L’Egypte… face à l’épreuve difficile

Akil Cheikh Hussein
Nul besoin d'attendre écouler tout un an avant que les Egyptiens ne comprennent que la différence est minime entre Hosni Moubarak écarté du pouvoir par la révolution et Mohammad Morsi qui a pris le pouvoir sur les ailes de la révolution. Ce résultat, d'aucuns s'en attendaient au bout des cents premiers jours de son mandat. De plus, il était connu d'avance par ceux qui sont familiers aux lignes générales de la pensée des Frères musulmans et à leurs pratiques démunies d'une vision claire de l'essor économique et social, mais également opposées aux orientations nationalistes, panarabes et mêmes religieuses attachées à secouer le joug de la dépendance vis-à-vis des colonisateurs occidentaux et à l'occupation israélienne.
Hostile aux revendications des Egyptiens, cette tendance trouve son expression dans les allégations du cheikh Youssef al-Qaradawi qui a dénoncé les mots d'ordre exigeant le départ du président auquel il a donné la qualification religieuse de «waliyy al-Amr» (tuteur) considérant qu'il ne lui est pas possible d'assainir en un ans ce qui a été corrompu pendant soixante ans par les présidents précédents. C'est-à-dire pendant la période inaugurée par les «Officiers libres» et Jamal Abdel Nasser avant que ces réalisations ne soient détruites par Anouar al-Sadat et Hosni Moubarak.
Il est donc clair que ce qui est visé par Qaradawi -non connu par ses positions contre le régime de Sadat et son successeur Moubarak, est le régime de Nasser dont les hauts faits sont retenus par l'histoire dans tous les domaines du redressement économique et social, dans son soutien à la cause palestinienne et toutes les causes de libération dans la région et le monde, ainsi que dans son attachement à l'unité arabe en tant qu'alternative à ces déchirures sectaires, ethniques et tribales qui menacent nos sociétés.
Ce qui attire particulièrement l'attention est que tous les arguments avancés par Qaradawi dans la défense qu'il fait du régime de Morsi, comme la nécessité de bannir la violence et l'appel au dialogue entre le gouverneur et les gouvernés, sont exactement ce qu'il a écarté en se lançant de tout son poids sur l'arène des appels au meurtre en Syrie.
De toute manière, l'Egypte est maintenant en ébullition. Le refus de Morsi, qui a tant et tant insisté dans son très long discours sur la démocratie et les urnes desquelles il dit avoir tiré sa légitimité, de partir pour permettre l'organisation d'élections anticipées, a eu pour effet la descente dans les rues et les places d'Egypte de dizaines de millions d'Egyptiens divisés en loyalistes et opposants. Puis, la tension a commencé à monter alors que des observateurs commencent à évoquer la guerre civile. Al-Azhar, l'institution religieuse suprême a été le premier à lancer des mises en garde.
Au moment où des dizaines de morts et des centaines de blessés sont tombés dans les accrochages entre les loyalistes et les opposants, on peut supposer et espérer que la guerre civile ne soit pas au menu de l'événement égyptien. Pourtant, éviter une telle évolution ne parait pas facile avec, d'un côté, une opposition qui exige le départ du président et menace d'engager un mouvement de désobéissance civile et, d'autre côté, un président qui persiste avec son parti à tenir les positions jusqu'au-boutistes qui sont à l'origine de la colère de l'opposition.
On peut supposer et espérer que les antagonistes sur place soient suffisamment sages et à même de retenir la rue. Toutefois, cela n'écarte pas le danger que représente la facilité -pour d'innombrables acteurs intérieurs, régionaux et internationaux qui souhaitent la destruction et le démantèlement de l'Egypte- de pousser la situation vers l'explosion.
En effet, le camp israélo-américain et ses outils locaux et régionaux possèdent tous les moyens de terreur, de destruction et de démantèlement qui ont fait et qui font leurs preuves en Palestine, en Syrie, en Tunisie, en Lybie, en Irak, au Soudan et en Somalie dans le cadre d'un plan visant à dévaster la région sans épargner ceux-là mêmes qui se considèrent comme des alliés stratégiques des Etats-Unis et de l'entité sioniste.
Si ce plan tient à détruire les pays mentionnés, il tient encore plus à détruire l'Egypte en tant que telle et abstraction faite des politiques peu populaires qui y sont adoptées dans tous les domaines depuis Sadate. Il suffit d'imaginer la grande inquiétude des cercles hégémoniques et le grand changement au niveau des rapports des forces au cas de l'émergence en Egypte d'un régime qui reconstruirait son économie en détresse, qui ferait éclater les potentialités du peuple, qui récupérerait la place de l'Egypte à la tête du mouvement de libération dans la région arabe et qui ferait face au plan israélo-américain.
Dans le cadre des plans de destruction et de démantèlement, l'Egypte plonge dans une crise économique étouffante: La corruption, l'endettement, la pauvreté qui frappe la majeure partie de la population et les dangers qui guettent les eaux du Nil. De plus, des efforts sont déployés pour séparer des régions égyptiennes et créer des mini-Etats «riches» sur le modèle des principautés du Golfe en Sinaï, ou autour de secteurs économiques majeurs comme le barrage d'Assouan et le canal de Suez.
Tous ces problèmes ne retiennent pas l'attention du président Morsi qui parait d'autant plus occupé de sauvegarder son pouvoir en écartant les opposants, en hypothéquant le pays auprès de FMI, ou en consolidant ses liens avec les Etats-Unis et l'entité sioniste et en adoptant des positions humiliantes pour l'Egypte comme celles qu'il a prises dernièrement envers la Syrie.
Des épreuves difficiles que le peuple égyptien doit surmonter pour épargner à l'Egypte davantage d'amertumes et de maux et pour conduire l'Egypte vers le havre de la paix.
Source: french.alahednews
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