Sayed Nasrallah a révélé en images les surveillances israéliennes de Rafic Hariri
Au cours de sa seconde conférence de presse en un mois, le secrétaire général du Hezbollah sayed Hassan Nasrallah a démontré que l’accusation contre le Hezbollah d’être impliqué dans l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri ne tient pas et il a au contraire donné des indices d’une implication israélienne.
Bismillah al Rahmane al Rahim J’ai promis de donner au cours de cette conférence de presse des indices et des données qui ouvrent un nouvel horizon dans l’enquête et favorisent l’accusation d’Israël dans l’assassinat du Premier ministre martyr Rafic Hariri. Je tiendrai parole inchallah.
Depuis que j’ai fait cette annonce, il y a des réactions qui se sont demandées pourquoi j’ai choisi ce timing et pourquoi j’avais gardé secrètes ces données ?
Indépendamment de la manière et des intentions cachées derrière ces questions, car je veux aller au fond des choses et ne pas m’intéresser aux petits détails, je laisse la réponse à la fin de la conférence car ce que je vais développer peut contribuer grandement à cette réponse.
Je voudrais vous remercier pour votre présence nombreuse. Naturellement, la gravité du sujet et de la période actuelle exigent un grand sens des responsabilités.
Je compte développer deux grands titres : l’accusation israélienne contre le Hezbollah, et l’accusation du Hezbollah contre Israël.
Dans le premier titre :
Depuis le début et plus précisément depuis le 13 septembre 1993, date de la signature de l’accord d’Oslo, lorsque le Hezbollah avait organisé une manifestation de protestation contre cet accord dans la banlieue sud. Le gouvernement présidé par Rafic Hariri s’était opposé à la manifestation et il a tiré sur les manifestants faisant dix martyrs et une cinquantaine de blessés. A l’issue de ce drame, il y a eu une sorte de rivalité politique entre le Hezbollah et le gouvernement, plus particulièrement avec le Premier ministre Rafic Hariri.
C’est alors qu’Israël est intervenu, à travers un de ses agents qui est entré en contact avec un responsable de la sécurité de Hariri et l’a convaincu que le Hezbollah planifiait de le tuer et était entré dans la phase d’exécution de son plan. L’agent avait donné des indications contre le frère martyr Imad Moghnié et d’autres.
Pour comprendre ce sujet, je vais le raconter à ma manière : quelques mois après la manifestation du 13 septembre, un des cadres du Hezbollah à Saïda, qui a été tué par la suite par les Israéliens, hajj Ali Dib, connu sous le nom de Abou Hassan Salamé a été arrêté par les SR syriens sur ordre du général Ghazi Kanaan. Le frère Ali Dib a été arrêté dans des circonstances obscures. J’ai appris au bout de quelques jours qu’il se trouvait à Anjar. Je me suis donc rendu chez le général Kanaan et je lui ai demandé de libérer Ali Dib. Il m’a répondu : je l’ai envoyé ce matin à Damas. L’affaire est désormais là-bas. Je lui ai alors demandé de quoi il s’agit, d’autant que s’il avait souhaité l’interroger dans le cadre d’une enquête, nous aurions répondu positivement, comme nous le faisons toujours, surtout lorsqu’il s’agit de sujets délicats.
Le général Kanaan m’a répondu (et vous en aurez la preuve dans quelques instants) que le Premier ministre Rafic Hariri est venu me voir il y a quelques jours pour me dire qu’un proche de Imad Moghnié, soit le responsable de son bureau soit un de ses gardes du corps les plus proches a assisté à une réunion (ce qui fait penser à Mohammed Zuhair Siddiq) entre Imad Moghnié, Ali Dib et d’autres dont il ne connaît pas le nom. Au cours de cette réunion, il a été question du plan pour l’assassiner. Ce soi-disant proche de Moghnié aurait donné à Hariri des détails sur l’assassinat qui devrait avoir lieu à son passage sur telle route. Le général Kanaan a ajouté qu’il ne peut pas se taire sur une telle affaire, puisqu’il est question de l’assassinat d’un Premier ministre. Après six jours d’interrogatoire « anjarien » au cours desquels les os du frère Ali Dib ont été broyés pour qu’il passe aux aveux, ce dernier a continué d’affirmer que ces informations sont fausses. Il a quand même été envoyé à Damas où son interrogatoire s’est poursuivi. J’ai alors adressé une lettre au président Hafez Assad, qui a transmis le dossier au général Ali Douba. Ce dernier a demandé à me voir et il m’a montré le dossier où l’interrogatoire à Damas a aussi montré que les informations étaient dénuées de tout fondement. Ali Dib a finalement été relâché. Deux ans plus tard, en 1996, la sécurité de la résistance poursuivait un espion pour le compte d’Israël, qui photographiait des centres et des domiciles appartenant à la résistance dans la banlieue sud et au Sud. Cet espion s’appelle Ahmed Nasrallah. Il ne fait pas partie de ma famille, étant d’un autre village et d’ailleurs, il n’est plus proche de sa propre famille, car l’espion n’en a pas une.
L’interrogatoire de Ahmed Nasrallah tournait autour des photos prises et des informations données aux Israéliens. Nous ne pensions absolument pas à l’affaire de Rafic Hariri et Ali Dib. C’est lui qui a raconté cette histoire. Nous détenons un long enregistrement à ce sujet dont vous écouterez des extraits. Ahmed Nasrallah a révélé avoir contacté un responsable sécuritaire chez Hariri et avoir prétendu être un proche de Imad Moghnié. Il a aussi évoqué un certain Mohammed Afif tout en précisant qu’il ne connaît personne de ce nom. Il a déclaré avoir donné pendant des mois de fausses informations à Hariri sur l’intention du Hezbollah de le tuer, lui conseillant de ne pas emprunter telle ou telle autre route. Il a ainsi réussi pendant une période à contrôler les déplacements du convoi de Hariri. Il a aussi rapporté avoir dit que Ali Dib, qui est originaire de Saïda, aurait suggéré à Imad Moghnié de tuer Bahia Hariri. Comme cela, son frère sera obligé de se rendre à Saïda pour assister aux funérailles et c’est là qu’il sera tué. J’ai remis une copie de son interrogatoire au général Ghazi Kanaan et une autre aux services concernés. Il a été arrêté jusqu’en 2000. En février de cette année, il a été libéré pour des raisons que j’ignore et il s’est enfui quelques jours plus tard vers la bande frontalière, avec sa famille, et à partir de là, il a gagné la Palestine occupée où il recrute des Libanais pour le compte de l’ennemi.
En somme, l’agent Ahmed Nasralla a réussi, sur base d’instructions de l’ennemi, à semer le doute dans l’esprit de Rafic Hariri et de ses proches et à les convaincre d’un scénario entièrement inventé. Notre histoire avec les faux témoins a donc commencé depuis longtemps. Ecoutons maintenant un aperçu sur Ahmad Nasrallah et un extrait de ses aveux.
Né à Khiam en 1967, Ahmed Nasrallah est Libanais et vit actuellement en Palestine occupée. Arrêté en 1996, il est resté en prison jusqu’au 3 février 2000. Il s’est enfui vers la bande frontalière le 14 février 2000 et s’est installé en Palestine occupé à partir de mai 2000. Les membres de sa famille l’ont rejoint par étapes par Nakoura et il recrute depuis des Libanais pour le compte de l’ennemi.
Voici une partie des aveux de cet espion : Je connais un jeune homme qui travaille pour Rafic Hariri depuis 1988-1989, à la Fondation Hariri près du domicile de ma sœur. Le 13 septembre 1993, après la manifestation et les morts, nous avons engagé la conversation. J’ai alors dit qu’ils (le Hezbollah) disent que la situation est mauvaise et qu’il compte assassiner Rafic Hariri s’il apparaît qu’il y a quelque chose contre lui. Une semaine plus tard, je lui ai dit qu’il y apparemment quelque chose contre lui. Il m’a demandé d’essayer d’en savoir plus et un mois plus tard, je lui ai dit qu’il existe un certain Mohammed Afif, proche de Imad Moghnié qui peut me donner plus d’informations…J’ai commencé à lui dire aussi que chaque fois que je me rends au Sud, je vois le groupe de Abou Hassan Salamé (Ali Dib) au bord de la route(…)
C’est un extrait du début des mensonges israéliens au sujet de Rafic Hariri et des intentions du Hezbollah. Nous supposons que Rafic Hariri ne s’est pas contenté d’informer le général Kanaan. Il a probablement parlé de ses craintes à son équipe, à ses proches et à ses amis dans le monde. De la sorte, l’ennemi a réussi à jeter dans les esprits les germes d’un complot virtuel, depuis des années.
Dans le second titre : Depuis le 14 février 2005, les Israéliens se sont empressés de nous accuser et ils ont maintenu cette accusation jusqu’à l’article du Der Spiegel et bien au-delà.
Suit un rapport résumé sur les accusations d’Israël contre le Hezbollah.
« Dans un commentaire sur l’assassinat de Rafic Hariri, la radio israélienne a déclaré le 14 février 2005, que ce dernier avait de grands conflits avec le Hezbollah. Le 17 février 2005, le quotidien Yedioth Aharonot a évoqué un rapport établi par les SR militaires israéliens (Aman), selon lequel le Hezbollah serait responsable de l’assassinat de Rafic Hariri. Le même jour Amnon Dahan du parti Chas a évoqué le même rapport.
Le journaliste Amos Harnel a évoqué dans l’édition du 25 mai 2010 du quotidien Haaretz qu’un rapport d’Aman datant de la fin de 2001 rapporte que Rafic Hariri serait assassiné par le Hezbollah (etc) »
Nous passons maintenant au second titre qui comporte quatre parties.
1-Israël possède les moyens d’accomplir un tel acte. Je ne pense pas que nous ayons besoin de preuves pour étayer cette affirmation. D’autant qu’Israël a un passé riche en assassinats au Liban et ailleurs. Le Liban est sans doute la scène où l’ennemi a pu le mieux exercer ses compétences et ses moyens en la matière, après la Palestine. Grâce aux espions locaux, les israéliens peuvent entrer au Liban par les côtes et les ports, y rester quelques jours et mettre au point les détails de leurs opérations meurtrières. L’ennemi israélien possède les moyens, les occasions et nous venons de le découvrir les espions spécialisés dans tous les domaines nécessaires pour réaliser les assassinats. Et ce qui n’a pas encore été découvert semble encore plus important.
2-L’intérêt et le mobile. En résumé, il s’agit certes d’une analyse politique, mais elle est basée sur des données concrètes. Tout le monde connaît l’hostilité d’Israël à l’égard de la résistance au Liban et dans le monde. C’est une hostilité violente et puissante. L’ennemi cherche à profiter de la moindre occasion pour se débarrasser du Hezbollah ou, à tout le moins, le désarmer. Il est aussi clair qu’Israël voue une grande animosité à la Syrie qui entrave un compromis aux conditions israéliennes, s’accroche à ses droits et protège la résistance en Palestine, tout comme elle soutient et protège la résistance au Liban. En toute sincérité, Israël n’avait aucun problème avec la Syrie à cause de sa présence au Liban, ou à cause du fait qu’elle exerçait une tutelle sur le Liban. Son problème avec elle c’est parce qu’elle appuie la résistance en Palestine et au Liban. Je voudrais rappeler ce que j’ai déjà évoqué : le président Bachar Assad m’a personnellement déclaré en 2004, quelques semaines avant l’adoption de la résolution 1559, qu’un dirigeant arabe lui a rendu visite et lui a déclaré que les Américains et la communauté internationale en général ne sont pas opposés au maintien de la présence de ses troupes au Liban (je voudrais rappeler que la révolution des Cèdres et tous les mouvements souverainistes de l’époque réclamaient le retrait des troupes syriennes du Liban). Ils ne s’opposent même pas au déploiement des troupes syriennes au Sud du fleuve Awali, jusqu’à la frontière. Mais cela à deux conditions : qu’il désarme le Hezbollah et les camps palestiniens. Le président Assad a répondu à son interlocuteur que la résistance fait partie de la sécurité nationale stratégique syrienne et qu’elle ne peut donc pas être sacrifiée. Il a ajouté qu’Israël a envahi le Liban en 1982 mais n’a pu désarmer les camps palestiniens. En d’autres termes, le président syrien a opposé un refus aux conditions américaines quelques semaines avant la résolution 1559. A partir de là, il était donc devenu nécessaire de provoquer un grand événement au Liban qui pourrait être utilisé pour obliger la Syrie à se retirer du Liban et pour encercler et isoler la résistance avant de la contraindre à déposer les armes. Il y a donc eu le grand séisme du 14 février 2005 avec l’assassinat du Premier ministre martyr Rafic Hariri. Son sang a été utilisé pour faire sortir les Syriens du Liban et il est aujourd’hui utilisé pour agresser la résistance. Ce sont là le mobile et l’intérêt.
3-Les méthodes israéliennes. En les évoquant, on peut mieux comprendre les indices que je compte présenter dans quelques instants.
Les méthodes israéliennes reposent sur plusieurs éléments :
A-L’exploration aérienne. L’ennemi possède plusieurs genres d’exploration aérienne, dont le plus connu des Libanais est l’avion espion MK, qui surveille les villes, les villages, les convois, les groupes, les travaux de fortifications et les déploiements militaires.
B- Le contrôle technique : les engins de surveillance, les caméras plantées un peu partout et l’utilisation maximale des téléphones portables.
C-L’exploration sur le terrain. A travers les espions, les agents ou des équipes de commandos israéliens introduits sur place. L’exploration sur le terrain permet d’obtenir des informations plus détaillées et plus précises que l’exploration aérienne.
D-L’appui logistique. L’introduction d’explosifs et d’armes sur les lieux avant l’exécution de l’opération.
4-Les indices et les preuves.
Nous commençons par poser la question suivante : l’ennemi israélien a-t-il une activité d’espionnage depuis 2004 jusqu’à aujourd’hui ? Certains affirmaient qu’Israël n’était absolument pas concerné par l’assassinat de Rafic Hariri ou par toute autre opération du même genre. En d’autres termes, à chaque assassinat, les doigts accusateurs étaient pointés contre la Syrie et ses alliés au Liban qu’on appelait le système sécuritaire libano-syrien. En répondant à cette question, nous pourrons mieux comprendre la suite.
La plupart des agents et des espions ont été arrêtés dans les années 2009-2010. Pourquoi les services libanais ont commencé une activité sérieuse dans ce domaine à partir de cette date, est une autre question.
Je vais donner des exemples d’agents et une partie de leurs aveux devant les services de sécurité libanais. Certains ont été dévoilés dans la presse, mais ils n’ont pas suscité un intérêt suffisant.
Le rapport donne un aperçu sur certains agents qui ont réalisé des opérations d’exploration, de communication et d’installation de caméras de surveillance ainsi que l’introduction d’explosifs.
Philippos Hanna Sader. Il suivait les déplacements du Président de la République et du commandant en chef de l’armée. Il a commencé à travailler pour l’ennemi en 2006 et a été arrêté en 2010. Il était chargé de surveiller le domicile du président à Amchit, les moyens d’y accéder surtout à partir de la mer, les parkings proches et le temps nécessaire pour y arriver à pied et en voiture. Il surveillait aussi le yacht du commandant en chef de l’armée.
Sayed Nasrallah : la mission d’exploration sur le terrain confiée à l’agent Sader est avancée et précède généralement de peu l’exécution. En général, cette mission permet de compléter les données avant de passer aux moyens. Si les Israéliens voulaient des informations générales, ils se seraient contentés de l’exploration aérienne. Il faut aussi constater l’insistance sur la côte maritime dans toutes les missions d’espionnage israéliennes. Toutes ces informations réclamées par le maître israélien sont-elles destinées à s’amuser pou constituent-elles une préparation pour l’opération ? Pourquoi l’agent a-t-il eu aussi pour mission de surveiller le yacht du commandant Kahwaji ? Simplement parce qu’il est possible de placer un explosif sur la coque du yacht pour s’en prendre au commandant en chef. Je voudrais relever le fait que cela été dévoilé dans la presse, sans provoquer une réaction importante. Si les services libanais avaient arrêté un homme travaillant pour les Sr syriens ou pour le Hezbollah et avait révélé qu’on lui avait confié une telle mission, comment le pays aurait-il réagi ? Parce qu’il s’agit d’Israël, l’affaire a été réglée en 24 h. Il s’agissait pourtant de surveiller des personnalités importantes dans le pays. A partir de là, je voudrais demander pourquoi la commission internationale n’a-t-elle pas souhaité entendre ces agents et tenter d’établir des liens avec d’autres activités ou d’autres missions ? Un faux témoin a diffamé le Liban et sur base de ses affirmations, quatre généraux ont été jetés en prison, des officiers syriens ont été entendus à Vienne. Mais des milliers d’aveux comme celui-là ne justifient-ils pas de la part de la commission d’enquête ou du Liban une audition des maîtres israéliens pour connaître le but des missions confiées à leurs agents ?
Saïd Tanios Alam : chargé de surveiller les activités du chef des Forces Libanaise Samir Geagea et celles du Premier ministre Saad Hariri. Né en 1958, il a commencé à travailler pour les Israéliens en 1990 et il a été arrêté en 2009. Selon ses aveux, il était chargé de noter les visites de Saad Hariri à Samir Geagea ainsi que les activités de ce dernier aux Cèdres puis lors de son déménagement à Meerab, ainsi que les déplacements de certaines personnalités politiques dans les cafés de Jbeil.
Sayed Nasrallah : le maître israélien a confié à cet agent la surveillance non de membres du Hezbollah, mais bien de Samir Geagea, ainsi que les visites de Saad Hariri. Pourquoi ? La réponse à cette question donne des pistes à tous ceux qui se demandent pourquoi tous les assassinats depuis le 14 février 2005 ont visé des personnalités du 14 mars. En réalité, il était nécessaire d’assassiner des personnalités du 14 mars pour pouvoir en accuser la Syrie et ses alliés ou encore la résistance. De plus, à ma connaissance, ni Mohammed Fneiche, ni Mohammed Raad ni encore cheikh Naïm Kassem fréquentent les restaurants de Jbeil. Ceux qui fréquentent ces restaurants sont bien sûr nos frères du CPL mais aussi les personnalités du 14 mars…
Mahmoud Rafeh. Né en 1949, il a commencé à travailler pour les Israéliens en 1993. Il a été arrêté en 2006 et il a reconnu avoir participé à quatre assassinats : celui des frères Majzoub, de Jihad Jibril et de Ali Saleh. Il a aussi reconnu avoir posé des explosifs entre 1999 et 2005, notamment à Naamé en 1999 et à Zahrani en 2005. Il a aussi hébergé et aidé des commandos israéliens introduits au Liban.
Sayed Nasrallah : Je voudrais rappeler que cet agent a été condamné à la peine de mort et m’arrêter devant deux points : La charge explosive placée à Zahrani visait le président de la Chambre Nabih Berry. Certes, Mahmoud Rafeh ne connaissait pas la cible ayant une simple fonction d’exécutant. Mais cette charge était d’une grande précision et très dangereuse. Elle était à cent pour cent de fabrication israélienne selon les documents possédés par les enquêteurs. A notre avis, Israël qui avait assassiné Rafic Hariri au début de la même année, sans réussir à provoquer une discorde entre sunnites et chiites a voulu tuer Nabih Berry dans une nouvelle tentative de la provoquer. Nous en parlerons un jour plus longuement.
Le second point est la reconnaissance par Mahmoud Rafeh d’avoir hébergé et aidé des commandos israéliens introduits au Liban. Il les aidait mais ignorait ce qu’ils faisaient ni où ils se rendaient. Ceux-ci accomplissaient leurs missions puis Mahmoud Rafeh les emmenait jusqu’au fil barbelé entre la Palestine occupée et le Liban, souvent par voie de mer. La commission d’enquête n’a jamais interrogé Rafeh sur ces commandos. Ne serait-il pas bon d’entendre les maîtres de Rafeh sur cette question ?
Nasser Nader. Né en 1965, il a commencé à travailler pour les Israéliens en 1997. Il a été arrêté en 2009. Il vivait à Jale el Dib et il a participé à l’assassinat de Ghaleb Awali dans la banlieue sud en 2004.
Sayed Nasrallah : J’ignore jusqu’où ont abouti les interrogatoires de cet agent au sujet d’autres questions, mais ce qui m’intéresse pour l’instant est qu’immédiatement après l’assassinat de Ghaleb Awali, un communiqué signé Jund al Cham a revendiqué l’attentat. C’est un indice de la faiblesse d’esprit des Israéliens qui croyaient pouvoir accuser un groupe sunnite de l’assassinat d’un cadre de la résistance chiite.
Fayçal Mokalled. Né en 1977, il a commencé à travailler pour le compte d’Israël en 2003 et il a été arrêté en 2006. Sa principale mission, selon ses propres aveux consistait à assurer le transport d’agents exécutifs pour le compte de l’ennemi, via la mer, ainsi que le transport de grandes valises noires, d’armes et de moyens logistiques.
Sayed Nasrallah : Cet agent a transporté des exécutants israéliens qui sont restés plusieurs semaines au Liban et il les a ramenés par voie de mer. Que faisaient ces exécutants ? Et pourquoi Israël avait-il besoin d’envoyer ses propres hommes au Liban ? Cet agent et d’autres ont reconnu avoir transporté dans des caches au Mont-Liban des valises d’explosifs puis d’être revenus sur pace pour constater que les valises avaient disparu.
Adib Alam. Né en 1942, il a commencé à travailler pour l’ennemi en 1994 et il a été arrêté en 2009. Parmi ses principaux aveux, un travail de reconnaissance et de photographie de nombreuses routes côtières et montagneuses et il a participé avec son épouse Hayat Saloumé à des missions de reconnaissance en préparation à un assassinat, notamment celui des frères Majzoub. Il a aussi introduit au Liban des équipements d’espionnage tout comme il a doté l’ennemi de cartes téléphoniques libanaises prépayées.
Sayed Nasrallah : Ces agents ont fait des aveux devant les services libanais, non pas à l’époque de la tutelle syrienne, ni du régime sécuritaire, mais devant l’Etat actuel. Il existe aussi de nombreux autres aveux et je n’ai soumis que quelques exemples.
Je demande qu’une partie fasse un état des lieux complet de l’ensemble des aveux dans toutes les régions et dans tous les domaines. Elle pourra ensuite procéder à une lecture approfondie des éléments en sa possession. A mon avis, celui qui veut connaître la vérité sur l’assassinat de Rafic Hariri doit commencer par là, non par les déclarations des faux témoins.
5-Le dossier des télécommunications.
En deux mots, avec l’arrestation d’employés importants dans le secteur des télécommunications, il apparaît clairement que l’ennemi israélien contrôle largement sur le plan technique et sur le plan de l’information, ce secteur et il n’a donc pas besoin de confier à ses agents des missions détaillées puisque les données qu’ils lui ont fournies lui permettent d’atteindre ses objectifs. Les experts expliqueront cela.
Le résultat indiscutable est que les Israéliens contrôlent la scène libanaise, notamment le secteur des Télécommunications. Ils peuvent faire des écoutes, localiser un individu et suivre ses déplacements s’ils souhaitent l’assassiner.
6-La reconnaissance aérienne qui constitue la clé de voûte de ce que fait Israël au Liban. Come je l’ai déjà dit, Israël possède des moyens considérables et variés dans ce domaine. Il possède des avions qui peuvent faire des reconnaissances et exécuter des opérations en même temps. il fabrique d’ailleurs des avions de reconnaissance et en vend à la Turquie, à la Russie et à l’Inde entre autres. A travers ces avions, il peut photographier une maison, ses routes d’accès etc. D’ailleurs il se base essentiellement sur les données rapportées par ces missions de reconnaissance et parfois les complètent par des missions sur le terrain.
Je voudrais à ce stade, dévoiler un secret à l’opinion publique.
Avant 1997, la résistance islamique au Liban a réussi, à travers un effort technique déterminé, à capter les émissions d’un avion MK qui photographiait des régions précises au Sud et envoyait immédiatement les photos à la salle d’opérations militaires de l’ennemi en Palestine occupée. Grâce à leurs efforts techniques, nos frères ont réussi à intercepter les émissions de l’avion et à recevoir ainsi simultanément les photos et les documents envoyés en Palestine occupée. C’était un grand défi relevé par des jeunes Libanais ayant fait des études au Liban. Nous avons gardé ce secret pour nous et nous avons commencé à intercepter les photos transmises au QG opérationnel de l’ennemi. Je ne vous cache pas qu’au début, nous avions des difficultés à interpréter les films reçus, car cela exige des spécialisations et des moyens que nous n’avions pas. De même, nous n’avions pas les moyens d’intercepter tous les films captés par les avions MK. De plus, après l’opération d’Ansariyé, je crois que l’ennemi a pris de nouvelles mesures préventives, en codant les émissions et nous avions des difficultés à déchiffrer ces codes.
Mes frères ont donc réussi à intercepter certaines photos aériennes prises par les avions espions israéliens au-dessus de la côte et vers les champs, puis en suivant une route asphaltée qui monte vers Ansariyé. Au début, nous n’avons pas copris où l’avion voulait en venir. Mais ayant des cadres au Sud, nous avons réussi en nous basant à cette époque sur les moyens villageois et en remontant de la côte vers l’intérieur et nous avons réussi à identifier les lieux. Nous avons supposé que l’ennemi préparait une opération sur les lieux. Les résistants ont monté des pièges et ont fait le guet pendant plusieurs semaines ( je ne souhaite pas donner plus de précisions).
Dans la nuit du 5 septembre 1997, un commando israélien est arrivé par la mer et il a remonté la piste vers l’intérieur. Il s’est heurté aux pièges tendus par les résistants et la confrontation a eu lieu. Douze des 15 membres du commando ont été tués. Deux autres ont été blessés et le dernier a pu contacter les renforts qui sont intervenus à l’aide des hélicoptères pour évacuer les blessés et les dépouilles. A cette époque, nous n’avions pas des lunettes de nuit alors que l’ennemi en avait. C’est pourquoi il a pu retirer les blessés et les dépouilles. Il a laissé des morceaux qui ont fait l’objet ultérieurement de négociations. Vous allez maintenant voir une partie des photos de l’avion MK. Naturellement, nous n’avons pas pu intercepter les photos pendant l’opération…
Le film diffusé raconte, photos interceptées à l’appui, l’opération d’Ansariyé et le piège tendu par la résistance à la grille du champ, au bout de la route entre Ansariyé et Loubié. Le film montre aussi les hélicoptères israéliens tournant en rond au-dessus du lieu de l’affrontement pour évacuer les soldats, ainsi que les traces des obus tirés par la résistance.
Sayed Nasrallah : Ce film permet d’aboutir à deux conclusions. D’abord, il confirme l’hypothèse des missions de reconnaissance aériennes, et ensuite il montre qu’effectivement, ces missions sont le prélude à une action sécuritaire de commandos. Sur le bas côté de la route empruntée par le commando, il existe un conduit d’eau. Nous ne savons pas encore si l’objectif de l’opération était de placer une charge explosive dans ce conduit ou s’il s’agissait d’enlever un cadre de la résistance. Mais il s’agit d’un exemple concret sur laquelle nous pouvons appuyer notre raisonnement. Nous possédons de nombreux exemples de missions de reconnaissances et de photos transmises par les avions espions. Je me contenterai d’en donner deux, mais je voudrais d’abord préciser que la transmission de photos ne signifie pas que l’opération doit avoir lieu rapidement. Elle peut prendre des mois, voire des années, et parfois exiger d’autres missions de reconnaissance.
Nous comptons vous présenter des photos de préparation, non d’exécution. Nous n’avons pas encore réussi à confirmer la présence de l’avion MK dans le ciel au moment de l’assassinat. Nous commencerons par des photos interceptées de reconnaissance pour la préparation de l’assassinat de Ali Dib, lias Abou Hassan Salamé.
Le film diffusé montre une photo satellite de la ville de Saïda ainsi que lieu de travail de Ali Dib à Abra, ainsi que le chemin qu’il emprunte jusqu’au lieu où il a été assassiné. Le film suit ensuite le chemin jusqu’à son domicile à Ghaziyé. La reconnaissance s’est étalée pendant deux ans jusqu’à l’exécution de l’opération le 16 août 1999 par le placement d’une charge explosive sur la route Abra-Saïda.
Sayed Nasrallah : Nous possédons d’autres éléments, mais nos n’avons pas le temps de tout montrer. La seconde opération est l’assassinat des frères Majzoub.
Le film montre une reconnaissance de la maison du martyr Mahmoud Majzoub à l’entrée de la ville de Saïda. La surveillance porte sur les voitures qui s’arrêtent devant son domicile. D’ailleurs la charge explosive a été placée dans sa propre voiture. L’ennemi a réussi à l’assassiner avec son frère Nidal, le 26 mai 2006, c’est-à-dire huit ans après avoir commencé à la surveiller. Rappelons que Mahmoud Rafeh a reconnu avoir joué un rôle important dans cet assassinat, auquel un commando israélien a participé ainsi que l’agent en fuite Hussein Khattab.
Sayed Nasrallah : Je voudrais maintenant arriver à l’assassinat du Premier ministre martyr Rafic Hariri. Je voudrais commencer par rappeler qu’après cet assassinat, j’ai rendu visite à la famille du défunt pour présenter mes condoléances. Celle-ci m’a demandé que le Hezbollah puise aider dans l’enquête, selon ses moyens. Nous avons alors formé une commission commune à laquelle ont participé des membres du Hezbollah et le colonel Wissam Hassan représentait la famille Hariri. Il n’était pas encore devenu l chef de la section des informations aux FSI. Cette commission a étudié la scène du crime et Hassan lui a fourni des indications sur les déplacements de Hariri d’autant qu’il était responsable de la sécurité de l’ancien Premier ministre. La commission avait abouti à une première lecture du crime, mais elle a arrêté son travail après les développements politiques dans le pays. Les doigts accusateurs se sont portés contre la Syrie, les officiers libanais et le régime sécuritaire. Jusqu’à la publication de l’article de Der Spiegel et l’apparition du dossier des faux témoins ainsi que la remise en liberté des officiers. La nouvelle orientation de l’accusation est devenue claire et que l’on m’excuse d’évoquer des articles de presse, car je sais que des responsables et des personnalités libanaises ont entendu partout dans le monde des échos similaires. Nous avons aussitôt formé une commission et nous leur avons demandé d’étudier calmement la situation. Nous avons des données concernant les agents et les espions. Certes, les agents exécutifs importants ont probablement été exfiltrés, d’autant que les agents arrêtés ont pour la plupart effectué des missions en 2006. Mais l’existence de ces agents donne un indice important en faveur de l’accusation d’Israël. Nous avons demandé à cette commission de revoir nos archives avant le 14 février 2005. Ce travail nous a pris près d’un an et je dois reconnaître que nos frères au sein de la commission ont été mis sous pression au cours des dernières semaines. Il reste d’ailleurs beaucoup de films à étudier. Mais nous avons déjà abouti à des indices probants sur l’implication d’Israël. Nous vous présenterons des images de survols israéliens au dessus de la ville de Beyrouth à diverses périodes, situées entre 2000 et 2005. Vous remarquerez que les endroits photographiés sont examinés sous plusieurs angles. C’est la preuve qu’il ne s’agit pas d’une photo prise au hasard mais que l’endroit photographié constituait une cible véritable. Selon les experts, il s’agit donc d’une préparation à une opération, d’autant que les photos accordent une attention particulière aux tournants, car le convoi, même blindé est contraint de ralentir sa vitesse à ces tournants. Je vous demande de regarder attentivement les tournants sur la côte. Les routes photographiées mènent du domicile de Rafic Hariri à Koraytem vers sa villa à Fakra ainsi que la route de Saïda.
Le film présenté montre une photo satellitaire de la ville de Beyrouth avec l’accent sur le domicile de Hariri à Koraytem ainsi que la route prise pour se rendre à l’ancien et le nouveau sérail. la reconnaissance porte sur les routes menant vers ces lieux, ainsi que sur la Corniche du bord de mer, du saint Georges jusqu’à Raouché. Il apparaît que l’ancien Premier ministre utilisait essentiellement deux chemins pour se rendre de son domicile au Parlement ou au sérail. Le premier (et il est utilisé plus fréquemment que le second) passe par le secteur du Saint Georges, la plage de l’AUB, Manara, le Bain militaire, le restaurant Dbaïbo, la route du KFC et la rue Chattila, qui constitue l’entrée vers le secteur de Koraytem.
Le second chemin passe par la rue Bliss, longe le Bain militaire et rejoint le précédent chemin. Celui-ci peut être atteint par la voie côtière et la descente du Phoenicia. On en revient ainsi à la route côtière. Les images retransmises par l’avion israélien datent de périodes différentes et couvrent, sous divers angles, l’ensemble du secteur, en passant par la rue Hamra. Le tournant de Manara est mis en relief, entre l’hôtel Riviera et le Bain militaire. Le tournant de Dbaïbo fait aussi l’objet d’une attention particulière. Le simages sont précises et captent les moindres détails. Il en est de même pour le second chemin, qui commence par la rue Clémenceau et passe devant la plage de l’AUB, jusqu’au club Al Riyadi.
Les cercles autour des tournants montrent les lieux adéquats pour l’exécution des cibles. On voit ensuite près du Bain militaire les lieux où les deux chemins se rejoignent sur l’autoroute côtière. L’avion espion insiste sur le tournant, notamment à Dbaïbo et près dde la route menant vers Koraytem.
Sayed Nasrallah : La question qui se pose face à ce film et aux autres extraits est la suivante : y a-t-il des positions du Hezbollah ou des domiciles de ses cadres dans les secteurs faisant l’objet de cette surveillance ? Pourquoi cette insistance sur Koraytem et sur le secteur du saint Georges à diverses périodes ? Un tel secteur proche de la côte ce qui donne une grande capacité d’action à l’ennemi israélien. Je voudrais aussi demander : s’agit-il d’une coïncidence ? Encore une, ajoutée à tant d’autres…certains ont pris des coïncidences et ont bâti autour d’elles un acte d’accusation. Celles-ci peuvent aussi être utilisées de la même manière. Nous allons voir maintenant la route obligatoire que doit prendre toute personne se dirigeant de Beyrouth vers Fakra.
L’avion israélien filme le côté nord du tunnel de Nahr el Kalb, insiste sur le tournant du Christ roi et remonte vers Fakra tout en filmant aussi le secteur de Jounieh-Dbayé.
Sayed Nasrallah : Sur cette route et sur ce tournant en particulier, aucun membre de la résistance ne passe ou n’emprunte ce chemin. On ne peut même pas dire qu’il s’agit d’une route utilisée pour le transport des équipements. Le dernier extrait montre la ville de Saïda et les alentours du domicile de Chafic Hariri, sous divers angles. Il est clair que c’est la cible, ainsi que les accès vers ce domicile.
Le film montre dans cet extrait une surveillance de la route côtière vers le Sud dans le tronçon Jiyé Saïda. On voit ensuite l’entrée de la ville et l’autoroute côtière qui y mène. L’avion remonte vers la mosquée Zaatari et arrive jusqu’au domicile de Chafic Hariri, frère de l’ancien Premier ministre.
Sayed Nasrallah : Tous ces documents pris à différentes périodes montrent qu’il s’agit d’une véritable opération de reconnaissance et les experts confirmeront qu’il s’agit d’un prélude à une action.
7-Le survol israélien le jour de l’attentat.
Je voudrais dévoiler un secret, comme je l’ai promis. La situation ne supporte pas d’en dévoiler deux, mais si un jour, nous sommes face à une enquête sérieuse, je ne vois pas d’inconvénient à dévoiler un second. Nous avons obtenu des informations claires et sûres sur les survols aériens israéliens au-dessus de Beyrouth le 14 février 2005, notamment la présence dans l’espace aérien libanais d’un avion Awacs doté d’un dispositif d’écoute et de supériorité technique, permettant de diriger des opérations.
Le film montre le survol d’un avion Awacs et d’avions militaires israéliens au-dessus de Saïda le 13 février 2005 de 10h40 à 13h45. Quelques heures avant l’attentat, des survols d’avions israéliens et d’un avion espion ont été enregistrés au-dessus de la côte libanaise de Saïda à Jounieh en passant par Beyrouth de 20h45 jusqu’à 23h55. Le 14 février 2005, les avions israéliens ont survolé l’espace aérien libanais de 9h20 à11h15. De 10h à 12h30, un avion Awacs a survolé la côte libanaise jusqu’à Beyrouth. De 10h30 à 12h40, un avion espion s’est trouvé face aux côtes libanaises jusqu’à Beyrouth. Rappelons que l’attentat a eu lieu à 12h56 et le lendemain un avion espion israélien a survolé l’espace aérien libanais de Tyr à Beyrouth en passant vers Saïda de 11h9 à14h18.
Sayed Nasrallah : toute partie internationale peut se procurer ce relevé en s’adressant à l’aviation israélienne si les Israéliens sont disposés à coopérer. Sinon, tout pays ami peut aussi le fournir et les parties internationales peuvent vérifier son contenu, même si nous sommes sûrs de son sérieux.
Le dernier indice : Au cours des semaines passées, nous avons eu la preuve de la présence d’un agent exécutif nommé Ghassan Jed sur les lieux du crime le 13 février 2005. Nous avions collecté des informations au sujet de cet agent en raison de son lien avec l’assassinat de Ghaleb Awalé. Nous avons remis notre dossier aux services concernés, mais lorsque nous avons appris la présence de l’agent dans le secteur du saint Georges le 13 février 2005, il avait déjà disparu.
Le rapport présenté à l’auditoire confirme la présence d’un des plus dangereux espions exécutifs Ghassan Gergès Jed dans le secteur du Saint Georges le 13 février 2005. Cet espion est né en 1940 et il a commencé à travailler pour le compte des Israéliens dans les années 90 et il s’est enfui en 2009. Sa principale mission consistait à accueillir et à exfiltrer des commandos israéliens venus clandestinement accomplir des missions sécuritaires au Liban. Il a aussi participé à plusieurs missions sécuritaires. Le 24 mars 2004, un groupe israélien composé d’au moins deux officiers de sécurité est arrivé au Liban via la côte de Jiyé et a passé 50 heures dans le Mont-Liban sous la houlette de l’espion Ghassan Jed. Le 12 décembre 2004, il a participé à l’assassinat de Ghaleb Awali en assurant l’arrivée de l’équipe sécuritaire sur les lieux avant d’assurer son retrait.
Son dossier a été remis aux autorités concernées en 2006, mais il s’est enfui en 2009 avant d’être arrêté.
Sayed Nasrallah : Nous possédons des indices sur cet espion et si un jour une commission d’enquête sérieuse et fiable est formée nous pourrons coopérer avec elle pour parvenir à la vérité.
Il s’agit d’un faisceau d’indices et je ne prétends pas donner des preuves irréfutables, mais ouvrir des pistes et de nouveaux horizons pour l’enquête. Si quelqu’un veut réellement aboutir à la vérité, il doit examiner ces pistes et creuser pour la première fois depuis 5 ans la piste israélienne. Nous gardons le reste de nos indices pour une étape ultérieure car nous vivons des temps durs et amers. Comme je l’ai promis, je n’évoquerai pas le TSL ni l’enquête internationale car je me suis engagé à préserver le calme, même si on peut dire que j’ai fait quelques entorses à travers certaines interprétations. Je voudrais encore dire que les arrestations d’espions en 2009 et 2010 ont consolidé la tendance à se tourner vers Israël. Nous avons besoin d’un peu de temps encore pour compléter notre dossier.
Les questions et les réponses
Question- Vous vous êtes contenté de parler de tout ce qui implique l’ennemi israélien. Mais il existe une analyse politique qui accompagne ces données et qui pourrait remonter à la résolution 1559. Cet attentat pourrait donc s’inscrire dans un projet politique qui a commencé avec cette résolution et s’est poursuivi avec l’accusation portée contre la Syrie, l’exploitation politique de l’assassinat etc ; puis il y a eu une nouvelle orientation de l’accusation, innocentant la Syrie et accusant le Hezbollah. Etes-vous d’accord avec cette analyse politique ?
Réponse : Votre analyse est sensée, sage et logique, mais j’ai préféré m’éloigner des analyses politiques pour me concentrer sur les indices. Mais nous appuyons totalement votre développement.
Q : Quelle sera la position du Hezbollah si le TSL ou des parties libanaises refusent de tenir compte de ces indices sérieux et convaincants ?
R : Si le TSL ignore cette piste, cela confirmera notre conviction qu’il est politisé. C’est suffisant à nos yeux.
Q : Comptez-vous remettre ces indices au TSL pour qu’il puisse changer l’orientation de son enquête ?
R : Malheureusement, nous n’avons pas confiance dans cette instance et dans le procureur Bellemare. Mais si le gouvernement libanais décide de confier à une partie libanaise fiable le dossier, nous sommes prêts à coopérer et à remettre les données en notre possession au gouvernement ou à l’instance de son choix. Si le gouvernement souhaite remettre les données au TSL, c’est son problème. Personnellement, je ne considère pas que le TSL et la commisison d’enquête internationale est fiable. J’ai des données à ce sujet, mais je les garde pour moi pour l’instant.
Q : Est-il vrai que vous avez remis à la fin de 2005 à cheikh Saad Hariri via Wissam Hassan des informations sur un groupe qui surveillait l’ancien Premier ministre Rafic Hariri quelques mois avant sa mort et à quel service de sécurité avez-vous remis le dossier sur Ghassan Jed en 2006 ?
R : Je répondrai à la seconde partie de la question le moment venu lorsque j’évoquerai les réseaux d’espionnage et les agents ainsi que la situation générale dans le pays. Pour le reste, c’est vrai que nous poursuivions un agent et nous avons remis des informations sur le sujet, mais nous n’avions aucun indice concret sur son lien éventuel avec l’assassinat de Rafic Hariri. Si nous en avions nous l’aurions évidemment communiqué et nous en aurions parlé aujourd’hui.
Q : Pourquoi le parti s’est-il tu pendant si longtemps, ne commençant à révéler ces questions que lorsque la menace contre lui est devenue très précise, alors que Ahmed Nasrallah travaille depuis 1996 ? De plus, Israël filme tout le Liban, on pourrait vous rétorquer que vous avez pris des extraits d’un long film israélien…
R : D’abord je n’ai pas considéré le cas d’Ahmed Nasrallah comme une preuve. Si j’étais juge, je n’en tiendrais d’ailleurs pas compte. Je l’ai évoqué à part juste pour dire qu’il a réussi à mettre dans la tête de Rafic Hariri et de ses proches que le Hezbollah voulait le tuer. Il n’aurait pas été utile d’évoquer ce sujet dans les médias il y a quelques années. Déjà maintenant et vous voyez comment lorsque j’évoque cette question, on répond pourquoi vous sentez-vous visé ? C’est un indice de votre sentiment de culpabilité… Concernant le film israélien, c’est vrai qu’Israël peut filmer tout le pays, mais les films répétés et le fait de revenir sur les mêmes lieux sous divers angles est l’indice de la préparation d’une action sécuritaire, les experts le confirmeront.
Q : Pourquoi Ahmed Nasrallah aurait-il surveillé Rafic Hariri dès 1996 ? Et pourquoi Israël aurait-il attendu jusqu’en 2005 pour le tuer ? Enfin, au sujet des images aériennes, c’est vrai qu’il n’y a pas de positions du Hezbollah à Aïn Mreisseh et Jal Bahr, mais il y avait alors des positions syriennes. De plus, comment expliquer que Koraytem est filmé mais pas Fakra. Or si Israël veut assassiner quelqu’un, il filme tous les lieux qu’il fréquente…
R :En 1996, il n’y avait pas encore un projet politique qui aurait justifié l’assassinat de Rafic Hariri. Il n’y avait pas Georges Bush ni la position française. Si Rafic Hariri avait été tué en 1996, il n’y aurait pas eu les mêmes conséquences qu’en 2005. Cet assassinat s’inscrit dans un vaste projet politique qui a commencé en 2000 et qui couvre la région, la Syrie et la Palestine en faisaient partie et ce projet a provoqué des guerres dans la région, en Irak et en Afghanistan et des assassinats comme celui de Rafic Hariri.
Au sujet des images, celles que nous avons montré ne comporte aucun barrage syrien ni position de ce genre. De plus, nous ne sommes pas en possession de toutes les photos, car nous ne pouvons pas les intercepter. Nous ne possédons ainsi aucune photo de la surveillance de mon domicile à Haret Hreik, tout comme nous n’avons pas de photo de la présence de l’avion MK au-dessus du lieu des frères Majzoub au moment de leur assassinat, alors que nous en possédons lors de l’assassinat de Ghaleb Awalé. L’absence de photos de certains lieux ne signifie pas que celles-ci n’existent pas. De toute façon, les Israéliens devraient répondre à la commission d’enquête sur la raison pour laquelle ils ont filmé certains lieux sous divers angles.
Q : Qui cherchez-vous à convaincre aujourd’hui ? Vos partisans sont convaincus et vos détracteurs ne le seront pas… Le but que vous recherchez est-il la publication d’un acte d’accusation sans couverture libanaise ? De plus, il est vrai qu’au cours d’une de vos rencontres, le commandant en chef de l’armée vous aurait dit que la troupe n’arrêtera pas des éléments du Hezbollah, même si on le lui demande ?
R : Il n’y a rien eu de tel entre le commandant en chef de l’armée et moi-même. Pour le reste, nous ne cherchons pas à convaincre les convaincus. Quant aux autres, avant même que je ne donne la conférence de presse, un politicien a fait cinq déclarations en une semaine pour mettre en doute ce que je vais dire. Nous voulons la vérité et aider à y parvenir. Une partie de la bataille est celle de l’opinion publique et une autre encore concerne l’image. Vous n’ignorez pas les sommes versées pour détruire l’image du Hezbollah auprès des jeunes. Nous voulons montrer que le Hezbollah est victime d’une grande machination, mais je ne peux obliger personne à être convaincu par ma thèse. De toute façon, je le répète, je n’ai pas donné de preuve irréfutable, mais ouvert une piste. Après 5 ans, il est temps que l’enquête creuse la piste israélienne, j’ai voulu le dire aux gens en leur précisant qu’il existe de nombreux indices qui vont dans ce sens.
Q : Quelle sera la réaction du Hezbollah si un de ses membres est accusé ? Retirera-t-il ses ministres du gouvernement ou procèdera-t-il à un nouveau 7 mai ?
R : Cette conférence de presse ne porte pas sur ce sujet. Elle est consacrée à la piste israélienne.
Q : Avez-vous intercepté des images concernant d’autres personnes assassinées ? Comment vous êtes-vous assurés de la présence de Ghassan Jed dans le secteur du Saint Georges le 13 février 2005 ?
R : Nous avons concentré nos efforts au cours des derniers mois sur Rafic Hariri. Mais quelque chose apparaît plus tard, nous le révèlerons. De plus, lorsqu’il y aura une enquête sérieuse, nous sommes prêts à lui donner les éléments en notre possession sur la présence de Ghassan Jed…
Q : Vous n’avez pas insisté sur le dossier des télécommunications, alors que le TSL semble y tenir beaucoup ?
R : J’en parlerai plus tard et nous possédons des éléments très importants sur le sujet. Mais aujourd’hui, ce n’est pas notre propos. Nous nous sommes contentés d’évoquer les agents qui aident les Israéliens dans les télécommunications.
Q : Pouvons-nous avoir des détails sur le sommet Assad-Abdallah-Sleiman et les raisons de l’accalmie actuelle ? Enfin, quand vos relations se sont-elles détériorées avec Wissam Hassan.
R : La relation s’est détériorée à partir de la guerre de juillet 2006. Avant cela, nous étions en contact et je me suis même rendu à Koraytrem après une réunion de la conférence du dialogue. Au sujet du sommet, je n’ai rien de plus à dire que ce que j’ai déjà dit. Des efforts arabes sérieux sont déployés pour couper court aux rêves israéliens…
Q : Le TSl que le guide Khaménéi qualifie d’américano-israélien mérite-t-il que vous dévoiliez un secret militaire comme l’interception des photos prises par le MK ? Etes-vous prêt à rencontre Saad Hariri et comptez-vous lui demander à renoncer au TSL ?
R : La menace qui pèse sur la résistance et sur le pays mérite non seulement la divulgation d’un secret mais que l’on sacrifie aussi son sang. De plus, ce que j’ai dévoilé est un secret pour l’opinion publique, non pour les Israéliens qui ont dû se douter de quelque chose depuis l’opération d’Ansariyé. Pour la seconde partie, il n’y pas de rupture entre cheikh Saad et moi. Hajj Hussein Khalil lui a rendu visite et est entré en contact téléphonique avec lui lors de l’affaire de Adayssé. La rencontre peut avoir lieu à tout moment. Quant à lui demander de renoncer au TSL, je ne le ferai pas, tout comme je ne demanderai pas l’annulation de l’acte d’accusation ou le remplacement de Bellemare. L’assassinat de Rafic Hariri est désormais une affaire nationale, qui concerne aussi la Syrie et la cause palestinienne. Si je rencontre Saad Hariri, nous parlerons de notre volonté de parvenir à la vérité, qui a été perdue pendant 5 ans dans les coulisses des faux témoins et de ceux qui les ont fabriqués. Nous devons pas permettre aujourd’hui aux Israéliens de faire perdre la vérité. Nous sommes prêts pour tout ce qui peut nous rapprocher de celle-ci.
Q : Pourquoi ne présentez-vous pas directement ces indices et preuves au TSL, d’autant que celui-ci a écouté le général Jamil Sayyed ?
R : Le TSL l’a reçu et entendu. Mais quel est le résultat ?
Q : La décision n’a pas encore été prise et l’audience a été publique, ce qui est important…
R : Nous n’avons pas confiance dans ce tribunal, nous l’avons déjà dit. Si nous avons coopéré avec la commission d’enquête en acceptant qu’elle entende certains de nos membres, c’est parce que si nous ne l’avions pas fait, il y aurait eu un tollé international et on aurait conclu en disant que c’est la preuve de notre culpabilité. Donnez-nous une instance dans laquelle nous avons confiance et nous coopérons au maximum.
Q : Lorsque vous avez accepté d’intégrer le gouvernement d’union nationale, vous avez accepté le TSL qui figure dans la déclaration ministérielle. Remettez-vous en cause cet engagement ?
R : Il y a eu un débat à l’époque avec nos frères. Certains voulaient que nous exprimions des réserves sur le TSL, comme d’autres l’avaient fait au sujet de la résistance. Mais nous y avons renoncé, pour ne pas provoquer un débat, d’autant que notre position à l’égard du TSL est connue depuis le début. Quant à savoir si nous allons continuer à coopérer avec la commission, elle ne semble pas en tout cas pressée. Elle a pris un congé. Nous attendons de notre côté la fin du jeûne. Nous verrons après la fête du Fitr.
Q :Vous avez évoqué la volonté de l’ennemi de susciter une discorde entre les sunnites et les chiites. Que dites-vous aujourd’hui aux sunnites après les indices et les révélations que vous avez présentés ?
R :Tout le monde sait que le souci principal du Hezbollah est la résistance et l’unité du pays. Tout le monde connaît notre attachement à l’entente entre les musulmans et les chrétiens et entre les musulmans eux-mêmes. Nous sommes soucieux d’éviter les conflits internes et notre priorité est la lutte contre Israël. Le Hezbollah poursuit dans cette voie et lorsque nous disons que notre problème est avec le TSL, il est en fait avec les Israéliens et les Américains qui jouent avec le TSL. Mon problème n’est pas avec les sunnites du Liban ou dans le monde pour que je leur adresse un message particulier…
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