El-Qaëda au Liban : une menace qui se précise


Indépendamment des opinions divergentes sur la cause de l'implantation de plus en plus profonde d'el-Qaëda au Liban, au point de se sentir assez libre pour se déplacer et agir dans des endroits divers, cette présence signifie deux choses : d'abord que le périmètre du danger s'élargit au Liban et même si les services compétents ont multiplié leurs mesures de vigilance, la menace y est plus grande et ensuite qu'il sera plus difficile de l'éradiquer. D'autant qu'avec la tension confessionnelle exacerbée, les services d'ordre peuvent difficilement agir sans essuyer des critiques les accusant de pencher vers un camp aux dépens de l'autre.
Il ne faut donc pas être un voyant illuminé pour affirmer que la situation est grave et qu'elle l'est encore plus à cause du conflit régional déclaré entre l'Arabie saoudite et l'Iran, qui prend inévitablement une tournure confessionnelle. Mais le plus dur est de constater que depuis deux décennies au moins, el-Qaëda a choisi de s'incruster au Liban dans l'indifférence et l'inconscience quasi générales.
La première manifestation de l'existence de groupes d'obédience islamiste extrémiste a eu lieu au Liban en 1995, avec l'assassinat de cheikh Nizar Halabi des Ahbache en plein Beyrouth, à Corniche Mazraa. Certains membres du groupe auteur de l'assassinat ayant été arrêtés, les Libanais ont découvert avec effroi des jeunes Libanais et Palestiniens circulant entre Tripoli et Aïn el-Héloué et prônant l'islam dur et rigide des salafistes radicaux. Trois d'entre eux ont été alors condamnés à mort et la peine a été exécutée aux cris d'Allah Akbar des condamnés. Le groupe Esbat al-Ansar dirigé par Abou Mahjan avait été alors dénoncé. Et ce groupe n'a pas tardé à prendre sa revanche en assassinant quatre juges dans le prétoire à Saïda en juin 1999. Les auteurs de ce crime ont été identifiés, mais n'ont jamais pu être arrêtés. Six mois plus tard, la mouvance extrémiste s'est manifestée par des combats contre l'armée libanaise dans le jurd de Denniyé, à la veille du réveillon de l'an 2000.
En 2001, ce furent les terribles attentats du 11-Septembre aux États-Unis et parmi les kamikazes, dont la plupart étaient Saoudiens, il y avait un Libanais, Ziad Jarrah, originaire du village de Marj dans la Békaa. Même à ce moment-là, les autorités libanaises ont continué à se réfugier dans le déni, alors que les enquêteurs américains étaient formels. L'explosion n'en a été que plus violente en 2007 avec la guerre de Nahr el-Bared entre les radicaux de Fateh el-Islam et l'armée. Les combats ont fait de nombreuses victimes au sein de la troupe et se sont terminés par la destruction du camp, l'exode des Palestiniens... et la disparition du chef présumé de Fateh el-Islam, Chaker el-Absi, qui d'ailleurs n'a jamais été éclaircie.
Esbat al-Ansar, Fateh el-Islam, Jund al-Cham, cheikh al-Assir et maintenant Daech et le Front el-Nosra... Qu'importent les appellations, l'esprit est le même. Et le Liban de plus en plus fragilisé s'est montré incapable de lutter contre ce phénomène, qui a longtemps été considéré comme un sujet tabou, perdant son temps dans des polémiques vaseuses alors que les groupes takfiristes n'ont cessé de s'y développer. S'il est donc clair que la présence de noyaux takfiristes est ancienne au Liban, ceux-ci n'étaient, au début, pas vraiment acceptés par leur environnement qui en avait presque honte. La misère, l'insouciance de l'État et les développements régionaux ont modifié cet état d'esprit et c'est là l'élément nouveau qui rend aujourd'hui la menace plus grave. Le Liban, pays du compromis politique, de la coexistence et de la tolérance peut-il abriter en son sein des groupes qui rejettent tous ceux qui ne les suivent pas... Sans pour autant changer de vocation ?
Source : OLJ
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