Wikileaks: la manipulation de la justice du TSL
Les câbles diplomatiques américains publiés par le site Wikileaks continuent de révéler le niveau de collaboration entre le tribunal international et les forces du 14 mars. Le quotidien AlAkhbar a publié de ces documents ceux qui montrent comment le Premier ministre de l'époque Fouad Siniora et le ministre de la justice Charles Rizk ont nommé les quatre officiers qui comparaitront devant le TSL.
Ces documents démontrent également le rôle des deux anciens ministres de la justice Charles Rizk et Ibrahim Najjar dans la détention arbitraire des quatre officiers, de peur des répercussions de leur libération après s'être assurés de leur innocence dans l'affaire de l'assassinat de Rafic Hariri.
L'affaire des quatre officiers: la manipulation de la justice
En 2006, alors que certains Libanais voyaient dans la détention des quatre officiers une affaire sainte qu'il ne faut pas toucher, la commission d'enquête internationale y a trouvé une grande lacune juridique, confirmant que leur arrestation n'était pas fondée sur des preuves. Malgré cette réalité, les quatre officiers sont restés emprisonnés.
Selon Wikileaks, dans un rapport de l'ambassadeur américain à l'époque Jeffrey Feltman, adressé à son pays, celui-ci considère que le président de la commission d'enquête est très inquiet du fait que les preuves justifiant la poursuite de la détention des quatre officiers libanais ne seraient plus suffisantes. Dans ce câble portant le numéro BEIRUT2034, et datant de 2006, Feltman a estimé que la libération des quatre officiers aura l'effet d'un tremblement de terre sur la scène politique libanaise. Toutefois, les quatre officiers n'ont été libérés que trois ans plus tard.
Inquiétude internationale de la candidature de Sayed
Le coordinateur spécial des Nations Unies au Liban Michael Williams a révélé au secrétaire adjoint de la chef de la diplomatie américaine pour les affaires du Proche-Orient David Hill le 9 mai 2009 avoir "recommandé au chef du Tribunal internationale pour le Liban le juge Antonio Cassese de reporter sa visite au Liban, prévue pour la mi-mai, afin d'éviter les tensions électorales. Williams s'est également dit inquiet de l'impact de la démission de Roben Vincent à cause de ses relations catastrophiques avec le procureur général Daniel Bellemare sur le fonctionnement du TSL.
S'agissant de la libération des quatre officiers, Williams a dit, selon ce câble portant le numéro BEIRUT4109 et datant du 14 mai 2009, que ceci aurait dû avoir lieu en mars 2008 pour limiter les effets négatifs de cette libération sur les forces du 14 mars à l'approche des élections.
Au sujet des élections, Bellemara a exprimé son inquiétude quant à la possibilité que "l'un des quatre officiers, l'ancien directeur général de la sureté générale Jamil Sayed se porte candidat aux élections parlementaires", et ce, dans le câble portant le numéro BEIRUT 10909 et datant du 27/1/2009.
Joumblatt s'attaque aux juges
Il semble que la libération des quatre officiers ait été précédée d'une grande tension dans les rangs des forces du 14 mars. Dans une réunion avec David Welch, l'assistant de la chef de la diplomatie américaine, Joumblatt s'est dit "inquiet de la lenteur du fonctionnement du TSL, et de la campagne de la Syrie et du Hezbollah pour libérer les quatre officiers". (câble numéro BEIRUT 4808, le 22/4/2008).
"Joumblatt a fermement critiqué l'incompétence du procureur général Saïd Mirza, le qualifiant de faible qui ne mérite pas ce poste". Il a par ailleurs qualifié les juges libanais de faibles qui n'ont pas le courage de confronter, et il a mis en garde contre la libération des officiers, ce qui affectera la crédibilité du tribunal. Le chef du PSP a estimé que la Russie pourrait avoir un rôle non constructif au Conseil de Sécurité.
Des pressions pour destituer le juge Sakr:
A la veille de l'annonce du décret du TSL de libérer les quatre officiers, l'ambassadrice américaine Michel Sisson s'est réunie avec le ministre de la justice Ibrahim Najjar qui s'est dit "énervé après la libération des quatre officiers et se demandait comment l'opposition politique allait traiter cette question. Mais il a estimé que l'opposition cherchait le calme politique avant le scrutin électoral le 7 juin".
Il a également prévu que la campagne politique de deux anciens députés Michel Samaha et Nasser Qandill contre le procureur général Saïd Mirza et le juge d'instruction Sakr Sakr allait se poursuivre.
Najjar a considéré que la destitution de Sakr est probable, tout en n'étant pas immédiate. Et de souligner que seul le gouvernement pourrait chasser les juges, et ceci n'aura pas lieu parce que la majorité ne le tolèrera pas. "Il n'a toutefois pas écarté la démission de Sakr sous les pressions".
Éloigner "le témoin roi"
S'agissant du témoin Mohammad Zouheir Siddik, qualifié du "témoin roi", il était le sujet essentiel de la rencontre entre le ministre de la justice et l'ambassadrice américaine. Najjar avait assuré à Michel Sisson dans le câble portant le numéro BEIRUT 46309 et datant du 24/3/2009 que le gouvernement libanais prendra les mêmes mesures du TSL au sujet de Siddik. Dans cette rencontre, on rapporte que "Najjar a souligné que les Emirats Arabes Unis n'avaient pas confirmé l'arrestation de l'ancien officier des renseignements syriens Mohammad Zouheir Siddik le 18 avril. Siddik est en relation avec l'assassinat de Rafic Hariri.
Najjar a conclu que les Emirats Arabes Unis ne traitent pas officiellement avec l'affaire de Siddik, et donc, ils ne sont pas prêts à le livrer à la demande du Liban et de la Syrie. Le ministre de la justice a affirmé qu'il respectera le TSL dans toutes ses résolutions. Il a ajouté que le Liban ne fera pas de pressions pour le livrer que si le TSL l'exige".
Fransen est sur une autre planète
Dans le câble portant le numéro BEIRUT 500 09, et datant du 5/5/2009, Michel Sisson a dit: " Sans que personne ne lui demande, Najjar s'est plaint du procureur général Bellemare qui "s'est comporté sans tenir compte des sentiments des Libanais. Il s'est également plaint du juge de la mise en état Daniel Fransen, qui est jeune et qui vit sur une autre planète. (…) Najjar a critiqué la décision de Fransen et de Bellemare et d'autres responsables du TSL les accusant de craindre le Hezbollah".
L'ambassadrice Sisson a commenté à la fin de son rapport: "Nous allons continuer de contrôler les réactions sur la libération des quatre officiers. Saad Hariri était déprimé au cours d'un entretien avec l'ambassadrice le 4 mai. Le dirigeant des forces du 14 mars Samir Geagea a dit ne pas s'attendre à une quelconque réaction politique sérieuse. De son côté, le général Michel Aoun a décidé de ne plus soutenir le TSL.
La proposition d'Azouri: le départ de Jamil Sayed
Dans le câble BEIRUT2034 datant du 20/6/2006, le responsable juridique de l'affaire de Jamil Sayed a informé les responsables de l'ambassade américaine à Beyrouth le 16 juin 2006, qu'il rencontrera prochainement le Premier ministre Fouad Siniora, le chef du courant du Futur Saad Hariri, le chef du PSP Walid Joumblatt et le Président Amine Gemayel pour leur proposer de faire sortir Jamil Sayed du pays dans un délai de 48 heures dès sa libération. De cette façon, les dirigeants du 14 mars se débarrasseront prochainement de Sayed, au lieu de s'aventurier de le libérer pour le manque de preuves.
Rizk demande une médiation de Feltman pour choisir les juges
Concernant la livraison par le Liban des noms des juges candidats pour le Tribunal international, le câble ayant comme numéro BEIRUT 963 07, et datant du 28 juin 2007, le ministre de la justice Charles Rizk a livré le 28 juin une liste de douze juges libanais que le gouvernement libanais compte les porter candidats aux Nations Unies, afin de choisir quatre d'entre eux pour le TSL. Parmi ces juges, l'un est sunnite, l'autre est chrétien, le troisième est catholique et le dernier est orthodoxe.
Dans cette lettre, Rizk a mentionné une remarque selon laquelle les candidats sont menacés de mort pour leur accord d'accéder à des postes au Tribunal spécial pour le Liban.
Les quatre juges préférés par le gouvernement libanais sont:
Ralf Ryachi, Shoukri Sader, Akram Baassiri, et Saad Jabbour.
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