Sayed Nasrallah: le 14 mars a réclamé des armes pour l’armée libanaise pour combattre le Hezbollah
Discours du secrétaire général du Hezbollah le 9 avril 2011
Chers frères et sœurs, en dépit de l’importance des événements qui se déroulent autour de nous, à Gaza, en Palestine occupée, en Syrie et depuis quelque temps à Bahrein, au Yémen, en Libye et ailleurs, je me vois dans l’obligation de consacrer mes propos ce soir aux affaires qui concernent les Libanais, dans le pays ou à l’étranger. Les sujets étant nombreux et chauds, je vais tenter autant que possible de résumer.
Je commencerai par les révélations de Wikileaks et la situation politique interne en général. Le second titre sera consacré à la situation des Libanais en Côte d’Ivoire. En troisième lieu, je parlerai de la dernière prise de position du Premier ministre chargé des affaires courantes au sujet de l’Iran. J’évoquerai ensuite les émeutes dans la prison de Roumié et je terminerai par la formation du gouvernement.
Dans le premier titre, je voudrais signaler qu’une partie est basée sur des informations et l’autre consiste dans une analyse personnelle qui constituera la base d’une vision beaucoup plus importante et vaste que les détails politiques internes.
Le quotidien « Al Akhbar » est en train de publier des dépêches américaines qu’il s’est procurées par le biais du site Wikileaks. Certaines sont le fruit de rencontres entre des personnalités libanaises et les diplomates américains, d’autres sont une analyse personnelle et révèlent les impressions de ces diplomates. Nous avons pu ainsi lire l’avis de l’ambassadeur Feltman sur le président Saad Hariri. Sur le plan des analyses et des informations, celles-ci peuvent être fausses ou justifiées. Concernant le compte rendu des rencontres, à partir du moment où il n’y a pas eu de démenti de la part des parties concernées, il peut être considéré comme ayant de la valeur. Personnellement, je divise ces comptes rendus en deux : ceux qui concernent les personnalités du 8 mars et ils sont peu nombreux et ceux qui concernent celles du 14 mars.
Dans les comptes rendus des rencontres des diplomates américains avec les personnalités du 8 mars, certaines parties ont tenté de les utiliser pour provoquer des scissions avec nos frères au sein du mouvement Amal, dans une moindre mesure avec le CPL et pour briser la nouvelle alliance avec Walid Joumblatt. D’une part en disant « regardez ce qu’ils ont dit » et d’autre part en tentant de faire croire que le journal Al Akhbar a publié les textes à la demande du Hezbollah, ou en tout cas avec son aval.
Je commencerai par discuter le contenu. Concernant d’abord le frère président de la Chambre Nabih Berry. Ce que je vais dire ne s’inscrit pas dans le cadre de la courtoisie, mais c’est la vérité brute. Depuis le premier jour de la guerre de 2006 jusqu’au dernier, Nabih Berry a été un partenaire total dans la direction de la bataille. Nous avions les mêmes objectifs et nous portions les mêmes peines et les mêmes soucis. Nous coordonnions nos positions et nos actions au jour le jour, chacun à partir de sa fonction. Il a donc quotidiennement travaillé jour et nuit et pris des risques pour protéger le Liban et la résistance et pour assurer la victoire. Je n’exagère pas si je dis que sans le président Berry, son intelligence et sa personnalité, il se pourrait que les résultats politiques de la guerre de 2006 soient différents. Je voudrais aussi préciser que dès le premier jour, nous avions décidé de nous partager les rôles : je m’occupais du terrain tout en étant au courant de la politique, il s’occupait des négociations, tout en étant au courant de la politique et des développements sur le terrain à travers nous et à travers les cadres d’Amal présents sur le terrain. Mais dès le premier jour, le président Berry nous avait dit : regardez, comment je négocie, comment je manœuvre, quels arguments j’utilise, ce sera ma responsabilité ». Nous avons accepté cela et j’ai déclaré à plusieurs reprises que nous reconnaissions qu’il est un maître dans ce domaine. Je n’ai pas besoin de donner des exemples –et il n’accepterait pas que je le fasse-, notamment sur sa manière de présenter au début le déploiement de l’armée ou au sujet des fermes de Chebaa. Nous considérions que si la guerre se termine sur la libération des fermes de Chebaa, ce serait une grande victoire pour le Liban, naturellement, nous avions d’autres arrières pensées que le camp du 14 mars.
Cette réalité nous l’avons vécue jour par jour, heure par heure. Par conséquent, ce ne sont pas les insinuations de M.Feltman ou de qui que ce soit qui pourront y changer quelque chose. Cette coordination s’est mêlée de sang, de sueur et de sacrifices et tout le monde sait combien ces jours-là étaient difficiles. Pour ces raisons, ce qu’on leur rapporte ou ce que l’on insinue ne changeront rien au rôle historique du président de la Chambre pendant la guerre. En même temps, nous connaissons les rôles joués par d’autres et qui ont été évoqués dans les dépêches révélées par Wikileaks. Nous connaissions ces rôles avant la publication de ces dépêches car nous étions partie prenante aux débats au sein du gouvernement et en dehors du gouvernement.
Dans le même sillage, les frères et les sœurs au sein du mouvement Amal étaient aussi des partenaires sur le champ de bataille, ils ont eu leurs martyrs, leurs déplacés, leurs résistants et les liens entre nous sont indissociables. Sans cette solidarité, la victoire aurait été impossible. Maintenant, si un diplomate américain rapporte des propos attribués à un ministre ou un responsable cela ne reflète pas l’opinion du mouvement Amal, à supposer que les propos rapportés soient vrais. Il suffit donc que la personne concernée les démente pour que nous croyions à son démenti. Cela a d’ailleurs été fait dans plusieurs cas.
Je voudrais conclure cette partie par la remarque suivante: tous ceux qui ont voulu ou qui veulent la tête de la résistance ont cherché à l’isoler et à semer la discorde entre le Hezbollah et le mouvement Amal. C’est une manœuvre connue et confirmée à travers Wikileaks.
J’en arrive maintenant aux dépêches qui concernent les personnalités du 14 mars. Depuis 2005, ces personnalités parlent entre elles et avec les américains de la possibilité de séparer Amal du Hezbollah. Dans quel but, nous en parlerons. Ces personnalités ne désespèrent pas de cette question, en dépit du minimum de coordination établi entre les deux formations depuis une vingtaine d’années. Je ne nie pas le fait qu’auparavant, nous avons eu des conflits, nous nous sommes battus les uns contre les autres Mais depuis vingt ans cette page a été tournée et depuis dix ans, et surtout depuis 2005, la relation entre nous est devenue trop forte pour que des manœuvres de ce genre puissent la perturber. De plus, nous sommes les fils d’un même imam, d’une même école et d’une même pensée. Les divergences dans les approches et les méthodes sont une source d’enrichissement pour nous deux, non une faiblesse, si nous savons coopérer et coordonner notre action pour atteindre les mêmes objectifs nationaux.
Les dépêches concernant le CPL étaient moins importantes. Des évaluations de la part de deux députés ont été rapportées, mais la position du général Aoun et celles des cadres et des responsables de son mouvement pendant et après la guerre étaient claires. Je ne pense pas que les opinions rapportées par les diplomates américains, démenties d’ailleurs par les personnes concernées peuvent en aucune manière avoir le moindre impact sur nos relations.
Reste la position de Walid Joumblatt. Ce dernier a publié un communiqué depuis le premier jour dans lequel il a reconnu qu’à cette période il était dans un camp qui n’était pas le sien, mais qu’il se tient désormais aux côtés de la résistance. Nous avons dépassé ce débat. Certains peuvent toutefois demander : pourquoi cette insistance de la part du quotidien Al Akhbar à rappeler cette période ? On a essayé de nous en faire assumer la responsabilité. C’est la première et la dernière fois que je vais aborder ce sujet. Il existe malheureusement un climat dans le pays, et ce depuis la parution du quotidien Al Akhbar (en août 2006), qui laisse croire qu’il appartient au Hezbollah, ou qu’il suit ses directives et tout ce qui y est publié a l’aval de cette formation. Certains vont même jusqu’à dire que si tel article dans le quotidien les critique, c’est le Hezbollah qui cherche à leur envoyer des messages. Tout cela est faux et injuste. Je le dis clairement une fois pour toutes : le quotidien Al Akhbar n’appartient pas au Hezbollah, ne suit pas ses directives, ni même ses conseils. Certes, comme beaucoup d’autres médias, il est dans le camp de la nouvelle majorité et faut partie des amis de la résistance, mais il a ses propres considérations et sa propre ligne politique. De plus, si vraiment ce quotidien nous appartenait, comment pourrions-nous accepter le fait qu’il publie des articles qui nous critiquent (même nos ministres et nos députés et nos alliés) ? Ils critiquent aussi parfois le Hamas, le Jihad islamique, la Syrie ou l’Iran. Il nous est arrivé de leur adresser des remarques à ce sujet, mais ils ne nous écoutent pas. Nous n’assumons pas la responsabilité de ce qui est écrit dans Al Akhbar ni dans d’autres médias. Nous sommes responsables de ce que disent la radio Al Nour, la chaîne Al Manar, les sites internet de la résistance et ce qui est publié par le département des relations avec l’information. Avec les autres médias amis, nous avons des divergences, des évaluations différentes et nous ne sommes pas responsables de ce qu’ils disent.
Concernant les dépêches de Wikileaks, j’ajouterai que lorsque nous avons appris que le quotidien Al Akhbar était en pourparlers avec les responsables du site pour les publier, nous l’avons encouragé dans ce sens et nous lui avons proposé d’essayer d’obtenir le maximum de dépêches sur la guerre de 2006, car cette période nous intéresse et nous évaluons en permanence cette expérience. Mais nous ne savons comment il s’est procuré les dépêches et nous n’avons pas eu droit à une copie avant la publication. Vous pouvez le croire ou non, mais nous découvrons le contenu des dépêches en même temps que tout le monde en lisant le journal.
Je passe maintenant aux dépêches portant sur les rencontres des personnalités du 14 mars avec les diplomates américains. En général, il n’y a pas eu de démenti. Au contraire, dans certains cas, le contenu a été confirmé. En gros, on peut dire d’ailleurs que le contenu est le même, ou aboutit à un même résultat. Je ne vais pas entrer dans les détails du qui a dit quoi, je voudrais passer au résultat et donner sa signification. Nous aboutissons à une situation dangereuse pendant la guerre et qui continue maintenant.
La déduction principale consiste à dire que le camp du 14 mars depuis 2005 et peut-être avant (depuis la 1559) a un objectif principal briser la résistance, l’isoler et la désarmer surtout après le retrait des troupes syriennes, que nous avons déjà longuement évoqué. Les dépêches de Wikileaks montrent que pendant et après la guerre de 2006, désarmer et briser la résistance est le principal souci du 14 mars. Les suggestions et les idées se multiplient pour trouver les moyens d’atteindre cet objectif. Pour le compte de qui et à quel prix ?
Pour moi, le prix est clair depuis le premier jour et les dépêches de Wikileaks ont confirmé mon impression : un deal a été conclu entre le 14 mars et les Etats-Unis. Ils vont s’empresser de dire que je les accuse de traîtrise. Mais les dépêches existent, qu’ils publient des démentis. Que ces personnalités déclarent que Feltman, Sison et les Américains sont des menteurs et je suis prêt à me rétracter. Sinon, je maintiens ma version : le deal consiste dans le fait que les Américains disent au 14 mars : nous vous donnons le pouvoir, en contrepartie, vous nous donnez la tête de la résistance. C’est pourquoi toutes les suggestions, tous les débats portent sur les moyens d’en finir avec la résistance. Je vous invite, dans le même sillage à évaluer la moralité et le sentiment national de ces personnalités du 14 mars. Je citerai quelques exemples :
Donnez-nous des armes pour l’armée pour que nous frappions le Hezbollah. Le 14 mars ne dit pas : donnez-nous des armes pour protéger nos frontières, notre souveraineté ou pour établir une politique de dissuasion à l’égard de l’ennemi israélien. Non, le but est de frapper le Hezbollah. Où esl la logique morale et nationale dans cette attitude ?
Il y a deux jours, nous avons lu des informations sur les avions russes de type Mig. L’interlocuteur libanais disait : laissez-moi accepter ces avions pour faire peut au Hezbollah et l’empêcher de rééditer le 7 mai. Israël ne fait donc partie des calculs dans l’affaire des Migs.
Après la guerre, ces mêmes personnalités ont réclamé des fonds pour reconstruire les maisons détruites avant le Hezbollah, afin de lui retirer sa popularité et de monter les gens contre lui. Il ne s’agit donc pas de reconstruire les maisons pour des considérations humaines et morales, mais pour frapper et isoler le Hezbollah. Même chose dans l’idée d’obtenir le retrait israélien des fermes de Chebaa : renforcer le gouvernement Siniora face au Hezbollah, non par souci de la souveraineté libanaise. De même, ceux qui ont parlé de 10000 et 15000 combattants ne pensaient pas à défendre le pays contre l’ennemi israélien, mais à combattre le Hezbollah. Le souci principal était donc de séparer Nabih Berry du Hezbollah, de briser le général Aoun car il assure une couverture chrétienne au Hezbollah. Les conseils formulés pendant la guerre de 2006 suggéraient de ne pas accepter un cessez-le feu avant le déploiement de forces multinationales à la frontière libano-syrienne et pour contrôler les frontières maritimes et l’aéroport. Aucune suggestion faite aux Américains ne porte sur des pressions exercées sur Israël ou sur la nécessité d’arrêter les agressions israéliennes contre le Liban.
Montrez-moi une seule fois une mention de ce genre. Si cela devait arriver elle aurait pour objectif d’affaiblir le Hezbollah. Malgré cela, nous sommes d’accord. Obtenez le retrait israélien des fermes de Chebaa et affaiblissez nos arguments. Préservez la souveraineté du Liban, même si cela doit nous affaiblir.
Mais c’est honteux de réclamer un surplus de destructions, d’agressions et de sang. Dans quel but ? Aboutir à une résistance affaiblie, brisée. N’est-ce pas une position affligeante ? Je souris en disant tout cela, mais c’est juste en apparence, car n’est-ce pas douloureux d’être dans un pays qui vit une telle réalité et qui a de tels leaders politiques ? C’est la personnalité des leaders de ce camp. Je ne souhaite pas commenter le niveau moral, confessionnel, raciste et arrogant de certains des textes que nous avons lus.
Mais une question se pose: quel est le crime du Hezbollah pour justifier tout cela de la part du 14 mars ? Est-ce lui qui a vous a pris le pouvoir en 2005 ? a-t-il été en rivalité avec vous pour la prise du pouvoir après 2005 ? Je vais vous le dire : le crime du Hezbollah est qu’il est une épine dans l’œil d’Israël et du projet sioniste. Son crime est d’être unioniste sur les plans islamique et national. Le crime du Hezbollah selon le 14 mars est qu’il porte sur ses épaules le souci de la oumma. Or, cela est interdit en ces temps, même si certains tentent encore de le faire. C’est à cause de ce crime que le Hezbollah est pris pour cible par les Américains et les Israéliens et qu’il doit être puni. Les forces du 14 mars consacrent tous ses personnalités, ses moyens, ses confessions, ses partis et son public pour atteindre ce but. En contrepartie, elles auront le pouvoir. Est-ce là une mentalité qui protège le Liban, surtout dans cette période où les menaces israéliennes se multiplient (regardez d’ailleurs ce qui se passe à Gaza) ? Est-ce que cette mentalité peut produire une véritable stratégie de défense, qui protège le Liban, la paix civile, la dignité et la souveraineté ? Peut-on construire un Etat avec tant de rancœur, un tel degré de complot avec l’étranger et de baisse des critères moraux ? Où allons-nous ? Quel avenir construisons-nous et est-ce ainsi que la résistance peut être récompensée ?
Aujourd’hui, le Hezbollah est la colonne vertébrale de cette résistance. Mais à ses débuts, elle était constituée de nombreuses forces nationales et islamiques. Cette résistance qui a tenu bon, sacrifié ses jeunes et donné au Liban une grande victoire peut-elle être récompensée par tant de haine, de complot contre elle et de trahison ? Pourtant, aujourd’hui, le constat est le suivant : la résistance est là et le pouvoir en place est parti. N’est-ce pas là le résultat politique ? Cette résistance est là et vous n’avez rien pu contre elle, ni vous, ni Israël, ni la complicité internationale et régionale, ni même l’argent et les médias. La plus puissante armée de la région n’a rien pu y faire et vous tous vous n’y pourrez rien non plus.
J’invite ceux qui ont perdu le pouvoir à se calmer, à réfléchir sur ce qui leur est arrivé et à ne pas faire des erreurs de calculs. Car pour l’instant, ils continuent dans la même voie commencée dans le secret et qui apparaît maintenant au grand jour, dans les tribunes. Ils continuent à faire de l’incitation contre la résistance. Oui, ils l’ont fait pendant des années en secret et maintenant, cela se fait ouvertement. Par souci de ce pays, de ce peuple, de nos intérêts et de la protection de l’unité nationale, j’invite ce camp à renoncer à cette mentalité qui ne les mènera nulle part, si ce n’est d’échec en échec. Ce n’est pas ainsi qu’on protège, qu’on gère et qu’on assure l’avenir de ce pays.
Comme je l’ai dit le 22 septembre 2006, je le répète aujourd’hui : en dépit de tout ce qui se passe et qui s’est passé au Liban, nul n’a intérêt à éliminer l’autre. Les Libanais ont intérêt à rester ensemble. Ils doivent surmonter leurs erreurs et leurs rancoeurs et se tourner vers l’avenir, car c’est cet esprit qui continuera. Cela ne signifie pas que celui qui a des droits ne doit pas avoir recours à la justice. De même, si quelqu’un veut nous traîner en justice, nous sommes prêts. Lorsque j’ai affirmé notre intention de porter des plaintes devant la justice, certains ont aussitôt déclaré : nous aussi nous préparons un dossier. Tant mieux. Quels sont les dossiers ? Comment nous avons capturé deux soldats israéliens ? Parfait. S’ils considèrent qu’il s’agit là d’une action punie par la loi, qu’ils y aillent. Nous avons aussi nos dossiers, basés sur leurs propos, les révélations et les documents. Nous verrons alors qui sera accusé de trahison. Ce n’est pas moi qui le dit, mais la loi. Je souhaite d’ailleurs que la justice s’empare de ce dossier et que chacun assume ses responsabilités.
Concernant l’affaire de la Côte d’Ivoire: J’aurais souhaité que nul n’ouvre une polémique à ce sujet, car la communauté libanaise dans ce pays est formée de toutes les confessions et vient de toutes les régions libanaises. Nous sommes face à une catastrophe nationale et humaine. Des dizaines de milliers de familles libanaises vivent en Côte d’Ivoire et constituent souvent un soutien pour leurs familles et leurs villages au Liban.
Le problème en Côte d’Ivoire a commencé en novembre 2010. Il y a eu des élections présidentielles qui ont abouti à un conflit entre deux présidents qui a eu des conséquences sur le pays. Si nous voulons ouvrir une polémique, nous dirions : à ce moment, il y a avait un gouvernement en fonction, dont vous aviez la charge, pourquoi n’aviez-vous pas réagi et créé une cellule de crise ? Je ne cherche pas à défendre le ministère des AE, mais il y a ait une absence totale de la part des responsables. Le ministère a donc choisi de demander à l’ambassadeur du Liban d’assister à une cérémonie organisée par l’un des deux présidents. A-t-il eu tort ou raison, le problème n’est plus là. Des dizaines de milliers de Libanais sont menacés dans leurs vies et leurs biens. Au lieu d’unifier les efforts de l’Etat pour les aider, le Premier ministre chargé des affaires courantes et ses députés tirent sur le ministère des AE ? Est-ce le moment de ce genre de comportement ? Certes, il y a eu des réponses du mouvement Amal. Cela montre en tout cas dans quel esprit sont traités les questions nationales aussi importantes que la crise des Libanais en Côte d’Ivoire.
Aujourd’hui, le président de la République s’occupe du dossier, le président de la Chambre le suit heure par heure et le Premier ministre chargé des affaires courantes commence à s’y intéresser. J’invite donc toutes les parties à mettre de côté leurs divergences et leurs rivalités pour venir en aide aux familles libanaises en Côte d’Ivoire. Nous pouvons nous tenir à leurs côtés et les aider, nous devons le faire. Toutes les formules de compassion restent insuffisantes pour réconforter ces familles. Ces familles n’attendent pas de nous des paroles, mais des actions sérieuses. Nous avons besoin de solidarité effective et de coopération totale et l’Etat doit assumer ses responsabilités entières à ce sujet.
Le nouveau point concerne la position du président Hariri au sujet de l’Iran. Lorsque nous avons publié un communiqué sur la question, ils se sont déclarés surpris, ajoutant que le Hezbollah a tombé les masques. Il est le porte-parole officiel de l’Iran. Je voudrais donc dire : nous ne portons pas de masques. Nous sommes fiers de nos relations avec l’Iran et de notre alliance avec elle. Tout comme nous sommes fiers de notre alliance avec la Syrie et de nos relations avec d’autres pays et partis. Avec nous, vous ne trouverez pas de Wikileaks. Nous disons tout haut ce que nous pensons tout bas. Nous n’avons pas un double langage. Lorsqu’un Etat qui s’est tenu aux côtés du Liban, de son peuple et de sa résistance, moralement, politiquement et matériellement, nous ne pouvons pas nous taire par fidélité. Le Premier ministre n’avait pas à tenir ces propos, surtout qu’il occupe encore cette fonction. C’est une faute grave. Il considère l’Iran comme un ennemi et l’accuse de provoquer la crise au Liban. Ce n’est pas Israël le problème au Liban et dans la région, mais l’Iran. Lorsque je dis que ces propos ressemblent beaucoup à ceux des Israéliens, je ne suis pas en train de faire de la diffamation. Les Israéliens disent bien cela dans leurs déclarations et dans leurs médias Israël. Comment expliquer que les propos de certains Libanais concordent avec ceux des Israéliens?
Je ne dis pas que le Libanais qui tient ces propos est israélien, mais que ces propos et cette logique sont aussi ceux d’Israël.
En toute franchise, je voudrais dire que si l’Iran n’avait pas donné de l’argent en 2006, beaucoup de maison n’auraient pas été reconstruites. De même, les Etats qui ont reconstruit directement comme le Qatar et le Fonds koweitien ont pu donner des résultats concrets, mais pour ceux qui ont donné l’argent à l’Etat, on peut se demander où celui-ci a-t-il été dépensé ?
L’Iran ne peut être remercié de la sorte. De plus, le sujet est faux dès le départ. Si quelqu’un est en colère parce que son gouvernement a été poussé à la démission, il n’a pas à s’en prendre à l’Iran. Ce pays n’a rien à y voir. Je suis sincère en le disant : les Iraniens ont appris la nouvelle par les médias. Nous ne les avions pas informés au préalable. Il ne faut donc pas demander des comptes à ce pays parce qu’untel a perdu le pouvoir. Un autre problème consiste à lancer des slogans que le Premier ministre chargé des affaires courantes et son camp ne respectent pas.
Je vais donner un exemple : lorsque j’ai parlé des révolutions arabes, en Egypte, en Tunisie, et au Yémen, nul ne s’y est opposé. Mais lorsque j’ai évoqué Bahrein, un tollé s’est élevé affirmant que mes propos mettent en danger les relations du Liban avec le monde arabe et en particulier avec Bahrein. Pourtant, je ne suis pas un responsable officiel et l’Etat libanais peut contacter les autorités de Bahrein pour leur dire que je n’ai aucun titre officiel. Ce qui est vrai. Des responsables l’ont d’ailleurs fait en précisant qu’ils ne partagent pas mon point de vue et que mes opinions n’engagent pas l’Etat libanais. Il n’y a aucun problème à cela. Alors où est le problème ? Ils disent : vous au Hezbollah, vous êtes en train de placer le Liban dans la politique des axes et vous êtes en train de nuire aux relations arabes, régionales et internationales du Liban.
Je ne vais pas discuter le principe, mais je dis quelle est la relation de Saad Hariri avec le conflit arabo-iranien ? Lorsqu’il redeviendra seulement le chef du Courant du Futur et non plus le Premier ministre chargé des affaires courantes, il pourra dire ce qu’il veut. Mais même en tant que chef du Courant du Futur, il ne peut pas demander aux autres de ne pas placer le Liban dans la politique des axes et le faire lui-même.
Juste encore une idée à ce sujet: ils ont parlé des armes de la résistance jusqu’à épuiser tout le thème. Concernant le gouvernement, ils ont aussi lancé toutes les accusations possibles, et cela n’a rien donné. A mon avis, les critiques contre l’Iran sont une manière de présenter les lettres d’accréditation, car ils n’ont pu rien faire au sujet des armes et du gouvernement. Par contre, nous pouvons agir dans ce domaine mais nous avons besoin de financement…
En tout état de cause, nous ne souhaitons pas ouvrir une grande politique sur ce sujet, mais nous ne pouvions pas non plus nous taire. Car ces propos mettent aussi en cause les relations du Liban avec un pays qui l’a appuyé et qui l’appuie toujours. Alors pourquoi ces critiques et dans l’intérêt de qui ?
Autre thème que je souhaite évoquer : la menace de Bahrein d’expulser des Libanais. Nous avons lu dans la presse que ce royaume compte expulser dix Libanais. C’est bien sûr une erreur. Si une partie libanaise adopte une position qui déplaît à un pays, il riposte en expulsant les citoyens libanais ? Je ne crois pas qu’il existe des expériences du même genre dans le monde. Depuis 2005, toutes les accusations possibles et imaginables ont été lancées contre la Syrie, ce pays n’a pourtant pas expulsé les Libanais présents sur son territoire, même ceux qui pourraient appartenir au camp libanais qui lui est hostile. La Syrie n’a pas classé les Libanais selon des critères politiques ou confessionnels…Le Premier ministre chargé des affaires courantes a critiqué l’Iran et sa chorale va sûrement prendre le relais dans ce sens. Cela poussera-t-il l’Iran à expulser les Libanais proches de ce camp ? Cette logique était peut-être en vigueur au Moyen Âge. Mais aujourd’hui, elle montre l’étroitesse de vue du gouvernement de Bahrein. Ce gouvernement ne se comporte pas avec sagesse ni avec sens des responsabilités. Ce n’est pas ainsi qu’on traite ce problème, ni le problème interne de Bahrein, ni encore celui de ceux qui le critique.
Je voudrais être clair sur cette question : si les autorités de Bahrein croient qu’en expulsant les Libanais de chez elles, elles pourraient exercer des pressions sur notre position politique, elles se trompent. Car en contrepartie des biens et du travail des Libanais menacés d’expulsion, il y a des Bahreinis qui donnent leurs vies et qui sont emprisonnés ou blessés ou humiliés dans leur dignité. Je ne compte pas ouvrir le dossier de Bahrein, mais face à tant de sacrifices, celui des Libanais menacés d’expulsion devient plus facile. Que personne ne songe donc à exercer des pressions sur nous à travers une telle décision. Au contraire, cela nous pousse à nous attacher à notre position qui est celle du droit. Pourquoi devrions être punis à cause d’une telle position C’est pourquoi je dis au gouvernement de Bahrein que sa décision ne servira à rien, si ce n’est à compliquer encore plus une situation qui l’est déjà suffisamment.
Je voudrais encore ajouter un point au sujet de propos sur une décision des pays du Golfe d’expulser des Libanais d’une confession déterminée. D’abord, je ne sais pas si ces propos sont vrais. Mais si cela était le cas, ce serait une erreur. Je suis convaincu que de nombreux pays du Golfe sont des amis du Liban. Ils ont de la sagesse et ne se comportent pas impulsivement comme l’a fait le gouvernement de Bahrein. Mais de toute façon, une décision du genre a été prise avant que nous ne prenions position au sujet de Bahrein. Des dizaines de Libanais ont été expulsés des Emirats. Jusqu’à présent, nous en ignorons la raison, en dépit des contacts entrepris en ce sens. C’est pourquoi, un sujet politique sert de prétexte à l’exécution du grand projet dans la région. Je n’entrerai pas dans les détails aujourd’hui. Le moment viendra où j’en parlerai longuement. Je répète simplement qu’il est injuste de s’en prendre aux Libanais et à leurs biens dans vos pays, car ils n’ont rien à voir avec nos positions. Les punir à cause de nous est une grande erreur.
J’en arrive à la prison de Roumié. Tout le monde connaît la nature du problème. Il y a une surpopulation carcérale. Les bâtiments abritent le double et plus du nombre de détenus prévu. Ce n’est pas moi qui le dis, mais les responsables concernés. Cette surpopulation carcérale entraîne de la corruption, des comportements déplorables. De plus, il semblerait que 70 ou 60% des détenus ne seraient pas encore jugés et attendent leurs procès. C’est une injustice de plus. Des détenus n’ont pas pu supporter cette situation. Ils ont protesté et se sont révoltés alors que leurs familles se sont inquiétées et ont organisé des sit ins.
Quelle a été l’approche du 14 mars et celle des officiels ? Malheureusement, ils ont abordé le problème sous l’angle de la politique et ils ont conclu que le Hezbollah est en train de monter les détenus. Ils ont même cherché à donner au problème une dimension confessionnelle. Ce serait donc lui qui aurait poussé les proches des détenus à organiser des manifestations. Pourquoi ? Ils ont alors commencé à inventer des raisons : le Hezbollah souhaiterait griller le ministre de l’Intérieur par solidarité avec son allié le général Aoun dans le dossier gouvernemental. Tantôt le Hezbollah souhaiterait mettre en difficulté un responsable et tantôt encore, il voudrait aboutir à une loi d’amnistie bref, ils inventent des mobiles. C’est injuste. Une injustice de plus. Comment les gens pourraient-ils aboutir à une entente, se compléter et construire ensemble un pays dans ces conditions ? Cela me rappelle les propos de l’imam Hussein : « Je ne vois dans la mort que du bonheur et dans la vie avec les oppresseurs une épreuve ». Il fut un temps où nous ne comprenions pas vraiment ces propos. Mais depuis ces dernières années, avec l’injustice commise par les proches, non par l’ennemi, les accusations, les diffamations et les insultes, nous commençons à les comprendre.
Ces injustices ont été commises aux dépens des épreuves subies par les gens, de leurs maisons détruites, de leurs fils dans les prisons dont la plupart ne sont pas jugés, alors que toutes les lois du monde reconnaissent la présomption d’innocence, de la dignité bafouée de tout un peuple et des Libanais vivant à l’étranger dans le but de trouver du travail pour nourrir leurs familles. Si les gens sont mécontents et protestent, on dit que c’est le Hezbollah qui les pousse à le faire pour atteindre des objectifs politiques. C’est une injustice que nous ne pardonnerons pas. Ne perdez donc pas de temps et ne vous moquez pas des gens. Traitez le problème de la prison de Roumié, qui est le résultat d’un cumul de questions non traitées. Vous pouvez accélérer les procès, libérer ceux qui sont détenus pour des délits mineurs. Vous pouvez agir, sinon la blessure restera ouverte.
J’appuie aujourd’hui le contenu du communiqué du député Nawar Sahili. Nous sommes prêts à coopérer, ainsi que nos alliés, car le problème de la prison de Roumié n’est ni confessionnel, ni politique. Il est humain. Dans la foulée, il faudrait traiter le cas des milliers de mandats d’arrêts émis et dont les causes restent floues. Il faut traiter ces questions avec sérieux. Jusqu’à présent, aucun gouvernement n’a examiné sérieusement ces problèmes. Ils ont toujours attendu l’explosion pour apporter des traitements partiels. A chaque fois, il y a eu des victimes et les responsables n’ont songé à traiter les résultats, non les causes.
J’en arrive au dernier point. Je voudrais préciser que si je suis en train d’entrer dans tous les détails, c’est parce que depuis deux mois, mes frères au sein du Hezbollah ne paraissent pas dans les médias, pour éviter les polémiques. Je me vois donc dans l’obligation d’évoquer tous les sujets de l’heure de temps à autre.
Il reste donc le sujet du gouvernement. Ce soir, j’ai décidé de dévoiler ce qu’il y a dans mon cœur. J’évoquerai donc la forme puis le contenu.
Depuis le premier jour des consultations parlementaires, un langage confessionnel a été utilisé, ni national, ni constitutionnel. Ce sont surtout les personnalités du 14 mars qui ont utilisé ce procédé. . Pourtant, selon la loi, la majorité parlementaire désigne le chef du gouvernement. Ce sujet a donc été abordé de manière à provoquer un climat confessionnel, sur le plan de la forme, dans une tentative de présenter les événements comme si c’était la communauté chiite qui désignait le Premier ministre sunnite. C’est bien sûr faux. Des blocs parlementaires se sont concertés pour faire leur choix. Si on en vient aux chiffres, les députés chiites seraient les moins nombreux dans ce bloc de 68 députés. Le thème confessionnel a été utilisé pour dire que les chiites ont désigné Mikati et pour dire ensuite qu’untel a convoqué le Premier ministre pour s’entendre avec lui. Je voudrais ici rappeler ce qui se passait avec le premier ministre martyr Rafic Hariri. En 2004 et au début de 2005, ma situation sécuritaire était difficile, mais pas autant qu’aujourd’hui.
Je vais ouvrir une parenthèse : régulièrement, les médias israéliens et certains médias arabes qui se mettent à utiliser les mêmes termes disent : « il nous parle caché dans un bunker ». Je dirais que j’en suis fier. D’ailleurs certains de nos amis m’ont défendu. Le dernier en date est cheikh Nasser Khourafi, qui est un ami sincère qui a pris ma défense suite à des écrits dans ce sens dans certains médias du Golfe. Je voudrais donc le préciser : « Je suis fier de me cacher dans un bunker, car l’ennemi israélien veut me tuer. Il me surveille jour et nuit. Il existe aujourd’hui dans le monde arabe, des personnalités menacées par les Israéliens et à mon avis c’est une médaille d’honneur en leur faveur. J’ai parfois l’impression qu’en disant que nous nous cachons, l’ennemi israélien croit pouvoir nous provoquer pour nous pousser à sortir et nous tuer. Je dirais que nous demandons le martyre, mais nous ne voulons pas offrir une victoire gratuite à l’ennemi. Nous serons des martyrs lorsque Dieu le décidera. J’ai aussi le sentiment que certains Arabes tiennent le même langage pour en finir avec ce sujet. En définitive, certains mouvements, certaines personnes et certains partis ont mis en difficulté des leaders et des gouvernements arabes. Ceux qui ont été nommés des arabes modérés, alors qu’ils cherchent à accepter les conditions israéliennes et à céder à toutes leurs exigences. Le fait que nous soyons encore en vie, dans un sous sol ou à l’air libre les met en difficulté.
Revenons à 2004. Ma situation sécuritaire était meilleure qu’aujourd’hui. Pourtant le Premier ministre Rafic Hariri venait régulièrement me rendre visite. Vous me connaissez, je n’ai pas de protocole. Mais je suis très gêné lorsqu’une personne surtout plus âgée que moi vient me rendre visite. Quand elle est plus jeune, c’est plus facile. Mais je n’ai jamais convoqué une personnalité, surtout plus âgée que moi. C’était donc le Premier ministre Rafic Hariri qui prenait l’initiative et il est venu chez moi plusieurs fois. Quant à moi, je ne me suis jamais rendu chez lui, non pas par orgueil mais c’était lui qui me disait : je comprends vos conditions de sécurité. Nous parlions de politique et délections. La dernière fois que je l’ai vu, deux ou trois semaines avant sa mort, il parlait du gouvernement qu’il comptait former après avoir remporté les élections législatives, avec ses alliés. Il voulait que nous y participions et il m’avait proposé d’aider à cela en coordination avec les frères en Syrie. Il a donc parlé avec moi, dans mon bureau de la formation du gouvernement.
Sur le plan de la forme, il est donc honteux de la part du Courant du Futur et du 14 mars d’utiliser ce thème pour s’en prendre au Premier ministre Omar Karamé ou au Premier ministre Négib Mikati ou encore à toute personnalité sunnite que je rencontre. C’est injuste et immoral. Il ne faut pas s’arrêter sur les considérations sécuritaires, surtout après la guerre de juillet pour discréditer les personnalités sunnites qui viennent me voir. D’autant que depuis 2006, j’ai rencontré de nombreuses personnalités, dont des chefs d’Etat ou de gouvernement. Je me suis excusé de recevoir d’autres car je craignais que les contraintes sécuritaires ne leur conviennent pas ou qu’ils ne les supportent pas.
Toujours dans la forme ; ces deux derniers mois, on a commencé à parler du « parti au pouvoir » et du « gouvernement du Hezbollah ». Ceux qui disent cela n’y croient pas eux-mêmes et savent que c’est faux. Ils l’ont fait simplement dans le but de faire de la provocation confessionnelle. Mais je vous le dis, dans ces méthodes, tout le monde est perdant. Celui qui croit pouvoir enregistrer des victoires politiques en ayant recours à ce procédé se trompe. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le camp du 14 mars a accumulé les défaites depuis 2005, puisqu’il n’a cessé d’utiliser la discorde confessionnelle.
Sur le plan du contenu : la nouvelle majorité parlementaire est convaincue que le Premier ministre forme le gouvernement et soumet ses propositions au chef de l’Etat qui les accepte et publie les décrets conjointement avec le Premier ministre. Mais la coutume veut que les blocs parlementaires se concertent et négocient. Je ne vois donc pas pourquoi cela revêt une telle importance aujourd’hui. Il est normal que la formation du gouvernement prenne du temps. Je ne parle pas ici des pressions et des interférences étrangères. Même si on écarte celles-ci, les tractations prennent du temps, car lorsque la composition du gouvernement se fait sur une base confessionnelle, il faut respecter des équilibres précis et comme els forces politiques sont nombreuses, il est donc normal que le processus prenne du temps. Il est vrai que cela a un peu tardé, mais je crois que nous et les autres tentons d’aider dans la formation du gouvernement qui est du ressort du Premier ministre.
Je crois que nous avons fait des progrès sur certains points, mais je le précise, il n’y a rien de définitif. C’est le Premier ministre qui peut le dire. Il y a eu un débat sur le nombre de ministres. Je crois que nous sommes parvenus à un accord sur ce sujet et sur celui de la nature du gouvernement. Au sujet de la représentation des différentes forces au sein du gouvernement, nous sommes parvenus à un premier accord. Nous sommes aujourd’hui dans la phase des discussions sur les portefeuilles. Nous nous concertons et nous nous discutons. Une fois ce sujet tranché, il ne restera plus qu’à passer à l’étape du choix des noms qui je crois, sera plus simple.
Mais il ne faut pas oublier que la nouvelle majorité et le Premier ministre subissent des pressions dans la formation du gouvernement. Je sais par exemple l’ampleur des pressions visant à former un gouvernement de technocrates. Je sais qui les a exercées et toutes les manœuvres utilisées pour parvenir à cet objectif. Ce fut d’ailleurs un sujet de divergence. La nouvelle majorité voulait un gouvernement politique avec des technocrates alors que le Premier ministre et le président de la République avaient une opinion différente. Par le dialogue, nous sommes parvenus à une formule mixte.
Je le répète, nous avons tous intérêt à ce que le gouvernement soit formé dans les plus brefs délais. Je lis parfois des déclarations du 14 mars accusant le Hezbollah de ne pas vouloir la formation rapide du gouvernement et il demande à son allié le général Aoun de multiplier les obstacles pour empêcher la naissance du gouvernement. C’est une accusation injuste. D’abord parce que nous voulons un gouvernement au plus tôt, puisque nous pensons que c’est dans l’intérêt du pays. De plus, il est injuste de prétendre que nous nous comportons de la sorte avec le général Aoun. Enfin, il est injuste de croire que le général Aoun peut se comporter de la sorte. Je dois ajouter qu’il est injuste de parler « d’un nœud aouniste ». Il y a eu des débats sur le nombre de ministres et la nature du gouvernement. Il est normal qu’au moment d’atteindre la représentation des blocs parlementaires au sein du gouvernement, chaque bloc ait des revendications précises. C’est son droit et il faut en discuter avec lui, mais on ne peut pas le lui renier. Par exemple, on a rapporté l’opinion du chef de l’Etat qui estime depuis l’accord de Doha avoir droit à une part précise au sein du gouvernement et aux portefeuilles de la Défense et de l’Intérieur. De même, le général Aoun estime que son bloc devrait avoir ces deux portefeuilles. On ne peut pas lui dire qu’il n’y a pas droit. Il faut discuter avec lui pour parvenir à une distribution équitable des maroquins.
C’est ce que j’ai voulu dire au sujet du gouvernement. Je voudrais encore rassurer les Libanais : Tout ce qui se dit sur la volonté d’une partie au sein de la majorité d’entraver la formation du gouvernement est faux. Mais au Liban, la formation des gouvernements prend du temps, en raison de la multiplicité des forces politiques et des droits de chacune. Ce n’est pas nouveau et nous n’en assumons donc pas la responsabilité. Nous en avons hérité en tant que nouvelle majorité. Les Libanais doivent donc être patients. Nous espérons que la majorité, le Premier ministre et le Président de la République parviendront à s’entendre et qu’un gouvernement capable d’assumer les responsabilités verra le jour prochainement.
Je voudrais encore soulever un point que le président Nabih Berry a déjà évoqué : au sein de la majorité, nous nous considérons tous ensemble comme engagés sur un même bateau. Nous n’avons pas une classification de chaque force au sein de la nouvelle majorité et nous abordons la question du nombre selon l’importance des blocs et des forces politiques. Cette approche exige toutefois du temps.
Au sein de la nouvelle majorité, nous sommes déterminés et nous coopérons ensemble pour surmonter les pressions et les obstacles et aider le Premier ministre Négib Mikati à former un gouvernement capable d’assumer ses responsabilités dans cette période délicate.
Je présente des excuses si dans certaines parties de mon discours j’ai été un peu dur, mais j’exprimais des sentiments profonds. Malgré tout, je voudrais rappeler que nous sommes tous les fils d’un même pays. Au cours de mes conversations avec le président martyr Rafic Hariri, nous avons parfois évoqué les accusations qui étaient parfois formulées contre le Hezbollah le considérant comme une communauté iranienne ou syrienne au Liban. Je lui avais alors dit : nous sommes dans ce pays de grand père en petit fils depuis des siècles. Nos racines remontent aux arbres généalogiques des tribus arabes et non arabes qui se sont installées dans ce pays. Mais nous n’avons pas d’autre choix, nous n’avons pas de double nationalité, ni deux passeports, ni deux maisons, une au Liban, l’autre à l’étranger, ni encore deux métiers un au Liban et le second à l’étranger. Nous sommes nés, nous avons grandi dans ce pays. C’est là que se trouvent nos maisons, nos morts et nos martyrs. C’est là que nous vivrions et c’est là que nous mourrons et c’est là aussi que nous avons résisté pendant 33 jours sous le feu des armes et des avions les plus puissants de la région.
Pour nous, le Liban n’est pas un choix, mais il est notre destin. Je le dis en toute âme et conscience : nous resterons ici car ce pays est celui de nos ancêtres tout comme il est celui de nos petits enfants. C’est notre droit d’y rester et nous nous y attachons.
Traduction:Soraya Hélou
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