Egypte: «vendredi de colère» pour les Frères musulmans, les anti-Morsi aussi mobilisés
Les Frères musulmans ont appelé à des manifestations au Caire dans le cadre d’un «vendredi de la colère», après de nouvelles attaques jeudi contre les forces de sécurité en Egypte au lendemain de heurts entre police et manifestants pro-Morsi qui a fait près de 600 morts.
Alors que de nombreux pays occidentaux ont condamné ce bain de sang, les 15 pays membres du Conseil de sécurité de l’ONU ont appelé jeudi soir les différentes parties en Egypte à faire
preuve d’un «maximum de retenue».
Les Frères musulmans ont quant à eux appelé à des rassemblements au Caire après la prière traditionnelle du vendredi, augurant d’une nouvelle journée sous tension dans ce pays placé en état d’urgence.
«Les défilés contre le coup d’Etat demain (vendredi) partiront de toutes les mosquées du Caire et se dirigeront vers la place Ramses après la prière pour un "vendredi de la colère"», a précisé le porte-parole de la confrérie islamiste, Gehad el-Haddad, sur son compte Twitter.
En ligne de mire pour les Frères musulmans, l’armée, avec à sa tête, le général Abdel Fattah el-Sissi. Pour la confrérie, le ministre de la Défense «endosse toute la responsabilité» des événements de ces derniers jours.
La police autorisée à tirer
De leur côté, les nouvelles autorités égyptiennes ne comptent pas faire machine arrière, elles ont également averti: elles répondront aux armes par les armes en vertu de l'état d'urgence. Les forces de sécurité ont désormais l’autorisation d’ouvrir le feu sur quiconque s’en prendrait à des
bâtiments officiels ou aux forces de l’ordre, faisant craindre de nouvelles violences sanglantes.
Ce vendredi matin, c’est la mobilisation générale, des dizaines de véhicules blindés sont déjà dans la rue.
Cette annonce du ministère de l’Intérieur a été faite après une attaque contre le siège de la province de Guizeh dans la banlieue du Caire et la mort de neuf policiers et militaires, attribuées à des extrémistes notamment dans la péninsule instable du Sinaï.
Le gouvernement avait auparavant salué la «très grande retenue» de la police après la dispersion mercredi des deux camps érigés au Caire par les partisans du Morsi. Il a indiqué que les forces de l'ordre ont intervenu après que les manifestants ont tiré dès la première somation.
Selon un dernier bilan du ministère de la Santé, 578 personnes ont péri, dont 535 civils, la journée la plus meurtrière en Egypte depuis la révolte ayant chassé du pouvoir le président Hosni Moubarak en février 2011.
En face, le camp du Front du salut national mobilise aussi
A cette situation déjà très compliquée, s’ajoute l'appel à la mobilisation du Front du salut national qui regroupe les partis libéraux et du mouvement «Tamarrod» (qui signifie «rébellion» en français), le principal mouvement à l’origine des manifestations monstres ayant conduit à la destitution de Morsi. Ce mouvement populaire a appelé les Egyptiens à former des «comités populaires» pour défendre le pays contre ce qu’il appelle le «terrorisme» des Frères musulmans.
La situation pourrait donc rapidement dégénérer ce vendredi.
Eviter la «guerre civile»
Dans ce contexte, la communauté internationale, qui avait tenté une médiation pour éviter cette issue dramatique, a condamné les violences.
A l’ONU, où des consultations ont eu lieu à la demande conjointe de la France, du Royaume-Uni et de l’Australie, le Conseil de sécurité a souhaité que «les parties en Egypte fassent preuve
d’un maximum de retenue».
Rendant compte de ces consultations devant la presse, l’ambassadrice argentine Maria Cristina Perceval a ajouté que les 15 pays avaient «déploré les pertes humaines» et souhaitaient la fin de la violence et des progrès vers la «réconciliation nationale».
Navi Pillay, Haut-commissaire de l’ONU en charge des droits de l’Homme, a réclamé une enquête sur l’assaut des forces égyptiennes.
Le président français François Hollande a appelé à tout mettre «en œuvre pour éviter la guerre civile». Paris et Berlin ont convoqué les ambassadeurs égyptiens, tandis que le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a appelé le Conseil de sécurité à se réunir après ce «massacre».
La Turquie a rappelé pour consultations son ambassadeur en Egypte.
Le pape François a appelé à prier «pour la réconciliation» dans le pays où plusieurs églises ont été attaquées mercredi. La Chine s’est dite «très préoccupée» et Moscou a recommandé à ses ressortissants de s’abstenir de voyager en Egypte.
Obama annule des manœuvres
Les Etats-Unis ont de leur côté annulé des exercices militaires communs et incité leurs ressortissants à quitter l’Egypte, sans aller jusqu’à interrompre l’aide annuelle (1,5 milliard de dollars) versée en grande partie à l’armée de leur grand allié. Mais Washington se réserve la possibilité de prendre des «mesures supplémentaires», a averti le président Barack Obama.
Ce dernier a «condamné avec force les mesures prises par le gouvernement intérimaire égyptien», comme la réinstauration de l’état d’urgence.
La présidence égyptienne a immédiatement réagi en dénonçant «des déclarations non basées sur des faits» qui, selon elle, risquent «d’encourager les groupes armés violents».
Plusieurs figures égyptiennes se sont désolidarisées de l’intervention des forces de l’ordre, notamment le vice-président Mohamed ElBaradei, prix Nobel de la paix, qui a démissionné, et le grand imam d’al-Azhar, la plus haute autorité de l’islam sunnite.
Le pouvoir avait sommé maintes fois les manifestants pro-Morsi de se disperser sous peine de le faire par la force, mais ceux-là ont refusé, disant vouloir rester sur place jusqu’au rétablissement de Morsi dans ses fonctions.
Source: agences et rédaction