La fleur et le tueur

Soraya Hélou
Le Liban l’a donc échappé belle. Il est certain que dans le contexte délicat de la région, le Liban se passe bien d’un nouvel assassinat, qui risquerait de mettre le feu aux poudres, déjà bien rougeoyantes. Mais à peine la nouvelle de la tentative d’assassinat du chef des Forces libanaises Samir Geagea annoncée par lui-même que les analystes se sont fendus dans les médias locaux de développements du genre : c’est l’ouverture d’un chrétien libanais sur le monde arabe (sunnite) qu’on a voulu assassiner. Ou encore c’est parce que Geagea prenait trop d’ampleur qu’il fallait l’éliminer, car il est interdit à un leader chrétien du Liban de menacer de prendre des positions en faveur des Frères musulmans et du printemps arabe.
En d’autres termes, ce serait peut-être le Vatican qui aurait tenté de le tuer, puisque c’est principalement lui qui prône la prudence et qui réclame des garanties pour le maintien de la présence chrétienne dans la région. Il est certain que cette hypothèse est caricaturale, mais elle montre l’ampleur de la confusion qui règne autour des tirs du franc tireur de Meerab qui n’était la grâce quasi-divine d’une fleur qui avait attiré l’attention du leader des Forces libanaises au point de le pousser à se pencher vers elle, aurait pu atteindre son objectif. Il faut donc certes attendre les résultats de l’enquête pour se prononcer, mais déjà l’exploitation politique de cette tentative commence à semer le doute dans les esprits.
Comme par hasard, le ministre des Télécoms (CPL) est aussitôt accusé de refuser de donner les informations nécessaires sur les échanges téléphoniques aux services chargés de l’enquête, comme si, une fois de plus, la cible indirecte reste encore et toujours le courant aouniste et son chef qui dérange par sa dissonance, ceux qui auraient souhaité que les chrétiens soient tous dans le camp du 14 mars et contribuent ainsi à isoler le Hezbollah et dans la foulée, le régime syrien et l’Iran.
Des questions se posent aussi sur la possibilité de tirer sur Geagea alors qu’il se trouve dans la forteresse de Meerab, un véritable complexe antisismique et même anti-nucléaire, bien gardé par des membres des FSI qui patrouillent en permanence à Meerab même et dans les villages alentours, interpellant les habitants « suspects », les visiteurs et même fouillant les bennes à ordures pour s’assurer qu’elles ne contiennent pas d’explosifs. Ce qui est après tout leur boulot. Certes, on sait que les meilleures protections ne sont pas infaillibles lorsque la décision de tuer est prise. Ce fut notamment le cas pour l’ancien Premier ministre Rafic Hariri qui bénéficiait du même système de protection que celui du président américain George Bush et qui a malgré tout été tué dans un attentat minutieusement préparé. Mais on ne peut certes pas accuser le service de sécurité de Geagea de ne pas faire son travail dans la région. C’est la preuve qu’il s’agit d’un attentat préparé par des professionnels dotés de moyens ultrasophistiqués, rétorquent aussitôt les partisans de Geagea.
Mais comment ont-ils pu s’évaporer dans la nature, une fois que leur tentative a échoué ? Ils doivent avoir des complicités dans le coin, répondent encore les proches du chef des FL. L’enquête dira ce qu’il en est finalement. Mais comme pas hasard, les ministères français et américain des AE ont aussitôt condamné l’attentat, laissant entendre que Geagea est l’ennemi juré du régime syrien qui donc songerait à faire taire cette voix chrétienne qui ose s’opposer à lui.
Le coupable est donc tout trouvé, les condamnations immédiates et les cibles politiques prêtes, sans parler du TSL et de son chef disposé à prendre en charge le dossier. Cela ne vous rappelle rien ? La question mérite d’être posée, même si on ne le dira jamais assez, le Liban n’a certainement pas besoin d’assassinats politiques dans une période aussi délicate. Toutefois, qui donc avait parlé du retour probable de la vague d’assassinats au Liban, il y a quelques semaines à peine ? Geagea et son camp. C’est ce qui s’appelle sans doute l’intuition prémonitoire.
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