Une nouvelle carrière pour Samir Geagea

Soraya Hélou
Samir Geagea leader des chrétiens d’Orient et chef de file des minorités qui ne craignent pas le pouvoir des Frères musulmans. C’est la grande nouvelle de ce début d’année. Un déplacement au Kurdistan irakien, devenu un fief du Mossad et de la CIA depuis l’invasion américaine de 2003, après le voyage en Arabie saoudite, il y a de quoi rêver.
Eh bien, non, c’est la réalité. Déçus de la position du Vatican et du patriarche maronite à l’égard du régime syrien, qui ont à maintes reprises exprimé leurs craintes de voir les chrétiens d’Orient balayés par la prise du pouvoir des Frères musulmans, les stratèges qui poussent ces mêmes Frères à devenir les nouveaux leaders du Monde arabe ont choisi de créer un courant chrétien pour appuyer leur théorie.
Ils n’ont trouvé que Samir Geagea, le chef des Forces libanaises au passé lourd en matière d’exode des chrétiens du Chouf, de l’est de Saïda et d’Iqlim el Kharroub au Liban pour défendre la présence des chrétiens d’Orient à l’ombre de la suprématie des Frères musulmans.
Ils lui ont donc arrangé un voyage en Arabie saoudite qui ressemble fort à une consécration pour lui, ainsi qu’une tournée au Kurdistan irakien (la seule partie de l’Irak où sa sécurité peut être assurée…) et bientôt un voyage en Jordanie et peut-être en Egypte (où il souhaite rencontrer le Pape Shénouda) pour consolider sa stature de leader régional. L’idée directrice est de détruire la théorie selon laquelle le régime syrien protège les minorités et de paver la voie au « règne » des Frères musulmans et de la mouvance islamiste en général dans le monde arabe. C’est désormais clair, un accord tacite a été conclu entre les Etats-Unis, la Turquie et le Qatar pour pousser la mouvance islamiste dans la région, sur le modèle turc et aboutir au final à une paix avec « Israël ». Comme la montée en puissance des formations islamiques a été accompagnée par des massacres de chrétiens en Egypte, alors que la présence américaine a favorisé un exode chrétien massif en Irak, provoquant une crainte du Vatican et des chrétiens d’Orient en général sur leur présence dans cette région, il fallait trouver des voix chrétiennes pour faire le contrepoids et plaider en faveur des formations islamistes, tout en rassurant les chrétiens. Le chef des Forces libanaises s’est immédiatement proposé pour faire le job, heureux de damer le pion à celui qu’il considère comme son éternel rival le général Michel Aoun et se doter ainsi d’une stature régionale.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le ministre turc des AE s’est entretenu avec le patriarche maronite pour lui conseiller de ne pas défendre le régime syrien, condamné selon lui, à partir, au moment où le chef des Forces libanaises tenait une rencontre avec les chrétiens d’Irak au Kurdistan en leur conseillant de se regrouper dans cette zone pour être plus forts. Il n’y a pas de coïncidence en politique et tout cela ressemble fort à une campagne bien orchestrée. Mais ceux qui sont susceptibles de l’avoir mis au point ont oublié que la personne et la carrière du chef des Forces libanaise sont tout sauf rassurantes pour les chrétiens du Liban et d’ailleurs. C’était bien lui qui avait brandi le slogan « De Madfoun à Kfarchima », voulant limiter la présence des chrétiens du Liban à cet espace géographique pour mieux les prendre en otages…
Le plan pour pousser les chrétiens à lâcher le régime syrien aurait plus de chances d’être crédible s’il était véhiculé par une autre personne que le chef des FL. Mais visiblement on fait avec ce qu’on trouve et si Geagea traîne encore avec lui les boulets de son passé, ceux qui l’appuient croient pouvoir miser sur les jeunes générations, sans mémoire et sur les chrétiens éloignés et peu au courant de l’histoire récente de leurs coreligionnaires libanais pour faire passer leur plan. Mais ce dossier est tout de même un peu plus sensible et profond pour être réglé d’une façon aussi lapidaire et primitive. En tout cas, la tentative se poursuit et pour ceux qui veulent un Moyen orient pacifié et docile, perdu dans ses contradictions et ne représentant aucune menace pour « Israël », tous les moyens sont bons pour atteindre cet objectif.
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