Discours de sayyed Nasrullah à l’occasion de la 7ème commémoration de la libération en 2000
Discours de sayyed Hassan Nasrullah, secrétaire général du Hezbollah, à l’occasion de la 7ème commémoration de la libération en 2000.
Le 25 mai 2000 témoigne certainement de l’immense victoire historique contre l’ennemi sioniste, victoire reconnue par le monde entier et par les dirigeants politiques et militaires de l’ennemi. Mais, à regret, cette victoire n’a pas reçu son dû et cette expérience unique et rayonnante n’a pas bénéficié de son droit.
A cette occasion, j’aborderai trois sujets : le premier concerne une importante particularité de la résistance et la réalité de la résistance au Liban, en fidélité envers elle. Le second sujet concerne la participation du Hezbollah à la vie politique libanaise au cours de ces deux dernières années et le troisième sujet concerne les événements récents et leurs conséquences au Liban, ainsi que notre position et vision à ce propos.
La résistance
Je voudrai traiter de cette question, par fidélité envers la résistance, ses combattants et son peuple. Je voudrai éclairer un seul des aspects connus de la résistance au Liban. De nombreuses forces islamiques et nationales y ont participé dès 1982, et l’ensemble a participé en 1985 pour atteindre la bande frontalière. Plusieurs forces nationales et islamiques ont poursuivi la résistance jusqu’à ce que, avec le temps, le Hezbollah devienne la sa colonne vertébrale. La résistance au Liban est connue pour sa dimension militaire et sa capacité à planifier et à agir sur le terrain.
Mais l’une de ses caractéristiques les plus importantes, c’est son engagement. Nous, au Liban, nous avons une résistance engagée, et par ce terme, je signifie l’engagement envers l’homme, la foi, la morale et la patrie. La suppression de l’occupation de notre sol et la libération de la terre et des prisonniers furent pour nous et pour les gens de la résistance, une cause sacrée, un devoir religieux, national et moral. Cette caractéristique se reflète sur les combattants, les gens de la résistance, ses armes, ses comportements et son action.
C’est pourquoi la résistance a toujours eu le souci de préserver le sang des gens, lors de ses opérations, c’est un aspect qui nous distingue de certains mouvements ou de groupes qui parlent ces jours-ci de résistance. Les opérations visaient les forces de l’occupation mais n’ont jamais visé les civils libanais ni les gens innocents. Plusieurs de nos opérations furent annulées à cause de la présence de civils. La résistance se souciait des gens, et cela s’est répercuté sur son action et ses opérations. La résistance se souciait même des familles des traîtres comme elles peuvent en témoigner.
Certains appliquent l’idée de « bouclier » de manière erronée, disant que l’ennemi utilise les civils comme boucliers humains, et c’est une erreur. Quel problème y a-t-il à reporter une opération d’un ou de deux jours, le temps que des civils innocents s’éloignent ? Cela est facile pour tous les actes de la résistance. Nous avions pour but, dans la résistance, de les sauver. Même envers les traîtres lorsque nous les menaçions de mort, nous voulions les amener à se rendre, à les faire fuir, à abandonner leurs positions. C’est pour cela qu’à toute occasion de fuite ou de repentir, nous ne les avions pas poursuivis et n’avions pas voulu faire couler le sang. Nos opérations étaient principalement dirigées contre les soldats israéliens. Le jour de la libération, lorsque la milice des collaborateurs s’est effondrée et que les centaines se sont massés devant la porte de Fatima, la Résistance pouvait en tuer un grand nombre, mais nous ne l’avons pas fait, ils ont abandonné la scène du combat et se sont enfuis. Est-il important de tuer les gens ? Qu’on leur laisse l’occasion de retourner et de réfléchir.
Le Hezbollah et la vie politique libanaise
Le Hezbollah est entré dans la vie politique libanaise le 14 février 2005, le jour où un tremblement de terre a frappé ce petit pays. Le terrible crime qui a emporté la vie du martyr Rafiq al-Hariri et des dizaines de citoyens libanais a inauguré, pour le Liban, une nouvelle période sombre dont nous ignorons la fin. Nous avons considéré, dans le Hezbollah, que notre devoir consistait à être fortement présent pour aider à sauver notre pays des dangers qui commençaient à le menacer de tous côtés, à dire la parole vraie même si elle est difficile à dire, à agir pour protéger les intérêts nationaux même si cela peut entraîner de lourds sacrifices. Nous ressentons également cette responsabilité. Beaucoup se sont sacrifiés pour le Liban, mais nous sommes ceux qui se sont le plus sacrifiés pour ce pays, et de ce fait, le Hezbollah ne peut offrir un grand nombre de martyrs pour libérer le Liban de l’occupation israélienne puis abandonner le pays à tous les vents qui l’agitent. C’est une question de dignité, de souveraineté, d’indépendance, qui ne peuvent être parcellisées. Là où se déroule une bataille de ce genre, nous devons être présents.
Nous avons vécu les deux expériences : l’action dans la résistance et les combats contre Israël sont plus nobles, plus dignes, plus sacrés et meilleurs pour l’homme, sa moralité et son moral que l’action politique interne au Liban, qui est malheureusement basée sur des règles de jeu où prévalent le mensonge, la traîtrise, la tromperie, les esquives et les ruses, ce qui est difficile pour nous et que nous ne pouvons pratiquer.
C’est sur la base de notre sentiment de responsabilité que nous sommes entrés en force dans la vie politique, ayant saisi les enjeux et l’importance du rôle que pouvait jouer le Hezbollah, qui était jadis hors du jeu politique et des conflits internes dans ce pays. Dès les premiers instants, notre priorité fut claire et constante, faire éviter toute guerre fratricide suscitée par les accusations lancées indistinctement après l’assassinat du premier ministre, le martyr Rafiq al-Hariri. Rappelons les accusations contre des partis et la tentative d’impliquer les shi’ites dans l’assassinat pour susciter une guerre fratricide sunnite-shi’ite.
Notre but fut d’éviter une guerre interne, sur une base confessionnelle (chrétiens – musulmans, ou sunnites-shi’ites et druzes), un conflit libano – palestinien car des discussions tournaient autour des armes dans les camps, des bases militaires palestiniennes et des armes palestiniennes hors des camps, ce qui pouvait entraîner des heurts, s’ils n’étaient pas réglés de manière appropriée, et il fallait éviter, au Liban, un conflit libano-palestinien. Il fallait aussi éviter un conflit libano-syrien dû au climat suscité après l’assassinat et l’accusation de la Syrie, lui faisant porter toute la responsabilité. L’ambiance était très dure et si nous l’avions suivie, tout le Liban aurait suivi le chemin d’une hostilité envers la Syrie. Mais aujourd’hui, nous demandons : comment vivre dans une situation où la Syrie est un ennemi, Israël est un ennemi et non un voisin (comme le prétendent certains députés), d’autant que ce conflit et ces accusations sont fondés sur un accusation politique et non sur des preuves judiciaires ou criminelles.
Nous avions craint l’effondrement de l’Etat du fait de l’évolution de la situation interne, et avions pour objectif la préservation de l’Etat et de ses institutions sécuritaires, civiles et militaires, et surtout l’armée libanaise dont la direction connaît nos positions. Nous avons considéré et considérons toujours que l’armée libanaise représente précisément la seule garantie de la paix civile, la sécurité, la stabilité, l’unité nationale et le maintien de l’Etat au Liban. C’est pourquoi nous avons donc essayé, tout au long de ces deux années, d’écarter l’intervention de l’armée dans les conflits internes, même si cela était à nos dépens. Parmi nos constantes aussi, sur la base desquelles nous sommes entrés dans la vie politique, ce fut aussi l’ouverture vers les autres et le dépassement des anciens conflits et de leurs sensibilités. Nous avons appelé au dialogue, aux rencontres et la reprise du dialogue auquel nous avions sans cesse appelé, même à propos de ce qui est sacré pour nous, la résistance, son avenir et ses armes. Nous étions prêts à discuter autour d’une table et à entamer un dialogue à leur sujet, que nous considérons sacré. Nous sommes entrés également dans la vie politique pour protéger la résistance qui protège le Liban, car la résistance était visée dans son existence, sa culture et même son nom. Aujourd’hui, c’est la fête de la résistance et de la libération, mais pour certains, c’est la fête de la libération. Un jour, parce que la mémoire fait défaut à beaucoup, on nous dira que la libération fut obtenue grâce aux efforts politiques, et les martyrs Sayyed al-Mussawi, Ragheb Harb, Bilal Fahs et les autres martyrs n’auraient été que des brigands. Nous insistons donc pour dire que c’est la fête de la résistance et de la libération.
Il est normal aussi que le Liban soit aux Libanais et non soumis à l’administration américaine, ni une scène d’intérêts et de suprématie de ses projets. C’est sur ces bases que nous avons été amenés à participer activement à la vie politique, et non pour obtenir de sièges parlementaires supplémentaires, ou avec l’ambition de gérer des ministères ou même comme certains le prétendent, mettre la main sur le gouvernement ou instaurer l’Etat de wali al-faqîh.
A partir de là, nous avions conclu nos alliances électorales parlementaires, l’alliance quadripartite, croyant sincèrement que cette alliance réalisera les objectifs cités, éviter la guerre civile et confessionnelle, etc… Avec cet esprit, nous avions participé aux gouvernements de Miqati et Sanioura et étions partis, avec sérieux et espérance, à la conférence du dialogue national, et avions accepté d’y discuter de tout, nous y avions dévoilé nos idées en toute franchise, et avions dit ce que nous pensons concernant la résistance, mettant à nu notre stratégie afin de convaincre nos partenaires dans le pays.
Mais les choses se dirigeaient différemment et nous avions réalisé que les autres poursuivaient leurs engagements politiques, sécuritaires, économiques et financiers. Nous avions trouvé que l’autre partie refusait de discuter la question du tribunal international de manière scientifique et objective, en essayant de la glisser en douce. La dernière erreur de ce groupe fut la lettre envoyée au conseil de sécurité réclamant la tenue du tribunal sous le chapitre du septième amendement, sans obtenir le consentement libanais qu’il aurait pu obtenir, et cela est encore possible, malgré les dangers d’une telle mesure. L’autre partie ne veut pas vraiment discuter. Elle a continué à ignorer des forces politiques importantes dans le pays. Nous avons alors ressenti que le Liban entrait dans une impasse réelle, et avons essayé, malgré cela, d’en discuter.
Ce fut alors l’opération de la capture des soldats israéliens le 12 juillet dernier et la guerre israélienne contre le Liban et la résistance. Nous savons tous comment chaque groupe s’est comporté pendant la guerre. La guerre s’est achevée par une victoire, que j’ai qualifié d’historique, stratégique et divine, et nous savons tous comment chaque groupe s’est comporté après la guerre, que ce soit vis-à-vis de la victoire, de la reconstruction, de l’aide aux sinistrés, ou dans des questions vitales qui exigent la participation et l’accord de l’ensemble. La guerre est finie.
Quel crime avons-nous commis ? Est-ce le fait de réclamer un gouvernement d’unité nationale est un crime ? Malgré ce qui a été dit pendant la guerre et ce que nous avons entendu dans les récentes interviews, où certains se disent attristés parce que nous les avions accusés de traîtrise. Je défie quiconque de leur groupe du 14 mars ou février, de rapporter des paroles que j’aurais prononcées au moment de la guerre, ou qu’un membre de la direction du Hizbollah aurait prononcées, les accusant de traîtrise, sans tenir compte de la présence ou non de traîtres, alors que notre discours était un discours de solidarité. Même lorsque j’ai parlé des sept points, nous étions d’accord pour en parler de manière solidaire.
Mais c’est vous qui, tout au long de la guerre, vous nous aviez accusés de détruire le pays, non à cause des prisonniers, mais pour annuler le tribunal international, pour préserver la Syrie ou même pour améliorer les conditions de négociations de l’Iran sur son programme nucléaire. Cette accusation est l’une des plus horribles, beaucoup plus que celle de l’accusation de traîtrise. Nous nous sommes tus pendant la guerre et après la guerre. Et je vous rappelle que nous ne sommes entrés dans la polémique politique avec vous qu’après votre célèbre réunion au Bristol.
Mais finalement, qu’avons-nous dit après la guerre, sinon que nous voulons un gouvernement d’unité nationale ? Lorsque nous parlons de gouvernement d’unité nationale, - et ce que j’ai dit ensuite, en mettant de côté notre évaluation de la guerre, que nous n’avons pas d’autre solution au Liban que la formation d’un gouvernement national-, nous ne parlons pas de prérogatives pour nous, mais nous disons qu’il y a des forces dans le pays qui ne sont pas représentées et qui doivent l’être, au gouvernement.
Dix mois après la fin de la guerre, où en est-on du traitement de la situation quotidienne libanaise ? Où en est la reconstruction ? Face à cette impasse politique, nous leur avions demandé de recourir au peuple et de soumettre les problèmes à un référendum, mais ils ont refusé.
Nous avons alors réclamé des élections législatives anticipées, ils nous ont accusé d’instaurer un système dictatorial. C’est suite à ce parcours que nous sommes sortis, nous, le mouvement Amal et certains de nos alliés, du gouvernement et sommes devenus l’opposition. Nous sommes toujours attachés à nos principes cités plus haut et rien n’a changé. Mais malheureusement, l’autre partie poursuit son chemin sans réaliser le danger qui menace le pays et sans comprendre que personne ne peut gouverner le pays tout seul.
J’appelle les Libanais et les dirigeants politiques, religieux ainsi que les élites libanaises à réviser ce qui s’est passé dans le pays depuis 1975 jusqu’à 2007 et voir s’il est possible qu’une partie des Libanais puisse gouverner seule, imposer sa volonté sur tous les Libanais, même dans le cadre d’une entente internationale ou régionale.
En 89-90, un homme politique libanais menaçait les Américains, et aujourd’hui il est avec eux. Il leur disait : les Etats-Unis sont plus forts que nous aux Etats-Unis, mais plus faibles que nous au Liban. Qu’est-ce qui a changé ? Rien. Tel est le Liban. Celui qui s’accapare le pouvoir au Liban produit ce genre de situation, et celui qui ignore les autres catégories et partis politiques entraîne cette situation. Là gît le problème et là gît la solution. Mais apparemment, le groupe qui s’est accaparé le pouvoir ne réalise pas ces dangers, en insistant à vouloir placer le tribunal international sous le septième amendement, sans accord libanais, et en voulant régler seul la question de l’échéance présidentielle. Par ce comportement, le groupe au gouvernement agit comme s’il n’y avait pas de problème dans le pays. Même lorsque les affrontements se déroulaient à Tripoli, ils étaient assis, nommant des directeurs et des fonctionnaires.
C’est dans cette ambiance critique dont l’horizon est fermé et inconnu, que se sont déroulés les événéments, graves et douloureux, dans la région du nord.
Nous n’abandonnerons cependant pas nos responsabilités nationales au Liban, quoiqu’ils disent, écrivent ou insultent. Qu’ils utilisent les médias locaux, arabes, internationaux, cela n’entamera ni notre volonté, ni notre détermination, au contraire, cela ne fera qu’augmenter notre foi et notre certitude à devoir assumer notre devoir et à faire ce qui est vrai. Ce que nous entreprenons poursuit la fonction de la résistance armée, mais à partir d’une position politique, avec la même patience, la même sincérité, le même souci et la même confiance en notre capacité de sauver notre pays.
Nous ferons tout ce que nous pourrons, avec les patriotes au Liban, pour préserver notre pays, son indépendance, sa souveraineté, sa liberté et son unité, nous ne voulons ni postes ni argent, ni louanges, car nous accomplissons notre devoir. Les expériences nous ont appris que la coopération entre nous, et la sincérité de nos actions peuvent lever tous les obstacles et ouvrir tous les horizons.
Le troisième sujet : les événements dans le nord. Ce dossier n’est pas isolé de l’environnement général, ni des affinités politiques, des accusations et des dangers sécuritaires que vit actuellement le Liban.
Le Hezbollah, comme l’ensemble des gens, avons appris ce qui s’est passé ce jour et suivi les informations. Nous avons rassemblé les différentes informations, avons contacté des responsables pour comprendre ce qui se passait à Tripoli, à Nahr el-Bared et ses environs. Nous sommes face à une situation extrêmement sensible, grave et complexe. Nous souhaitons que les parties ne simplifient pas trop la question. Dans cette affaire, il y a une opinion musulmane, une opinion chrétienne, il y a des susceptibilités confessionnelles et religieuses, la question libanaise est entremêlée aux questions palestinienne, régionale et internationale, aux Etats-Unis, la guerre contre le terrorisme, les armes dans les camps, l’installation définitive des réfugiés, tout ceci est entremêlé. Que personne ne nous dise que la question est simple et qu’elle peut être traitée en toute simplicité. Aujourd’hui, tout le Liban est dans l’impasse et tous au Liban demandent à voir comment nous entraider pour sauver le pays de cette nouvelle impasse.
Certains ont jugé que le Hezbollah a tardé à émettre un communiqué, qui ne comporte pas ce que pensent les autres. D’abord, nous ne prenons pas position lorsque nous ne connaissons pas les détails d’une affaire, ni ce qui s’y cache derrière, surtout lorsqu’une affaire ou une position implique des responsabilités politiques, morales, humaines, des responsabilités relatives au sang, à la fortune ou au sort de deux peuples. Il s’agit d’un événement grave, et ses conséquences sont multiples. C’est pourquoi nous avons considéré que le sujet exigeait le temps de réfléchir et d’attendre les données avant de trancher, tout en prenant en considération toute cette complexité.
Nous considérons que nous devons régler cette affaire dans le cadre de ces constantes. Une aventure rapide, hors de ces constantes, peut entraîner la perte du pays et notre perte à tous.
L’armée libanaise est aujourd’hui celle qui assure la stabilité du pays et qui protège l’unité nationale. Sans cette armée, il y aurait eu, au cours des deux années précédentes, de nombreuses guerres civiles avec de très graves conséquences. Nous devons, gens au pouvoir ou opposition et hors de toutes affinités politiques, considérer que l’armée est la seule institution qui demeure dans ce pays capable de préserver la sécurité, la paix civile et l’unité nationale au Liban. Par conséquent, nous ne devons pas la brader, avec tous mes respects à toutes les forces sécuritaires. Dans tous les cas, celles-ci font appel à l’armée lorsqu’elles s’aperçoivent que les choses les dépassent. L’affaire s’achève auprès de l’armée et en direction de l’armée. La préservation et la défense de l’armée libanaise ne visent personne.
Toute attaque ou combat contre l’armée, aujourd’hui, vise le maintien de l’unité, de la paix et de la stabilité du Liban. Il y a donc deux questions : l’agression contre l’armée libanaise et de ses positions. Il semble que celle-ci n’ait pas été au courant de ce qui se passait et il est clair que le massacre qu’elle a subie indique qu’elle n’était pas prête, sinon il n’y aurait pas eu autant de victimes dans ses rangs. Donc, l’agression contre l’armée et les forces de la sécurité intérieure ou contre la sécurité et la stabilité, doit être dénoncée, quelle que soit la partie l’ayant exécutée. Il s’agit d’une ligne rouge que tous doivent respecter, et personne ne doit s’en dérober.
Second point : la préservation de la réputation de cette armée fait partie de la préservation de cette institution, de son rôle et de sa fonction. C’est pour cette raison qu’il nous faut voir comment traiter cette question. Nous ne voulons pas régler ce problème par une entente tribale, nous disons comme les autres parties que la justice doit intervenir, que ceux qui ont commis l’attentat de ‘Ayn ‘Alaq, où sont tombés des martyrs libanais, soient jugés équitablement, et que ceux qui ont agressé l’armée et les forces de la sécurité intérieure soient également jugés équitablement.
Au sujet du camp de Nahr al-Bared : les civils palestiniens ne sont pas concernés par cet incident, quel que soit notre jugement sur le groupe Fateh al-islam, sur les organisations palestiniennes et les civils de Nahr el-Bared mais le camp en tant que camp doit faire partie des constantes et de la ligne rouge, si nous voulons être justes, si nous portons le souci des autres civils libanais et palestiniens.
En supposant que les appareils de l’Etat veuillent lancer une campagne contre le terrorisme, cela ne doit pas mener à tuer les gens dans la rue. Les médias ont rapporté ce genre de faits dans Tripoli, comme l’indique l’enquête.
Si vous agissez en tant qu’Etat, il faut que vous vous comportiez comme un Etat : il y a un ordre d’arrestation et de détention, il faut respecter le processus de l’arrestation, et il faut qu’il y ait jugement. Il ne faut pas que la guerre contre le terrorisme soit à la manière de Bush, la manière américaine, où l’homme de la sécurité devient en même temps procureur, juge, témoin, avocat et bourreau. C’est un danger qui menace la sécurité et la paix au Liban.
Prenons le temps suffisant pour traiter ce qui s’est passé dans le camp. Nous avons entendu parler, ces deux derniers jours, d’envahir le camp, mais comment l’envahir alors qu’il y a 35.000 personnes, et la plupart n’ont rien à voir avec l’incident ?
Si nous voulons arrêter un groupe d’hommes armés, est-ce que nous attaquons 35.000 personnes ? Le camp, humainement et juridiquement, est comme tout village libanais. Si nous voulons arrêter un groupe armé dans un village, est-ce que nous attaquons ce village, nous détruisons et tuons ceux qui n’ont rien à y voir ?
Il y a des gens qui vivent des rêves et des projets anciens, ils veulent les ressusciter, c’est très dangereux, cela fait remonter à la surface de nombreux souvenirs douloureux et sensibles.
Je dit en toute clarté : l’armée libanaise est une ligne rouge qu’il ne faut pas atteindre, et ceux qui ont tué les officiers et les soldats de l’armée doivent être jugés de manière équitable, sans aucun laxisme. Mais en même temps, le camp est une ligne rouge. Nous ne pouvons accepter, ni couvrir, ni même être partenaires pour couvrir une guerre de camps dont nous ne savons pas l’issue. Et au final, c’est une guerre contre qui ? Personne ne discute le principe de juger celui qui a agressé et tué. Personne ne dit que nous ne voulons pas juger, mais nous ne voulons pas être entraînés vers des projets suspects qui peuvent faire exploser la situation au Liban et déboucher sur un conflit libano-palestinien.
Que celui qui veuille prendre la décision d’entrer dans le camp assume la responsabilité, mais je considère que l’intervention dans le camp de Nahr el-Bared sacrifie à la fois l’armée libanaise et le peuple palestinien.
Au Liban, - et ceci n’est pas une défense de Fateh el-Islam - certains de ceux qui sont au pouvoir ont mené des contacts avec Fateh el-islam, ils les ont financés et leur ont offert des facilités. Nous, par contre, nous ne les connaissons pas ni n’avons des contacts avec eux, quelle que soit leur attitude envers nous et notre attitude envers eux, nous ne voulons pas être partie prenante de ce conflit. Mais le fait d’entrer dans le camp ou de faire entrer l’armée dans le camp, c’est mettre en danger l’armée, tout ce qui reste dans ce pays. La décision est politique et le traitement doit être politique, sécuritaire et judiciaire, pour protéger l’armée, sa notoriété, sa position et son rôle, et ne pas entraîner une nouvelle guerre des camps.
En toute franchise et clarté, nous avons, dès le premier jour, appelé sérieusement à un arrêt des combats car cette question doit être traitée autrement. Il faut prendre des mesures sécuritaires et politiques précises, ainsi que des mesures judiciaires, mais gare à la guerre civile !
Protéger la notoriété de l’armée ne se réalise pas en l’entraînant dans une bataille dont nous connaissons la gravité et les conséquences. Que personne ne nous accuse demain de défendre Fateh el-islam. Je défends ici l’armée, le peuple palestinien et le peuple libanais. Il faut qu’il y ait enquête pour savoir comment se sont déroulés les événements et qui en a pris la décision. Beaucoup de questions se posent dans le pays et si nous voulons être équitables, il faut nommer une commission d’enquête pour définir comment cela s’est déroulé, pour le compte de qui, qui a commencé la bataille pour comprendre les objectifs de la bataille. Tout cela est fondamental.
Par ailleurs, il faut se méfier de l’intervention américaine dans cette affaire. Aujourd’hui, ils ont installé un pont aérien pour envoyer des munitions, suite à la demande du premier ministre Sanioura ou d’autres, ce qui sera dévoilé plus tard. Mais c’est une chose grave.
Au cours de la guerre, tout ce que nous réclamions des Américains était de faire cesser la guerre qui était déclenchée contre nous, nous ne demandions ni armes, ni munitions, mais les Etats-Unis avaient refusé et au contraire, avaient réclamé à Israël de poursuivre la guerre.
Quel est cet engouement subit pour l’armée libanaise ? Lorsque ses officiers sont bombardés, lorsque ses casernes sont détruites, nous n’avons pas vu cet engouement américain. C’est une question à laquelle les Libanais, les Palestiniens et les groupes du 14 ou 8 mars doivent se poser.
Lorsqu’il a parlé de la guerre contre l’Irak, pour rejeter les critiques adressées au sujet des pertes de l’armée américaine en Irak, Bush a répondu, défendant sa stratégie, disant : « lorsque nous étions partis et avions occupé l’Irak, nous avions apporté al-Qa’ida en Irak pour la combattre dans ce pays. Qu’est-ce qui est préférable ? Laisser al-Qa’ida nous attaquer dans notre pays ou bien fonder un front de guerre où nous l’affrontons avec nos forces armées ? » Il a maintes fois répété et repris ces paroles. Bush reconnaît que l’un de ses buts en Irak consiste à supprimer l’organisation d’al-Qa’ida, l’attirer et attirer ses partisans dans le monde, vers l’Irak. Celui qui en paie le prix, c’est le peuple irakien, avec toutes ses religions, ses villes et ses lieux saints.
Est-ce qu’il faudrait transformer le Liban aussi en scène de combat entre les Américains et al-Qa’ida ?
Pour notre part, nous étions clair, et le communiqué ministériel nous autorisait à mener la lutte pour récupérer nos prisonniers et les fermes de Shebaa, mais nous trouvons des gens qui nous disent que notre bataille fut au profit de l’Iran et de la Syrie.
Aujourd’hui nous leur demandons : est-ce que vous voulez mener la guerre des autres sur le sol libanais ? Est-ce que nous sommes concernés par une guerre contre al-Qa’ida au Liban, et par conséquent, faire intervenir et amener les éléments d’al-Qa’ida vers le Liban ? Ici commence une bataille, mais nous ne savons pas quand et comment elle se terminera.
C’est une question sérieuse que nous devons prendre en compte.
Aujourd’hui, le Liban est face à une étape difficile et extrêmement dangereuse. Que personne ne se cache derrière son doigt en disant que tout va bien. Est-ce que nous avons réellement besoin d’entreprendre cette action, au profit de qui et avec quelles conséquences ? Ceci sert à la discussion et n’est pas une accusation. Ce qui s’est passé dans le nord peut être réglé politiquement, sécuritairement et judiciairement de manière à préserver l’armée, les frères palestiniens, l’Etat, la paix civile et la stabilité. Nous n’avons pas besoin de transformer le pays en une scène de combat que nous menons à la place des Américains contre al-Qa’ida et ses organisations, sous diverses appellations.
La solution consiste à éviter l’accaparement du pouvoir par des forces politiques. Personne ne peut supprimer l’autre, au Liban, des confessions importantes ou non importantes, toutes les confessions au Liban sont importantes, qu’elles soient grandes, moyennes ou petites. Personne ne peut supprimer l’autre. La décision courageuse aujourd’hui consiste à former un gouvernement de salut, et nous ne devons ignorer personne dans ce gouvernement. Je ne parle pas ici de la représentativité ou du taux de représentativité. Formons un gouvernement de salut, avec un partenariat véritable et non formel, et discutons dans le cadre de ce gouvernement toutes les questions. La logique dit que nous sommes dans une situation d’urgence. Créons un gouvernement d’urgence, composé de toutes les forces politiques principales dans le pays qui deviendrait une table de dialogue national permanent. Concernant tout ce qui a été décidé à la table de dialogue, le gouvernement installe les mécanismes d’exécution, avant qu’ils ne soient adoptés et exécutés. Mais si certains veulent continuer à s’accaparer, de manière anticonstitutionnelle, poursuivre et mener les guerres, nous leur demandons : jusqu’où ?
C’est la question qu’ils nous ont posée lors de la capture des soldats israéliens pour faire l’échange avec nos prisonniers. Ils nous avaient accusés de ne les avoir pas consultés. Mais aujourd’hui, nous vous demandons : qui avez-vous consulté et où nous emmenez-vous ? Vous nous demandez toujours : jusqu’où ? Aujourd’hui, nous vous demandons à notre tour : où emmenez-vous le pays ?
La solution consiste à former un tel gouvernement qui nous permettra de préserver les acquis de la résistance et de la libération, la souveraineté de notre pays, sa vie et son indépendance, de rectifier son parcours et de nous entraider, pour éviter la guerre civile et fratricide, tout conflit libano-palestinien et d’autres conflits, pour remettre les choses sur leur chemin.
Pour notre part, nous avons le courage de prendre une décision courageuse.
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