Paroles de chrétiens

Soraya Hélou
Alors comme cela, sans crier gare, la majesté du Liban n’est plus donnée au patriarche maronite ? A entendre le chef des Forces libanaises critiquer ouvertement et sans honte le patriarche des maronites Béchara Raï pour ses craintes justifiées au sujet du sort des chrétiens dans la région, on pourrait croire que Samir Geagea a oublié combien il rejetait lui-même toute idée de critiquer le prédécesseur de Raï, le patriarche Sfeir, lorsqu’une voix libanaise s’élevait pour tenter d’émettre des réserves sur une de ses déclarations sous prétexte que « la majesté du Liban a été donnée au patriarche des maronites ». Soudain, ce n’est plus un crime de lèse-patriarche que d’oser critiquer ce dernier, allant même jusqu’à l’accuser d’être en porte-à-faux avec le passé des chrétiens, cette histoire que Samir Geagea a évoqué avec une belle arrogance, oubliant qu’il est le dernier à pouvoir remuer le passé car il faudrait alors évoquer le sien qui n’est pas si reluisant notamment pour les chrétiens du Liban.
Un repris de justice condamné au moins quatre fois par la Cour de justice libanaise pour des crimes perpétrés au Liban et dont le nom reste lié aux pires assassinats chrétiens de l’histoire récente du pays (celui de Tony Frangié, de sa femme et de sa fille et celui de Dany Chamoun, de sa femme et de leur deux enfants, sans parler de l’assassinat du Premier ministre en exercice Rachid Karamé) s’arroge donc le droit d’apprendre au patriarche maronite (et pourquoi pas au Vatican et au pape lui-même) comment il doit se comporter et ce qu’il doit dire pour préserver les chrétiens sans la moindre honte. Parce que lui, Geagea, a bien protégé les chrétiens lorsqu’il a pris le contrôle des régions chrétiennes entre 1986 et 1988, imposant la terreur et faisant taire ses opposants en les jetant à la mer.
La religion chrétienne prône le pardon et les chrétiens du Liban ont choisi de pardonner à Geagea et de lui donner une nouvelle chance à sa sortie de prison, mais cela ne signifie pas qu’il doit s’arroger en leader des chrétiens de la région et se permettre de critiquer celui que le Vatican et les évêques ont estimé en mesure d’assumer la fonction de chef de l’Eglise maronite en cette période délicate dans la région et surtout qui n’a pas les mains couvertes de sang… et les poches pleines de dollars. Car, en définitive qu’est-ce qui pousse Geagea à prendre le risque de critiquer le patriarche Raï aussi durement et ouvertement ? Soit il estime désormais être plus important que lui et sa confiance en lui-même est étonnante, soit il a encaissé des sommes conséquentes de la part de ses parrains saoudiens et qataris qui justifient une telle attitude. Car qu’est-ce qui peut rapprocher Geagea des salafistes, à part le goût de la violence sauvage et la haine de Bachar Assad, si ce n’est que l’argent vient du même bailleur de fonds ? Triste époque que nous vivons aujourd’hui où les normes sont complètement renversées. Le patriarche et les évêques ne répondront certes pas à un discours aussi bas, tenu par une figure si peu recommandable, mais la classe politique dans son ensemble devrait s’élever pour faire taire ces voix discordantes et remettre chacun à sa place. Il y va du respect des chrétiens.
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