Un nouveau slogan pour le 14 mars : Seul le Très Grand ne change pas !

Soraya Hélou
L’évolution est hallucinante. Ainsi que la capacité du 14 mars à changer de slogan d’une année à l’autre sans la moindre gêne. Il est vrai que le propre de l’homme est de mûrir avec le temps, voire de modifier ses options, mais en six ans, on peut sans hésiter dire que le 14 mars a battu le record du changement. En 2005, il s’agissait de s’en prendre à la Syrie, population et régime compris, car à l’époque, on ne faisait pas de distinction entre le régime dictatorial et la population, notamment les vendeurs de kaak et les ouvriers installés au Liban qu’on attaquait impunément un peu partout du Nord au Chouf, en passant par Beyrouth. En 2005 donc, 2006 et 2007, le slogan était de détruire le régime sécuritaire libano-syrien. En 2008, l’ennemi absolu, le grand coupable était devenu le Hezbollah avec son mouvement de résistance qui venait de remporter une grande victoire contre l’ennemi israélien en 2006. En 2009, juste après l’accord de Doha et avant les élections législatives du printemps, l’objectif était encore le Hezbollah pour mobiliser les sentiments et resserrer les rangs des partisans. C’est là qu’est né le slogan « Liban d’abord » devenu le nom du bloc parlementaire du Futur. Là, il ne s’agissait plus de combattre ni la Syrie, ni « Israël », mais de s’occuper du Liban comme s’il s’agissait d’un îlot isolé dans l’océan pacifique. En 2010, Saad Hariri étant devenu Premier, le ton s’est calmé et la main était tendue. Même le régime syrien avait été épargné, cheikh Saad ayant réalisé « la grande réconciliation » avec l’oppresseur et le dictateur devenu soudain fréquentable. 2011, retour aux propos extrémistes contre la Syrie et le Hezbollah coupables d’avoir fait chuter le gouvernement de cheikh Saad et d’avoir ainsi réalisé un coup d’Etat. Mais le clou reste quand même 2012 puisque sans le moindre complexe, les alliés de Hosni Moubarak sont devenus les champions du printemps arabe et les porte-paroles d’une opposition syrienne divisée, ayant coupé les ponts avec son propre pays depuis des années. Oublié le slogan « Liban d’abord », désormais, c’est la Syrie d’abord, pour les militants du 14 mars qui se dévouent pour aider leurs frères syriens opprimés par le même président syrien qui s’était entretenu pendant des heures en tête à tête avec Saad Hariri et qui avait été innocenté par le même Saad dans une célèbre interview accordée au quotidien saoudien « Al Chark al Awsat ».
Heureusement que les partisans du 14 mars ne sont pas très exigeants, car ils pourraient avoir le tournis avec toutes ces voltes-faces. Bien entendu, à cause du matraquage médiatique, ces mêmes partisans ont oublié que lorsque l’opposition a entamé son mouvement de protestation à Bahrein, Saad Hariri, alors Premier ministre sortant, avait demandé que le Liban reste à l’écart de ce mouvement, assurant qu’il est dans l’intérêt du pays de ne pas se mêler des affaires de ce royaume du Golfe. Les grands défenseurs de la démocratie et des droits des peuples à la tribune du Biel ne se sont pas sentis concernés par les revendications pacifiques d’une opposition des plus civilisées sévèrement réprimée par les forces de l’ordre du roi aidées par les troupes saoudiennes. Ils ont tellement à faire en aidant leurs frères syriens, qui d’ailleurs dans la très solennelle lettre lue avec émotion par le secrétaire général du 14 mars, ont promis aux Libanais les meilleurs relations fraternelles, la résolution de tous les problèmes en suspens, mais surtout d’en finir avec le concept de la résistance. Cela n’a pas été clairement dit, mais nul ne s’y trompe. Le véritable point commun, la lutte conjointe entre l’opposition syrienne de l’étranger et le 14 mars c’est la volonté d’en finir avec la résistance pour faire plaisir à leurs parrains américains. Au moins, sur ce point, le 14 mars ne change pas. Et tant pis si c’est le Liban qui doit en payer le prix en étant entraîné dans une guerre qui n’est pas la sienne et qui ne sert sert ni la démocratie dans le monde arabe, ni la population syrienne devenue si chère aux leaders du 14 mars.
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