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Deso Dogg, itinéraire d’un rappeur allemand devenu «djihadiste» en Syrie

Deso Dogg, itinéraire d’un rappeur allemand devenu «djihadiste» en Syrie
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Un extrémiste allemand combattant aux côtés des groupes armés terroristes en Syrie a été blessé dans un raid aérien.

Lundi 9 septembre, le groupe extrémiste «Millatu Ibrahim» a annoncé dans un simple communiqué que Denis Mamadou Cuspert, plus connu sur la scène rap allemande sous le nom de Deso Dogg, «a été touchée par un raid aérien et des bombardements d'hélicoptère alors qu'il se cachait avec des combattants anti-régime dans une maison». Le groupe Millatu Ibrahim ne donnait aucun détail sur la gravité des blessures, et ne précisait pas dans quelle région de Syrie Deso Dogg se trouvait.

Il y a trois semaines, l'extrémiste, qui a pris le nom d'Abou Talha Al-Almani (Abou Talha l'Allemand) après son départ en Syrie, avait envoyé sa dernière vidéo en provenance de ce pays. Visiblement heureux, jouant dans l'eau d'une cascade en habit de combat, il s'y faisait le chantre du «djihad» : «Notre devoir est d'aller à la guerre», psalmodie-t-il.

                                                     


De Deso Dogg à Abou Maleeq


Fils d'un père ghanéen et d'une mère allemande, Denis Mamadou Cuspert a grandi à Berlin, devenant vite un petit délinquant. A 15 ans, comme il le racontait en 2004 au journal berlinois B.Z., il dévalisait les touristes. Il a été emprisonné à plusieurs reprises pour coups et blessures et trafic de drogue. Vint ensuite le rap, et un premier album - L'Ange noir -, en 2006. Le dernier sortit en 2009.

En 2010, Deso Dogg se convertit à l'islam, prenant le nom d'Abou Maleeq. Une vidéo publiée en février 2010 le montrait lors de sa rencontre avec Pierre Vogel, le prédicateur salafiste le plus connu d'Allemagne. Cuspert abandonnait alors le rap et se contentait de diffuser épisodiquement sur Internet des «nasheed» (des poèmes musulmans musicaux) dans lesquels il prônait le «djihad» et disait son admiration pour Oussama Ben Laden.

En 2011, Denis Mamadou Cuspert fonda avec l'Autrichien Mohamed Mamadou le groupe extrémiste Millatu Ibrahim, et fit circuler de la propagande salafiste sur Internet. En mai 2012, quand des salafistes et des membres de l'extrême droite se sont violemment affrontés dans les rues de Bonn et Solingen, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Denis Mamadou Cuspert était considéré par le service du renseignement intérieur berlinois comme un «porte-parole incitant à la révolte».

La même année, après l'interdiction du Millatu Ibrahim, l'ancien rappeur quitta l'Allemagne pour rejoindre l'Egypte, et plus tard à la Syrie. Dans une vidéo publiée en septembre 2012, il menaça directement l'Allemagne en déclarant la République fédérale «terre de combat». Dans une autre vidéo, il exprimait son désir de «mourir sur le champ de bataille».

Radicalisation en ligne

L'Office fédéral de protection de la Constitution (service du renseignement intérieur) craint que la propagande de Denis Mamadou Cuspert puisse pousser d'autres jeunes à se radicaliser. Ses activités en ligne, notamment, provoquent l'inquiétude, d'autant que le personnage d'Abou Talha Al-Almani est, à l'image de la dernière vidéo envoyée de Syrie, largement mis en scène. Le service estime que «les idées salafistes diffusées virtuellement peuvent pousser à la radicalisation».

Cette évolution inquiète d'autant plus que le service du renseignement intérieur considère le salafisme comme un courant à la croissance particulièrement rapide en Allemagne. Selon les services de surveillance, le nombre de ses membres est passé de 3 800 en 2011 à 4 500 en 2012. Seule une minorité d'eux est considérée comme terroriste, mais le service du renseignement intérieur juge le salafisme comme un «terrain favorable pour la radicalisation islamiste».

120 extrémistes allemands en Syrie

Denis Mamadou Cuspert aurait notamment influencé l'auteur de l'attentat antiaméricain commis en mars 2011 à l'aéroport de Francfort. Arid Uka, un Albanais du Kosovo dont la famille vivait en Allemagne depuis des dizaines d'années, avait ouvert le feu sur un bus de l'armée américaine à l'aéroport de Francfort, tuant deux soldats et en blessant trois autres. Peu avant, il avait visionné une vidéo postée sur la page Facebook de Denis Mamadou Cuspert.

Selon le renseignement allemand, plus de 120 extrémistes sont partis d'Allemagne pour combattre en Syrie. Il évoque de même «une tendance à la hausse». «La Syrie est en outre la principale destination pour les djihadistes allemands», expliquait récemment le chef des services de renseignements, Hans-Georg Maassen, disant aussi craindre l'attitude de ces extrémistes à leur retour en Europe.

L'Autriche a également affiché sa préoccupation à l'égard de cette question. Le chef du service du renseignement intérieur autrichien, Peter Gridling, a estimé à cinquante le nombre d'extrémistes autrichiens qui combattent actuellement en Syrie. De fait, un chiffre très élevé, si l'on considère le nombre d'habitants en Autriche, dix fois moins élevé qu'en Allemagne.

Source : Le Monde et rédaction

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