Un film français sur les Scouts de l’imam al-Mahdi: Jeunesse, politique et religion

Pour la première fois, la chaîne de télévision française "Arte" a diffusé vendredi soir un documentaire sur les scouts de l'imam al-Mahdi. Réalisé par Bruno Ulmer et écrit par Alain Gresh, ce film s'attache au parcours de trois enfants membres des scouts, Abbas, Hussein et Nour, pour mettre la lumière sur ce mouvement, créé dans le sillage du Hezbollah.

Tout en affirmant que les scouts d'al-Mahdi suivent les préceptes du mouvement mondial fondé par Baden Powell, les deux auteurs ne cachent pas leur surprise face à la découverte des particularités de ce mouvement. Pour eux, il s'agit d'étudier la conjonction jeunesse-politique-religion dans un pays qui est toujours dans un état de guerre avec son ennemi: "Israël".
B. Ulmer et A. Gresh portent un grand intérêt au rôle de la jeunesse qui est "un acteur social à part entière dans le monde arabo-musulman", selon Ulmer, et qui acquiert une valeur supplémentaire dans le cas de scouts d'al-Mahdi, vu qu'ils évoluent dans la sphère du Hezbollah d'une part et qu'ils appartiennent à la plus grande communauté religieuse libanaise de l'autre.
Des moments intenses du tournage du film, les deux réalisateurs insistent sur la phrase scandée par les partisans du Hezbollah à l'appel de son secrétaire général Sayed Hassan Nasrallah "Non à l'humiliation".

Ils rappellent alors les origines historiques de ce rejet de l'humiliation à travers le massacre du petit-fils du prophète de l'Islam, l'imam Hussein, qui a refusé de prêter allégeance au calife despote et débauché Yazid. De plus, les raisons récentes de ce slogan proviennent de l'occupation israélienne du Sud-Liban, qui a donné naissance à la résistance et celle-ci a réalisé deux grandes victoires en 2000 et en 2006 après plusieurs guerres avec cet ennemi.
Le réalisateur et co-auteur Bruno Ulmer explique avoir rencontré les jeunes de l'Association des Scouts d'al-Mahdi dans ce grand rassemblement populaire dans la banlieue Sud de Beyrouth, ce qui fut une occasion pour lui de répondre à de multiples interrogations, dont entre autre: quelle est l'influence du politique et du religieux chez les jeunes, à ce moment déterminant de leur adolescence?
A travers leur film, les deux journalistes européens refusent de réduire les jeunes enfants du scout à un statut d'enfants soldats, et montrent l'influence des dimensions politique et religieuse sur les vies quotidiennes des trois personnages principaux: la vie personnelle, familiale, leur éducation, leurs loisirs.
D'une part, on présente les occupations banales d'un scout: les campements, le lever de drapeaux, les exercices collectifs et les feux de bois…et de l'autre, les actes sociaux comme le ramassage des ordures sur la plage, et la distribution des repas aux plus pauvres lors du mois béni de Ramadan.

A travers les témoignages d'Abbas, Hussein, et Nour, "le conflit israélo-arabe apparait sous un autre angle et se questionne d'une autre façon", estime Bruno Ulmer ajoutant par ailleurs que "les mouvements actuels de révolte, portés en grande partie et initiés par la jeunesse dans les pays arabes, est un autre exemple, une autre expression sociale des tensions politiques et religieuses mises en débat dans ce Printemps arabe".
De son côté, le deuxième co-auteur du film Alain Gresh, appelle les Européens à mettre de côté leurs préjugés avant de regarder ce film.
Citant le grand penseur "Rabelais", qui disait "si vous fâchent les signes, combien vous fâcheront les choses signifiées?", celui-ci affirme que la plus grande difficulté d'aborder une société étrangère réside dans le fait que les Européens la regardent à travers leur propre culture, leur histoire, leurs traditions et leurs préjugés.

Tout en rappelant que le continent européen a tourné la page des guerres, "où rien n'était plus glorieux que de se sacrifier pour la patrie", A. Gresh insiste sur l'importance de comprendre les Scouts d'al-Mahdi à travers leurs propres yeux, et voir par la suite ce qui les fait agir, penser et rire!