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Sayed Nasrallah : Il n’y a pas de projet pour créer une extension chiite dans la région

Sayed Nasrallah : Il n’y a pas de projet pour créer une extension chiite dans la région
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Discours du secrétaire général du Hezbollah à l’occasion de la naissance du Prophète et de la semaine de l’unité islamique.

Je voudrais commencer par présenter mes félicitations pour tous les musulmans (…) Le Prophète a réussi à fonder une oumma croyante et dotée de valeurs morales, une oumma ayant une civilisation qui a réussi à entrer dans l’Histoire par la grande porte pendant des décennies, une oumma qui a toujours sa présence et son influence dans le monde. Cette oumma compte aujourd’hui un milliard et deux cents millions de musulmans. Le miracle réussi par le Prophète doit être renouvelé aujourd’hui pour redonner de l’élan à la oumma. D’ailleurs, le Coran est à lui seul un miracle et il a traversé les siècles et continue à être sur les lèvres des Croyants. En dépit des développements culturels, philosophiques et civilisationnels, on n’a rien réussi de mieux que ce Livre. Et c’est le vrai défi. Une grande réalisation divine a aussi été de préserver ce Livre à travers les années et l’Histoire pour qu’il arrive jusqu’à nous inchangé. Chers frères et sœurs, l’essence de ce Livre et de la religion islamique est l’appel à l’unité. C’est ainsi que j’en arrive à un des principaux titres de ce discours, celui de l’unité islamique en appelant d’abord, en ces temps de crises et de discorde à la nécessité de vérifier les informations et les faits.

Nous sommes aujourd’hui à une époque où tout ce qui se dit dans la presse ne doit pas être pris pour argent comptant. Au contraire, il faut vérifier les informations. Nous vivons une période étrange où l’on attribue à des leaders des déclarations infondées et sur lesquelles on bâtit ensuite des prises de position. Des faits sont inventés et si l’on voulait démentir tous les mensonges fabriqués dans les médias on ne ferait rien d’autre dans la journée.

Avant d’adopter une position, il faut s’assurer des faits et des données et ne pas se laisser influencer par les mensonges, les diffamations, les rumeurs et les menaces servies par les plus grandes institutions d’opinions publiques dans le monde. C’est d’ailleurs un des aspects les dangereux de toutes les guerres. Gardez cela à l’esprit. Nombreux sont ceux qui ont œuvré en faveur de l’unité islamique au cours des ans, mais celle-ci a connu indéniablement un nouvel élan depuis l’avènement de la révolution islamique menée par l’imam Khomeiny en Iran. Le projet de l’unité islamique n’a jamais consisté dans la fonte de toutes les confessions musulmanes dans une seule. Certes, il existe plusieurs confessions dans l’islam, mais les principales sont le sunnisme et le chiisme. Or, dans le projet d’unité, il n’est pas question et ne l’a jamais été, que les sunnites deviennent chiites ou vice-versa. Tout ce qui dit le contraire vise à la discorde et à l’incitation confessionnelle et est dénué de tout fondement. Le projet d’unité vise à rapprocher les musulmans que la politique, les colonisateurs et les dirigeants ont poussés vers la discorde et la division au cours des siècles derniers. Il s’agit de les pousser à dialoguer et à rechercher leurs grands intérêts au-delà des détails. Il n’est donc pas question qu’une confession fasse des concessions théologiques à l’autre. D’ailleurs, il n’y a pas de conflit véritable sur la théologie. Je dirais même plus : c’est dans l’intérêt des musulmans et dans celui des chrétiens et de tous les habitants de l’Orient que ceux qui suivent le Prophète Mohammed se rapprochent et coopèrent entre eux.

Il est certain que ceux qui ne veulent pas que cet objectif soit atteint sont nombreux, sur la base de la règle qui se résume ainsi : diviser pour régner. Pour parler en termes modernes, l’occupation américano-israélienne de la région n’aurait pas été possible sans cette division et pour cette raison, ainsi que pour le contrôle des ressources naturelles de la région, il faut maintenir cette division, voire l’aiguiser. D’ailleurs, sans les Etats-Unis et l’Occident, "Israël" n’aurait pas été créé et n’aurait pas pu survivre. Pour que l’hégémonie américano-israélienne sur la région puisse persister, il faut que celle-ci soit divisée. D’ailleurs tout projet hégémonique est basé sur ce principe. C’est pourquoi, si notre oumma s’unifie, élimine les conflits entre ses membres, elle retrouve sa souveraineté, sa libre décision et ses ressources, mettant en échec les grandes compagnies qui contrôlent les décisions politiques dans le monde. Au cours des dernières décennies, des événements dangereux se sont produits pour empêcher la oumma de s’unifier et de relever les défis, alors qu’elle aurait dû le faire pour affronter les menaces qui pèsent sur elle.

Puisque nous célébrons l’anniversaire de la révolution islamique en Iran, rappelons-nous la guerre qui a été menée sur cette jeune République. Quel était son tort ? Elle avait fait chuter le régime du shah, inféodé aux Etats-Unis et à "Israël". Pourtant, sur le plan confessionnel, Mohamed Reza Pahlavi était chiite et il avait pourtant l’appui des Etats-Unis car pour ceux-ci, le problème n’a jamais été une question de confession, mais bien d’allégeance politique.

La République islamique a donc fait chuter le régime du shah inféodé aux Etats-Unis et à "Israël", rétablissant une sorte d’équilibre dans la région, après la défection de l’Egypte, via les accords de Camp David. Une guerre a donc été lancée contre elle. La guerre menée contre l’Iran et qui a duré 8 ans était appuyée par les Etats-Unis et l’Occident.

Sur le plan arabe, cette guerre était aussi appuyée par la plupart de ces pays. Certains pays arabes riches ont versé des milliards de dollars pour financer cette guerre, alors que les Palestiniens qui meurent de faim à l’intérieur et qui sont dispersés dans des camps de réfugiés à l’extérieur sont privés de tels milliards. De même que la résistance palestinienne qui veut légitimement retrouver sa terre est aussi privée de tels fonds. Des milliards ont donc été dépensés pour financer une guerre contre une jeune république musulmane qui brandit la cause palestinienne et appelle à marcher vers Jérusalem… Cette guerre a eu de graves répercussions sur le projet d’unification de la région et sur l’unité de la oumma. Après l’échec de la tentative d’en finir avec la République islamique d’Iran, ils ont commencé à chercher d’autres moyens d’éviter tout rapprochement entre les membres de la oumma, alors que leurs points communs sur le plan religieux, spirituel, idéologique, politique et de civilisation sont plus nombreux que les points qui les séparent. Tous les peuples du monde islamique veulent la dignité et la stabilité, veulent des régimes issus de leurs volontés, capables d’exploiter les ressources des pays en faveur des populations où la pauvreté reste grande ainsi que l’illettrisme et la maladie. Au cœur de cette oumma, il y a aussi la Palestine et les Palestiniens qui insultent chaque jour cette oumma d’un milliard et deux cents millions de musulmans qu’on cherche jour et nuit à empêcher de s’unir.
Après l’échec de la guerre, ils ont donc eu recours à la discorde entre sunnites et chiites et à ce qu’ils ont appelé l’extension iranienne et chiite. 

Je voudrais ici donner quelques chiffres en toute franchise. Car ce sujet fait la une des médias, internet compris, et il représente la guerre douce menée par les Etats-Unis contre la oumma. Quelle est l’accusation ? Je me fonde ici sur les propos de l’imam Khaménéi dans son dernier discours. L’Iran –et avec elle le Hezbollah- est donc accusée de vouloir créer une extension chiite dans le monde musulman. Regardez cette logique. Quel est donc le nombre des chiites et des sunnites dans le monde ? Il n’y a pas de statistiques précises. Mais les chiites représentent entre 8 et 20% des musulmans et l’Iran est incluse dans ces proportions. L’Iran veut donc chiiser près d’un milliard de sunnites ! Prenez peur ulémas, Etats et armées sunnites, défendez-vous et protégez-vous contre la marée chiite...Cette crainte n’a aucun fondement ni aucune logique. Elle est créée et attisée par le diable. J’évoquerai plus loin l’influence politique iranienne. Mais sur le plan religieux, l’extension chiite n’a aucun fondement. Je suis contraint de donner quelques exemples et d’entrer dans les détails.

J’ai ainsi rencontré d’importantes personnalités égyptiennes qui croient ferme à la volonté de l’Iran, avec l’aide du Hezbollah, de chiiser l’Egypte. Ces personnalités affirment que désormais 5 millions d’Egyptiens ont été convertis au chiisme. Imaginez un tel chiffre. J’ai répondu : indiquez-nous où ils sont pour que nous établissions un contact avec eux. Même s’il n’y en a que dix milles montrez-les nous, faites une liste de leurs noms. Malheureusement, des personnalités importantes et même des autorités religieuses que nous respectons en Egypte croient de telles rumeurs, sans chercher à les vérifier. Je vous le dis : nous voulons affronter l’expansion chiite en Egypte. Mais où est-elle ? L’Iran est-elle en mesure d’agir en Egypte ? Un exemple encore plus ridicule se déroule en Syrie. Ici, je ne veux pas parler d’internet. Je parle en tant que personne ouverte qui a des contacts avec des autorités religieuses et entame avec elles des débats. L’une d’elles m’a justement dit qu’il y avait un vaste courant de chiisation en Syrie. Le régime de Bachar Assad est accusé d’appuyer ce courant. Jusqu’à maintenant, il y aurait eu Six millions de personnes converties au chiisme en Syrie. Nous sommes loin de l’Egypte, la Syrie, elle, est toute proche. Les familles et les gens se connaissent, alors imaginez un peu ! Six millions de chiites ! Le conseiller de l’un des rois du monde arabe m’a dit que des rapports sont parvenus à plusieurs rois et dirigeants arabes en leur demandant de voler au secours des sunnites en Syrie, face au courant de chiisation qui les menace. Je me suis rendu à cette époque en Syrie (c’était il y a quelques années) et j’ai demandé à mes interlocuteurs, même les responsables sécuritaires, de m’indiquer où se trouvent ces chiites convertis. Finalement, ils en ont trouvé 33, des cas individuels, des jeunes sunnites se sont convertis au chiisme, tout comme des jeunes chiites se sont convertis au sunnisme. Mais il n’y a aucune trace d’un mouvement de conversion au chiisme.

Même au Liban, la rumeur a couru pendant deux ou trois mois. Malheureusement, les rivalités politiques dans ce pays ont cultivé cette question, et on a commencé à dire que le Hezbollah est en train de convertir les sunnites au chiisme au Akkar et à Denniyé. Vous vous en souvenez, c’était il y a quelques années. Nous disons que ce sont des propos ridicules. Malheureusement, il y a des autorités reconnues dans le monde arabe qui croient ferme que depuis 33 ans qu’existe la République islamique d’Iran, 50 millions de sunnites se sont convertis au chiisme. Où sont-ils ? Peu importe, mais certaines parties travaillent sur cette peur. Je vous le dis aujourd’hui, nous les descendants de Ali ben Abi Taleb, nous sommes convaincus que tous ceux qui suivent d’autres courants islamiques sont des musulmans et chaque musulman a l’entière liberté de suivre la confession de son choix.  Et nous, pour reprendre les termes de l’imam Khaménéi, nous n’avons aucun projet de chiiser les sunnites, ni même un seul d’entre eux. Ce n’est pas notre objectif et nous ne déployons aucun effort dans ce sens. Il y a peut-être chez les chiites un petit groupe ou une organisation porteurs d’un tel projet, tout comme il existe chez les sunnites certains groupes qui veulent convertir au sunnisme les chiites, mais il n’y a pas de projet généralisé, en tout cas il n’y a rien de tel chez la République islamique d’Iran, ni chez l’imam Khaménéi, ni chez le Hezbollah. Je le dis clairement car je souhaite convaincre tous nos amis et frères sunnites pour éviter que ceux qui veulent semer la discorde jouent sur cette fibre. Je précise aussi que dans nos camps d’entraînement, nous avons entrainé de nombreux résistants palestiniens et je disais à mes frères les entraineurs ; vous entrainez des combattants pour la résistance. Vous n’avez rien à voir avec leur idéologie, leur culture et vous n’avez pas à ouvrir avec eux le moindre débat confessionnel ou religieux.

J’en arrive au sujet de l’unité nationale au Liban et je voudrais parler en toute franchise. Nous sommes convaincus et nous acceptons le fait que le Liban soit un pays divers et multiple. Dans le temps, une réserve était émise au sujet du pluralisme. Mais moi je dis que ce pays est diversifié et pluraliste, le terme m’importe peu. Si je suis musulman sur le plan religieux, spirituel et idéologique, cela ne signifie absolument pas que je n’ai pas d’autre choix que celui de fonder une République islamique au Liban. Autrement dit, pour moi, ce serait la République islamique ou le chaos ? C’est faux. En réalité, la grandeur, la souplesse et le dynamisme de l’islam fait qu’il prend en considération la situation particulière des musulmans dans chaque pays et leur donne les orientations qui leur conviennent. La situation n’est donc pas figée. Nous, au Liban, nous sommes fiers de notre appartenance à l’islam, sur le plan idéologique et religieux, mais nous croyons à un Etat national qui assure la participation de toutes les parties ainsi que leur représentation. Nous voulons un Etat qui protège tout le monde, qui assure la stabilité, la sécurité, la justice et la dignité à tous ses fils. Il ne s’agit pas de propos politiques. Ils émanent de nos convictions religieuses et ils ne reflètent nullement une tactique politique. D’ailleurs, je voudrais dire que nous, au Hezbollah, nous sommes un mouvement islamique, aurions-nous pu participer aux élections législatives, si ce n’était pas autorisé sur le plan religieux ? Aurions-nous participé au gouvernement s’il n’y avait pas un fondement religieux ? Nos grands ulémas, l’imam Abdel Hussein Charafeddine, l’imam Mohsen el Amine, l’imam Moussa Sadr, les grands défunts sayed Mohammed Hussein Fadlallah et Mohammed Mehdi Chamseddine ont tous défendu cette idée.

Pourrais-je personnellement faire quelque chose qui serait en contradiction avec notre religion ? Le guide spirituel du Hezbollah et les frères au sein du mouvement pourraient-ils le faire ? Il s’agit d’une position théorique et théologique. C’est un choix religieux et islamique. Il faut donc régler cette question une fois pour toutes. Notre appartenance à une religion, chrétienne ou musulmane, ne nous empêche pas de bâtir un Etat pour tous et de composer une société unie, solidaire, où toutes les composantes coopèrent entre elles. Pour nous, il s’agit de fondements religieux et c’est une question de foi.

Toutefois, certaines parties ne veulent pas d’une unité entre les fils de cette société. Elles veulent qu’il y ait des conflits entre les chrétiens et les musulmans et entre les sunnites et les chiites et elles cherchent à pousser les chrétiens à avoir peur des musulmans, revenant à des slogans lancés dans les années 1982 et 1983 et qui appelaient à la formation d’un Etat islamique.

C’est vrai que dans ces années-là, certains frères (dont moi), avions parlé de l’Etat islamique. Mais je voudrais en finir avec ce sujet, car il continue à être utilisé dans les médias et sur internet. Mais je voudrais aussi rappeler à ceux qui brandissent ce slogan que les leaders chrétiens qui aujourd’hui parlent de démocratie, de coexistence pacifique entre chrétiens et musulmans, d’Etat civil, parlaient à l’époque de foyer national chrétien, de partition et de fédération. Je vais vous en dire plus. Nous étions jeunes à l’époque, j’avais 23, 24 ou 25 ans. Aujourd’hui, nous commençons à avoir des cheveux blancs, nous nous sommes intégrés à la réalité libanaise, nous avons fait une révision de nos positions et nous avons publié des documents à ce sujet. Depuis plus de 20 ans, le discours du Hezbollah est clair. Le Hezbollah ne tient pas son discours par crainte de qui que ce soit. Il exprime ses convictions et il estime que c’est là l’intérêt des chrétiens et des musulmans et l’intérêt du pays.

Je vais maintenant passer au sujet qui concerne l’Iran et la résistance, ainsi que la Syrie. S’il me reste du temps, je parlerai de la situation au Liban en quelques mots. De toute façon, nous nous retrouverons le 16 février.

Je me base sur les propos de l’imam Khamanéi dans son dernier discours dans lesquels il avait dit clairement que la République islamique d’Iran aide les mouvements de résistance au Liban et en Palestine et nous ne voulons rien en contrepartie car nous appliquons nos convictions religieuses.

Je vais parler du Hezbollah. Oui,  nous recevons un appui moral, politique et matériel sous toutes ses formes possibles de la part de la République islamique d’Iran depuis 1982. Dans le passé, nous disions la moitié de cette réalité, reconnaissant l’appui moral et politique. Mais nous restions réservés sur l’appui matériel et militaire par égard pour nos frères en Iran. Aujourd’hui qu’ils l’ont dit eux-mêmes, nous pouvons le reconnaître clairement et je veux dire plus. Cet appui militaire et matériel est une fierté pour l’Iran car cette résistance au Liban a enregistré la plus importante et la plus claire victoire arabe sur Israël le 25 mai 2000 et cette victoire n’aurait pas été possible sans son appui moral, politique et matériel.

Ecoutez-moi bien : la première grande victoire arabe sans la moindre contrepartie pour l’ennemi a été réalisée grâce à l’appui iranien. De même, la résistance n’aurait pas tenu pendant la guerre de juillet 2006 sans l’appui de l’Iran. Le mouvement de résistance en Palestine est libre de parler de sa propre expérience. En ce qui me concerne, je peux parler du Hezbollah et le premier résultat est qu’il faut être reconnaissant à la République islamique, commandement et peuple, à l’imam Khomeiny et à l’imam Khamanéi qui se sont tenus et se tiennent aux côtés du Liban et de la Palestine. D’autant que l’Iran subit actuellement des sanctions, alors que ses fonds sont gelés. Alors que si elle accepte de renoncer à appuyer la Palestine, tous les problèmes seront résolus. Est-ce donc le souci de la démocratie qui motive l’action des Etats-Unis ? Comme si chez les autres, la démocratie régnait…Non, le souci des Etats-Unis dans la région  est Israël et le pétrole. Pardonnez à Israël et vendez-nous du pétrole et vous êtes les bienvenus. Peu importe pour les Etats-Unis si le souverain porte une couronne ou un turban. Ce qui compte pour eux, c’est son allégeance politique. Je voudrais donc remercier la République islamique d’Iran. Dans la foulée, je voudrais ici parler de ce qui se dit dans la presse internationale et une partie de la presse libanaise qui nous est hostile et qui ne nous trouve jamais la moindre qualité. Cette presse évoque donc régulièrement des réseaux de drogue en Amérique latine, en Europe de l’Est et en Afrique, accusant le Hezbollah de diriger ces réseaux pour financer ses actions avec des millions de dollars. Je voudrais donc dire que le commerce de la drogue est interdit dans notre religion, sous toutes ses formes. Ensuite, grâce à l’appui de la République islamique, nous n’avons besoin de personne. Nous n’avons pas besoin de faire le trafic de la drogue ou de blanchir de l’argent. Si des individus le font, demandez-leur des comptes. Mais pour nous, c’est une affaire interdite. Je vais même en dire plus : nous n’avons pas un projet commercial ni au Liban ni à l’étranger. Nous ne déposons pas notre argent entre les mains d’un agent et nous ne prenons pas des intérêts. Il y a quelques années, nous avions des difficultés et nous avions créé des projets commerciaux, mais c’est fini maintenant. Nous les avons tous liquidés. Si quelqu’un vous dit que ce projet appartient au Hezbollah, vous ne devez donc pas le croire. C’est que ce projet lui appartient en propre et non au mouvement, même si lui en est membre.

Pour conclure ce volet financier, je vais évoquer les dons. Il y a un an, j’ai reçu une délégation du comité de soutien à la résistance et je leur ai dit : je ne veux pas que vous frappiez aux portes des gens ni que vous tendiez la main devant qui que ce soit. Nous avons suffisamment d suffisamment d’argent et d’armes pour accomplir notre devoir. Mais il faut garder ce comité pour ouvrir la porte à ceux qui souhaitent nous aider. Il existe chez nous le concept de jihad financier qui a des connotations culturelles et spirituelles. Pensez-vous que ce que nous récoltons en guise de dons suffiraient aux dépenses de la résistance pour une seule semaine, même sans guerre ? Je suis donc transparent en matière de finances et très clair aussi. Toute accusation à ce sujet est dénuée de tout fondement. Nous sommes riches dans le sens que nous avons de quoi suffire à nos besoins. Mais qu’on ne nous dise pas de résoudre les problèmes financiers des autres ou du pays. Cela relève de la responsabilité de l’Etat. Nous autres, nous avons de quoi accomplir notre devoir de résistance qui consiste à défendre le Liban et la dignité des Libanais, sans avoir recours à des procédés condamnés par la religion.
Je voudrais dire pour la vérité et en toute honnêteté vis-à-vis des hommes et de Dieu que l’Iran nous aide sans la moindre contrepartie. Depuis 1982 à nos jours, certains parlent des directives iraniennes au Hezbollah. Mais moi je dis : c’est faux. Cette question avait été évoquée à la table du dialogue sous la présidence du frère Nabih Berry. J’avais alors répondu que l’on me donne un seul exemple qui montre que nous exécutons les directives iraniennes. Nul ne l’a fait, car il n’y a pas d’exemple à ce sujet. Au bout d’une demi-heure, quelqu’un a parlé de l’affaire des otages. J’ai alors dit que cette affaire était liée à la détention de prisonniers libanais, non aux intérêts de l’Iran. Au sujet de l’affaire de la TWA, Nabih Berry est intervenu pour dire qu’il avait fait une médiation à ce sujet et qu’il avait ainsi réussi à obtenir la libération des détenus à Atlit ou Ansar. L’Iran n’y avait donc rien à voir. Je le répète donc aujourd’hui et je défie quiconque de trouver un seul cas où nous avons exécuté les diktats de l’Iran et agi pour servir ses intérêts. Vous pouvez aussi poser la question aux autres mouvements de résistance qui reçoivent de l’aide de l’Iran.        

Il est question aujourd’hui d’une attaque israélienne contre les installations nucléaires iraniennes et on se demande ce que fera le Hezbollah. Ce jour-là, je vous le dis, mais j’en parlerai plus longuement le 16. Si ce jour-là arrive –ce qui me paraît éloigné- l’Iran et l’imam Khamanéi ne demanderont rien au Hezbollah. C’est nous qui devrons réfléchir et décider de ce que nous voudrions faire. Tous les fils de la résistance, tous ceux qui appuient la résistance dans la région doivent remercier l’Iran et son commandement pour le soutien qu’ils apportent à ces mouvements.

J’en arrive au dossier syrien, d’autant que de nombreuses menaces pèsent sur nous à ce sujet. Je voudrais répéter ce que j’ai déjà dit : ni les menaces ni les projections catastrophiques ne nous feront changer d’avis, car notre opinion se fonde sur une vision. Discuter avec nous sur la base de la logique et des données. Mais si vous voulez jouer sur nos nerfs et nos sentiments, vous perdez votre temps.

Parlons donc avec logique et examinons les données en songeant aux intérêts des peuples de notre oumma. Je reviens à ce que j’avais dit au début au sujet de la nécessité de vérifier les données. J’en parle parce que je suis concernée. Il y a quelque temps, une des chaînes satellitaires a diffusé en boucle une information selon laquelle le Hezbollah bombarde Zabadani avec des katiouchas. Le premier jour, il n’y avait pas de confirmation. Mais le lendemain, l’information est devenue : le Hezbollah bombarde et les éléments de l’opposition ripostent. Les cadavres des combattants du Hezbollah jonchent les rues.

Même chose le jour de la réunion du Conseil de sécurité. Les médias affirment que Homs est un brasier. Le nombre de morts ne cesse de grimper. 39 immeubles se sont effondrés sur leurs habitants. Certes, le Hezbollah a une position claire depuis le début des événements de Syrie. Mais les images diffusées ce jour-là ne laissent personne indifférent. Jusqu’au moment où nous avons contacté des amis et des frères qui n’ont rien à voir avec le régime à Homs. Naturellement, les faits annoncés étaient démesurément amplifiés, à un timing sciemment voulu pour émouvoir le monde entier. Les médias sont aussi au service d’un plan visant à jouer sur les émotions des téléspectateurs pour atteindre des objectifs par des moyens malhonnêtes.

On pourrait multiplier les exemples à ce sujet. Et si quelqu’un tente de rectifier la donne, il est accusé d’être avec le régime. On parle du nombre de morts, sans préciser s’ils appartiennent aux forces de l’ordre ou aux opposants, ou encore aux simples civils. Le but recherché est de pousser l’opinion publique à prendre position en la noyant dans les détails. Moi je dis à ceux qui m’entendent qu’il ne faut pas se noyer dans les détails au point de perdre la vue générale sur ce qui se passe. Dans le détail, des erreurs sont sans doute commises. Nul n’est à l’abri de l’erreur. Mais dans la grande image, il y a le faux et le vrai. Il y a la Syrie et la Palestine et l’intérêt de la oumma. Une fois ceci remis en tête, on peut chercher à corriger les erreurs.

Allons donc vers la grande image. En Syrie aujourd’hui, le régime est encore en place, avec l’appareil de l’Etat et ses institutions, avec l’armée (même s’il y a eu quelques désertions dont le chiffre reste peu important, selon mes informations) et l’appui d’une grande partie de la population qui exprime son opinion dans les rues et dans les  sondages d’opinion. Ce régime n’est donc pas isolé ni coupé de son peuple. Bien qu’un quotidien libanais ait écrit lorsque les Syriens sont descendus dans la rue place des Omeyyades pour appuyer le régime que ces manifestants ont été amenés du Liban. Le quotidien parlait bien sûr de nous. Imaginez donc des dizaines de milliers de gens traversant la frontière du Liban vers la Syrie dans des bus. Cela en fait du monde et nul n’a rien vu ? Nul ne les a photographiés ? La vérité est qu’une partie de la population continue d’appuyer le régime.
L’autre donnée c’est qu’il y a une opposition en partie politique, en partie populaire et en partie armée. Même si ces derniers temps, l’opposition militaire est en train de prendre le pas sur les autres.

Troisième donnée, il y a des affrontements dans certaines régions de Syrie, alors qu’une grande partie de la Syrie est calme.
Hors de Syrie, quelqu’un peut-il nier le fait qu’il y a une décision américano-occidentalo-israélien avec l’appui des Etats arabes modérés pour faire chuter le régime syrien ? Cette réalité, nous la voyons tous les jours, au Conseil de sécurité et ailleurs.
Il y a quelques jours, un fonctionnaire du ministère de la Guerre israélien a écrit une analyse dans laquelle il avait l’air de défendre le régime syrien. Tout le 14 mars en a parlé, dans tous ses médias, allant jusqu’à dire qu’il existe un front israélo-assdo-hezbollah face au monde entier. Cela fait partie de la désinformation. Car, depuis, il est apparu clairement qu’il existe presque une unanimité en "Israël" pour faire chuter le régime syrien. C’est la réalité et le 14 mars se garde bien de la commenter. La décision est aussi bien occidentale qu’israélienne et qu’arabe, au niveau des Etats dits modérés. Je le dis par respect pour ces pays, car là il n’est certainement pas question de démocratie. Je n’ouvrirai pas ce dossier.


On veut donc changer le régime. Pour le remplacer par quoi ? Certains amis ont discuté avec nous nous demandant ce que nous craignons. Ils nous ont même dit que le nouveau régime pourrait continuer à appuyer la résistance et à faire passer les armes et les munitions. Pourquoi dans ce cas continuer à appuyer le régime actuel ? eh bien, nous adoptons cette position parce que nous sommes conséquents avec nous-mêmes. J’ai une question au sujet de ce qui attend les mouvements islamistes émergents qui ont remporté les élections dans certains pays, en Egypte, en Tunisie, au Yémen, en Libye. Ils sont devant de grands défis et les américains vont leur jeter à la figure de nombreux problèmes, comme celui des caisses vides, celui des pressions et des conditions rédhibitoires, ainsi que le chaos et des médias déchainés. Au bout de trois ou quatre ans, ils devront reconnaître leur échec et finalement, on dira que l’expérience des mouvements islamistes aura échoué. Ce sujet mérite un discours plus long.

Nous avons des discussions avec certains commandements islamiques qui sont des frères et nous nous rencontrons de temps en temps. Ils préfèrent ne pas adopter de position claire au sujet d’Israël. Lorsque nous leur demandons des précisions, ils disent qu’ils sont soumis à des pressions. Que serait-ce donc lorsqu’on parle de la Syrie qui a une frontière avec Israël. On ne peut nier l’existence de conditions israéliennes et américaines concernant la Syrie. Les Etats-Unis amèneront un autre pouvoir et ne tarderont pas à lui demander de leur être reconnaissant, non pas en instaurant un régime démocratique, mais en leur remettant la tête de la résistance au Liban et en Palestine., la liquidation de la cause palestinienne et du peuple palestinien.

Quatrièmement, le régime actuel est prêt à faire des réformes. Un projet de constitution va être proposé, qui prévoit l’annulation de l’article 8 qui donne le pouvoir au parti Baas. La nouvelle Constitution doit aussi reconnaître le multipartisme, l’élection d’un président pour un mandat renouvelable une seule fois. Le régime syrien est d’accord pour toutes ces mesures et pour l’instauration d’un dialogue. Mais soudain, on nous dit : c’est trop tard pour le dialogue. Aujourd’hui, il y a une guerre dans certaines régions de Syrie et des forces poussent le pays vers la guerre civile.  (Il est faux de dire qu’il y a une guerre confessionnelle en Syrie car les groupes armés tuent aussi des sunnites et de toutes les confessions). Le sang est donc versé en Syrie et avec cela on nous dit c’est trop tard pour le dialogue ? Ceux qui cherchent l’intérêt de la Syrie et de sa population ne peuvent pas tenir un tel langage. Il n’est jamais trop tard pour arrêter l’écoulement du sang et les souffrances de la population. Avec nous, les Arabes disaient : venez au dialogue sans conditions préalables et nous l’avons fait malgré ce qui s’est passé. Pourquoi en Syrie devrait-il y avoir des conditions avant de nouer un dialogue qui sert les intérêts du pays ? Pourquoi la porte est-elle fermée, alors que le régime se déclare prêt à faire des réformes importantes ? C’est comme cela que l’on sert les intérêts du peuple, que l’on préserve la force de la Syrie, que l’on sert la cause palestinienne ? Quels intérêts sert cette attitude ? Si l’on veut discuter que l’on avance des faits et que l’on sorte des petits détails. Mais si nous continuons à ne regarder que les détails, nous allons vers plus de sang. Pensons directement à ce qui sert les intérêts de la Syrie, de sa population des arabes et de leur avenir, du Liban et de la Palestine.

Allons vers une table de dialogue avec des plafonds plus bas, car le pari sur les Etats-Unis et l’Occident pour faire chuter le régime par l’argent et les armes ne mène que vers une impasse. A mon avis, c’est un pari perdant qui en tout cas  n’aboutit que vers plus de conflits, de haines, de discorde, de destructions et de sang. C’est en tout cas notre position. Sinon, chacun est libre d’adopter la position de son choix. A nos yeux, cette position sert les intérêts de la Syrie et de son peuple, du Liban et de son peuple, de la Palestine et de son peuple, loin de toute volonté de vengeance, loin de toute rancœur, discorde et haine, comme c’est le cas pour certains.

Un dernier mot sur la situation au Liban : nous sommes avec le maintien de ce gouvernement. Le règlement de la crise actuelle relève de la responsabilité de toutes les parties au sein de ce gouvernement. Il y a des contacts qui je l’espère aboutiront à des résultats positifs. A ceux qui commencent à préparer leurs costumes pour occuper de nouvelles fonctions ministérielles, je dis que ce gouvernement restera en place car ce qui est requis au Liban actuellement, c’est la stabilité sécuritaire et politique, le souci des problèmes des gens, comme l’électricité et le chômage. Ce gouvernement n’est pas celui du Hezbollah. Heureusement, cette accusation a cessé  puisque l’un d’eux a dit récemment : c’est le gouvernement des parties rivales. Tant mieux et de toute façon qu’importe les qualifications. Ce gouvernement assure une stabilité politique et sécuritaire et il a une chance de faire des réalisations. L’heure n’est pas à faire chuter les gouvernements, ni à faire monter la tension politique et sécuritaire. Ce n’est pas dans l’intérêt du Liban. Toute la région est tributaire des développements. En coopérant sincèrement et en étant ouverts les uns les autres, nous pourrons surmonter cette étape délicate.

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