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L’entrevue complète du secrétaire général du Hezbollah sur la chaîne al Manar

L’entrevue complète du secrétaire général du Hezbollah sur la chaîne al Manar
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Manar Sabbagh : Bonsoir chers téléspectateurs. 130 jours se sont écoulés depuis le discours du 30 octobre 2024  qui a constitué la première apparition de cheikh Qassem après son élection en tant que secrétaire général du Hezbollah. Le poids était lourd et il l’a porté en rendant grâce à Dieu. Peut-on qualifier cette mission autrement que par le terme suicidaire en ces temps difficiles ?  Le simple fait de l’accepter en pleine bataille était déjà un choix courageux et comme un appel au martyre à cause de la réalité des menaces et des coups durs portés à la résistance depuis le 17 septembre. Le courage et la volonté de faire face ne sont pas étrangers à cheikh Qassem. Tous ceux qui ont suivi son parcours depuis le début de son action islamique jusqu’à son élection au poste de secrétaire général du Hezbollah ne sont pas étonnés de sa décision d’accepter la mission en dépit de la difficulté pour lui de faire ses adieux au sayyed Hassan Nasrallah et à ses compagnons moujahidins.

Nous l’avons connu comme auteur de dizaines d’ouvrages, comme un lecteur exceptionnel du parcours du Hezbollah, une personnalité qui connaît tous les rouages de l’action parlementaire et gouvernementale. Il a été aussi le coordinateur des élections législatives depuis 1992 lorsque le Hezbollah a commencé à y participer. Il a été aussi le partenaire du sayyed des martyrs de la oumma pendant plus de 37 ans. En dépit de toutes ces occupations, cheikh Qassem n’hésitait pas à donner des rendez-vous pour des consultations privées, pour aider ou suivre des problèmes précis, ou encore pour donner des conseils et des orientations. Au point qu’il a mérité le titre de «père tendre» pour les frères et les sœurs de ce parcours béni. Mais en même temps, il est un politicien qui sait adopter des positions efficaces face à l’adversaire et à l’ennemi là où il le faut. Il est aussi un orateur et un tribun dans les mosquées et à travers des programmes religieux sur les chaînes de télévision et sur les radios, suivant ainsi et encadrant dans les détails pour sa société et son environnement. Il est donc toujours proche des gens et avec eux.

Aujourd’hui, chers téléspectateurs, cheikh Qassem apparaît dans sa première entrevue depuis qu’il a été élu secrétaire général du Hezbollah et après avoir prononcé 16 discours  entre le 30 septembre et le 23 février. Ce soir, nous allons parler de tout ce qui s’est passé depuis le début de la bataille «De ceux qui ont la détermination». Nous poserons les questions et nous écouterons les réponses franches et transparentes, comme il nous a habitués à le faire.

Nous évoquerons les principales étapes et les moments les plus difficiles, notamment la mort en martyre des deux secrétaires généraux du Hezbollah. Nous parlerons aussi dans les détails du paysage politique interne avec ses opportunités et ses défis. Nous évoquerons aussi les développements dans la région et en particulier la lutte entre le projet de normalisation et d’effritement de la région et celui de la résistance. Chers téléspectateurs, nous sommes avec le secrétaire général cheikh Naïm Qassem. Nous commençons l’entretien.

Bonsoir cheikh.

Cheikh Naïm Qassem: Bonsoir à vous et aux téléspectateurs.

Manar Sabbagh: Merci. En mon nom et en celui de tous les frères et les sœurs de la chaîne al Manar je dois vous transmettre les salutations et les remerciements pour cette entrevue qui est la première que vous accordez depuis que vous êtes devenu secrétaire général du Hezbollah. Merci beaucoup aussi pour le temps que vous nous accordez en dépit des circonstances sécuritaires et autres et en dépit de vos multiples occupations.

Cheikh Naïm: C’est notre chaîne de toute façon et elle doit avoir la priorité.

Manar Sabbagh: Sans nul doute. C’est la chaîne de la résistance. C’est sa fierté et c’est ce qui fait qu’elle ressemble aux gens. C’est d’ailleurs l’image qui résume son parcours et cela nous permet d’entrer directement dans le vif du sujet avec vous. Il s’agit donc de parler des gens. Je commence par les images de la cérémonie des funérailles. Je voudrais vous demander vos impressions. Vous aviez un discours face à cette foule immense. Mais comment avez-vous réagi en la voyant, face à cette fidélité du peuple de la résistance ?

Cheikh Naim Qassem: Bismillah al rahmane al rahim. Quand on revoit comment nous en sommes arrivés à décider de cette cérémonie, on peut dire qu’il s’agit bien de funérailles divines. Car après la mort en martyre du sayyed des martyrs de la oumma, j’étais en contact avec sayyed Hachem Safieddine. Nous essayions de nous entendre sur la date des funérailles. Nous parlions d’un jour ou deux après la mort en martyre. Mais les circonstances étaient très complexes. Nous nous sommes donc entendus pour reporter la cérémonie, car il y avait un danger pour les gens. Et la date a été reportée jusqu’à ce moment. Cela nous a permis de trouver depuis près d’un mois un lopin de terre sur la route de l’aéroport et en même temps, cela a été l’occasion de convier les gens à la participation à cette cérémonie.

En réalité, la participation des gens a été exceptionnelle. Je vous le dis : j’ai senti que les gens nous disaient : Nous poursuivrons sur le chemin tracé par la résistance. Les gens nous ont dit que la résistance n’est pas une idée, ce n’est pas non plus une étape. La résistance est la nourriture et l’eau, elle est le sang qui circule dans les veines. La résistance c’est l’enfant et la femme, l’homme vieux ou jeune. Par conséquent, cette cérémonie n’était donc pas des funérailles pour une ou deux personnes décédées, mais c’était les funérailles pour l’avenir. Cette cérémonie était le lien entre les deux secrétaires généraux et l’avenir, que nous poursuivrons ensemble avec tous ces gens venus participer à la cérémonie. Ce n’est pas moi seul qui dis que cette cérémonie était exceptionnelle et impressionnante. Tout le monde le dit. Toutes les impressions le montrent. Même les ennemis ne sont pas parvenus à ignorer cette foule et cela montre que la résistance est enracinée dans les cœurs et les esprits. Le peuple de la résistance et le public qui la soutient sont immenses même s’ils sont loin de l’environnement populaire direct. Par «public de la résistance»,  j’entends l’environnement, les partisans et ceux qui appuient la résistance partout dans le monde. J’aime utiliser cette expression «le public de la résistance». Et il n’est pas nécessaire que ceux qui en font partie soient des partisans, des proches ou même membres des familles des partisans. Le public de la résistance est solide, sincère, prêt à se dresser pour défendre ses croyances. Regardez où va le monde, ce que font les Américains, ce que font les «Israéliens», les défis et malgré cela, ce public vient aux funérailles pour dire : Nous sommes là.

Je dis à tous ces gens : Comme vous avez levé la tête pendant cette cérémonie pour dire : «Nous sommes là», gardez toujours vos têtes hautes.  Vous êtes les fils de sayyed Hassan, vous êtes les fils de cette ligne, les fils de la résistance, les fils des martyrs et les fils de ce parcours. C’est pourquoi avec ces gens, la victoire est toujours là, que cela plaise à certains ou non. Ces funérailles étaient donc une annonce de victoire, selon ce que nous croyons, c’est une annonce qui dit que nous sommes restés déterminés et actifs jusqu’à la dernière seconde précédant l’accord.

Manar Sabbagh: Nous en parlerons bien sûr. Mais vous aviez des mots précis pour parler de la victoire, de la propagande et de la grande guerre. Mais restons pour l’instant sur l’image de cette foule et permettez-moi d’essayer de connaître vos sentiments cheikh ?

Cheikh Naim Qassem: J’hésitais à le dire, mais je vais le faire. Chaque fois que je regardais la télévision et que je voyais une image, un mouvement ou que j’entendais un mot, mes larmes coulaient. Je n’étais pas ainsi, je ne vivais pas cette ambiance mais le climat dans lequel nous vivons me donne un sentiment de fierté. Chaque fois qu’une petite fille apparaît et s’exprime, chaque fois qu’une femme le fait, un jeune homme ou un homme... Tout cela me fait sentir que ces gens éprouvent réellement un grand amour sincère. Je comprends mieux pourquoi sayyed Hassan et eux entretenaient un lien particulier. Ce sentiment est un échange et sayyed Hassan le partageait avec eux. Je vous le dis aujourd’hui, ces gens sont vraiment les plus nobles, les plus dignes et les plus grandioses.

Manar Sabbagh: En attendant de prononcer votre discours en direct, ce jour-là, avez-vous pleuré ?

Cheikh Naim Qassem: Que dois-je dire d’eux ? Ce qu’ils ont fait est incroyable. Est-il possible qu’une femme de 60 ou 65 ans dise : J’ai donné trois martyrs, ainsi que deux de mes gendres et deux de mes petits fils, tous sont morts en martyre et je suis prête à donner les autres et je suis prête à descendre sur le terrain si on me le demande ! Que pouvons-nous dire à ceux-là ? Elle a trois fils martyrs et il lui en reste deux ou trois et elle est prête à les donner...Il y a aussi celles qui disent : «J’ai un fils unique et je suis fière de lui. Ne croyez pas que je suis triste. Vous n’imaginez pas que je suis prête à donner encore ce qui me reste : une fille, moi et mon mari. Nous sommes prêts». C’est un exemple extraordinaire. Ils croient malgré cela pouvoir vaincre ce peuple !  Ils rêvent. Ils ne peuvent pas le dépasser et ils ne peuvent pas accomplir leurs complots. Ce peuple est présent sur le terrain et il devance tout le monde. Je dis donc : Vous êtes les gens les plus nobles et je suis sûr que vous resterez ainsi, une épine dans les yeux de l’ennemi.

M.S. : Malgré les pressions ?

CNK : Les pressions augmentent leur détermination et renforcent leur moral. Croyez-vous vraiment que ces gens peuvent être effrayés par les pressions ? Ce sont des gens qui croient au martyre. J’ai expliqué une fois que le martyre fonce et il ne craint pas la mort. Tous ces gens sont des partisans du martyre. Je me souviens que dans certaines conférences je recevais des questions qui disaient : est-ce possible pour les femmes d’aller au front et de se battre jusqu’à devenir des martyrs ? ... Aujourd’hui tout cela est fini, vous pouvez être contentes, toute la scène est désormais aux martyrs. Dans «la bataille de ceux qui ont la détermination», des enfants sont devenus des martyrs, les femmes et les vieux aussi, comme le moujahed sur le champ de bataille. Toute la région était un front. Je crois que plus les pressions augmentent, plus la crainte pour l’existence augmente et plus les gens sont motivés pour devenir des martyrs.

M.S. : L’ennemi ne comprend pas cela ? Nous reviendrons sur ces sujets. Mais j’ai voulu commencer par les gens, par ces funérailles sacrées, par ces larmes sacrées, par cette fidélité, car même les funérailles ont été abordées comme une étape qu’il faut combattre. Tout a été utilisé pour faire échouer la cérémonie, pour faire peur, jusqu’au survol des avions militaires sionistes de la façon dont cela s’est déroulé...

CNK : La cérémonie a mobilisé 20 000 personnes pour l’organisation. Les routes se sont remplies de gens au point qu’il est devenu impossible de marcher de la Cité Sportive au mausolée. Des gens de tous les coins du monde ont participé à la cérémonie. Je voudrais à cet égard rendre un hommage particulier au peuple irakien et aux autorités irakiennes, les ulémas, Al Hachd, les gens, les responsables des lieux sacrés. Cet amour est incroyable !  D’ailleurs, ils ont été à la hauteur lors de l’exode, ils ont même envoyé des aides et jusqu’à présent, ils accueillent des gens et leur offrent des aides pendant le mois du Ramadan. Je me sens un avec ce peuple irakien. Ils ont une affection sincère et une grande générosité. De même, je voudrais rendre hommage au peuple iranien, les responsables des écoles religieuses, les ulémas, des avions sont venus de façon indirecte.

M.S.: Les voies directes leur ont été fermées ?

CNK: Bien que les routes directes aient été fermées, leur présence était remarquable. Le mot de l’ayatollah Khamenei était exceptionnel par l’émotion qu’il contenait. Il ne se comporte pas avec nous au Liban comme un groupe dont on ignore d’où il vient. Non, il nous considère comme les fils de cette ligne, des êtres nobles et sincères, de ceux qui peuvent changer les équations. Il faut aussi remercier les frères palestiniens, les Yéménites, les Tunisiens et tous ceux qui sont venus. Je ne peux pas citer tout le monde. Mais je dis : Notre peuple n’est pas facile. Vous savez que ce jour-là, les routes n’étaient pas faciles, notamment pour ceux qui viennent de la Békaa.

M.S. : C’est vrai, les températures étaient basses.

CNK : Pourtant toute la route était pleine de monde. Les frères m’ont dit qu’ils ont décidé d’ouvrir les lieux à partir de 6 heures du matin pour ceux qui songeraient à venir tôt. Mais à partir de 3h30 du matin, les gens étaient déjà devant la Cité sportive et voulaient entrer. A 8h du matin, il y avait près de 80 000 personnes à l’intérieur, alors que le rendez-vous était fixé à 13h30. Comment expliquer cet enthousiasme exceptionnel ? Je considère que ce qui s’est passé est en soi une déclaration de victoire. Les gens disent cela et ce que les autres disent m’importe peu. Ils ont beau prétendre que nous n’avons pas remporté une victoire, cela ne changera rien aux faits. Nous n’attendons d’ailleurs pas d’eux qu’ils reconnaissent notre victoire. Ce qui compte c’est ce que nous ressentons.

M.S.: Quand avez-vous dit le contraire ?

CNK : Que cela leur plaise ou non, ce qui compte c’est ce que nous ressentons. Il y a aussi un renouvellement de l’appui et un engagement à poursuivre sur le chemin tracé par le sayyed des martyrs de la oumma. C’est un point important. Ensuite, il faut noter notre présence sur le terrain. Il ne s’agit pas de simples condoléances mais d’un message de foi et de détermination. La cérémonie était une étape sur laquelle il faut s’arrêter pour que les autres comprennent notre scène. Pour nous, nous savons de quel matériau sont faits ces gens.

M.S.: C’était un message. Vous avez voulu qu’il soit fort sur le plan populaire. Il y avait aussi beaucoup d’émotion. Comment voyez-vous ce sujet ?

CNK: Eux considèrent que la cérémonie était un message. Soit, il y en aura beaucoup d’autres. Car chacune de nos positions est un message. Pendant «la bataille de ceux qui ont la détermination», chaque étape était un message : le fait de tenir bon, le courage légendaire, les sacrifices, l’exode et la façon de le gérer de la part de nos gens, la poursuite des combats à un rythme élevé. Tout cela ce sont des messages. De même, la patience stratégique en est un, lorsque nous avons laissé l’Etat assumer la responsabilité de l’accord, pour pouvoir dévoiler la tendance «israélo»-américaine, pour pouvoir dire aux gens qu’il y a d’autres dimensions.. ; ce sont aussi des messages, comme la cérémonie et tout ce qui viendra après. Pour être clair avec vous, je dis que nous nous comportons normalement, qu’il y ait quelqu’un à qui adresser un message ou non. Certains disent : Vous avez travaillé pour envoyer des messages. Nous ne sommes pas comme cela. Et je crois qu’ils vont recevoir de nombreux messages de la part de ce peuple noble et généreux et de la part de cette résistance authentique, ainsi que de la part de ce sang qui a arrosé cette terre.

M.S.: Vous avez utilisé l’expression de gens qui aspirent à être des martyrs en parlant du peuple de la résistance. Mais vous en faites partie puisque vous avez accepté cette responsabilité en cette période. Vous avez déjà évoqué les premiers dix jours dans les détails. Mais je voudrais y revenir. Il y a donc eu le 27 septembre, cette date inoubliable. Qu’est-ce que vous vous rappelez de ce jour ? Quel était son impact sur vous ? Il y a eu des  décisions rapides jusqu’à la désignation de sayed Hachem Safieddine pour assumer la responsabilité... Pouvez-vous nous en parler ?

CNK : Le 27 septembre, il y a eu cette énorme agression de l'ennemi «israélien», et le sayed des martyrs de la nation ainsi qu’un groupe de personnes, des combattants, des hommes de jihad et de martyre ont été tués. Comme tout le monde, j'ai été choqué, je ne m'attendais pas à ce que cela arrive. Mais nous avons dû faire face à la réalité et nous dire : que faire maintenant ?

M.S.: Y avait-il eu des contacts récents avec le sayyed raison des circonstances ? Car on disait que même la communication par téléphone était impossible ?

CNK : La dernière fois que j'ai rencontré le sayyed, c’était lors d’une réunion qui a regroupé un certain nombre de membres du conseil, le sayyed Hachem était présent, et d'autres. C’était le 18/09. Le dernier appel téléphonique que j'ai reçu du sayyed a eu lieu le 21/09. Il m’a appelé et il m’a dit : «Le chef Ibrahim Aqil, le martyr, a été tué avec son groupe». Bien sûr, j'avais déjà appris la nouvelle la veille. Il m’a dit : «Peut-être que tu devrais descendre prier et prononcer un discours». Généralement, lorsqu'un dirigeant devient martyr, c’est le secrétaire général qui prononce le discours. Je lui ai répondu : «D'accord».

Le lendemain, nous avons enterré le martyr Ibrahim et un groupe de frères, puis nous n’avons plus eu de contact jusqu’au 27 septembre.

Lorsque l’événement a eu lieu, la première chose à laquelle j’ai pensé c’est que le  secrétaire général adjoint prend la place du secrétaire général lorsque celui-ci est absent. Il faut prendre des mesures. J’ai donc contacté sayyed Hachem Safieddine pour lui demander ce qu’il fallait faire.  Nous avons parlé de l’enterrement car le martyre avait eu lieu et il fallait prendre des mesures. Je lui ai demandé : Que devons-nous faire pour le secrétariat général ? Il m’a répondu : Qu’est-ce qu’il a le secrétariat général ? J’ai répondu : Nous devons choisir un secrétaire général avant les funérailles si nous le pouvons, car ce serait un élément de force pour le Hezbollah. Il m’a répondu : Pas de problème. A quoi pensez-vous ?  J’ai répondu : Pour moi c’est vous qui devrez être le secrétaire général. Il a demandé : Pourquoi moi ? J’ai répliqué : Pour être franc avec vous  et selon notre système interne et les circonstances internes, deux personnes peuvent être secrétaire général, vous ou moi. Mais je pense que vous convenez plus pour plusieurs raisons et dans les circonstances actuelles, en plus de vos compétences. Vous devez être le secrétaire général et je me charge de parler avec les frères du Conseil Consultatif pour voir ce que nous pouvons faire.

M.S.: Il s’agissait d’une action de force et de puissance pour dire aux sionistes que vous continuez ?

CNK: Bien sûr nous continuons. Nous avons choisi un secrétaire général et nous considérons cette décision comme un élément de force. Lorsque sayyed Abbas est mort en martyre, sayyed Hassan Nasrallah a été élu en tant que secrétaire général , avant l’enterrement de sayyed Abbas. C’est un élément de force. L’annonce pouvait être faite vendredi ou samedi, mais sayyed Hachem est mort en martyre dans la nuit de jeudi ou à l’aube de vendredi.

M.S.: Vous avez distribué les missions ? On dit que sayyed Hachem s’était impliqué dans les détails de la bataille.

CNK : Lorsqu’en tant que secrétaire général adjoint, j’ai dû faire et comme le sayyed était présent dans le conseil jihadiste et avait un contact direct avec les frères, nous nous sommes entendus avec sayyed Hachem pour qu’il suive le dossier militaire et moi je suivrai le dossier politique. C’est pourquoi j’ai prononcé un discours le 30 septembre en tant que secrétaire général adjoint, alors que lui se chargeait du dossier politique. Cela devait être suivi 2 ou 3 jours plus tard de l’annonce du nouveau secrétaire général. Il s’agissait de lui donner un court délai pour qu’il puisse faire face. Mais il est mort en martyre entretemps. C’est pourquoi lorsque j’ai prononcé un discours le 8 octobre un an pratiquement après le Déluge d’Al Aqsa c’était 4 jours après la mort en martyre de sayyed Hachem.

M.S.: Il était visé bien que sa désignation n’était pas connue ?

CNK: Oui ce n’était pas connu. Je me comportais comme le secrétaire général adjoint et il fallait faire face. Lorsqu’il est mort en martyre, j’ai commencé à contacter les frères dans le commandement militaire de la résistance et nous avons coordonné notre action et comblé les lacunes qui pouvaient être présentes.

M.S.: Je sais que ce n’est pas évident d’avoir les informations, j’ai pourtant essayé, mais je voudrais savoir si l’impact de la mort de sayyed Hachem était dur et pourquoi ?  Et qu’est-ce qui vous a poussé à vouloir continuer malgré tout à assumer les responsabilités ?

CNK : Deux événements ont eu un impact exceptionnel  sur moi, la mort en martyre de sayyed Hassan, car je fais partie des gens qui attendaient ses discours et je considère qu’il est le symbole et l’essence. Certainement il donnait ce qu’il avait et ses propos rassuraient les gens. En décidant de nommer sayyed Hachem je me disais que nous avons perdu un pilier mais nous en avons un autre. Rien n’allait donc changer sauf, pour moi, le fait d’avoir perdu un frère cher que je rencontrais en permanence depuis 37 ans. Ce n’est pas rien, sans parler des contacts quotidiens. J’étais à ses côtés, tout comme sayed Hachem d’ailleurs, lui dans ses spécialités et moi dans les miennes qui étaient plus en relation avec les députés, les ministres et la situation politique. Lorsque sayyed Hachem est mort en martyre, j’ai personnellement senti qu’un séisme avait eu lieu. Pourquoi ? Je me suis demandé ce que nous allions faire désormais. La première idée qui m’est venue à l’esprit c’est que ma vie est chamboulée. J’avais un rythme et un mode de vie qui ne pouvaient plus rester les mêmes. Je n’ai pas eu de l’angoisse, ni de la tension, comme si Dieu Tout Puissant avait mis dans mon cœur une grande sérénité, mais j’ai senti que ma vie allait être totalement bouleversée. Je me suis parlé à moi-même : Nous avons choisi ce chemin, me suis-je dit et qu’allons-nous faire maintenant ? Continuer bien sûr. Heureusement j’avais une grande confiance en Dieu et dans la continuation. Au point que certains de mes gardes du corps avec moi avaient dit : C’est fini ! Et moi je leur ai demandé : Pourquoi vous dites cela ? Ils ont répondu : Qu’est ce qui peut encore nous sauver ? Et j’ai répondu : Dieu nous a promis la victoire. Ils m’ont déclaré : Où est donc cette victoire ? Nous recevons coup sur coup et j’ai répondu : Il faut être patient.

M.S.: Avec la même constance ?

CNK : Je répète, nous devons être patients.  En général, lorsque la crise est là, les gens ne voient plus devant eux. Ils doivent donc attendre un peu pour qua la vision se précise et que les choses se clarifient. Je me suis même inspiré d’un verset du Coran pour conforter ma pensée. J’étais convaincu même si je savais que nous vivions une période très difficile. Mais il fallait garder la confiance en Dieu. Nous ne savons pas quand les portes vont s’ouvrir et l’éclaircie apparaître. De plus, nous ne pouvons pas mener une bataille en étant tendus et inquiets. Mais en plus de cela, je peux dire que sur le plan personnel, j’étais tranquille.

M.S.: On a dit de vous que vous avez été exceptionnellement courageux et serein. On a dit aussi que vous avez demandé des livres... Est-ce possible ?

CNK: La faute est à celui qui vous a raconté cela...

M.S.: Vous êtes connu pour être un grand organisateur

CNK: Moi je suis habitué à ne pas rester assis sans lire. J’ai donc contacté un frère pour lui demander de m’envoyer deux livres. Il m’a répondu : Que voulez-vous lire maintenant ? Et j’ai répondu : Faut-il cesser de nourrir son cerveau ? Pour moi, il s’agissait de mettre à profit les moments de repos que j’avais. J’étais habitué à le faire et je ne pouvais pas changer mes habitudes. C’est lié à la nature et au mode de vie de chaque personne. Concernant mon courage, je voudrais vous dire que je ne suis pas plus courageux  que tous les moujahidins qui résistent sur les premières lignes, alors qu’ils savent qu’à tout moment, ils peuvent recevoir quelque chose d’insupportable. Cela ne les pousse nullement à quitter leurs positions. Au contraire. Ceux qui suivent notre parcours savent qu’il est pétri de courage. Ceux qui n’en ont pas ne peuvent pas rester.

M.S.: Les gens s’expriment sur les réseaux sociaux. Une fille a ainsi écrit un poème en souhaitant que vous le lisiez et elle résume votre situation en disant que vous portez le plus lourd fardeau... Mais pour en revenir à cette période, vous avez commencé à assumer les responsabilités de secrétaire général mais l’annonce a été retardée le temps de vérifier que sayyed Hachem était mort, alors qu’à cause des sionistes qui encerclaient le lieu, nul ne pouvait s’en approcher...

CNK: Nous avions entrepris une démarche préventive. Comme il s’agissait d’un bombardement semblable à celui qui avait visé le sayed, nous devions donc choisir un nouveau secrétaire général rapidement. Le choix a été fait le 9 octobre, c’est-à-dire 5 jours après le bombardement qui a tué sayed Hachem, mais à ce moment-là, nous n’avions pas encore de certitude sur sa mort. Nous pensions pouvoir faire quelque chose à ce sujet mais les «Israéliens» interdisaient de s’approcher des lieux et de fouiller dans les décombres. Face à cette réalité, nous avions deux possibilités. La première est qu’il soit mort en martyre. Etait-ce décent d’annoncer la nomination d’un nouveau secrétaire général alors que sa dépouille n’avait pas encore été extraite et qu’il n’avait pas été enterré ? La seconde est qu’il soit encore en vie car certains frères disaient qu’il y avait une chambre fortifiée avec de l’oxygène et dans laquelle on pouvait survivre pendant une certaine période. Cette version existait.

M.S. : Même les sionistes ont envisagé cette possibilité ? Ils vous ont donc empêché de vous rendre sur place pour cette raison ?

CNK : C’est une des raisons qui ont poussé les sionistes à empêcher les gens de s’approcher des lieux. Ils pensaient qu’il pouvait être encore en vie. En tout cas on ne pouvait pas annoncer la nomination d’un nouveau secrétaire général avant de s’assurer de son décès. Malgré le fait que le 9 octobre, un nouveau secrétaire général a été choisi nous avons d’abord attendu jusqu’au 23 octobre pour annoncer le décès de sayyed Hachem, puis finalement pour des raisons de décence, la véritable annonce a été faite le 30 octobre.

Comme j’étais secrétaire général adjoint, je suivais depuis le début les développements et j’ai continué à le faire. Mais tout a changé après la mort en martyre de sayyed Hachem. J’ai contacté le commandement militaire à ce moment-là et je leur ai dit : Ne me dites pas ce qui est parti mais parlez-moi plutôt des moyens qui restent. Le commandement m’a répondu : Nous avons ceci et cela. Car je ne savais pas ce que nous avions. J’ai alors déclaré : Nous pouvons donc continuer à ce rythme en particulier. J’ai coordonné avec eux un programme de bombardements quotidiens et de cibles, avec les moyens et dans les détails, quand il faut bombarder «Tel Aviv» et quand il faut bombarder Haïfa.

M.S.: Etait-une décision du commandement ou un suivi des détails sur le terrain ?

CNK : Le combattant sur le terrain, tout comme le commandement de la résistance, ne peut pas mener cette guerre sans un leadership politique qui guide pour parvenir aux résultats souhaités. Oui, le suivi a été fait au niveau des détails. Si vous vous souvenez, à l'époque, le 30 septembre, c'était mon premier discours télévisé, et le deuxième le 8 octobre, en l'honneur du Déluge d'Al-Aqsa et 11 jours après la mort en martyre de sayyed Hassan. Dans ce discours, j'ai dit: «Nous avons repris la direction et le contrôle et nous avons comblé les lacunes.» Les «Israéliens» et leurs semblables ont dit : «Qu'est-ce que cela signifie ? Ils subissent des bombardements et des martyrs, et ils nous disent qu'ils ont comblé les lacunes.» J'ai immédiatement terminé mon discours, et c'est alors que les frères ont commencé à bombarder.

M.S.: Vous avez parlé le 20 novembre 2024 d'une confusion, vous avez même parlé d’une situation de confusion réelle pendant dix jours, avant que la situation ne soit stabilisée et que vous ayez expliqué les détails. Comment comprendre ces dix jours ? On parle du récit que vous voulez présenter, de cette bataille, la bataille de «Ceux qui ont la détermination», avec ses nombreuses étapes, jusqu'à la question du commandement et du contrôle, des missiles qui seraient lancés, et du «dimanche noir» (selon l’expression utilisée par l’ennemi), qui a eu lieu deux jours avant la cessation des hostilités ?

CNK : Pendant ces dix jours, le sayyed des martyrs de la nation est tombé, ainsi que Sayed Hachem , et les bombardements ont continué partout. Certains responsables ont perdu le contact entre eux, d'autres ont quitté les endroits où ils se trouvaient et sont allés dans d'autres lieux où il n'y avait pas de communication. Il y a eu des coupures de communication entre certains responsables et certaines zones sur le terrain. Les «Israéliens» savaient ce qu'ils faisaient, ils pensaient qu'en frappant les principaux membres du commandement et les responsables militaires, il n’y aurait plus personne pour contrôler la situation sur le terrain. C'était évident pour eux. Quand le commandement politique, militaire et de résistance est frappé, et qu'il faut attendre qu'ils se réunissent, qu'ils se mettent d'accord et communiquent, le fil de commandement est rompu. Nous étions dans une situation très confuse.

M.S.: D'un point de vue logique, ces frappes auraient dû mettre fin à l'histoire, non ?

CNK: Peut-être. C'était l'objectif «israélien». Ces frappes auraient dû créer un séisme qui aurait duré plus que dix jours, et finalement conduire à une fin. C'est l'idée «israélienne». Mais permettez-moi de dire quelque chose d'important que les gens doivent comprendre : notre organisation est très grande au sein du parti, nous avons des leaderships compétents, de grandes capacités. Certes, nous avons perdu certains des plus importants dirigeants, mais il fallait gérer la situation pour combler ces lacunes, et avec courage, nous avons trouvé des solutions. Cela a commencé le 8 octobre, quand l'image de la bataille a changé, des bombardements réguliers ont eu lieu, des frappes sur «Tel Aviv» et Haïfa, etc. Oui, nous avons repris le contrôle de la situation. Ces dix jours ont été très difficiles car le commandement a été frappé, la communication a été coupée, et des gens sont tombés en martyre. Comment quelqu'un pourrait imaginer une telle situation ? Fallait-il dire c’est fini, nous n’avons plus rien ? Non, c’est ce qui s’est passé.

M.S.: Merci pour cette transparence et cette franchise, mais est-ce que le récit est complet? Ce qui s'est passé, le chemin que vous avez suivi, ce que vous avez dit dans vos discours, par exemple le 27 janvier 2025, et ce que vous avez dit dans votre récit. Le tableau devient-il plus clair maintenant concernant ce qui s'est passé, les pertes, les ressources et les commandements ?

CNK : Le tableau est totalement clair pour nous, mais il y a des détails sur lesquels nous devons encore nous pencher davantage. Nous avons eu un problème de vulnérabilité sécuritaire et de certaines défaillances, et nous devons examiner précisément ces détails pour en tirer les leçons et en même temps demander des comptes. Mais nous avons directement réagi en traitant ces problèmes pendant la guerre. Par exemple, les endroits ont changé, les moyens de communication ont évolué, et beaucoup d'autres choses ont été modifiées pendant cette période. Je préfère ne pas entrer dans les détails pour ne pas dévoiler des secrets militaires, car sinon nous n'aurions pas pu avancer. Ce que le sayyed des martyrs de la nation a fondé, et la force de résistance, ainsi que le moral élevé que nous avons, ne peuvent pas être perdus, même avec la perte du commandement.

M.S.: Les sionistes et le gouvernement de l'ennemi ont parlé de la destruction des capacités de la résistance, affirmant qu'il n’en reste plus rien. Selon la propagande ennemie et celle de ses alliés, tout a été anéanti. Mais revenons à la réalité des faits. Nous nous souvenons du «dimanche noir» et de son intensité. Quel récit faut-il donc croire ? En d'autres termes, quelle est la véritable capacité de cette résistance ?

CNK : Je vais vous en dire plus, comment ont-ils anéanti toute la capacité ? Depuis le 8 octobre jusqu'à l'accord, nous avons eu un rythme quotidien de bombardements par missiles et drones, et la résistance des jeunes sur les premières lignes a été légendaire. Ils ont empêché les «Israéliens» d’approcher et d'atteindre leurs objectifs militaires.

M.S.: Ils s'attendaient à ce que cela dure 15 jours, mais cela a duré un mois et demi ?

CNK: Ils n'ont pas pu avancer. Je pense que s'ils avaient pu le faire, ce ne serait pas seulement le fleuve Litani qui aurait été leur objectif. Qu'est-ce qui les aurait empêchés d'atteindre la capitale Beyrouth ? Rien, car ils avaient en mémoire l'expérience de 1982. 75 000 officiers et soldats israéliens étaient sur le front pour avancer de quelques centaines de mètres. Mais la résistance légendaire des jeunes, les capacités utilisées et disponibles, et comme nous avons continué jusqu'à la cessation des hostilités, c’est surtout grâce au «dimanche noir» que l'ennemi a accepté un accord. Quand l'accord a eu lieu, il était basé sur la reconnaissance de l’existence d’une capacité en place. Nous avons arrêté le combat tout en ayant encore cette capacité. Cette capacité, qu'ils appellent 30%, 50%, ou 20%, peu importe ce qu'ils en disent. Ce qui compte, c'est que cette capacité était toujours entre nos mains, et nous avons continué à l'utiliser de manière appropriée.

M.S.: Le président Berry a dit que vous pouviez répéter ce qui s'est passé ce dimanche plus d'une fois pendant les négociations ?

CNK: Bien sûr, il sait cela. Les échanges avec le président Berry ont été fréquents. Même lorsqu'on discutait de l'accord, il nous envoyait le contenu, nous répondions par l’envoi de nos remarques, il envoyait son avis et nous envoyions le nôtre. Nous nous assurions toujours de le tenir informé de la situation. Nous n'avons pas négocié par faiblesse, mais nous ne voulions pas cette guerre dès le départ. Le sayyed l'a annoncé, et je l'ai aussi dit, nous ne voulions pas cette guerre. Si l'ennemi avait dit «je m'arrête sous le plafond de la résolution 1701», nous n'aurions eu aucun problème à accepter. Et c'est pour cela que nous avons arrêté les combats. Jusqu'à la dernière minute, nos capacités étaient encore présentes, ce qui nous permettait de gérer la continuité de la bataille.

M.S.: Puisque vous avez mentionné certains objectifs durant la guerre, certains d'entre eux pourraient être classés parmi la «banque d'objectifs», mais le suivi et l'atteinte des cibles sensibles, comme la cuisine des unités d'élite ennemies, signifient que le renseignement fonctionnait tout au long de la bataille malgré toutes les pertes ?

CNK: L'expérience des jeunes de la résistance et celle des dirigeants de la résistance est extrêmement avancée. Ainsi, leur connaissance du terrain, leur capacité à repérer les sites, à définir les objectifs avec précision, cela fait partie de notre savoir-faire. C'est pourquoi personne ne doit être surpris par le fait que nous ayons frappé ces endroits sensibles de manière précise. Nous avons toujours dit que nous visons des objectifs militaires, et nous avons effectivement visé des objectifs militaires, jamais des objectifs civils.

M.S.: Vous auriez pu cibler d'autres endroits plus facilement si vous le vouliez ?

CNK : Bien sûr. Les objectifs civils ne nécessitent pas beaucoup de précision, mais les objectifs militaires en nécessitent. Tous nos objectifs étaient militaires, car nous estimions que la bataille devait rester dans le cadre militaire. Nous ne voulions pas l'étendre au domaine civil.

M.S.: Et les infrastructures publiques, comme les aéroports ?

CNK : Non, nous ne l'avons pas fait. Même lorsqu'ils ont dit que «ça a touché près de l'aéroport», ils n'ont jamais parlé de «l'aéroport» proprement dit, car il n’a jamais été notre cible.

M.S.: Si vous l'aviez voulu, cela aurait été fait?

CNK: Nous aurions pu frapper toutes les cibles que nous voulions. Mais notre décision était de frapper uniquement des objectifs militaires. Parce que si nous élargissions notre choix à des zones civiles, cela fournirait une excuse à l'ennemi pour augmenter sa cruauté envers les civils. Lui, sans justification, ciblait les civils de manière excessive. Nous, en réalité, voulions neutraliser sa capacité et lui nuire. Celui qui cherche à atteindre ces objectifs choisit des cibles militaires, il ne vise pas les civils. Le ciblage des civils est l’expression d’une forme de frustration, et ce n'était pas notre objectif.

M.S.: Pour ne pas trop entrer dans les détails, aujourd'hui, tout le monde traite la résistance avec une grande estime, chaque membre de cette société résistante ressent qu'il a une responsabilité envers elle et qu'il en a tiré les leçons, avançant parfois même avec plus de conscience que la direction elle-même. Pour conclure en une phrase : ces gens qui sont sortis, qui ont répondu à l'appel et qui sont prêts à continuer à brandir la bannière de la résistance, cela montre-t-il que la résistance est en bonne santé ?

CNK : La résistance est en bonne santé et elle continue. Mais elle a été blessée, elle souffre et elle a fait de grands sacrifices. Mais est-ce que quelqu'un s'attend à ce que la résistance continue sans sacrifices ? Aujourd'hui, les sacrifices sont grands, et nous savons où ils ont été faits, et contre qui. Contre «Israël» et toute sa cruauté, contre l'Amérique et toute sa tyrannie, et contre l'ensemble des pays européens qui ont contribué indirectement à cette barbarie. Ils ont mis toutes leurs ressources médiatiques, politiques, militaires, et ils ont fait tout ce qu'ils pouvaient pour lutter contre cette résistance, tant en Palestine qu'au Liban. Voilà ce que nous affrontons.

Donc, nous faisons face à un très grand danger. Celui qui veut affronter un grand danger doit se demander : comment suis-je sorti après ce danger? Il ne se demande pas combien cela a coûté, car peu importe ce que nous avons payé, cela est lié à l'ampleur de la bataille. Même «Israël», n'a-t-il pas perdu ? Oui, «Israël» a perdu. Il a payé un lourd prix, dans ses colonies et ses habitants, plus de cent mille colons qui n'ont toujours pas pu revenir chez eux dans le Nord. Toutes ces pertes économiques, militaires, et les cris des soldats «israéliens». Il faut voir que l'ennemi a payé aussi. Nous avons payé un grand prix, certes, mais la résistance continue, grâce à Dieu, et c'est ce qui ressort de ce tableau : la résistance continue.

M.S.: La bataille continue aussi. Parlons à présent de certaines ambiguïtés concernant les coulisses de l'accord et la résolution 1701, sachant que vous avez répété à plusieurs reprises dans vos discours qu’il concerne la région au Sud du Litani. Vous avez insisté sur ce point plusieurs fois.

 Aujourd'hui, nous avons l'occasion de parler plus longuement, car les rumeurs sont nombreuses, évoquant des documents secrets et d’une tromperie. Parlons donc des attaques, notamment celles de vendredi soir et de samedi, qui semblent avoir relancé une guerre totale, une agression complète de la part de l'ennemi à travers des assassinats, des frappes aériennes, et autres violations de la souveraineté libanaise et d’attaques contre le peuple.

CNK : L'accord est clair, et cette fois je vais raconter le récit de l'accord pour que tout le monde, ainsi que les intéressés, sachent exactement de quoi il s'agit. Cet accord a été annoncé, distribué et diffusé dans les médias.

MS : N’y a-t-il pas de documents secrets ?

CNK : Quels documents secrets ?  Il y a un accord et voilà son contenu. Certains viennent dire que les Américains se sont entendus en parallèle avec les «Israéliens». Mais je n’ai rien à y voir. Pourquoi les Américains prennent-ils mon avis quand ils concluent un accord avec les «Israéliens» ? Les Américains pour faire pression sur les «Israéliens» et les pousser à faire ce qu’ils veulent leur font des promesses précises, mais nous n’avons rien à y voir.  Il n’y a donc pas d’accord secret et de points sous la table. C’est cela l’accord. Le terme « le Sud du Litani» y est mentionné 5 fois. A 5 reprises, il est donc précisé que la région au sud du Litani sert de cadre à l’accord.  Que dit l’accord exactement ? «Les forces militaires et sécuritaires officielles libanaises, ainsi que leurs équipements et leurs armes et tout ce qui s’y rapporte sont les seul déployés dans la région au sud du Litani». Un peu plus loin, il est dit: «Dans la région au sud du Litani, il faut démanteler toutes les installations non déclarées et toute l’infrastructure essentielle ainsi que les positions militaires». Cela revient 5 fois. Il est dit encore : «Les forces armées libanaises se déploieront et établiront des barrages et des points de contrôle sur toutes les routes le long de la ligne qui définit le Sud du Litani». Cela revient 5 fois. Cet accord fait partie de la résolution 1701 destiné à mettre un terme à l’agression. C’est très clair. «Israël» doit se retirer et tout ce qu’elle a fait pendant les 60 jours, ce sont des violations car elle n’a pas le droit de les faire. Si «Israël» a des remarques ou des protestations, elle doit avoir recours au Comité de surveillance dont le chef est américain. Autrement dit «Le voleur qui protège le volé», selon le proverbe. Donc le chef américain facilite les violations «israéliennes».

MS: Vous avez accepté cela ? Vous saviez que c’était cela l’accord ?

CNK : Nous avons donné notre accord sur la base du fait que l’Etat libanais va suivre son application. Le comité de surveillance fait partie de l’accord. Nous n’avions pas la possibilité de choisir le comité de surveillance que nous voulons. Nous sommes entrés dans les points et en général, ils sont acceptables et ils sont sous le plafond de la 1701. C’est pourquoi nous avons donné notre accord et l’Etat est désormais responsable. Mais les « Israéliens» font des violations et ils affirment affronter le Hezbollah et que ce dernier n’applique pas sa part de l’accord.

MS: Ils amènent les religieux au site Al Abbad...

CNK: Et l’armée libanaise ne se déploie pas ! Combien de fois l’armée libanaise a –t-elle publié des communiqués pour dire qu’elle est prête à se déployer ? Les «Israéliens» ne le permettent pas. Quant à la visite des religieux au site Al Abbad c’est la preuve  qu’il ne s’agit pas d’une agression à une étape donnée, mais nous nous trouvons face à un grand projet «israélien» de l’océan au Golfe. Lorsqu’il ne parvient pas à digérer une bouchée, il attend une nouvelle opportunité. Rappelez-vous lorsque les «Israéliens» sont arrivés à la capitale Beyrouth en 1982. Ils avaient alors dit que l’objectif était d’affronter les Palestiniens. Les Palestiniens sont partis en Tunisie et il y a eu le massacre de Sabra et Chatila. Pourquoi les «Israéliens» sont-ils ensuite restés au Liban jusqu’en 2000 ? De 1982 à 2000 ? Pourquoi les «Israéliens» ont-ils formé l’ALS ? Pourquoi les «Israéliens» ont-ils créé une zone indépendante de l’Etat libanais ? Parce qu’ils veulent construire des colonies et élargir leur entité. Qu‘est-ce qui a obligé les «Israéliens» à se retirer ? La résistance a poussé les «Israéliens» à se retirer en coopération avec l’armée libanaise et avec tous les résistants nobles et avec la population. Mais qui a fait sortir les «Israéliens» au bout de 18 ans ? De 1992 à 2000 ? Si la justification avait été les Palestiniens, ceux-ci sont partis. Donc, il y avait un plan. Nous disions toujours qu’il ne faut jamais croire les justifications des «Israéliens» lorsqu’ils entrent dans une terre. Ils ont simplement une vision expansionniste. Lorsqu’ils réclament le site Al Abbad et avant cela, dans la localité de Chameh et plus tard ils arriveront peut-être à Qana et ailleurs. Qu’apparait-il au final ? C’est qu’ils ont des lieux sacrés au Liban et ils veulent y entrer pour les protéger. Par conséquent, ils veulent annexer des parties du Liban à leur entité. Que ceux qui ne veulent pas entendre écoutent cela. Les «Israéliens» ont des intentions expansionnistes. De 1982 à 2000, ils sont sortis grâce à la résistance. Le projet a été saboté, mais il n’a pas été éliminé. En 2006, c’était donc une réédition de la même expérience et une nouvelle tentative et ils n’y sont pas parvenus. Aujourd’hui, ils veulent encore faire une tentative, mais là aussi, ils ne réussiront pas. Je dis aux «Israéliens» : Même si vous restez dans les positions que vous avez conquises, ce sera pour combien de temps ? Cette résistance ne vous laissera pas rester. La résistance et son peuple ne vous laisseront pas rester. Aujourd’hui, il y a une chance. L’Etat libanais fait le suivi et nous surveillons.

MS: Au Liban on a entendu récemment la logique de «la guerre des autres sur notre terre». Cette expression est lourde, dans le sens, la guerre de qui ? Alors que les raids ennemis touchent de grandes surfaces dans le Sud du Liban. Des religieux israéliens viennent en territoire libanais, défient l’armée, il y a des attaques permanentes et malgré cela, certains parlent de «la guerre des autres»...

CNK : On en a fini avec la guerre des autres. Certains continueront à dire cela car ils manquent de logique. Ceux qui se battent sont des Libanais, ceux qui deviennent des martyrs sont des Libanais et la terre occupée est celle du Liban.

MS: On vous répond que le projet n’est pas libanais ?

CNK: Nous portons le projet de la libération de la terre. Ceux qui disent qu’il y a des interventions étrangères doivent annoncer clairement devant tout le monde qu’ils sont d’accord avec l’occupation «israélienne» d’une partie du territoire libanais. Si on leur demande, ils diront non. Je dirais à ceux-là : La différence entre nous, puisque nous disons tous que nous refusons l’occupation «israélienne», c’est qu’en tant que Hezbollah, j’ajoute que si l’occupation se poursuit, il faut l’affronter avec la résistance, le peuple et l’armée. Eux disent : si l’occupation se poursuit, nous accepterons cela et nous continuerons à recourir à la diplomatie, même si avec la diplomatie, nous risquons de perdre le Liban. Nous ne sommes pas ainsi.

MS: Nous allons parler de la responsabilité.  Quelle est votre approche de la situation actuelle ? Certains disent qu’il y a des pièges et que l’étape actuelle est très difficile. Le ministre des Affaires étrangères dit que le Hezbollah donne un prétexte à la communauté internationale pour qu’elle ne fasse pas pression sur «Israël» et il ajoute en s’adressant à un journaliste: Comment trouvez-vous cela ?

CNK : Moi je dis que c’est le ministre des Affaires étrangères qui donne un prétexte à «Israël». Il lui dit : Il y a des gens au Liban qui trouvent des excuses à vos différentes agressions. A mon avis, une telle déclaration d’un responsable au gouvernement n‘est pas appropriée, surtout le ministre des AE.  Nous sommes face à une agression «israélienne» et nous nous sommes engagés à respecter l’accord. Jusqu’à présent, il y a pourtant 2000 violations «israéliennes». C’est l’armée libanaise qui en parle.  L’armée dit aussi que les «Israéliens» doivent se retirer et qu’elle n’accepte pas qu’ils occupent notre terre. En tant que Hezbollah, nous nous sommes engagés dans cet accord. Où sommes-nous en train de donner des prétextes au cœur du sud ? Nous sommes sortis de la région au Sud du Litani et l’armée libanaise en a pris le contrôle. Ils attaquent et tuent des gens dans leurs voitures civiles, dans leurs maisons, dans des lieux éloignées de la zone de confrontation. Qui fait face à la frontière ? Qui se tient là-bas ? Où est le prétexte ? Il n’y en a pas. «Israël» n’a pas besoin de prétexte, mais ce n’est pas convenable que des responsables libanais parlent avec cette logique. Je comprends que certains qui parlent d’eux-mêmes en tant que «souverainistes» parlent de cette façon, mais je leur dis : Nous sommes dans une même patrie, nous devons traiter ensemble et être positifs les uns envers les autres, opposez-vous à «Israël», même par un seul mot, dites de temps en temps qu’«Israël» devrait se retirer... Avez-vous avalé vos langues ? Ne pouvez-vous pas prononcer même un seul mot contre «Israël» ? Vous ne savez que dire : Nous devons prendre des mesures, renoncer aux armes, nous ne devons pas revenir à la résistance... Nous autres, nous n’arrêterons pas la résistance et faites ce que vous pouvez. Nous verrons jusqu’où vous arriverez... La terre est occupée et vous me dites de quitter l’endroit où je me trouve ? Pour les «Israéliens» ? Vous trouvez des justifications à l’occupation «israélienne»? Pourquoi dans ce cas vous fâchez-vous lorsqu’on dit de vous que vous travaillez pour le projet «israélien» ?  Puisque la logique est la même, ainsi que les mots... Je vous demande seulement de croire que nous vivons ensemble...

MS : En pleine guerre, vous avez parlé de la présence dans la vie politique, du projet. Je vais vous poser de nombreuses questions, à partir de l’élection présidentielle, de la Déclaration ministérielle, des défis, des nominations... Nous allons donc entrer dans les dossiers internes, mais après une courte pause.

MS: Je profite de cette occasion pour rappeler que vous donnez une conférence ramadienne tous les lundis sur des points religieux et culturels, à 20h30.

CNK : En toute franchise, je n’aime pas m’éloigner des sujets culturels, car je les considère essentiels. Inchallah, je continuerai à les traiter de diverses façons, mais je ne les abandonnerai pas, car je les considère comme la base de la politique. Ils nous donnent aussi la résistance, l’avenir, la wilaya. Ils nous donnent notre continuité et notre fidélité à sayyed Hassan. C’est la base essentielle qui doit être intégrée à toutes nos croyances.

MS : Passons au plan interne. La bataille a toujours deux faces. En 2006, la bataille interne était aussi très dure et la situation a atteint son apogée en 2008. Aujourd’hui, les choses semblent encore plus difficiles. On dit que le réalisme politique du Hezbollah a surpris tout le monde. Ce réalisme ôte les prétextes et coupe la voie à des opportunités dont certains rêvent. Il y a eu plusieurs étapes, à partir du discours d’investiture, malgré son contenu concernant le monopole des armes par l’Etat, en passant par la déclaration ministérielle jusqu’à d’autres points cruciaux. On dirait que certains veulent aller loin dans l’exécution de leur projet mais vous cherchez à leur ôter les prétextes pour le faire...

CNK : Le public devrait savoir quelque chose d’essentiel à notre égard. Au Hezbollah, nous avons des constantes et des convictions. Nous avons aussi des moyens d’action, selon les circonstances et les données. Dans le cadre des funérailles, nous avons dit que nos constantes restent les mêmes, ces constantes que sayyed Hassan nous a apprises et sur la base desquelles nous avons travaillé. Nous sommes des gens liés à la wilaya, nous croyons à l’apparition de l’imam Mahdi, nous portons la bannière de l’islam mohammadiste authentique sur les traces de l’imam Khomeiny et sous le commandement de l’imam Khamenei, en tant que partie du commandement islamique qui nous mènera vers la félicité, nous et pas eux. Nous voulons que notre société s’élève et nous nous élevons par notre relation avec l’imam Mahdi et par notre harmonie avec la ligne islamique authentique. Pourquoi les Prophètes sont-ils venus ? Mohammad pourquoi est-il venu ? C’est notre foi et nous ne la changerons pas.

Deuxièmement, il y a le sujet de la résistance pour libérer la terre. Pour nous, «Israël» a violé la Palestine et elle veut violer l’ensemble de la région. «Israël» a une vision expansionniste, elle ne se contentera pas de ce qu’elle a. Comment pouvons-nous affronter cela ? Nous devons faire face pour libérer notre terre et le grand projet c’est de libérer la Palestine. En d’autres termes, nous devons aider les Palestiniens dans la libération. C’est une partie intégrante des intérêts du Liban. Tout comme nous nous protégeons, nous protégeons la région. Au final, nous agissons dans le coin où nous nous trouvons et où nous pouvons agir. C’est notre conviction à ce sujet.

Troisièmement, nous sommes avec l’édification de l’Etat, un Etat capable et juste, pour qu’il puisse répondre aux attentes des gens. Lorsque nous avons affronté les élections législatives, la participation au gouvernement, les élections municipales, nous l’avons fait pour représenter les gens. Nous offrons notre expérience. Hamdellah elle était satisfaisante et je le répète, nous continuons.

Quatrièmement, nos martyrs et à leur tête le sayyed sont nos munitions et notre école. Je voudrais ici exprimer une idée qui m’a plu. Certains journalistes en faisant des interviews, demandaient : Quel est votre commentaire face à cette profonde tristesse qui nous atteint ? Evidemment lorsqu’on commence par la tristesse, celle-ci devient encore plus grande et pesante. C’est pourquoi en regardant, je me disais qu’il faut ajouter à la tristesse, les bénédictions.

MS : Le sayyed disait que notre tristesse est celle qui nous a atteints à cause de l’imam Hussein, elle nous donne un élan...

CNK : Prenons un élan vers l’avant. Je regardais la télévision. J’ai vu une dame entre 35 et 40 ans. Le journaliste lui demandait : Que pensez-vous du drame qui nous a frappés ? Elle a répondu : Pourquoi parlez-vous de drame ? Dieu Tout Puissant a dit au sayyed : Vous avez fait ce qui vous était demandé et plus même. Je vais donc vous gagner et vous accorder une médaille, celui du sayyed des martyrs de la oumma. Allons maintenant assumer nos responsabilités et montrer que nous sommes dignes d’être ses enfants. Nous continuerons sur le chemin qu’il a tracé, nous descendrons sur les scènes et nous travaillerons... C’est une belle idée. Nous sommes ainsi, nous continuerons après le sayyed, sur la même voie.

Nous sommes contents d’avoir ces constantes. Vous dites qu’ils sont réjouis de notre réalisme. Je vais vous confier quelque chose...

MS : Pardon, mais je voudrais préciser l’idée... Certains interprètent vos propos comme s’il y avait de nouveaux rapports de force et que nous nous préparons à enlever nos uniformes militaires, à déposer les armes et à refermer ce dossier, pour commencer l’action politique, comme si le Hezbollah était en dehors du paysage politique interne libanais.

CNK : Lorsque nous disons que la résistance continue et nous parlons de l’Etat fort, qu’est-ce que cela signifie ? C’est une théorie livresque ? La résistance continue sur le terrain. Lorsque les éléments de la force Al Radouane ont participé aux funérailles, quel était le message envoyé ? Il s’agissait de dire : Nous sommes là et non que nous sommes absents.

MS : C’était voulu de donner ces images ?

CNK : Bien sûr que c’était voulu. Nous voulions dire que nous sommes encore présents sur les scènes et nous continuons. Je l’ai déjà dit et je le confirme aujourd’hui : Nous sommes dans une nouvelle étape sans nul doute, mais cette nouvelle étape ne signifie pas que les constantes ont changé. Seules les méthodes, les façons et les époques changent.

MS: Le travail de résistance va-t-il disparaître à cette étape?

CNK: Non, non, l’action de résistance fait partie des principes fondamentaux. Comment pourrait-elle disparaître ? Si l’action de résistance disparaît, est-ce que le Liban restera vraiment ? Il n’y aura plus de Liban, il suffira d'attendre quelques années pour qu'il soit avalé. Dès que le régime en Syrie a été renversé, 400 kilomètres carrés de la région du Golan ont été avalés par les «Israéliens». Saviez-vous que Gaza entière a une superficie de 360 kilomètres ? Cela signifie qu'ils ont pris une superficie supérieure à celle de Gaza et ont détruit toutes les capacités militaires de l'armée syrienne. Et maintenant, ils interviennent aussi dans plusieurs lieux, ils approchent, s'éloignent, et détruisent les armes. Ce scénario, nous l’aurions vu au Liban si la résistance n’avait pas existé. La résistance a empêché «Israël» d’exécuter un tel projet. Certains demandent maintenant : «Qu'a stoppé la résistance ?» Oui, elle a stoppé ce projet. Elle n’a pas permis à «Israël» de s'approcher, elle n’a pas permis à Israël d’occuper, elle n’a pas permis à «Israël» de s'étendre sur le territoire. Les «Israéliens» savent bien aujourd’hui que si ils ne quittent pas le territoire libanais, ils feront face à la résistance, pas maintenant, mais plus tard. Plus tard, quand ? Un jour, un mois, combien de temps, je ne sais pas. Mais nous avons patienté, car l’État est désormais responsable, mais cela ne signifie pas que les choses resteront ainsi pour toujours, ils doivent en être conscients.

Si des changements ont eu lieu, nous devons adapter nos tactiques et nos méthodes. Que disons-nous aux gens ? Nous leur disons qu’aujourd'hui, ce n'est plus comme avant : chaque fois qu'«Israël» lance une frappe nous ripostons, non, il y avait une équation, cette équation n'existe plus de cette manière. Il y aura de nouvelles équations, et ces nouvelles équations, nous ne permettrons pas qu’elles soient ancrées au profit des «Israéliens». Nous travaillerons à instaurer une équation qui protège notre avenir, protège notre pays, et mène vers des étapes de libération. Parmi les équations que nous préparons, nous donnons à l'État la pleine possibilité de travailler politiquement, pour prouver au monde entier qu’«Israël» ne se retire que de force, et ne comprend que le langage des armes.

MS: Le Premier ministre a entendu directement dans le sud, à Nabatiyeh et dans plusieurs localités frontalières, les gens lui demander : Vous allez nous restituer cette terre par le dialogue ? On dirait que les gens ne sont pas patients face à l'absence de résistance...

CNK: Aujourd’hui, tout ce que je veux dire aux gens : soyez un peu patients, attendez-nous. Habituellement, dans les guerres, il y a des pauses. Maintenant, reposez-vous, soyez rassurés que votre commandement, votre résistance et ces jeunes héros légendaires qui se sont tenus sur le front, sont là. Ils ont des esprits qui valent un pays et une foi qui brise les tyrans. Quand j'ai l'esprit et la foi, cela signifie que je dois agir de manière appropriée au moment approprié. Et je vais vous dire une chose, nous, la résistance et aussi le peuple, nous avons plus de courage et de détermination qu'au temps où nous nous battions. Pourquoi ? Oui, aujourd'hui nous sommes plus forts. Pourquoi ? Selon les études psychologiques et les comparaisons entre la lutte et la patience, celui qui sait patienter jusqu’au moment opportun est plus fort que celui qui se bat au mauvais moment. Personne ne doit croire que cette patience est une défaite, non, non, cette patience nous l’avons-nous-mêmes décidée. Nos capacités sont là, notre peuple est avec nous, notre commandement est clair, nos principes demeurent, notre présence est réelle. Mais nous considérons que ce moment est celui où nous devons patienter un peu, pour voir où en est l'accord.

Donc, si l'impression que les autres ont de nous est que nous sommes objectifs et réalistes, c'est une bénédiction, merci à Dieu. Une bonne évaluation, car nous ne sommes que cela, le Hezbollah a toujours été réaliste et objectif, il agit en fonction des équilibres, et ne se comporte pas de manière désordonnée et chaotique.

MS: À ce stade, ne ressentez-vous pas que l'étau se resserre autour de vous et le siège se renforce avec de nombreux outils ? Permettez-moi de prendre un exemple, ils supposent qu’il y a une nouvelle réalité  en Syrie qui empêche la résistance d’agir à la frontière terrestre. Aujourd'hui, les avions iraniens ont été quasiment empêchés de venir au Liban...De nombreux prétextes ont été avancés, il y a eu des fuites à ce sujet et il a été question des plus hauts niveaux de l'État...

CNK: Je vais vous dire quelque chose, aujourd'hui, l'attaque politique contre nous par l'Amérique, soutenue par «Israël» et certains outils dans la région et au Liban, est une attaque politique très, très forte, et ils ne nous laisseront pas en paix. Nous considérons que nous sommes dans cette phase, mais nous avons des bras, des esprits et de la foi. Que celui qui veut comprendre cela, le fasse. Ils ne réussiront pas à faire ce qu’ils veulent. Ils peuvent réaliser quelque chose quelque part, ils peuvent nous gêner dans certains sujets, mais nous devons faire face.

MS : Sommes-nous encerclés maintenant ?

CNK: Même avec le blocus, nous ferons face. Nous ferons face de manière appropriée. La confrontation peut parfois être politique et parfois médiatique.

MS: Et les avions iraniens, alors ?

CNK: Nous suivons ce sujet actuellement, Inchallah, nous arriverons à un résultat. Je ne m’arrête pas à chaque détail, je dis qu’il y a une attaque générale contre nous, ils essaient de nous coincer, au point que l’envoyée spéciale américaine est venue dire : «La participation du Hezbollah dans le gouvernement est interdite», et nous sommes entrés au gouvernement. Elle a dit : «Il est interdit qu'il y ait des représentants du parti», ceux qui sont dans le gouvernement nous représentent. Et après ? C’est une confrontation. Chaque point a une méthode de confrontation. Y a-t-il un siège contre nous ? Oui, il y a une confrontation qui sera difficile pour nous, certes, mais nous devons chercher les moyens avec lesquels nous pourrons obtenir la victoire et surmonter certaines difficultés. A certains endroits nous devons patienter, à d'autres nous devons passer à autre chose.

MS: On dirait qu’ils veulent nous emmener ailleurs, c’est-à-dire nous pousser à tourner le dos à des pays frères et amis du Liban, ils veulent changer l'identité, il y a un nouveau parcours...

CNK: Où veulent-ils nous emmener ? Ils ne peuvent pas le faire.

MS: Vers la normalisation ?

CNK: Ils ne nous emmènent pas nous vers la normalisation. Ils poussent certains Etats qui veulent aller vers la normalisation. Si nous supposons qu'il y a une normalisation entre l'entité «israélienne» et un de ces Etats, cela signifie-t-il que nous sommes concernés ? Non, nous n’avons rien à voir avec ce sujet. Oui, c’est une partie du resserrement de l’étau indirect autour de nous nous, mais sachez que les partisans de la normalisation paieront un prix très élevé, qu’ils ne connaissent pas encore pour les «Israéliens» et les Américains. Les Américains, chaque fois que vous leur donnez quelque chose, ils en demandent plus. Vous leur donnez 400, ils vous demandent un milliard, vous leur donnez un milliard, ils vous demandent cent milliards, vous leur donnez 400 milliards, ils vous demandent un trillion. Ils essaient d’avaler toute la terre, mais peuvent-ils le faire ? Non, ils ne le peuvent pas, tant qu'il y a des gens comme la résistance au Liban, en Palestine, au Yémen, en Irak, en Iran, dans la région, tant qu'il y a des peuples vivants dans le monde entier, qu'ils soient dans le monde arabe, islamique, ou dans le monde entier, qui protestent. Ceux-là sont capables de planter quelque chose, et donc capables de faire face à ces défis. Je n’ai pas peur des défis.

MS: Quelques détails : la relation avec l'Iran est-elle en danger ? Nous, en tant qu'environnement populaire, nous nous soucions de cette relation. Il y a beaucoup de désinformation sur l’aviation iranienne, comme s’il ne s’agissait que d’envoyer de l’argent ... C’est un pays, et des gens y voyagent et en reviennent tous les jours.

CNK: Notre position est claire, nous soutenons la réouverture de la ligne aérienne avec l'Iran, pour plusieurs raisons. D’abord, c’est un pays ami, qui aide le Liban, et nous donne ce que beaucoup d’autres ne nous donnent pas. Nous allons donc suivre ce dossier avec l'État libanais. Inchallah, cela est en cours. Ce n’est pas dans l'intérêt du Liban que les responsables écoutent les directives américaines, car cela conduira à des accumulations qui pousseront le Liban vers le gouffre. Personne ne veut notre bien, c’est à nous de savoir où se trouve notre intérêt et d’agir en conséquence.

Jusqu'à présent, la façon dont cela a été géré, nous avons choisi le président de la République par consensus, nous sommes entrés dans le gouvernement en coopération avec les autres parties, deux étapes considérées comme bonnes face aux défis. Nous devons poursuivre dans les autres étapes.

MS: Comment est la relation aujourd'hui avec le président de la République et le Premier ministre? Comment la décririez-vous ?

CNK: Il est encore trop tôt pour que cela se cristallise, nous devons voir d'abord les comportements. Mais, avec le président de la République, il y a une certaine chaleur, une chaleur positive. Quant au Premier ministre, sa situation n’est pas encore stable, nous devons attendre pour voir où elle va se stabiliser, mais nous tenons à coopérer avec lui, et le fait d’être dans le gouvernement et d’avoir donné notre confiance signifie que nous avons tendu la main de manière positive.

MS: Je ne pense pas qu’ils aiment beaucoup que vous tendiez la main, ils auraient préféré que vous soyez en dehors du gouvernement.

CNK: En fin de compte, nous devons traiter avec le résultat, peu importe les intentions ou ce qui s’est passé avant. Maintenant, nous voulons reconstruire notre pays de manière commune, ensemble... Nous voulons qu'il soit fort, nous voulons reconstruire ce que l'ennemi «israélien» a détruit, nous voulons résoudre le problème économique et social, renforcer le système judiciaire et le rendre plus efficace, assurer le retour des fonds des déposants, faire face à la corruption. Ce sont tous des sujets sur lesquels nous voulons travailler. Et j'ai fait une proposition il y a quelque temps, qui consiste à établir un mécanisme pour élire les directeurs généraux par un concours.

MS: Il y avait un mécanisme mis en place par le ministre Fneich

CNK : Je l'ai mentionné, mettez-en un similaire ou le même, sélectionnez trois candidats parmi ceux ayant réussi au concours, et parmi eux, choisissez-en un, ou tout autre modèle, l’important c’est que ce soit fait par le biais d’un concours, pour que les gens se sentent égaux.

MS: Concernant les nominations.

CNK: Nous sommes prêts.

MS: Il y a eu des circonstances concernant la présidence, vous avez dépassé cela, et il y avait des positions claires de votre part à cet égard. Passons au sujet des nominations, ce qui se dit ici et là, et les fuites qui ont été faites. Les gens n'ont pas compris l'idée que les CV des ministres soient envoyés ou vérifiés par les ambassades ou d'autres parties. Aujourd'hui, qui s'occupe des nominations ? Aujourd'hui, il y a une ombre qui plane sur le pays et qui consiste dans une gestion entièrement américaine du pays. Elle intervient dans chaque détail des nominations, d'autant plus qu'il a été rapporté que la rencontre entre le président Nabih Berri et le président Joseph Aoun n’a pas été très positive concernant les nominations.

CNK : Maintenant, je préfère ne pas parler de prévisions. Voyons quelle sera la procédure suivie pour les nominations, et nous jugerons en fonction de cela et suivrons le dossier sur cette base. Mais il est certain que les États-Unis veulent intervenir dans toutes les nominations et feront tout ce qu’ils peuvent  pour exclure ou intervenir pour donner d'autres directions. Ne croyez pas que les Américains font confiance aux autres, non, ils veulent mettre en place des personnes sur lesquelles ils ont un contrôle direct. Voyons ce qui va se passer, comment nous pouvons faire face à cette intervention et à la tutelle américaine qui semble être acceptée par de nombreuses autres parties. En tout cas, lorsque quelque chose nous est proposé, nous réagissons.

MS: Et si cela n’est même pas proposé ? Si on ne prend pas votre avis sur les nominations ?

CNK : Nous faisons partie intégrante de ce pays. Qu'est-ce que cela signifie qu'on nous consulte ou non ? Sommes-nous une minorité ? D'abord, nous et le mouvement Amal avons trente députés, soit environ un quart du parlement, est-il logique que nous ayons ce nombre de députés, cette représentation, cette présence, avec cinq ministres et une communauté solidement unie, sans compter nos alliés, qu'ils soient des députés ou des bases populaires ? Il y a quelque chose qui m’a frappé avant-hier, où la société «Al doualia lil Maaloumat» dirigée par M. Jawad Adra, a publié des données claires qui disaient : Avez-vous remarqué que le député Mohamad Raad a obtenu lors des dernières élections législatives 47 089 voix tout seul ? Si nous additionnons les voix de 23 députés du parlement, ceux qui ont eu 500 voix, 200 voix, 1 000 voix, et ainsi de suite, nous trouvons que le nombre de voix obtenues par le député Mohamed Raad seul équivaut aux voix de 23 députés du parlement. Il a aussi été mentionné que le tandem chiite a obtenu 45 % des voix préférentielles de tous les députés du parlement. Parce que le système et la répartition des sièges sont confessionnels, il est normal que ces voix restent confinées à la communauté chiite ou soient proches d'elle. Ce que je veux dire, c’est que finalement, nous avons notre propre représentation populaire, nous agissons à l'intérieur de l'État en fonction de cette représentation populaire, et non grâce à une autre partie. Cela n'a rien à voir avec le fait que nous soyons une résistance, et cela n’a rien à voir avec le fait que certains distribuent des rôles et nous en aient attribué un. Non, nous sommes présents dans le pouvoir politique, le pouvoir populaire, le parlement et le gouvernement, nous votons et participons aux élections législatives avec notre représentation populaire qui est forte, continue et présente, et nous ne la mettons pas en concurrence avec les autres, mais nous leur disons: Regardez, nous avons des gens que nous représentons, donc celui qui veut dire «je représente» et «je suis ceci», qu'il me dise combien de personnes il représente, pour que nous sachions quel poids il a, il ne peut pas parler au nom du peuple libanais.

Vous parliez il y a un instant de la Déclaration ministérielle et du monopole des armes par l’Etat. Le président de la République a parlé de cela. Je voudrais à cet égard préciser quelque chose pour le public et pour l’Etat. Nous aussi nous réclamons le monopole des armes pour les FSI et l’armée libanaise pour contrôler la sécurité au Liban et pour défendre le pays. Nous ne sommes pas contre le fait qu’ils soient responsables. Nous refusons la logique des milices et nous refusons qu’une partie participe avec l’Etat à la protection de celui-ci. Mais nous n’avons rien à voir avec ce sujet. Nous sommes une résistance, une résistance contre l’ennemi «israélien». Nous défendons nos terres lorsque cet ennemi les attaque. Maintenant on nous dit que l’Etat suffit à remplir cette mission. Soit. Qu’il nous montre ce qu’il peut faire avec cet ennemi. Nous n’avons aucun inconvénient à ce que soit l’Etat qui affronte l’ennemi. En tant que résistance, nous considérons qu’«Israël» représente une menace, un danger et elle est un occupant. Même en étant à l’intérieur de la Palestine, elle représente un danger, par son existence même, ses objectifs et selon tous les critères. Il est donc du droit de la résistance de continuer et elle n’a rien à voir avec la gestion de l’Etat, avec les armes de l’Etat et avec le fait de maintenir la sécurité interne. Ceux qui croient, par conséquent, que les propos du chef de l’Etat sont dirigés contre nous, nous ne les considérons pas ainsi, en ce qui nous concerne.

MS: Vous leur avez rendu la tâche difficile, vraiment très difficile...

CNK: Non, ce n'est pas contre nous. Nous sommes d'accord avec le fait que la sécurité intérieure et la protection du pays ne soient pas notre responsabilité, mais la leur. Que l'armée et les forces de sécurité intérieure en prennent la responsabilité, ainsi que les autres forces de sécurité. Nous, nous sommes la résistance.

MS: C’est l’Etat qui doit aussi avoir le monopole de la décision de la guerre et de la paix ?

CNK: C’est toujours «Israël» qui a déclaré la guerre. Jusqu'à présent, toutes les guerres ont commencé par «Israël». S'ils sont capables d'empêcher «Israël» de lancer des guerres, très bien. Ainsi, ils auront pris la décision de la guerre et de la paix. Cela n’a rien à voir avec le besoin de protection lorsqu’une personne se sent en danger.

MS: Le soutien n'était-il pas la justification de la guerre et sa cause ?

CNK: L'«Israélien» a dit, Galant en particulier, avoir proposé le 11 novembre, soit 4 jours après le 7 novembre, comme date de l’attaque contre le Liban, et avant cela, les «Israéliens» disaient «au printemps prochain», «cet été»...

MS: Et le «bipeur».

CNK: Même avant l’histoire des bipeurs, les «Israéliens» annonçaient déjà la guerre avant le début du Déluge d'Al-Aqsa. Ils disaient que la troisième guerre du Liban devait avoir lieu à un moment donné, mais ils attendaient le moment propice et ils se préparaient. La justification n’a ni retardé ni accéléré, pourquoi ? Parce que ce n’était pas la cause de la guerre. La guerre est devenue nécessaire pour eux lorsqu'ils ont jugé que c'était le bon moment pour la lancer. Ce qu’ils ont fait.

MS: Revenons au dossier interne. Lorsque vous avez parlé de la représentation, aujourd’hui, le grand effort, la grande préoccupation dans tous les cercles, c’est comment on va permettre aux chiites d’avoir de nouveaux représentants, en dehors d’ Amal et au Hezbollah...Qu’allons-nous faire de la loi électorale, ou peut-être quelle pression exercer, peut-être la reconstruction, la persuasion, l’intimidation, pour créer une nouvelle masse chiite et lui donner des représentants, pour se débarrasser du poids lié au fait qu’Amal et le Hezbollah seuls représentent les chiites.

CNK: Qu'ils fassent ce qu'ils veulent. Quant à nous, nous faisons ce que nous faisons.

MS: Mais avez-vous des éléments ?

CNK: Nous savons qu’ils ont cet objectif. Nous savons tous les efforts accomplis par l'ambassade américaine avec les chiites de l'ambassade.  Combien elle les a rassemblés, combien elle leur a donné d'argent, combien de pays arabes ont travaillé avec eux...Et maintenant, ils continuent à travailler, à fonder, à essayer. En fin de compte, nous considérons que cela continuera ainsi. De notre côté, nous continuerons à travailler avec notre peuple pour améliorer la représentation mais c’est au peuple qu’appartient la décision définitive.

MS: Est-il possible que la loi électorale soit amendée ? Y a –t-il une intention d’en adopter une nouvelle ? Cette idée est-elle réaliste ?

CNK: En ce qui nous concerne, nous sommes avec la loi actuelle. Sauf si de meilleures idées sont proposées. A ce moment-là, nous les étudierons et nous donnerons notre avis. A la question de savoir si une nouvelle loi sera proposée ou non, je peux dire qu’il est clair que certaines parties bougent en ce sens et proposent d’autres lois. Cela va-t-il aboutir à l’amendement de la loi actuelle ? Je ne peux pas le prédire.

MS: Quid des élections municipales ?

CNK: Nous participons à ces élections, nous avons rencontré le mouvement Amal et avons convenu que les accords précédents entre le président Berry et sayyed Hassan concernant la gestion des élections, sont toujours en vigueur. Nous avons donc renouvelé l’accord entre nous et le président Berry sur la base d’une entente dans toutes les localités et dans tous les villages. Nous voulons donner aux gens une chance d’exprimer leur avis à travers les élections et nous les parrainons pour que ces élections reflètent réellement la représentation des gens. L’action sur le terrain est continue et nous sommes avec la tenue des élections à la date prévue.

MS : Même dans les villages du Sud ?

CNK : Oui, même dans ces villages. Il est par exemple possible de les tenir dans un lieu proche ou d’une façon déterminée. Les parties concernées étudieront la façon adéquate pour que les élections municipales puissent avoir lieu dans tout le Liban.

MS : Toujours dans le dossier interne, nous devons aussi parler des alliances, même si celles des élections municipales sont différentes de celles des élections législatives. Que dire de vos relations internes ? Commençons en dehors des alliances. Comment évaluez-vous les positions récentes de l’ancien député Walid bey Joumblatt ?

CNK: Notre évaluation des positions du PSP était positive vis – à vis de l’entité israélienne.  Ce parti a toujours eu cette orientation. Mais ils ne considèrent pas qu’il faut une action à partir du Liban. Mais ils ont une position hostile à l’entité israélienne. Aujourd’hui, leur position vis-à-vis de la situation druze, ils essayent autant que possible de faire en sorte qu’elle ne soit pas une partie du paysage israélien. Où vont-ils arriver ? Je ne sais pas.  Concernant le dossier interne, l’heure des législatives n’a pas encore sonné. Lorsqu’elle le fera, il y aura peut-être une alliance ou non, car les alliances électorales au Liban n’ont plus un aspect politique flagrant. Nous avons vu, au cours des précédentes élections, des alliances entre des parties qui ont des positions politiques opposées. Les alliances se font par région, voire par localité ou par caza. Jusqu’à présent, nous n’avons pas étudié comment se feront les alliances électorales. Nous verrons en temps voulu.

MS: Mais avez-vous perdu la bataille des relations ? Comme par exemple avec le CPL ? Certains se sont éloignés ? Êtes-vous isolés, vous, le tandem chiite ?

CNK: Nous avons des relations avec de nombreuses parties dans le pays. Nous n’avons pas rompu nos relations avec le CPL. Notre relation est excellente avec le chef du Courant des Maradas Sleimane Frangié et avec le Courant.  Nous avons des alliés parmi les députés sunnites et avec certains partis et certaines forces. De même, nous avons de bonnes relations avec l’émir Talal Arslane, ainsi qu’avec le PNSS, le PCL et d’autres partis nationalistes arabes. Certaines personnalités précises se sont éloignées, il n’y a pas de problème. En définitive, il y a des alliances électorales et des alliances politiques. L’alliance politique apparaît en général dans certaines circonstances. Elle est utile pour nous et pour les autres. Ceux qui ont des convictions peuvent difficilement les changer. Pour les alliances électorales, elles ont leur particularité et nous les poursuivrons inchallah. Nous ne sentons pas que nous sommes en crise à ce sujet. Ceux qui sont partis, inchallah tout peut s’arranger ou être compensé, il faudra trouver des solutions, mais nous tenons à réaliser l’éventail le plus large possible d’ententes et d’alliances internes, qu’elles soient politiques ou liées à des questions relatives à la construction du pays. Nous tenons à ce qu’avec nos partenaires au sein du pays, nous travaillons ensemble, indépendamment des alliances.

MS : Y a-t-il des lignes et des limites au sujet des relations et des alliances ?

CNK : Bien sûr. Mais lorsque nous participons au gouvernement, nous n’avons rien à voir avec les appartenances de chaque personne.

MS: Comment avez-vous reçu les messages envoyés par le Courant du Futur, ou son comportement positif notamment lorsque l’ancien député Saad Hariri est venu à Beyrouth et son refus d’adopter un discours violent, pendant et après la guerre ?

CNK : Le Courant du Futur est l’un des courantes avec lequel nous pouvons avoir de nombreux éléments d’entente. Surtout que cheikh Saad Hariri a un esprit ouvert et il souhaite toujours jeter les bases qui empêchent l’éclatement d’une discorde entre sunnites et chiites. L’homme est sincère à ce sujet. Nous avons une expérience avec lui à ce sujet et nous en avions une avec son père. Par conséquent, nous souhaitons que le Courant du Futur réussisse et qu’il ait sa présence et son poids à l’intérieur, car il fait partie des groupes avec lesquels nous pouvons coopérer.

MS: Vous pensez donc qu’on ne peut pas dépasser leur présence et leur poids, malgré les tentatives de les isoler ?

CNK : Nul n’a le droit  de dire : j’accepte untel et je refuse tel autre. Nul n’a le droit de dire un tel a le droit de représenter et tel autre n’en a pas le droit.

MS : S’agissait-il d’une décision externe ?

CNK : Seul le peuple a le droit de dire qui le représente ou non. Nul autre que le peuple n’a le droit de le faire ; Et le peuple a décidé qu’il voulait des représentants du Courant du Futur. C’est donc le choix des gens et nous devons l’accepter, non accepter des décisions qui viennent de l’étranger et qui imposent des représentants ou des ordres. C’est pourquoi je voudrais dire que nos critères  dans les relations, c’est ce que veulent les gens et les parties qui ont leur représentation et qui sont capables de dialoguer et de bâtir des relations.

Nous tenons à l’unité islamique et à l’unité nationale. Certains peuvent croire que nous lançons des slogans. Mais regardez l’application sur le terrain. Nous cherchons toujours, toujours, à éviter la discorde interne. Nous cherchons à assurer tous les facteurs nécessaires pour tendre la main. En tout cas, pour l’instant, nous faisons des propositions. Nous sommes face à un nouveau pouvoir et à un nouveau gouvernement. Nous tendons la main à tous pour coopérer et pour jeter les bases d’un partenariat national. Sortons donc des petites dissensions et des petites polémiques dans lesquelles certains se réfugient et essayons de trouver une expérience nouvelle pour construire ensemble notre pays et nous verrons alors le résultat.

MS: La reconstruction a plusieurs aspects. IL s’agit d’un engagement, d’une promesse et d’une résistance. Vous avez très soigneusement choisi vos termes à ce sujet. De grandes choses ont été réalisées à ce sujet, nous avons des chiffres et des détails. Mais qu’en est-il de l’avenir ? On parle d’un «Pager Act», un projet de loi au Congrès américain pour encercler la résistance en utilisant l’arme de la reconstruction ?

CNK : Qui a attaqué le Liban ? «Israël» avec l’appui des Américains. Lorsqu’il y a des destructions, c’est en principe à l’Etat de reconstruire ce qui a été détruit pour les citoyens. Pourquoi l’Etat est-il responsable des citoyens ?  Pourquoi l’Etat impose-t-il des taxes ? Pourquoi l’Etat poursuit-il les citoyens contrevenants ? Pourquoi est-il responsable de la situation politique, sociale et économique ? Pourquoi cherche-t-il à trouver des solutions aux problèmes des citoyens ? Sur le plan du principe, l’Etat est responsable de la reconstruction, car «Israël» a attaqué les citoyens de l’Etat libanais. Ces citoyens s’appellent résistance, ils s’appellent des chiites, des sunnites, des chrétiens, dans différentes régions, cela importe peu. Toutes les régions sont sous le parrainage de l’Etat libanais. A ceux qui disent que c’est nous qui avons provoqué la guerre, je leur dis, ce n’est pas vrai. Nous avons fait face à une agression israélienne. On nous reproche d’avoir ouvert un front de soutien. Oui c’est vrai, mais le soutien ne doit pas aboutir à une guerre. Le soutien n’est pas la cause de la guerre. La cause de la guerre c’est la décision israélienne. Preuve en est que la guerre a continué. Peu avant la mort en martyr de sayyed Hassan, l’idée d’arrêter cette guerre a été acceptée, mais les «Israéliens» l’ont refusée. Ce sont eux donc, les agresseurs.

Il y a eu une guerre civile entre 1975 et 1990. Les gens s’entretuaient. Il y avait des milices, certaines liées à «Israël» et d’autres liées aux Palestiniens, d’autres encore dont on ignorait les liens etc...Je ne vais pas donner des classifications maintenant. Mais en définitive, c’est l’Etat qui était responsable de la reconstruction, puisque les destructions avaient eu lieu à l’intérieur du pays. L’Etat a créé le ministère des Déplacés qui donne des indemnités aux gens et je crois que cela continue jusqu’à maintenant en 2025...

MS: Cela peut avoir un effet négatif sur les gens qui vous écoutent ?

CNK: Non, non, ce que je veux dire, c’est qu'ils ont pris une fois, deux fois, trois fois, et il y a des paiements inhabituels.

MS : L'extérieur vous dit : nous voulons créer un fonds souverain avec transparence ?

CNK : Non, non, ce que je dis, c’est que d'abord l'État est responsable. Maintenant, l'État, dans sa responsabilité, collecte les dons, ou paie de son budget, ou encore trouve des mesures spécifiques pour la reconstruction, c’est sa responsabilité. Personne ne peut nous dire «nous reconstruisons si vous nous donnez telle ou telle chose», ou : «nous reconstruisons si vous respectez nos conditions». L’État est responsable de la reconstruction, cela n’a rien à voir avec leurs conditions, leur reconstruction, leurs fonds ou quoi que ce soit. C’est la responsabilité de l’État.

MS: Même l’État pose des conditions.

CNK: Nous travaillons au sein de l’État pour suivre cette question. Je veux qu'ils sachent une chose : la reconstruction fait partie intégrante du processus de réforme, de sauvetage et d’édification économique et sociale du pays. Si quelqu'un pense qu'il peut réaliser la réforme et le sauvetage sans la reconstruction, il se trompe complètement, car il ne pourra pas entrer dans la réforme et le sauvetage. C'est un processus complémentaire et global, qui nécessite à la fois la reconstruction, un changement des lois et des réformes. Tout cela doit se faire en même temps. Donc, la reconstruction relève de la responsabilité de l'État. Oui, nous avons pris en charge, et nous avons dit depuis le premier jour : nous respectons la promesse et l’engagement, la promesse du sayyed, et notre engagement à faire le suivi. Que signifient promesse et engagement ? Nous avons commencé par la question de l'hébergement, qui est une étape précédant la reconstruction, où vont les gens ? Et cela a été une grande réalisation. Nous avons également aidé dans le domaine de la restauration partielle, ce qui permet aux gens de revenir chez eux. Selon les statistiques que j’ai vues, nous avons payé les frais d’hébergement pour que les personnes puissent louer un logement pendant un an et acheter des meubles pour quarante mille cinq cent soixante et un foyers, et nous avons payé les frais de restauration partielle pour permettre aux gens de retourner chez eux, pour deux cent soixante-trois mille sept cent quatre-vingt-neuf personnes. Ainsi, le nombre total de bénéficiaires est de trois cent cinq mille personnes. Nous avons traité des cas temporaires et permanents. C'est-à-dire que les deux cent soixante-trois mille personnes pour lesquelles nous avons payé les frais de restauration partielle sont retournées définitivement chez elles. Quant à ceux qui ont obtenu un logement, ils sont environ cinquante mille. Il y a aussi des dommages sévères. Ils sont peu nombreux, peut-être que leur nombre atteindra soixante mille et peut-être d'autres chiffres. Après l'a prise en charge du processus de la reconstruction par l’Etat, il nous restera à aider à combler les lacunes et à faire le suivi. Nous avons donc pris toute cette responsabilité concernant la réparation et l'hébergement, alors qu’elle relève aussi de la responsabilité de l'État.

MS: Cela semble être une nouvelle logique, cela veut-il dire que le Hezbollah a renié la reconstruction ?

CNK: Non, c’est ce que nous avions fait en 2006. Nous refaisons la même chose aujourd’hui.

MS: Nous savons cela, mais est-ce ainsi que l’information est présentée aux gens maintenant?

CNK: Nous avons dit que nous avons une promesse et un engagement, et que ce sera plus beau qu’avant. Il reste à définir les détails. Tout ce que nous pouvons faire, nous le ferons, et tout ce qui relève de la responsabilité de l’État doit être pris en charge par l’État et nous allons suivre ce sujet.

MS: Franchement, les gens ont compris ainsi et voient les choses ainsi. L'argent iranien est interdit, les aides irakiennes sont interdites. Tout est interdit, il y a un blocus, des restrictions, l'État et certaines forces qui interviennent également posent de nombreuses conditions. C’est comme si l’objectif était de nous déplacer et d’empêcher notre retour dans nos terres et nos maisons, un projet de transfert pour une partie des Libanais, comme cela a été proposé en 2006, les gens ont compris ainsi et le voient ainsi ?

CNK: Pour moi, ceux qui agissent de cette manière, interdisent, interdisent, interdisent pour empêcher la reconstruction, n'ont pas la décision de réaliser la réforme et le sauvetage, car sans reconstruction, il n'y a ni réforme ni sauvetage.

MS: On vous dit que l'on doit faire d'abord la réforme et le sauvetage, puis procéder à la reconstruction.

CNK: Sans reconstruction, il n’y a pas de réforme ni de sauvetage, comprenne qui veut ! La responsabilité de l’État est de protéger ses citoyens et de marcher avec eux. Il doit y avoir une réforme et un sauvetage dans tous les domaines. Donc, je pense que chaque personne doit être vigilante, c'est un État que nous voulons construire ensemble, nous voulons le reconstruire ensemble, nous voulons affronter la corruption ensemble, nous voulons restituer l'argent des déposants ensemble, nous voulons mettre en œuvre la réforme et le sauvetage ensemble, tout faire ensemble. Mais qu'une partie vienne et cible une communauté ou des groupes présents dans le pays parce qu'ils sont affiliés à la résistance, en réalité, c'est une cible sectaire, c'est une cible pour le mouvement Amal, pour le Hezbollah, pour chaque individu dans ce pays, pour chaque sympathisant, pour chaque personne qui a subi des dommages.

MS: Le sud comprend toutes les sectes et les communautés.

CNK: C’est une façon de le prendre pour cible. Je considère que le gouvernement doit étudier de manière précise la façon de mettre en œuvre la reconstruction en parallèle avec les étapes de la réforme et du sauvetage de manière à pouvoir relancer le pays. Nous sommes dans un même bateau, personne ne peut dire «je possède une partie et je vais tirer dans ma direction comme je veux», car tout le bateau va couler. Cela coule si chaque personne tire dans la direction qu'elle veut. Et puis, ce n’est pas nous qui pouvons être isolés et qui peuvent se retrouver assiégés.

MS: Êtes-vous d’accord avec le président Berry sur ce point ?

CNK: Bien sûr, nous sommes d’accord à 100 %, car le ciblage est la même. Par conséquent, le président Berry agit dans un esprit national, ce n’est pas seulement une question de confession, mais une question qui concerne tout le Liban, car ce danger menace tout le Liban, et les dommages ont touché tout le Liban. Le problème doit donc être traité pour tout le Liban. «Israël» est un ennemi du Liban, pas un ennemi d’une certaine catégorie de Libanais. Croient-ils qu’«Israël» respecte quelqu’un ou apprécie quelqu’un ? Les «Israéliens» veulent occuper le Liban. Nous considérons que le processus de reconstruction doit se dérouler correctement, et nous sommes prêts à coopérer. Nous espérons que le résultat sera meilleur qu'en 2006. Et pour ceux dont les pieds ne sont pas sur terre, qu'ils les y posent.

MS: De toute façon, nous avons parlé des forces et nous avons considéré que la relation avec le président Berry et le mouvement Amal est une constante. Examinons maintenant les forces internes, Pendant toute la guerre, vous avez parlé des «frères du mouvement Amal» et du «grand frère» ?

CNK: Quand nous parlons de résistance, cela englobe le Hezbollah et le mouvement Amal, quand nous parlons de reconstruire le Liban, cela signifie le Hezbollah et le mouvement Amal, quand nous parlons d’élections municipales, cela signifie le Hezbollah et le mouvement Amal. J’ai dit dans mon discours lors des funérailles, nous, le Hezbollah et le mouvement Amal, avons formé une alliance qui dépasse toutes les alliances connues. Nous avons une alliance profonde, notre alliance est liée à la structure de foi, à l’intérêt des gens, à la terre et aux familles, à notre désir de construire notre pays, de le rendre fort, bâti et capable.

MS: Regardons la scène extérieure ou régionale, personne ne peut prédire où nous pourrions arriver, avec les données, ce qui se passe, le spectacle des massacres sur la côte syrienne, l’Observatoire syrien des droits de l'homme, connu pour être lié à l’opposition syrienne, parle de massacres et les classe ainsi. À un autre endroit, nous voyons ce que font les sionistes dans le sud de la Syrie. En regardant encore plus loin, nous voyons la normalisation, Trump veut l'imposer par la force et réprimander les présidents dans le bureau ovale. Nous avons ainsi l'exemple de Zelensky et Trump se comporte comme si le monde  était une entreprise et qu'il en était directement responsable, agissant comme il le veut.

CNK: Nous avons toujours dit, et je répéterai cette petite histoire, qu'«Israël» a été planté par la Grande-Bretagne, et elle a été suivie par les États-Unis pour être le bras de l'Occident dans cette zone géographique appelée la Palestine, pour s'étendre de l’Euphrate au Nil qui devrait être sous sa direction directe, en plus des résultats économiques et politiques. C’est le projet israélien. Dans différentes étapes, il y a eu des progrès et des reculs, comme lorsque Camp David a été conclu, ils n’ont pas pu avaler le Sinaï, ce qui a entraîné Camp David et ils ont dû reculer. Quand ils ont dit qu'ils acceptaient une solution à deux États, car il était difficile de dire qu'ils voulaient toute la Palestine, maintenant ils peuvent faire passer cela. Lorsque Trump propose de réinstaller les habitants de Gaza en Arabie Saoudite, il ne veut pas réinstaller les habitants de Gaza en Arabie Saoudite, non, il veut intégrer l'Arabie Saoudite pour en faire une partie du projet israélien. C’est ce que cela signifie et si ce n’est pas maintenant, cela le sera dans un certain temps. Dieu merci, la position saoudienne a été bonne, et il est normal qu'elle le soit. Nous sommes contre le fait qu'ils déplacent les habitants de Gaza, que ce soit vers l’Arabie Saoudite, la Jordanie, l’Égypte, le Liban, ou ailleurs. La Palestine appartient aux Palestiniens, maintenant ou plus tard et à tout moment. Et l'occupation doit disparaître. Si tel est le projet «israélien», comment devons-nous le confronter ? Nous ne pouvons pas le confronter par des concessions progressives, nous devons nous tenir debout et dire non, maintenant, et s'ils se dirigent vers la normalisation, qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie qu'ils ont donné aux «Israéliens» la justification d'accélérer l’étape après la normalisation, appelée expansion géographique, dans n'importe quel endroit. Cela peut être maintenant une expansion économique et plus tard une expansion géographique, ce qui signifie qu'ils mettent fin à la cause palestinienne de manière définitive. J'invite ces pays à être vigilants, car au final, c'est eux qui en paieront le prix.

MS: C’est donc dans leur intérêt avant d’être dans celui de la Palestine.

CNK: C’est dans leur intérêt à eux, ce sont eux qui partiront, et non la Palestine.

MS: Selon vous, à quel point le modèle Zelensky-Trump est-il utile pour comprendre la manière dont les États-Unis traitent leurs alliés et partenaires ?

CNK : C'est une leçon importante, en réalité, ce Trump n'est pas facile, c'est un tyran véritable et il agit de manière barbare. Il ne voit pas le monde autour de lui, il le perçoit comme une jungle où il peut prendre ce qu'il veut. Ceux qui le voient et se réjouissent de sa présence, ou ceux qui ont peur de lui ou tentent de traiter avec lui, doivent comprendre qui il est. C’est un monstre qui cherche à dominer le monde si possible. Peut-il réussir ? Il le peut si les autres faiblissent, mais il ne le peut pas s'ils lui font face. Aujourd'hui, Trump peut-il expulser les Palestiniens ? Non, il ne le peut pas, car les Palestiniens refusent cela. Quand le Palestinien dit non, il ne peut pas prendre Gaza, quoiqu’il fasse. Quand l'Arabie Saoudite, l'Égypte ou la Jordanie disent non à l'installation ou au transfert, il ne pourra rien faire. Ce non n’en entraîne pas un autre, au moins nous récupérons une partie de notre force.

Ensuite, qui dit que Trump restera ainsi ? Qui dit que Netanyahu restera en place ? Demain, Netanyahu pourrait terminer son mandat ou même être tué avant, personne ne sait. Inchallah, le mandat de Netanyahu se terminera, et une fois cela fait, qui prendra sa place dans le contexte des crises à l’intérieur de l’entité israélienne ? Comment sera «Israël» ? Il pourrait être fragmenté, ou la situation pourrait changer. Qui a dit que Trump, dans la manière dont il aborde le monde maintenant, maintiendra l'Amérique stable sans entrer dans des crises économiques, politiques et relationnelles ?

MS : Mais sommes-nous sur le point d’assister à de grands conflits, une guerre, ou à des négociations et des accords ? On a vu son message à l’ayatollah Khamenei concernant les négociations avec l'Iran, où en sommes-nous ? Il est difficile de faire des prédictions, tant les événements s’accélèrent ?

CNK : Tout ce qui se passe maintenant c’est une guerre de Trump contre le monde, mais parfois la guerre est directement militaire, parfois elle se fait à travers des instruments comme ce qui se passe en Palestine avec les Gazaouis, et parfois elle se fait par des pressions politiques. En réalité, il est en guerre, pas en négociation. Avec qui négocie-t-il ? Lorsqu'il expulse Zelensky et veut prendre les ressources et minéraux de son pays pour compenser les fonds versés par les Etats-Unis, que fait-il ? Il vole tout un pays en contrepartie de l’arrêt de la guerre, pour pouvoir ensuite piller les richesses à son rythme.

MS : Cela signifie-t-il qu'il couvre une guerre contre l'Iran ? Netanyahu se réjouit de cela et il a dit lors de l’entrée en fonction du nouveau chef d'état-major de l'armée «israélienne» qu'ils ont changé le visage du Moyen-Orient. Il s'est vu comme celui qui a changé ce visage.

CNK : Ce sont les Américains qui changent les outils, pas Netanyahu. Il est juste un outil. Quand les Américains lui disent de faire quelque chose, il le fait, et quand ils lui disent de ne pas faire quelque chose, il ne le fait pas. Il agit selon ce que disent les Américains. Aujourd'hui, une attaque contre l'Iran coûtera cher, car toute la région sera en danger. N'oublions pas que les bases américaines sont installées dans de nombreux pays de la région et dans les mers de cette région. Et l'Iran a ses ressources, son honneur, sa décision, et son leader. Donc, je pense que si les Américains envisagent une guerre contre l'Iran, ils savent que les pertes seront considérables, et les répercussions mondiales seront énormes. C'est l'Iran est un pays de 90 millions d'habitants, avec ses quatre saisons et son emplacement stratégique, un pays capable, une république islamique qui a réalisé ce grand changement, ce n'est pas facile. Je pense que Trump y réfléchira plus avant d’agir, mais l'Israélien est pressé parce qu'il met l'Amérique au premier plan.

MS : Il dit qu'ils ont éliminé les bras armés, et maintenant il ne reste plus qu’à frapper à la tête pour clore le dossier.

CNK : Cette propagande est destinée à pousser les Américains à intervenir dans l'affaire. L'«Israélien» ne peut pas intervenir seul sans une décision sécuritaire américaine.

MS : Êtes-vous d'accord avec l'idée que l'axe de la résistance est fini dans la région ?

CNK : L'axe de la résistance a reçu un coup, c’est vrai, il y a eu de grands sacrifices en Palestine et au Liban, c’est vrai, mais la résistance continue et elle est présente. En général, on imagine que la résistance dans le monde est toujours dans un processus ascendant, mais la résistance, par essence, c’est frapper et fuir, elle fait des réalisations, mais rencontre aussi des revers ou des pertes. La leçon est dans la continuité. Est-ce que nous avons continué ou pas ?

MS : Le leader Abdel-Malik Al-Houthi a donné un délai pour reprendre ce qu'il faisait en soutien à Gaza à cause du siège qui lui est imposé. A-t-il également sonné à nouveau la sirène de la guerre ?

CNK : La position des Houthis et de l'Iran est vraiment très honorable, tout comme celle du peuple yéménite, car cette défense de la cause palestinienne est un modèle et une école. Et ils sont pris en compte, c’est certain, ceux qui agissent sur le terrain, qu’ils soient Américains ou «Israéliens», tiennent compte de ces positions et cela influence leurs décisions.

MS : Votre position concernant les développements en Syrie a été prudente, je ne vais pas m'étendre longtemps, mais ce qui s'est passé, la scène sanglante qui a surpris certains alors que d'autres l'avaient prévue, mais les images et vidéos ont perturbé tout le monde. Comment voyez-vous maintenant la situation en Syrie, votre lecture de la situation là-bas, que va-t-il se passer ?

CNK : Il est encore trop tôt pour savoir comment la situation en Syrie va évoluer. Il y a encore un état de bouillonnement, une atmosphère instable, des problèmes liés aux affiliations sectaires et confessionnelles, et aussi des problèmes au sein des mêmes forces au pouvoir, sans oublier la présence des étrangers parmi eux. Donc, nous sommes devant un tableau aux contours encore imprécis, c’est pourquoi je ne dis pas que la Syrie a réussi ou a été détruite. Je dirais qu'il faut attendre. Nous espérons que la Syrie trouve la stabilité, que les forces à l'intérieur de la Syrie puissent s'entendre pour établir un système qui les aide à faire de la Syrie un pays fort. Nous espérons qu'ils parviendront à stopper l’expansion et l'élargissement de la présence «israélienne».

MS : La fragmentation et le découpage sont-ils devenus une réalité ? Aujourd'hui, cet État imposera...

CNK: Les signes de la division sont très présents, mais est-ce que cela ira jusqu’au bout ou qu’ils trouveront des solutions avant ? Les étrangers, surtout les Américains et les «Israéliens», ainsi que leurs alliés, soutiennent l'idée de diviser la Syrie. Mais il est dans l’intérêt du peuple syrien de ne pas être divisé.

MS : Il y a des déclarations faites au nom de la résistance islamique en Syrie, quelle est la dimension de ces déclarations ?

CNK : Nous n'avons rien à y voir. Nous n'intervenons pas actuellement en Syrie, et s'il y a une organisation qui fait quelque chose, nous ne le savons pas…

MS : C’est-à-dire, on parle d’une résistance syrienne. Sommes-nous sur le point de voir émerger une résistance en Syrie contre l'ennemi «israélien» ?

CNK : Je ne suis pas informé, mais je ne serais pas surpris si une résistance contre l'ennemi israélien émerge en Syrie, car le peuple syrien est fondamentalement un peuple arabe, islamique, et nationaliste, qui a grandi avec la haine d'«Israël» et refuse l'occupation. Il a toujours été connu que le peuple syrien était le principal soutien de la cause palestinienne. Où cela va-t-il mener ? Maintenant, étant donné que les conditions sont difficiles, je pense que quelque chose se produira, mais quoi exactement ? Finalement, c'est la responsabilité des Syriens.

MS : Le temps presse et nous arrivons à la fin. Nous avons commencé notre conversation avec une touche émotionnelle. Nous avons parlé des gens, et abordé certains aspects de la bataille, une des plus courageuses. En conclusion de l'entretien, j'aimerais vous donner la parole, cheikh, pour adresser un message aux combattants, aux blessés, en particulier les blessés qui sont devenus une partie de nos vies, des martyrs vivants parmi nous. Je ne sais pas si vous avez un message pour ces combattants qui ont tant donné et qui sont toujours prêts à donner encore plus.

CNK: Je voudrais dire aux combattants résistants dans chaque maison, à chaque endroit, à chaque site, vous êtes notre fierté, vous nous avez fait sentir que nous sommes dignes et grands. Vous êtes les enfants du sayyed des martyrs de la nation, sayyed Hassan Nasrallah. Je suis certain que là où il est maintenant, il est fier de vous, car vous avez assumé la responsabilité, vous avez continué la lutte et vous avez triomphé de ceux qui voulaient anéantir la résistance. Vous avez donné un modèle lors des funérailles qui n’a pas d'égal dans le monde, par votre présence et par votre émotion et si on compare le nombre des présents en fonction du pourcentage de la population libanaise... on ne peut qu’être impressionné. Je dis aux combattants résistants, vous avez réjoui les cœurs avec la ténacité dont vous avez fait preuve sur le front. Et je sais que chacun de vous se disait : «Je suis encore en vie», il ne s'attendait pas à revenir, il partait en pensant qu’il serait martyr et que c’était la voie de Dieu Tout-Puissant. Soyez assurés que cette victoire a été obtenue grâce à la persévérance et à la force que nous avons. Nous continuerons grâce à vous et au sacrifice du sang des martyrs parmi vous. C’est grâce à vous à votre présence, à votre grandeur d’âme que nous poursuivrons sur ce parcours.

Je dirais aux blessés, notamment aux blessés «à vie», que j’ appelle «les martyrs vivants», car le blessé est dans deux positions : une position de don et de préparation à offrir plus, et une autre où il espérait devenir martyr et recevoir ainsi l’ultime récompense, mais il ne l’a pas obtenue et il reste sur le terrain avec des capacités réduites. Je veux donc lui dire une chose : vous êtes maintenant un martyr vivant, c'est-à-dire que vous avez la récompense du martyr et la récompense du travail que vous accomplissez selon vos capacités car vous êtes encore vivants. Dieu vous a préservés parce que vous avez encore tant de bien à donner, et il est nécessaire que la famille, la société et la résistance en profitent.

En vérité, les blessés à vie sont des modèles à suivre. J'ai entendu certains commentaires de leurs médecins. Un médecin a dit : «J'ai appris d'eux la patience, la force et le moral», c’est comme s’il se soignait lui-même, grâce à leur esprit et à leur mentalité, en les traitant physiquement.

Je veux aussi dire à notre peuple : vraiment, vous êtes inestimables. Nous étions forts grâce à vous, nous sentions que Dieu vous avait préparés pour ce moment crucial, alors restez tels que vous êtes, vous êtes grands, ne vous préoccupez pas de ceux qui crient à droite et à gauche. Ceux, comme vous, qui regardent vers le haut ne voient rien en bas, vous êtes au-dessus.

MS : Ces larmes qui brillent dans vos yeux  lorsque vous parlez des gens sont très touchantes. Je tiens à m'incliner devant les sacrifices. Ils disaient, «Ô Dieu, Ô Miséricordieux, protège cheikh Naïm». Que Dieu vous protège, cheikh. Vous êtes dans nos prières, dans celles des combattants et des familles de cette résistance, pour ce que vous avez enduré et patienté aussi.

Merci infiniment, cheikh Naïm Qassem, Secrétaire général du Hezbollah, pour cet entretien. Merci à vous d’avoir été avec nous à travers la chaîne Al-Manar. Nous avons dépassé l’heure, mais on ne se lasse pas de profiter de votre sagesse. C’était une première apparition et j'espère qu'il y en aura d'autres. Merci.

Chers spectateurs, nous avons atteint la fin de cet entretien, l'entretien du leader. Merci à vous, que Dieu vous garde.

 

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