Lynchage de 4 chiites: l’Egypte choquée, Morsi en accusation
Après le lynchage de quatre chiites, dimanche près du Caire, le président Morsi, issu des Frères musulmans, est accusé d'entretenir la haine confessionnelle. L'opposition a lancé une campagne pour réclamer sa démission. L'armée a menacé d'intervenir.
Le président égyptien Mohammed Morsi a promis que «justice serait faite rapidement» après le lynchage, dimanche près du Caire, de quatre chiites par une foule salafiste déchaînée. Ces
nouvelles violences nourrissent les accusations de l'opposition qui considère que le président, issu des Frères musulmans, encourage la haine confessionnelle en s'alliant avec les éléments les plus radicaux.
Dimanche à Zaouiyat Abou Moussallem, à 30 kilomètres au sud du Caire, non loin des célèbres pyramides de Gizeh, une foule en colère a saccagé et incendié la maison d'une famille chiite à laquelle un dignitaire religieux venait de rendre visite à l’occasion de mi-Chaabane (l’anniversaire de l’Imam Mehdi, le 12e imam).
Cheikh Hassan Shehata, son frère et deux autres hommes ont été tués. Shehata était une figure importante de la petite communauté chiite égyptienne. Il avait été emprisonné à plusieurs reprises sous le régime de l'ex-président Hosni Moubarak.
Les assaillants criaient «Infidèles!», a raconté une femme qui a survécu à l'attaque, accusant la police de n'avoir rien fait pour empêcher les crimes. «Les salafistes et les Frères musulmans, ce sont eux qui nous ont attaqués», a-t-elle dit.
Passivité des forces de l'ordre!
Des vidéos, postées sur internet par des militants des droits de l'homme, montrent la foule traînant les victimes hors d'une maison, et les frappants à mort avec des bâtons aux cris d’«infidèles!» et de «Dieu est grand!». Puis ces assaillants ont tiré dans la rue le corps ensanglanté d'une victime, une corde autour du cou, sous les yeux de dizaines de témoins.
Dans une autre séquence, on aperçoit clairement des policiers en tenue anti-émeute qui n'ont pas empêché les meurtres malgré les cris des femmes présentes.
Les chiites sont minoritaires en Égypte, représentant environ 1 % de la population majoritairement sunnite, les chrétiens représentant environ 10 %.
Selon l'AFP, quelques habitants salafistes d'Abou Moussallam se disaient lundi «fiers» d'avoir massacré les quatre hommes.
«Nous sommes contents de ce qui s'est passé. Ça aurait dû arriver depuis longtemps», a dit à
l'AFP un habitant radical du village, Mohammed Ismaïl, recueillant l'approbation autour de lui.
L'Egypte choquée
Dans cette ambiance délétère, de nombreux Égyptiens redoutent que ce massacre préfigure de futures violences.
Comment en est-on arrivé là? Une question que se posent la plupart des Égyptiens. Ils ont été surtout choqués par le fait que la foule qui lynche les Égyptiens chiites fête le massacre comme une victoire religieuse au cri d’«Allah Akbar».
Pour les oulémas de la grande mosquée d’al Azhar comme pour les hommes politiques laïcs «cet acte de barbarie est le résultat d’un discours de haine». Un discours diffusé sur les chaînes de télévision extrémistes mais aussi lors d’une réunion au stade du Caire tenue en présence du président Morsi ainsi que lors de la manifestation des Frères musulmans vendredi.
Un discours qui n’était pas uniquement dirigé contre les chiites, mais surtout contre l’opposition qui réclame le départ du président Morsi. Aujourd’hui les victimes sont des citoyens chiites, demain ce sera le tour des socialistes, des communistes des laïcs et même des musulmans modérés, estime l’opposition. Quant aux chrétiens, ils craignent d’être une cible privilégiée.
Cette division de l'Égypte en deux clans, apparemment irréconciliables, pourrait entraîner une intervention de l'armée. Les militaires, qui avaient facilité le renversement du dictateur Hosni Moubarak, ont averti dimanche qu'ils pourraient rétablir l'ordre le cas échéant.
Appel à la démission de Morsi
Le massacre s'est, en outre, produit au moment où l'Égypte risque de basculer. Plusieurs partis d'opposition, réunis pour la circonstance, demandent désormais la démission du président. La campagne, appelée «Tamarod» (Rébellion) lancée par les partis libéraux, conservateurs laïques
et chrétiens, doit culminer dimanche avec un grand rassemblement devant le palais présidentiel, à l'occasion de l'anniversaire de l'intronisation de Mohammed Morsi.
Les lynchages ne se sont pas produits par hasard, disent les opposants au président Morsi. De fait, ce dernier «ne semble pas faire grand-chose pour lutter contre les prêcheurs salafistes», alliés de fait du pouvoir, ajoutent-ils.
Mohammed Morsi s'est défendu en condamnant, lundi, «ce crime odieux en contradiction avec l'esprit de tolérance et de respect du peuple égyptien». Sans convaincre ses opposants, ni apaiser les tensions grandissantes en Égypte.
Dans un communiqué, le gouvernement du Premier ministre Hicham Kandil a également condamné «fermement» cette «terrible» attaque, promettant «une punition exemplaire et dissuasive» aux responsables du lynchage.
Source: agences et rédaction