Bahreïn: des médecins racontent les horreurs de leur détention

Dans la foulée de la répression de la contestation à Bahreïn, plusieurs médecins ont été détenus ou ont perdu leur emploi pour avoir participé aux manifestations pacifiques hostiles au régime ou même pour avoir soigné les protestataires blessés par les tirs des forces de sécurité.
Ces professionnels de santé ne peuvent pas retenir leurs armes en évoquant les horreurs vécues en prison et en se rappelant de leurs mois de torture.
"Je ne peux pas parler", sanglote Nader Dawani en racontant comment il a été forcé de se tenir debout pendant sept jours, tout en étant battu à plusieurs reprises, principalement par une femme officier.
"Elle était la plus dure. Elle me frappait avec un tuyau et des bâtons en bois, dont plusieurs se brisaient sur mon dos", ajoute ce frêle pédiatre de 54 ans. "Ils ont essayé de m'enfoncer une bouteille par derrière", raconte-t-il en essuyant ses joues.
Pour M. Dawani, les médecins ont été visés parce qu'ils avaient été "témoins des crimes du régime".
Ainsi, plusieurs médecins chiites n'ayant pas été arrêtés, comme Taha al-Derazi, un chirurgien en neurologie, ont perdu leur emploi pour avoir été filmés lors d'une manifestation.
"Toutes mes déclarations aux médias concernaient les blessés", insiste pourtant M. Derazi, ajoutant que des médecins avaient un moment manifesté pour protester contre le ministre de la Santé de l'époque, révoqué plus tard par le roi.
"Nos slogans étaient clairs: limoger le ministre et ses collaborateurs pour avoir omis de défendre les médecins, arrêté le mouvement des ambulances et fourni de fausses informations sur le nombre de victimes", rappelle-t-il. "Nous n'avons jamais appelé à la chute du régime".
Selon lui, les médecins "ont besoin d'un organisme neutre" et d'une "instance judiciaire internationale" pour les juger. "Nous ne faisons pas confiance au système judiciaire de Bahreïn".
"Nous sommes l'élite de Bahreïn. Ils veulent dire aux familles chiites aisées qu'ils peuvent les humilier", estime pour sa part Roula al-Saffar, chef de l'Assocition des infirmiers bahreïnis, qui a été détenue pendant cinq mois et qui encourt 15 ans de prison.
Les accusations de torture contre des dizaines de détenus, dont les médecins, ont été confirmées dans un rapport publié en novembre par une commission d'enquête indépendante, selon laquelle cinq prisonniers ont succombé à ces violences.
Arrêtés dans la foulée de la répression de la révolte de février/mars, ces 20 professionnels de la santé sont accusés "d'occupation du complexe hospitalier Salmaniya à Manama et de possession d'armes".
Ils ont été condamnés fin septembre par un tribunal d'exception à des peines allant jusqu'à 15 ans de prison, mais ils doivent être rejugés par un tribunal civil.


