«La résistance n’est pas faible», lance Georges Abdallah à son arrivée à Beyrouth, après 40 ans de prison

Par AlAhed avec AFP
Georges Abdallah, l'un des plus anciens détenus de France, libéré vendredi matin 25 juillet après 40 ans derrière les barreaux, est arrivé en début d'après-midi à Beyrouth, d'où il a appelé à «continuer à lutter» contre «Israël» et à soutenir la «résistance».
«Il faut continuer à lutter contre l'ennemi et à être solidaires de la résistance», a déclaré le militant libanais pro-palestinien, à sa sortie de l'Aéroport international de Beyrouth (AIB), où l'attendaient plusieurs centaines de personnes. M. Abdallah était entouré de plusieurs personnalités politiques de la gauche libanaise, notamment le député Oussama Saad, de l'Organisation populaire nassérienne et Hanna Gharib, chef du Parti communiste libanais, ainsi que du député du Hezbollah Ibrahim Moussaoui.
«La résistance n'est pas faible. Elle serait faible si ses chefs étaient des traîtres, mais ses chefs sont morts en martyre», a-t-il ajouté, en allusion probable à l'assassinat par Israël du secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, en septembre 2024, et de plusieurs cadres du Hamas, notamment Ismaïl Haniyé, tué en juillet 2024 à Téhéran, ou Yahya Sinouar, assassiné à Gaza le 16 octobre 2024. Il a encore déploré que «des millions d'Arabes» ne se mobilisent pas pour soutenir Gaza, critiquant notamment l'Egypte, qui contrôle la frontière avec le sud de l'enclave, en accord avec «Israël».
L'avion transportant le militant a atterri peu après 14h30 sur le tarmac de l'AIB, et plusieurs centaines de personnes attendaient son arrivée à la sortie de l'aérogare. Ils scandaient «dites aux Français, et à l'État libanais, que Georges Abdallah est libéré». De nombreux journalistes étaient également sur place. Au niveau de la représentation politique, le député Oussama Saad, de l'Organisation populaire nassérienne (arabisante, de gauche) et Hanna Gharib, chef du PCL, étaient présents dans le salon de l’aéroport, où Georges Abdallah a été accueilli par sa famille.
«Choc émotionnel et victoire politique»
Abdallah a quitté sa prison dans la nuit. Vers 03h40 (01h30 GMT), un convoi de plusieurs véhicules, dont deux vans noirs, s'est élancé du centre pénitentiaire de Lannemezan (sud-ouest de la France), gyrophares allumés.
L'ancien instituteur de 74 ans a été escorté par un important dispositif pénitentiaire composé de six véhicules, en direction de l’aéroport Tarbes-Lourdes-Pyrénées. De là, il a été transféré à bord d’un avion militaire en direction de Roissy, d'où il s'est envolé pour Beyrouth, un jour avant le programme initialement prévu.
«C'est à la fois une joie pour lui, un choc émotionnel et une victoire politique après tout ce temps», a confié à l'AFP son avocat Jean-Louis Chalanset après le départ du convoi.
La cour d'appel de Paris a ordonné sa libération la semaine dernière, «à compter du 25 juillet», à condition qu'il quitte le territoire français et n'y revienne plus. Il était libérable depuis 1999, mais avait vu sa dizaine de demandes échouer. Le parquet général de Paris a annoncé lundi un pourvoi en cassation contre la décision de libération. Le recours, qui ne sera pas examiné avant plusieurs semaines, n'est pas suspensif et ne pouvait empêcher pas le départ de Georges Abdallah.
«Très heureux»
Selon Me Chalanset, qui l'a vu dans sa prison jeudi, «il semblait très heureux de sa prochaine libération, même s'il sait qu'il arrive au Moyen-Orient dans un contexte extrêmement lourd pour les populations libanaises et palestiniennes».
Ces derniers jours, Georges Abdallah a donc vidé sa cellule, décorée d'un drapeau rouge de Che Guevara et débordant de piles de journaux et de livres, qu'il a confiés à son comité de soutien, dont quelque 200 personnes manifestaient encore devant la prison jeudi après-midi. Il a donné la majorité de ses vêtements à des codétenus, et n'emporte qu' «une petite valise», selon son avocat.
L'AFP l'a rencontré le jour de la décision, dans sa cellule, en accompagnant une parlementaire. «Quarante ans, c'est beaucoup, mais on ne les sent pas quand il y a une dynamique de lutte», avait assuré le détenu.
La durée de sa détention est «disproportionnée» par rapport aux «crimes» commis et au vu de l'âge de l'ancien chef des FARL (Fractions armées révolutionnaires libanaises), ont jugé les magistrats de la cour d'appel.
«Symbole passé»
Ce groupuscule de chrétiens libanais marxistes, dissous depuis longtemps, n'a «pas commis d'action violente depuis 1984», a aussi rappelé la cour, voyant en Georges Abdallah un «symbole passé de la lutte palestinienne». Tout en regrettant qu'il n'ait pas «évolué» ni exprimé de «regret ou compassion pour les victimes qu'il considère comme des ennemis», les juges ont estimé que Abdallah, qui veut «finir ses jours» dans son village, peut-être en s'engageant en politique locale, ne représente plus de risque de trouble à l'ordre public.
À l'époque des faits, dans le contexte de la guerre civile libanaise et de l'invasion «israélienne» au Liban-Sud en 1978, les FARL ciblaient les intérêts d'«Israël» et de son allié américain à l'étranger. Avant l'arrestation de Georges Abdallah en 1984, le groupuscule avait frappé cinq fois en France, tuant deux diplomates en 1982 : le Lieutenant-colonel américain Charles Ray, puis l'Israélien Yacov Barsimantov, considéré comme le responsable du «Mossad» en France. Identifié par ses empreintes découvertes dans une planque bourrée d'explosifs et d'armes dont le pistolet qui avait servi aux deux assassinats, Georges Abdallah avait comparu seul au Palais de justice en 1987 : il était devenu l'ennemi public numéro 1 et le prisonnier le plus célèbre de France car on le croyait, à tort, derrière la vague d'attentats de 1985-86 qui a fait 13 morts et installé la psychose dans les rues de Paris. Il avait été condamné à la perpétuité, et a toujours nié son implication dans l'assassinat des diplomates, tout en refusant de condamner des «actes de résistance» contre «l'oppression israélienne et américaine».
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