Sayed Nasrallah: Le Premier ministre m’a affirmé que l’acte d’accusation devrait accuser des membres du Hezbollah…
Devant un parterre de députés et de journalistes, le secrétaire général du Hezbollah sayed Hassan Nasrallah a demandé, dans le cadre d’une conférence de presse jeudi soir, aux leaders du 14 mars de faire leur autocritique au sujet des quatre dernières années au cours desquelles « le pays était chaque jour au bord de la guerre civile ».
Sayed Hassan Nasrallah a commencé par préciser que ses proches lui ont demandé : mais qui donne une conférence de presse à 20H30 ? Il leur aurait répondu : «Je veux donner à tous les Libanais l’occasion de m’écouter s’ils le souhaitent sans avoir à se contenter des extraits rapportés par les médias ».
Il a ensuite affirmé que le Liban a été introduit dans une période « délicate, complexe et sensible », non pas à cause d’une guerre ou d’événements internes, mais à cause du TSL. Il a ensuite ajouté que certains se sont déclarés surpris de la réaction du Hezbollah face aux confidences faites sur le contenu de l’acte d’accusation, alors que d’autres ont estimé qu’il n’a pas le droit de se défendre. Enfin, d’autres encore, ceux qu’il a appelés les « nouveaux philosophes » ont affirmé que le fait de se défendre équivaut à un aveu de culpabilité.
Sayed Nasrallah a précisé qu’il compte diviser ses propos en deux parties, la première pour ce soir et la seconde sera prononcée au cours d’une seconde conférence de presse dont le rendez vous sera fixé ultérieurement.
Sayed Nasrallah a encore affirmé que selon toutes les données détenues par le Hezbollah, l’acte d’accusation a été écrit en 2008, avant même que les membres du parti n’aient été entendus en tant que témoins en avril dernier. Sa publication a été toutefois reportée pour des raisons politiques. Selon lui, les concertations actuelles (il précise au passage que la presse a parlé de rencontres entre le procureur Bellemare avec des personnalités à Washington et New York et des responsables français) portent sur le timing de la publication, non sur le contenu.
Il a ensuite confirmé les informations selon lesquelles avant de se rendre à Washington, le Premier ministre Saad Hariri (qu’il en soit remercié) lui a rendu visite pour l’informer de la publication prochaine de l’acte d’accusation et du fait qu’il compte accuser des membres du Hezbollah. Sayed Nasrallah a ajouté que Saad Hariri a évoqué cette question avec beaucoup de bonne volonté dans un souci réel de coopérer et d’aider le parti. Il a d’ailleurs proposé immédiatement de déclarer à la presse que ces éléments du Hezbollah sont infiltrés et qu’ils n’agissent pas pour le compte du commandement. Il n’a pas voulu pour l’instant donner plus de détails sur la teneur de cet entretien, se contentant de se demander pourquoi les enquêteurs comptent entendre de nouveaux membres du Hezbollah, alors que tout a été déjà décidé. Il a répété qu’il rejette toute accusation contre un des membres du parti, précisant que la machine qui était en place avant l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri et qui s’est mise en marche aussitôt après l’assassinat est de nouveau en place aujourd’hui. Elle a été couronnée par les dernières déclarations du chef d’état major israélien Gaby Ashkénazi et les scénarios portent maintenant sur l’après publication de l’acte d’accusation.
Sayed Nasrallah a ajouté que tous ceux qui se sont élevés contre le contenu de son discours la semaine dernière connaissent parfaitement la réalité des choses et souhaitent que le Hezbollah reste silencieux jusqu’à la publication de l’acte d’accusation dont le contenu deviendra une évidence. Selon lui, le Liban se trouve aujourd’hui devant un grave projet qui vise la résistance, mais aussi tout Liban. Ce projet a été élaboré après l’échec de toutes les autres tentatives de briser le Hezbollah. Et cette fois, il ne s’agit plus de ‘en prendre à la Syrie ou à ses alliés, mais directement au Hezbollah, en utilisant un événement chargé d’émotion qui concerne tous les Libanais.
Tout en précisant qu’il n’a pas de données précises sur la date de publication de l’acte d’accusation, il a affirmé que des parties au Liban et à l’étranger estiment qu’il ne fat plus attendre et donner du temps à la résistance pour qu’elle se renforce.
Sayed Nasrallah a déclaré qu’il faut certes s’entendre et s’épauler, mais cela commence, selon lui, par s’écouter, « sans se contenter de lire des papiers transmis par des conseillers ».
« Lorsqu’on m’a dit que l’acte d’accusation serait publié dans les prochains mois, a déclaré Sayed Nasrallah, j’ai pensé à deux résultats : le premier positif concerne le fait que cet acte n’incrimine plus la Syrie ni ses alliés, ni les quatre généraux ; et le second négatif qui veut que l’acte accusera quelques membres du Hezbollah. Cela dans une première étape, mais qui sait ce qui arrivera plus tard, car il pourrait y avoir d’autres accusations. Nous sommes conscients du tunnel dans lequel on veut nous entraîner »…
Sayed Nasrallah a ensuite développé le point du rejet de la thèse de l’implication de la Syrie, estimant que c’est un point positif, car c’était la vision du Hezbollah depuis le début. Il a ensuite appelé les leaders du 14 mars à procéder à une autocritique au sujet de leurs positions à ce sujet, car celles-ci ont eu des conséquences sur tous les Libanais. Il a précisé qu’un seul leader a eu le courage de procéder à une telle autocritique et c’est Walid Joumblatt, « d’abord parce qu’il est courageux, a ajouté le sayed, et ensuite parce qu’il est sûr de son leadership et de la compréhension de sa base et enfin parce qu’il sait qu’il est désormais dans le vrai… J’invite les leaders du 14 mars à en faire de même. Il ne suffit pas de dire : je veux des relations normales avec la Syrie, en 2010. Il faut préciser aux partisans et à tous les Libanais, qu’en 2005, on a eu tort et qu’on a failli vos mener au précipice. Personne ne réclame des excuses, surtout pas la Syrie qui a surmonté cette question, car il est dans son intérêt de vouloir des relations normalisées avec le Liban. Mais par égard pour tous les Libanais, pour les leaders qui ont été injustement accusés pendant quatre ans et qui ont été abreuvés d’insultes et ont été diffamés, ainsi que pour les familles des travailleurs syriens qui ont été assassinés sur l’incitation politique de ces leaders qui ont assuré une sorte d’environnement politique favorable à ces assassinats ». Sayed Nasrallah a insisté sur la nécessité de procéder à cette autocritique, car il n’y a, selon lui, aucune garantie pour qu’ils ne rééditent pas ce genre d’action, pour une période indéterminée. Il a rappelé que le 14 février 2005, les accusations ont été portées, le jugement émis et la sentence exécutée sans preuves, celles-ci ayant été fabriquées par la suite. Il a ensuite évoqué les insultes émises contre ceux au sein de l’opposition qui disaient : attendez les preuves avant de lancer des accusations. Il a ensuite affirmé avoir dit au Premier ministre Saad Hariri, au cours de l’une de leurs rencontres: Donnez-moi une preuve de l’implication de la Syrie e je me tiendrai à vos côtés.
Sayed Nasrallah a précisé que la Syrie a été isolée pendant des années sur la base de ces accusations et certains leaders libanais ont réclamé le déploiement de l’armée aux frontières avec la Syrie, avant de qualifier les accords conclus avec elle d’humiliants. Résultat : ils ont été validés récemment, avec des amendements de forme.
Il a ensuite évoqué les insultes faites au président Emile Lahoud, l’injustice commise à l’égard des quatre généraux et la condamnation à l’égard de l’opposition, notamment sunnite, évoquant au passage les campagnes d’incitation raciste qui a provoqué la mort de plusieurs travailleurs syriens. Il est revenu sur les élections législatives de 2005, lorsqu’on disait aux électeurs du Nord : si vous votez pour les listes adverses, c’est comme si vous votiez pour les assassins de Rafic Hariri. Il a passé en revue les quatre années de disciurs hostiles à la Syrie et vengeurs, se demandant : mais qu’est-ce qui a changé aujourd’hui ? En réalité, selon lui, depuis le début, il n’y avait aucun indice contre la Syrie(…) La résistance de la Syrie face aux pressions arabes, internationales et régionales et celle de l’opposition au Liban, notamment dans le cadre de la guerre de juillet 2006, ont poussé les « fabricants d’accusations » à comprendre qu’ils ne peuvent plus continuer dans cette politique d’isolement de la Syrie. Il a donc été décidé de reprendre le chemin de Damas et de s’entendre avec les Syriens. C’est donc une novelle étape qui a commencé et je fais partie de ceux qui souhaitent une visite prochaine du président syrien à Beyrouth, pour en finir définitivement avec la période de « l’ennemi est devant vous et la mer derrière vous ».
Il a ensuite précisé que si nul ne veut juger les faux témoins, ni ceux qui les ont fabriqués, car ce serait un véritable scandale, que l’on lève au moins l’injustice faite à ceux qui ont été accusés injustement. Il s’est adressé au public du 14 mas pour lui demander de réclamer une autocritique de la part de ses leaders. C’est à ce moment-là qu’on pourra passer à une nouvelle étape, a déclaré le sayed, qui a conclu que le Hezbollah n’a pas peur. « C’est celui qui a comploté qui doit avoir peur, a-t-il martelé. Nous autres, nous sommes des gens de droit, nous savons ce que nous avons fait et la terre dont nos sommes issus. Que ceux qui ont fait de faux calculs pendant des années, en fassent cette fois de bons ».
Sayed Nasrallah a ensuite répondu aux questions. Il a notamment affirmé qu’il ne demande rien, d’autant que le Hezbollah est la victime et l’agressé par ce que l’on entend sur le contenu de l’acte d’accusation. Mais le Premier ministre et l’Arabie saoudite peuvent faire beaucoup pour lutter contre cette agression. Ils peuvent notamment se rendre auprès des Nations, pour leur dire que le pays ne supporte plus leur jeux, puisque c’est bien d’un jeu qu’il s’agit. Ils peuvent arrêter ce processus…
En réponse à une question sur la coïncidence entre les propos de Samir Geagea et ceux de Gaby Ashkénazi, Nasrallah a déclaré que ce n’est pas la seule coïncidence étrange, mais ce qui compte c’est que les Libanais analysent bien la situation et en comprennent toutes les retombées. En réponse à une autre question sur une réédition du 7 mai 2008, Nasrallah a affirmé devancer les événements, assurant que le Hezbollah ne fuit pas devant les responsabilités.
Le secrétaire général du Hezbollah a précisé qu’il ne réclame pas des excuses ni la démission des leaders du 14 mars, et que sa demande d’autocritique est très modeste, ajoutant que la situation gouvernementale sera évoquée après la publication de l’acte d’accusation qu’il ne veut pas démenti les informations selon lesquelles le général Aon lui aurait demandé d’envahir les régions chrétiennes pour mettre un terme aux agissements de groupes extrémistes chrétiens, tout comme il a affirmé » n’avoir pas évoqué avec lui la situation gouvernementale. A sujet des informations sur une infiltration du Hezbollah transmise par le département des informations aux FSI, il a reconnu avoir reçu ces informations et le parti a aussitôt effectué une enquête et il s’est avéré que les trois jeunes gens ne sont pas infiltrés. D’ailleurs ils sont toujours à leurs postes.
A la question de savoir ce qu’il ferait si ses revendications ne sont pas exécutées, Nasrallah a affirmé qu’il ne s’agit pas d’ultimatums et qu’il y aura d’autres rencontres pour préciser d’autres points.
Le secrétaire général du Hezbollah a précisé qu’il n’a jamais déclaré qu’il respectait les décisions du TSL. « Nous n’avons rien dit sur ce sujet et tout le monde sait que depuis le début, nous avions des doutes sur le travail de ce tribunal, a déclaré le sayed. Tout le monde se souvient aussi comment le statut du TSL a été examiné de façon précipitée par le Conseil des ministres. Nous tiendrons des propos plus détaillés sur le sujet. Mais ce qui compte c’est qu’il faut que le tribunal avance des preuves irréfutables pour accuser qui que ce soit. Il doit aussi étudier toutes les pistes et non une seule comme il l’a fait jusqu’à présent. Il doit surtout étudier la piste israélienne puisque ce pays a le mobile, l’intérêt et les moyens d’accomplir un tel acte »…
Il a répété qu’il n’a nullement visé les chrétiens en parlant d’environnement favorable à la prolifération des espions pour Israël, d’autant que nombre d’entre eux sont chiites.
Enfin, le secrétaire général du Hezbollah a déclaré que son parti n’a jamais déclenché une guerre contre Israël. Il se contente de défendre son pays contre les agressions israéliennes. « Nous ne sommes donc pas sur le point de déclencher une guerre et j’insiste sur le fait que toute guerre dans la région ne sera pas limitée ».