Gaza: Une commission d’enquête indépendante mandatée par l’ONU accuse «Israël» de génocide, dénonce l’inaction internationale
Par AlAhed avec sites web
Devant un parterre de journalistes, Navi Pillay n’a pas pris de gants. «L’État d’Israël est responsable de quatre actes de génocide à Gaza», a-t-elle affirmé mardi 28 octobre dans la salle de presse des Nations Unies, à New York. Cette ancienne juge du Tribunal pénal international pour le Rwanda, qui a longtemps dirigé le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, sait ce que le mot génocide implique : l’accusation la plus grave que le droit international puisse formuler.
À 84 ans, la juriste sud-africaine était venue présenter ce qui sera son dernier rapport en tant que présidente de la Commission d’enquête internationale indépendante sur le territoire palestinien occupé. Le texte, le plus sévère publié depuis le début de la guerre «israélienne» à Gaza le 7 octobre par cet organe chargé de documenter les violations graves commises en Palestine et en «Israël», conclut à une politique «visant la destruction systématique de la vie palestinienne».
La Commission d’enquête estime également que le «président, le premier ministre et l’ancien ministre de la défense israéliens» ont tous trois incité à commettre un génocide à Gaza, dans le cadre de que Mme Pillay qualifie d’«attaque la plus impitoyable, la plus prolongée et la plus généralisée de l’histoire contre le peuple palestinien».
Au moment même où ces déclarations étaient prononcées au siège de l’ONU, le «premier ministre israélien», Benjamin Netanyahou, venait d’ordonner, selon la presse, de nouvelles frappes massives sur Gaza, accusant le Hamas de violer les termes du cessez-le-feu en vigueur depuis le 10 octobre.
Selon Pillay, les destructions massives, les transferts forcés de population et la volonté déclarée de «changer la composition démographique» de Gaza traduisent une entreprise délibérée d’effacement. Depuis le début de la guerre, plus de 68 000 Palestiniens ont été tués par l’armée «israélienne», selon les autorités sanitaires de l’enclave.
Attaques «scandaleuses» contre Francesca Albanese
Durant la conférence de presse, le collègue australien de Mme Pillay, Chris Sidoti, a dénoncé les attaques visant Francesca Albanese, la Rapporteuse spéciale de l’ONU sur les droits de l’homme dans le territoire palestinien occupé, visée depuis juillet par des sanctions américaines.
«Ces attaques constituent une violation grave de la Convention sur les privilèges et immunités des Nations unies et de l’accord de siège avec les États-Unis», a-t-il déploré, jugeant les mesures de Washington «illégales en droit international comme en droit américain».
Mme Albanese était intervenue plus tôt dans la journée lors d’une réunion de présentation du nouveau rapport de la Commission d’enquête. À cette occasion, l’ambassadeur «israélien» avait qualifié la juriste italienne de «sorcière».
«Et le sous-entendu est évident : elle devrait être brûlée sur le bûcher», a commenté M. Sidoti, dénonçant une attaque «scandaleuse» contre une experte indépendante de l’ONU.
Francesca Albanese : «un crime collectif»
Depuis Le Cap, où elle s’exprimait par visioconférence, Francesca Albanese a défendu la publication de son propre rapport, intitulé «Génocide à Gaza : un crime collectif».
«Aucun État ne peut prétendre respecter le droit international tout en soutenant ou en armant un régime génocidaire», a-t-elle déclaré, décrivant un système global de complicité, mêlant diplomatie, commerce et armement.
Les États-Unis et l’Allemagne auraient ainsi fourni plus de 90 % des importations d’armes d’«Israël», tandis que l’Union européenne demeurerait son principal partenaire commercial. Quant à l’aide humanitaire à Gaza, affirme-t-elle, elle a été «instrumentalisée jusqu’à devenir un outil de domination».
Gaza sous pression humanitaire
Le même jour, le porte-parole du Secrétaire général, Stéphane Dujarric, décrivait une enclave à bout de souffle, où les agences humanitaires tentent de maintenir les services essentiels. Chaque jour, plus d’un million de personnes dépendent désormais de l’aide internationale pour boire, se nourrir ou se soigner.
Mais les efforts humanitaires se heurtent à de nouveaux obstacles, en dépit de l’accord de cessez-le-feu, qui prévoit une entrée massive de l’aide dans Gaza. Depuis lundi, les convois doivent emprunter le corridor de Philadelphie, à la frontière égyptienne, une route saturée où s’accumulent les camions. Les retards s’allongent, les livraisons ralentissent, et sur le terrain, les familles déplacées empilent des sacs de farine remplis de sable pour consolider leurs abris avant la saison des pluies.
En conclusion, Navi Pillay, qui s’exprimait par visioconférence depuis Durban, en Afrique du Sud, a appelé les États à soutenir la Cour pénale internationale dans ces efforts pour lutter contre les atrocités de masse et faire en sorte que ces crimes ne demeurent pas impunis. «Qu’un nouveau multilatéralisme émerge, non pas une façade, mais une architecture vivante des droits et de la dignité, pour le plus grand nombre et non pour les privilèges de quelques-uns».
Pour celle qui a grandi sous l’apartheid, la justice internationale n’a de sens que si elle s’applique avec la même rigueur à tous.
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