La Russie pointe du doigt Erdogan et sa famille dans la contrebande de pétrole de «Daech»

La Russie est passée mercredi aux attaques personnelles dans la crise qui l'oppose à la Turquie, en accusant directement le président Recep Tayyip Erdogan et sa famille de profiter de la contrebande de pétrole à laquelle se livre l'organisation terroriste «Daech» en Syrie. Ces nouvelles accusations interviennent plus d'une semaine après la destruction par l'aviation turque d'un bombardier russe au-dessus de la Syrie, un acte qui a provoqué une crise aiguë dans les relations entre les deux pays, autrefois partenaires privilégiés. La diplomatie russe a toutefois esquissé un premier signe de détente en acceptant mercredi l'idée d'une rencontre avec les Turcs dans les prochains jours à Belgrade.
«Le principal consommateur de ce pétrole volé à ses propriétaires légitimes, la Syrie et l'Irak, s'avère être la Turquie», a accusé mercredi le vice-ministre russe de la Défense, Anatoli Antonov lors d’un point presse dédié aux découvertes des forces anti-terroristes russes. «La classe dirigeante politique, dont le président Erdogan et sa famille, est impliquée dans ce commerce illégal», a poursuivi le responsable russe, ajoutant que «le cynisme du gouvernement turc est sans limite».
«Vous ne vous posez pas de questions sur le fait que le fils du président turc s'avère être le dirigeant d'une des principales compagnies énergétiques et que son beau-fils a été nommé ministre de l'Energie? Quelle merveilleuse entreprise familiale!», a-t-il commenté en référence au gendre de M. Erdogan, Berat Albayrak, 37 ans, qui a longtemps dirigé le groupe Calik Holding, spécialisé dans l'énergie, et l'un de ses fils, Bilal, à la tête d'un groupe de travaux publics et de transport maritime.
M. Erdogan n'a pas tardé à réagir, menaçant Moscou de mesures de représailles si Moscou continuait à «propager des calomnies». Il a répété qu'il démissionnerait immédiatement si les accusations russes étaient prouvées.
De même, le ministère de la Défense a présenté des images précises des trois itinéraires utilisés par les terroristes pour écouler le pétrole qu’ils vendent en toute illégalité.
La coalition ne bombarde pas les endroits où les terroristes stockent le pétrole
«La vente de pétrole irakien et syrien rapporte chaque année deux milliards de dollars aux terroristes. Grâce à 3 220 unités techniques, les terroristes peuvent produire chaque jour jusqu’à 200 000 barils de pétrole, qu’on transporte facilement vers la frontière par les trois itinéraires contrôlées par les combattants du Front Al-Nosra [...] Après la traversée de la frontière entre la Syrie et la Turquie, les camions citernes de Daech vont dans les ports d’où le pétrole est acheminé directement dans les pays tiers», a déclaré Alexey Antonov, vice-ministre russe de la Défense.
Antonov a accusé la coalition menée par les Etats-Unis de ne pas bombarder les endroits où les terroristes stockent le pétrole. «Elle ne fait qu’augmenter son arsenal», a-t-il ajouté.
«En deux mois de bombardements aériens, la Russie a touché 32 usines, 11 raffineries, 23 stations de pompage de pétrole, 1 080 camions citernes de Daech et s’apprête à poursuivre son opération contre le terrorisme», a-t-il précisé.
«Le revenu des terroristes a atteint jusqu’à trois millions de dollars par jour. Deux mois après le début de l’offensive russe en Syrie, leur revenu est retombé à 1,5 millions de dollars par jour», a conclu le représentant du ministère à la fin de la conférence de presse, appelant les forces de la coalition à entamer aussi la lutte contre la contrebande de pétrole.
Toutefois, cette guerre des mots avait semblé se calmer mercredi lorsque le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a annoncé une rencontre avec son homologue turc Mevlüt Cavusoglu, premier entretien entre hauts responsables des deux pays depuis le début de la crise.
«Nous n'allons pas nous dérober et nous écouterons ce que Mevlüt Cavusoglu a à dire. Peut-être qu'il y aura quelque chose de nouveau qui n'a pas déjà été dit publiquement», a déclaré M. Lavrov lors d'une conférence de presse à Nicosie.
Cette rencontre devrait se tenir en marge du conseil des ministres de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), qui se déroule à Belgrade le 3 et 4 décembre.
Jusqu'à présent, les hauts responsables russes ont refusé tout contact avec leurs homologues turcs. Vladimir Poutine, après avoir refusé de prendre les appels du président turc, l'avait soigneusement évité lors de la COP21 à Paris.
Les autorités russes exigent sans succès des excuses officielles d'Ankara. M. Erdogan a réaffirmé mercredi que la Turquie adoptera une «approche mesurée» face aux réactions «émotionnelles» de Moscou.
La Russie a décrété en représailles à la destruction de son avion une série de sanctions économiques passant notamment par un embargo sur des produits alimentaires venant de Turquie, des restrictions dans le secteur touristique et le rétablissement des visas pour les Turcs. Les mesures de rétorsion contre les Turcs vivant et travaillant en Russie se sont également multipliées.
Source : agences et rédaction

