs ne cessaient de reprendre les provocations pour rallumer le feu. Pourquoi choisir ce lieu et cette heure précise pour organiser une telle manifestation, il ne faut pas être très intelligent donc pour le deviner. Il ne s’agit pas tant de se montrer « solidaire avec la révolte syrienne », que de laisser éclater la colère et la frustration après la formation du gouvernement. Comme ce fameux mardi de la colère le 25 janvier , lorsque les consultations parlementaires avaient désigné Négib Mikati pour former le nouveau gouvernement, le Courant du Futur n’a pu supporter le choc de perdre la présidence du gouvernement et il a demandé à ses partisans de descendre dans la rue et de faire autant d’actes de violence que possible pour faire peur aux Libanais (et surtout aux Tripolitains) et leur montrer que s’ils appuient Mikati et son gouvernement, ils devront en payer le prix fort. Drôle de comportement pour ceux qui affirment vouloir faire de l’opposition démocratique et constructive. En termes économiques, on qualifie cette réaction de chantage. Mais au Liban, les définitions politiques sont différentes, même si le sens est finalement le même.
Brusquement, le Courant du Futur et ses sympathisants à Tripoli se découvrent un grand amour pour la population syrienne alors que depuis 2005, ils n’ont cessé d’agresser les malheureux ouvriers syriens à Tripoli même et au Akkar, accusés d’appartenir au pays qui, selon eux, a tué le Premier ministre martyr Rafic Hariri. Et brusquement aussi, ils ne peuvent plus s’empêcher d’exprimer leur solidarité avec eux, au moment précis où les habitants s’apprêtaient à accueillir triomphalement le Premier ministre et les ministres. S’il s’agit d’aligner les mouvements au Liban sur ceux qui ont lieu les vendredis en Syrie,  pourquoi n’y a-t-il eu aucune manifestation vendredi dernier ou celui d’avant ?

Le procédé est clair et toutes les dénégations du député Ahmed Fatfat et de ses alliés n’y changeront rien. Une fois de plus, le Courant du futur a montré qu’il n’avait d’autre souci que le pouvoir et que pour lui, tous les moyens sont bons, même les pires, pour tenter d’y revenir. La démocratie dont il se fait le chantre lui est totalement inconnue comme le principe d’alternance du pouvoir qui en fait partie.

Une fois de plus aussi, il a utilisé le sang des citoyens et des soldats pour tenter de parvenir à ses fins. Mais tout comme en janvier dernier, le plan s’est retourné contre lui. Personne et surtout pas les Tripolitains n’ont été dupes de la manœuvre et celle-ci poussera le Premier ministre et la nouvelle équipe à accélérer la préparation de la déclaration ministérielle et à être plus fermes sur le plan sécuritaire. Des sources proches de Mikati affirment que ce qui s’est passé le poussera à ouvrir plus rapidement que prévu le dossier des nominations sécuritaires et judiciaires. Car les néos démocrates version Courant du futur n’ont pas compris que la stabilité interne est une ligne rouge.   

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