Sayed Nasrallah : Nous ne sommes pas d’accord avec la décision de Mikati, mais l’intérêt général prime
Discours du secrétaire général du Hezbollah le 1er décembre 2011
Comme je m’étais engagé à le faire la nuit dernière, mes propos ce soir seront consacrés aux développements sur la scène politique libanaise et en particulier ce qui concerne le TSL et le gouvernement.
Je vais donc développer deux titres, le premier constituant une introduction au second, en toute transparence et sincérité. Il porte sur le discours politique général dans le pays.
Il ne s’agit pas en fait d’un discours tenu au cours des dernières semaines. Mais il dure depuis des années. Un camp politique au Liban tient depuis des années un discours confessionnel, montant la population contre le camp adverse, utilisant à cet effet toutes les occasions et tous les moyens possibles. C’est une situation dangereuse envers laquelle il faut être vigilant.
Je lance donc un appel à tous les Libanais : venez qu’on s’entendre sur le fait que ce qui se passe au Liban est un conflit politique sur des questions politiques et il n’a rien à voir avec la religion sur le plan idéologique ni même avec ce que telle ou telle partie considère comme religieux. Ce qui se passe est lié aux idées, aux projets et aux programmes politiques. Venez aussi qu’on s’entende sur le fait qu’une critique de telle ou telle personnalité ou autorité politique et même religieuse ne constitue pas une critique contre l’ensemble de la communauté ou contre la confession. Par exemple, le président de la République est chrétien maronite et le président de la Chambre chiite c’est la structure politique du Liban. Mais critiquer le président de la Chambre chiite ne signifie pas critiquer la communauté chiite ; En tout cas, nous les chiites, nous ne devrions pas nous comporter ainsi. Même chose au sujet d’une critique visant le président de la République. Elle ne doit pas être perçue comme une attaque contre sa communauté. La même règle doit s’appliquer aux partis et mouvements politiques aussi représentatifs soient-ils au sein de leur communauté. C’est valable pour toutes les communautés, même les autorités religieuses au sein de la communauté chiite. Les critiquer ne signifie absolument pas que l’on s’en prend à leur communauté, ni à ceux qui les suivent.
Il y a une crainte de tels dérapages au Liban. Car lorsqu’il y a un conflit avec un courant politique, nous pouvons adopter des positions en flèche et cela peut se transformer en un conflit religieux ou communautaire. Pourtant, les insultes personnelles sont interdites. Elles sont condamnées par la loi, la morale et la religion. Cela n’a rien à voir avec les postes, les fonctions ou les titres. Nul n’a le droit d’insulter ou de diffamer qui que ce soit. Malgré tout, de telles insultes ne signifient pas qu’on s’en prend à sa communauté. Il s’agit d’une attaque personnelle et la loi donne les moyens pour obtenir justice dans ce cas. Nous refusons qu’à chaque critique chacun déclare : « nous les chrétiens, nous les chiites ou nous les sunnites… ». Où un tel discours peut-il mener le pays ? Et qui a le droit de parler au nom d’une communauté, même s’il y a une alliance au sein de la communauté comme c’est le cas entre nous et Amal. Revoyez nos discours depuis les années 2004 et 2005, nous n’avons jamais parlé en tant que chiites. Nous ne nous sommes jamais adressés aux autres comme appartenant à d’autres confessions. Je ne veux plus rester dans les généralités. Je lance un appel au Courant du Futur, à son commandement, à ses députés et à ses médias : arrêtez votre politique médiatique, cessez de recourir à l’incitation confessionnelle, cessez d’utiliser certains faits ou certaines rumeurs, pour lancer des accusations sans fondements et créer une discorde confessionnelle dans certaines régions. Je me contenterai de donner un seul exemple.
Il y a quelque temps, une patrouille de l’armée ou de ses services de renseignements a effectué une tournée au village de Ersal ou autour de ce village. Je ne veux pas entrer dans les détails pour savoir si les militaires ont arrêté ou non des suspects ou s’ils ont été agressés. Tout cela exige des vérifications. Ce qui compte, c’est que l’incident a été circonscrit. Mais les médias du Futur ont commencé à dire que les partisans du Hezbollah sont entrés dans le village avec les soldats de l’armée. Vous saisissez la sensibilité du sujet car le village de Ersal est habité par des Libanais de confession sunnite. La nouvelle est donc devenue la suivante : les chiites du Hezbollah attaquent les sunnites à Ersal. Un député a fait une déclaration et en dépit du communiqué de l’armée démentant l’information, un autre puis un troisième et un quatrième se sont emparés de l’affaire. Tous ces députés sont d’ailleurs à ce qu’il me semble du Nord. Je ne me rappelle pas avoir entendu un député du Courant du Futur originaire de la Békaa évoquer ce sujet, mais qu’importe, la nouvelle qui n’a aucun fondement a circulé. Dans quel but ? Les députés du Nord veulent-ils que la région de Baalbeck-Hermel où les communautés vident sans problème soit plongée dans un conflit confessionnel ? Est-ce dans l’intérêt national ? Est-ce dans celui du printemps arabe ?
Je pose la question aux députés du Courant du Futur et j’espère qu’ils me répondront rationnellement et non par les insultes. Je me contenterai de cet exemple, mais il y en a beaucoup d’autres.
A ce sujet, je voudrais encore dire que lorsqu’ils s'adressent en politique à ceux qui ne partagent pas leurs opinions, ils ont rapidement recours aux insultes et aux mensonges. J’en arrive à parler en quelques mots de la situation à Tripoli. Depuis quelques semaines, on entend régulièrement des propos du genre : « Le hezbollah s’installe à Tripoli, y crée des périmètres de sécurité, y forme des combattants, s’y arme… ». Pas de problème. Nous sommes lancés dans une guerre médiatique avec les Etats-Unis, l’Otan et Israël. Dans un tel contexte, les médias du Futur sont un petit détail. Mais quand ils évoquent nos alliés, iles qualifient d’instruments et d’agents entre nos mains. Nos alliés sont pourtant nos amis.
Je voudrais donc préciser qu’à Tripoli et au Nord en général nous avons des alliés et des amis qui appartiennent à des familles politiques respectables et constituent des forces politiques militantes, présentes au Nord et à Tripoli avant la naissance du Courant du Futur et même avant celle du Hezbollah. Ils sont en tout cas plus anciens et enracinés que le Courant du Futur qui est nouveau sur la scène. De même, notre relation et notre amitié précèdent la naissance du Courant du Futur et notre conflit politique avec lui. Enfin, ces alliés ont une importante assise populaire que les élections de 2005 et 2009 ont confirmée, en dépit de la vaste campagne de dénigrement et d’achat de voix effectuée par le camp adverse. Ce camp a même exercé une sorte de chantage en accusant ceux qui ne votent pas pour ses candidats seraient en train de voter pour les assassins de Rafic Hariri, utilisant une machine médiatique locale, arabe et internationale impressionnante. Malgré tout, nos alliés ont montré qu’ils avaient une assise stable et fidèle que rien ne peut corrompre, ni les insultes, ni les dollars, ni les menaces, ni les accusations. Ils ont aussi montré qu’ils avaient plus à cœur que les autres l’intérêt de leur ville, de leur région et de leur développement, sans la moindre considération confessionnelle.
C’est pourquoi j’invite le Courant du Futur à tirer la leçon de ce qui s’est passé à travers une évaluation interne, loin des médias.
Il semble que toutes les accusations contre nous à tripoli et contre nos alliés visaient à assurer une grande mobilisation populaire pour le meeting qu’ils organisaient et qu’ils voulaient décisif. Pourtant, cela ne s’est passé ainsi et je les invite à tirer la leçon de la faible mobilisation populaire, car il s’agissait d’un rassemblement central à l’échelle du Liban et non concentré au Nord. Mais même à tripoli au nom de laquelle ils prétendaient parler, la mobilisation était faible. Je conclus la partie consacrée au Nord pour dire que nos relations avec nos frères et alliés à Tripoli et au Nord, qu’il s’agisse de familles ou de partis ou encore de courants et de fronts sont sincères et solides. Elles sont un honneur pour nous et pour eux. C’est une relation entre ces parties et le parti qui résiste à "Israël".
Il faut constater que ce qui se passe au Liban se passe aussi avec la Syrie. C’est pourquoi, les peuples libanais et syrien doivent être vigilants à ce sujet. Des médias au Liban dans le monde arabe et internationaux cherchent à présenter la situation en Syrie comme une lutte confessionnelle. En suivant certaines chaînes satellitaires arabes et les médias de l’opposition syrienne vous pouvez deviner l’avenir qui attend la Syrie, selon elles. Je ne vous en dirai pas plus. Il vous suffit de regarder ces chaînes dont certaines ne sont pas connues et je ne les nommerai pas pour ne pas leur faire de la publicité. Vous verrez alors ce qui se prépare pour la Syrie et son peuple ainsi que pour tous les peuples de la région.
Pourquoi cette insistance à utiliser l’incitation confessionnelle, alors que les parties accusées et qui sont victimes d’agressions n’ont pas recours à ce procédé ? Pourquoi cette insistance (et là je parle de certains médias libanais et arabes) à affirmer que 3000 combattants du Hezbollah en Syrie ? (D’ailleurs, c’est curieux comme en sept ou huit mois, le chiffre n’a pas changé. Aucun de ces combattants n’est mort ou n’est rentré chez lui ?). Maintenant, ces médias parlent de milliers de combattants de l’armée du Mehdi venus d’Irak pour faire croire que les chiites viennent du Liban et d’Irak pour combattre en Syrie. Ne s’agit-il pas là d’une incitation confessionnelle ? Le courant sadriste a eu beau multiplier les démentis. Rien n’y fait. Ils continuent de véhiculer la rumeur. Où veulent donc en venir ceux qui ont recours à l’incitation confessionnelle ? Et quels intérêts servent-ils ? Nous devons nous poser la question nous, Libanais, et j’invite les Syriens à en faire de même. S’ils croient pouvoir faire peur et faire céder certaines parties, ils se font des illusions. En ce qui nous concerne, ce discours ne nous touche pas et n’ébranle pas notre détermination et nos convictions. Il ne faut pas oublier qu’en 28 ans, la résistance a été la cible de la pire guerre psychologique, ayant été accusée de tous les malheurs et même d’assassinats, sans que cela ne porte atteinte à sa foi et à sa volonté. S’ils ont l’idée folle (et certains commencent déjà à dire votre tour viendra…) de miser sur des changements dans la région pour en finir avec certaines parties, profitant d’éléments externes à un moment précis, ils se font des illusions. Au Liban, quel que soit le contexte régional et interne, aucune partie ne peut éliminer l’autre, surtout à cause de la structure sociale du Liban.
Où veulent-ils donc en venir ? A la discorde ? A la guerre civile ? Il n’y aura d’autre résultat que la destruction de notre pays. Nous avons déjà vécu une telle expérience dans le passé et en définitive, quel a été le résultat ? ni vainqueur ni vaincu. Pourquoi alors faire tout cela ? Ce que je voudrais dire c’est que cette politique et cette attitude ne mène que vers une impasse. Je voudrais aussi rassurer tout le monde : en ce qui nous concerne, nous ne voulons pas mener une bataille contre une partie interne. Ils parlent du 7 mai, mais ce qui est arrivé ce jour-là a ses circonstances. Ce sont eux qui avaient attaqué et il y avait des circonstances particulières. Nous ne voulons entrer en guerre contre personne. Mais si quelqu’un songe ou se prépare à nous attaquer, ile peut déjà deviner l’issue de combat…Je conclus cette partie en lançant un appel au calme et à maintenir les propos dans les limites de la politique. Il faut cesser l’(incitation à la discorde confessionnelle. Je voudrais aussi rappeler ce vieil adage : celui qui prépare le poison est celui qui le prend.
J’en arrive au sujet du financement du TSL et du gouvernement.
Je voudrais revenir d’abord sur une rapide chronologie des faits. Nous étions présents dans le précédent gouvernement de Saad Hariri qui était considéré comme un gouvernement d’union nationale. Nous avions oeuvré sincèrement pour la réussite de ce gouvernement et pour qu’il puisse s’occuper réellement des problèmes des citoyens dont il avait fait officiellement sa priorité. Ce gouvernement avait d’ailleurs obtenu une confiance rare dans l’histoire des gouvernements libanais. Du moins à ce qu’il me semble. Pourtant, en dépit de tout cet appui, politique, parlementaire et autre, ce gouvernement n’a pas accompli la mission qu’il s’était fixée et il a pris une tout autre orientation. Nous avions commencé par attendre en nous disant que cela devrait changer et qu’il faut seulement lui donner le temps. Jusqu’à ce qu’on en arrive à une échéance cruciale, la remise de l’acte d’accusation au juge de la mise en état. Certes, la remise de cet acte avait été alors reportée, à cause des contacts politiques. Nul ne l’ignore, tout comme nul n’ignore son contenu depuis 2006. D’ailleurs le contenu une fois publié a été identique à ce qui se disait en 2006.
Le gouvernement est entré dans une crise grave au sujet de la façon dont il allait traiter avec l’acte d’accusation, avec le protocole et avec les juges.
Une médiation syro-saoudienne, dite S-S, a alors commencé. Des rencontres au plus haut niveau ont eu lieu, des personnalités sont venues au Liban et la médiation a duré quelques mois. Les débats ont porté sur les détails, mais nous étions clairs depuis le début en précisant que la date-limite de cette médiation est la remise de l’acte d’accusation au juge de la mise en état. Si les intentions étaient bonnes, le règlement devrait avoir lieu avant cette date. Je ne souhaite pas entrer dans les détails du passé proche mais tout le monde sait qui a travaillé jour et nuit pour faire échouer la médiation syro-saoudienne. Il s’agit précisément de Saad Hariri et du camp du 14 mars, certaines personnalités en particulier. Cela s’est poursuivi jusqu’à ce que la Syrie soit officiellement avertie par l’Arabie saoudite de l’échec de la médiation. Nous autres, au sein de l’opposition à l’époque nous avons choisi de faire chuter le gouvernement, car nous avons estimé que ce qui s’était passé était contraire aux intérêts nationaux et constituait un camouflet à la politique de la main tendue, du dialogue et de la recherche de solutions. Nous avons estimé que quelque chose de grave se préparait pour le pays et il était devenu clair que nous comptions nommer une autre personnalité sunnite que Saad Hariri à la tête du gouvernement.
Une autre médiation turco-qatarie est alors intervenue. Une rencontre au sommet a été organisée à la hâte à Damas avec la participation de l’émir du Qatar et du Premier ministre turc. Ensuite les ministres des AE turc et qatari sont venus au Liban. Ils devaient rencontrer des personnalités libanaises avant et après Saad Hariri. Mais ils sont restés plus de quatre heures chez ce dernier et des rendez vous ont été annulés. Chez Saad Hariri, ils se sont mis d’accord sur ce texte qui a été rédigé et imprimé chez lui. Je devais les voir vers 21H30 ou 22heures. En fait, nous nous sommes rencontrés aux alentours de minuit, car ils voulaient venir porteurs d’un accord global. Il était normal que les deux ministres considéraient avoir accompli une grande réalisation en apportant une solution à un problème grave, celui du TSL. Ils nous ont donc longuement expliqué ce qu’ils ont fait puis ils nous ont remis le texte nous demandant d’y répondre. Une partie de l’accord était destinée à la publication et devait être divulguée au cours d’une conférence de presse après la cérémonie de la signature et une autre partie qui devait aussi porter la signature des protagonistes ainsi que du président de la République, du président de la Chambre et du Premier ministre (Saad Hariri) devait rester secrète, même si toutes les parties devaient s’engager à la respecter. Les deux ministres étaient très optimistes et convaincus que nous allions accepter le texte vers minuit et qu’une réunion se tiendrait dans la journée à Ankara en présence des ministres des AE de Turquie du Qatar, de Syrie, d’Arabie saoudite et de la France. Car la France était entrée dans ce processus et après la conférence de presse d’Ankara, une conférence serait organisée en France sous la présidence de Nicolas Sarkozy et avec la participation de l’émir du Qatar, d’un représentant du roi d’Arabie et de la secrétaire d’Etat américaine Mrs Clinton, pour bénir l’accord. Les deux ministres nous ont dit : acceptez et demain nous irons vers la signature. Selon cet accord, il était proposé au Hezbollah d’être débarrassé du TSL. Le Hezbollah était donc le premier bénéficiaire de l’accord je ne sais d’ailleurs pas si ses alliés y gagnaient quelque chose. Nous avons alors demandé aux ministres : que ferez-vous pour nous ? Et la réponse a été la suivante : Le gouvernement nouvellement formé par Saad Hariri arrêterait de financer le TSL. Si Saad Hariri ne tenait pas parole, son gouvernement chuterait et les Etats qui parrainent cet accord lui demanderaient des comptes. Ensuite, le gouvernement annulerait le protocole. Je dis bien annuler et non ne pas prolonger. Le gouvernement retirerait aussi les juges libanais du TSL. Ils ont même dit bien plus que cela. Mais je le garderais pour moi pour l’instant.
Je vais vous lire une partie du texte. Le point six stipule que le Premier ministre désigné Saad Hariri déclare au moment de la signature de l’accord que pour préserver la paix civile et la stabilité, il faut revoir la position du Liban à l’égard du TSL et ce point serait le premier à l’ordre du jour de la première réunion du gouvernement, afin de prendre les mesures légales requises. Il ne s’agit donc pas de débattre, mais d’exécuter. Tout cela pratiquement en même temps, selon le texte de l’accord. Ensuite, les trois présidents doivent signer le document au bas de la page. En somme, les deux ministres nous ont dit que vous au Hezbollah allez être accusés à travers l’acte d’accusation et Dieu seul sait ce qui vous attend et nous vous proposons une planche de salut. Voyons seulement ce qui nous était demandé en contrepartie.
Nous devions nommer Saad Hariri à la tête d’un gouvernement dont la majorité serait avec lui. Son équipe politique, militaire, financière et sécuritaire serait protégée et toute la précédente période serait couverte du point de vue légal. En d’autres termes, le Hezbollah et ses alliés devaient donner le pays à Saad Hariri et à son camp, tout en s’engageant à ne pas mettre le gouvernement en difficulté ni à le faire chuter, quoiqu’il arrive et quoiqu’il fasse. Si un jour, nous pensons qu’il est dans l’intérêt du pays de publier ce texte, nous le ferons. Mais pour l’instant, nous nous contenterons de ces informations.
Bien entendu, j’ai dit aux deux ministres qu’il me fallait consulter mes frères car nous avons un commandement collégial. Ils ont insisté pour avoir mon opinion personnelle, disant que si elle est positive, cela leur ouvrirait des perspectives. J’ai alors déclaré que personnellement, j’étais opposé à cet accord. Ils ont voulu savoir pourquoi et j’ai dit qu’ils me proposaient de choisir entre l’intérêt du Hezbollah et celui du pays. Celui du Hezbollah est dans l’abolition du TSL, c’est clair. Mais celui du pays, de l’Etat et du peuple n’est pas de maintenir ce gouvernement qui, en dépit de tous les appuis dont il bénéficie n’a rien fait. Au cours de l’année écoulée, le Premier ministre qui préside le pouvoir exécutif, a montré qu’il ne suit pas les dossiers, qu’il ne s’intéresse pas aux problèmes des gens, ne se réunit pas avec les ministres. Je ne dis pas cela pour l’attaquer mais c’est un constat objectif. Ce premier ministre ne traite pas les dossiers et les laisse à ses conseillers. Il n’a pas une approche sérieuse. Lors de l’incident de Adayssé entre l’armée libanaise et l’ennemi israélien, il n’a pas coupé ses vacances pour rentrer au pays… sans compter le fait que le précédent gouvernement, celui de Siniora avait aussi agi avec légèreté. Tout le monde sait ce que nous pensons de l’action de ce gouvernement. En tant que citoyen craignant pour l’avenir de ses fils et celui du pays, je sentirais que je serais en train de trahir la confiance placée en moi par les gens si j’acceptais cette offre. Inutile de préciser que plus tard, les frères au Hezbollah ont montré qu’ils avaient la même opinion que moi. Ce soir-là, ils m’ont dit : Ok sayed. Consultez vos frères et tentez de trouver une solution. C’est donc ce que j’ai fait et nous avons dit ensuite aux deux ministres que nous ne pouvions pas accepter un tel accord, ni ce Premier ministre ni cette formule. Nous restions toutefois ouverts à toutes les autres suggestions. Ce sont des faits qui remontent à un an. Ils sont donc encore suffisamment proches pour que nous en souvenions bien. Les deux ministres ont répondu que j’avais raison mais qu’il y avait une priorité, le TSL et le seul à pouvoir résoudre ce problème était Saad Hariri. J’ai répondu :Le pays est plus important. Pour ce pays, nous avons donné ce que nous avions de plus cher et nous ne ferons pas de compromis à ses dépens. Nous rejetons l’accord et advienne que pourra. L’affaire en est restée là et finalement, le Liban a été doté d’un nouveau gouvernement.
Je voudrais encore préciser que c’est une grande injustice de dire que c’est le président Bachar Assad qui nous avait donné le signal pour saboter l’accord. Au contraire, il préférait que cette médiation réussisse et il nous a encouragés à accepter l’accord. Mais nous, au sein de l’ancienne opposition, nous avons notre opinion propre et nous prenons seuls nos décisions. Ceux qui sont des instruments peuvent ne pas me croire. C’est leur problème. Même ce qui se dit aujourd’hui au sujet du financement du TSL est creux. A cette époque, la Syrie avait intérêt à renforcer ses relations avec le Qatar et la Turquie, tout comme elle voulait améliorer ses relations avec l’Arabie. Mais nous, au sein de l’opposition, nous avons préféré l’intérêt du Liban à celuid e la Syrie et nous avons rejeté le compromis.
Plus tard, Négib Mikati a été choisi pour former le gouvernement. Dès le départ, nous avions déclaré préférer un gouvernement d’union nationale avec la participation de l’autre camp. Les négociations ont duré un mois avant que l’autre camp déclare son refus de participer au gouvernement. Dès le premier jour ils ont accusé le gouvernement et son chef d’être des traîtres et ils ont appelé à la chute du gouvernement, brandissant le spectre du financement du TSL. Avant même que Mikati n’entre en fonctions, ils ont commencé à lui demander ce qu’il comptait faire au sujet du financement et s’il comptait coopérer avec lui, sachant que cette coopération se poursuivait et que le TSL avait accès à toutes les informations sur tout le monde dans tous les départements officiels, même dans les universités et ce depuis 1992. La seule chose que le TSL n’arrive pas à faire c’est d’actualiser les informations en sa possession. C’est d’ailleurs ce qu’il ne cesse de réclamer.
Le 14 mars ne réclamait pas le financement parce qu’il veut le TSL. Aujourd’hui, je ne cesse d’ailleurs de me demander si ce camp est heureux ou mécontent du financement du TSL. En fait, il a ouverte dès le premier jour la bataille du financement pour coincer Mikati, car il sait parfaitement que le TSL restera en place avec ou sans le financement libanais. Il s’agissait donc pour ce camp d’un moyen de pression, ni plus ni moins. Ce camp sait aussi que son chef a renoncé au TSL pour rester au pouvoir.
Le 14 mars a donc commencé dès le premier jour à parler du financement du TSl. Ila même créé un climat confessionnel autour de cette confession. Même si personnellement je ne suis pas d’accord avec l’estimation de Négib Mikati à ce sujet. Car je suis convaincu que le poste officiel est une fonction nationale. Mais Mikati considérait que le climat sunnite était un problème pour lui. Mais c’est le 14 mars qui a créé ce climat, plaçant le Premier ministre dans la position du traître à la communauté sunnite s’il ne finance pas le TSL.
Nous avons démontré avec force indices, présomptions et preuves que ce tribunal est politisé, injuste qui complote et qui fait des fuites dans les médias. C’est un gouvernement américano-israélien qui vise la résistance et cherche à provoquer une guerre civile au Liban. Quelle est donc la logique qui veut que celui qui refuse de le financer devient un traître à la communauté sunnite ? Ils ont pourtant dit cela et y ont travaillé depuis des mois.
Le gouvernement est malgré tout resté en place et le camp adverse a dès le premier jour misé sur la question du financement pensant qu’elle allait le faire chuter et qu’il reviendrait ainsi au pouvoir. Sinon, si le gouvernement ne finance pas le TSL, le Premier ministre sera considéré comme un traître pour la communauté sunnite. Voilà les scénarios qu’ils avaient établis et qui tous tournaient autour du pouvoir.
Quelques jours avant la déclaration du Premier ministre sur le financement du TSL, une des têtes du 14 mars a estimé que la solution réside dans la formation d’un gouvernement de technocrates. A ce moment, ils n’avaient pas de vision claire et ils n’étaient pas prêts à trouver des solutions de rechange. Mais après avoir entendu les propos de Mikati, ils ont cru que le gouvernement allait sauter et la même tête a alors déclaré que la seule solution est la formation d’un gouvernement à cent pour cent du 14 mars. Comment a-t-il pu changer d’opinion en quelques jours ? En tout cas, ils attendaient ce moment…
J’en arrive au financement du TSL. Je voudrais être transparent en disant le pour et le contre au sujet de nos partenaires au sein du gouvernement.
Premièrement, dès la formation du gouvernement, nous n’avons jamais posé de conditions au Premier ministre Mikati, ni au sujet du financement, ni à celui du retrait des juges libanais. Il est donc faux de prétendre qu’il avait accepté nos conditions.
Deuxièmement, depuis le début, nous nous étions dit que nous devrions nous entendre sur la question et coopérer sur la base de la confiance mutuelle.
Troisièmement, selon notre évaluation des faits, nous pensons que le Premier ministre s’est mis lui-même dans une situation difficile, en s’engageant médiatiquement et politiquement, au cours de ses entretiens à verser la part du Liban dans le financement du TSL, indépendamment de la volonté de l’institution constitutionnelle qui est le Conseil des ministres au sein de laquelle il sait que la majorité des membres ne partagent pas cet avis. Dans ce contexte, nous avons le droit de faire des reproches au Premier ministre, car nous sommes partenaires. Ce dernier a aussi fait monter les enchères en annonçant sa volonté de démissionner si le gouvernement ne finance pas le TSL.
Nous sommes donc entrés dans une crise gouvernementale qui a coïncidé avec le retrait des ministres du bloc du Changement et de la Réforme, qui n’avait rien à voir avec le financement. Les positions de ce bloc au sujet du financement sont connues. Mais ils avaient d’autres remarques au sujet de l’action gouvernementale qui faisaient d’ailleurs l’objet d’un débat entre nous. Nous autres, nous appelions constamment au calme et à la patience, alors qu’ils estimaient que le temps était perdu. Leurs revendications sont justes, notamment concernant les nominations judiciaires, le dossier social, l’administration etc.
Nous nous trouvions donc devant une crise gouvernementale doublée d’une échéance grave. Si le Conseil des ministres rejetait le financement qui avait inscrit à l’ordre du jour de la réunion, cela signifiait que le Premier ministre allait démissionner. Ce qui avait poussé un bloc important au sein du Conseil des ministres à souhaiter démissionner avant lui. Il nous fallait donc réfléchir calmement.
Au sujet du TSL, nous continuons de penser que c’est un tribunal anticonstitutionnel et illégal, américano-israélien et il le restera jusqu’à preuve du contraire. Nous continuons de refuser toute forme de financement et de coopération. Si le conseil des ministres avait eu lieu, nous aurions voté contre le financement et c’est le cas de la majorité des membres du gouvernement. Si le sujet avait été soumis au Parlement et à la commission parlementaire des Finances, nous aurions aussi voté contre. Nous refusons que les sommes versées au TSL soient puisées dans les fonds des Libanais. J’avais d’ailleurs déclaré auparavant que si quelqu’un souhaitait financer le TSL, qu’il le fasse de sa poche, comme le problème des fonds de l’Unesco avait été réglé. Les Arabes et l’Occident ont de l’argent. Mais nous refusons que les fonds proviennent de l’argent du contribuable libanais et cela reste notre position.
Il faut aussi préciser qu’avec tout ce débat, nous avons maintenu le dialogue et la coopération avec le Premier ministre et les autres composantes du gouvernement, rappelant à chaque occasion notre souci de garder ce gouvernement, souhaitant rectifier le tir lorsqu’il le faut, dans l’intérêt général.
Je voudrais être franc. Le Premier ministre a pris une décision à sa propre responsabilité. IL a déclaré mercredi avoir utilisé ses prérogatives et nous avons appris par la suite qu’il s’est accordé une avance sur les fonds du Haut Comité de secours. Cette décision ne nécessité pas de revenir au Conseil des ministres ou au Parlement. Le fait de savoir s’il aura des dons pour rembourser cette dette reste un détail et nous le saurons par la suite.
Il considère avoir pris position, utilisé ses prérogatives et tenu ses engagements. Je ne sais pas à ce jour si cette démarche est constitutionnelle ou non. Des spécialistes doivent donner leur avis sur la question. Mais le Premier ministre a déclaré avoir pris cette décision pour protéger le Liban, car il est convaincu que si le gouvernement ne finance pas le TSL, il fera l’objet de sanctions et sera isolé, bref il est menacé de tous les malheurs possibles.
Il est toutefois étrange de penser que les Etats-Unis, la France, le Qatar, l’Arabie saoudite, la Turquie et la Syrie avaient préparé un accord qui annule tout le TSL et nous aurions été récompensés si nous l’avions accepté. Il ne s’agit donc pas d’une question de justice ou de tribunal. C’est une affaire politique : qui est au pouvoir et qui ne l’est pas.
Certains partagent la vision du Premier ministre mais nous pensons qu’on cherche à nous effrayer. Quoiqu’il en soit, le Premier ministre a pris sa décision, sans revenir aux institutions constitutionnelles dans lesquelles nous participons. Quelle est donc notre position ?
Par souci de la stabilité et de la survie du gouvernement, nous pensons ce qui suit :
Nous continuons de considérer que le TSL est anticonstitutionnel et illégal et nous continuons de refuser toute forme de coopération avec lui, mais nous ne ferons pas de problème et nous plaçons l’intérêt général au dessus de toutes les autres considérations, comme nous l’avions fait en rejetant l’accord préparé par les ministres turc et qatari. Il est logique et requis que l’avance prise des fonds du Haut comité de secours soit remboursée par des dons, non du Trésor. Si la question du remboursement est posée devant le Conseil des ministres oui au Parlement, nous voterons contre, quels que soient les conséquences de notre attitude. Il faut donc que le Premier ministre s’emploie à chercher des solutions. Il ne me reste plus dans ce cadre qu’à remercier les forces politiques qui se sont tenues à nos côtés dans notre refus du financement. Je ne vais les nommer par crainte d’en oublier. Je voudrais aussi remercier les blocs parlementaires, les ministres et tous ceux sur lesquels des pressions ont été exercées, les menaçant de les empêcher de voyager etc. Nous savons qu’une partie de leur position était dictée par leur conviction intime, mais l’autre était le fruit de leur loyauté à notre égard et à l’égard de la résistance.
Nous en sommes là et nous voulons tourner cette page. Nous ne voulons pas non plus faire des compromis et des transactions. Ce n’est pas dans nos habitudes. Nous n’en avons pas fait au sujet des faux témoins et des nominations. Nous aurions pu dire au Premier ministre : OK soumettez le projet du financement et faites-nous passer d’autres projets. Pour nous, c’est une question de principe. Il a donc pris sa décision, faisant plaisir à certains et de la peine à d’autres. Certains se voyaient déjà ministres … Voilà, nous en sommes là mais j’ai deux sujets à soumettre au Premier ministre et j’espère qu’il m’écoute.
D’abord, tout au long de ces derniers mois, il s’est toujours montré soucieux de justice, de la nation et de son sunnisme. Je lui demande donc sur la base de ces trois caractéristiques, à lui qui a été accusé à tort de former le gouvernement du Hezbollah, de rendre justice à des personnes victimes d’injustice, précisément les quatre généraux dont deux sont de confession sunnite. Le Premier ministre est donc appelé à inscrire à l’ordre du jour du conseil des ministres l’ouverture du dossier des faux témoins et son transfert devant la Cour de justice. S’ils e considérait devant une échéance cruciale avec le financement du TSL ? il est aussi devant un nouvel examen avec ce dossier.
En toute transparence, je vous dis que nous nous sommes tus sur ce dossier pour ne pas déranger le Premier ministre, face à toutes les pressions qui étaient exercées sur lui. Mais maintenant c’est fini, le TSL est financé. IL faut donc passer à autre chose. La justice et le sens national exige de rendre justice aux victimes d’injustices…
Le second sujet est qu’il est temps pour ce gouvernement d’être productif, qu’il cesse de miser sur les changements régionaux et qu’il ne reporte plus l’examen des dossiers. A ce sujet, je voudrais dire que toutes les revendications du bloc du Changement et de la Réforme sont justes, objectives et réalistes. Nous les appuyons totalement. Nous devons faire en sorte qu’elles soient réalisées dans les plus brefs délais.
Encore un dernier point. J’ai entendu récemment que si le Premier ministre a financé le TSL, cela signifie que le Hezbollah a reconnu la légalité de ce tribunal. Il ne lui reste donc plus qu’à remettre les suspects (qui à nos yeux sont des personnes victimes de diffamations) à la justice. Quelle est donc la logique de cette déduction. Quand nous étions enfants, on nous enseignait la logique et on nous disait qu’il faut un lien entre les deux introductions pour aboutir à une conclusion. On ne peut donc pas dire : le ciel est bleu et mon père a raison dans son conflit avec son voisin. C’est pourtant la logique suivie par le 14 mars. Le Premier ministre a d’ailleurs bien compris la question, puisqu’il a évité de soumettre la question du financement au conseil des ministres, en sachant qu’elle y serait rejetée ce qui le pousserait à démissionner. Car nous l’aurions refusé sans tenir compte des conséquences de notre décision. Le Premier ministre a donc contourné la question. Ila trouvé une issue conforme à ses convictions.
Nous espérons enfin que nous dépasserons cette crise qui n’est pas encore finie et que nous continuerons à travailler tous pour l’intérêt national, qui est à nos yeux, au-dessus de toute autre considération. C’est ce que nous apprenons constamment du sayed des martyrs Abi Abdallah al Hussein.
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