Turquie: la police disperse violemment une manifestation à Istanbul

La police turque a fait usage mardi de grenades lacrymogènes, de balles en caoutchouc et de canons à eau pour disperser dans le centre d'Istanbul une manifestation contre l'offensive antikurdes du gouvernement, procédant également à plus d'une dizaine d'arrestations.
La manifestation, à laquelle participaient environ 500 personnes, avaient débuté paisiblement au début de la célèbre rue Istiklal dans la partie européenne de la ville.
La police est intervenue au milieu de cette rue lorsque les manifestants ont commencé à scander des slogans hostiles au gouvernement du président Recep Tayyip Erdogan et qu'ils ont protesté contre l'offensive qu'il a lancée contre les militants kurdes. Les manifestants tentaient de former une chaîne humaine jusqu'à la place Taksim.
La police a dirigé ses jets de canons à eau vers le milieu de l'avenue, dans cette zone commerciale très fréquentée, et a lancé des grenades lacrymogènes alors que les manifestants tentaient de se mettre à l'abri.
Un photographe pigiste turc, Yasin Akgul, qui collabore avec l'AFP, a été arrêté après avoir été plaqué au sol alors qu'il tentait de prendre des photos des personnes interpellées.
Il a été relâché sur l'intervention de ses collègues qui ont attesté de sa qualité de photographe de presse. Brièvement hospitalisé pour ses douleurs au bras où il s'est blessé durant l'intervention musclée de la police, il a pu regagner son domicile dans la soirée.
Selon les médias, un caméraman de l'agence de presse officielle Anatolie a également été blessé lors de cette intervention policière.
Selon Anatolie au total 14 personnes ont été arrêtées.
Nouvelle offensive contre la presse
Dans le même contexte, le régime d’Erdogan a remis la pression sur la presse à deux mois des législatives en s’attaquant à un groupe de médias proche de l’opposition, au lendemain de l’incarcération très controversée de deux journalistes britanniques.
Mardi à l’aube, la police a effectué un spectaculaire coup de filet contre des entreprises du groupe Koza-Ipek, holding connue pour être proche du prédicateur Fethullah Gülen qui dispose d’un groupe de presse et d’intérêts dans les secteurs de l’énergie et de la métallurgie.
Selon Anatolie, les forces de l’ordre ont perquisitionné dans les locaux de 23 sociétés appartenant à Koza-Ipek, dont les journaux Bugün et Millet et la chaîne de télévision Kanaltürk, dans le cadre d’une enquête «antiterroriste».
Six personnes ont été arrêtées, précise l’agence turque.
Ancien allié d’Erdogan, Gülen, qui dirige à partir des Etats-Unis un influent réseau d’ONG, de médias et d’entreprises, est devenu l'«ennemi public numéro 1» de l’homme fort de la Turquie, qui l’accuse d’avoir bâti un «Etat parallèle» pour le renverser.
Visé lui-même par un mandat d’arrêt, le patron du groupe Koza, Akin Ipek, actuellement à l’étranger, a catégoriquement nié toute activité illégale.
«Si elle (la police) arrive à trouver un centime provenant d’activités illégales, je suis prêt à lui céder mon entreprise», a plaisanté Ipek sur les ondes de Kanaltürk.
L’opposition a immédiatement dénoncé les raids de la police. «Nous ne pouvons parler de démocratie dans un pays où la presse est réduite au silence», a réagi le chef de file de l’opposition social-démocrate, Kemal Kiliçdaroglu.
Cette nouvelle offensive intervient au lendemain de l’incarcération de deux journalistes britanniques de la chaîne d’information sur internet Vice News qui couvraient les affrontements entre forces de sécurité et militants kurdes dans le sud-est de la Turquie.
Tous deux ont été inculpés de «participation à des activités terroristes pour le compte du groupe extrémiste Etat islamique (EI ou Daech)».
Vice News a jugé ces accusations «sans fondement» et exigé leur libération immédiate.
«En détenant illégalement des journalistes étrangers, les autorités turques poussent leur mépris de la liberté des médias à un nouveau niveau», a fulminé Johann Bihr, de Reporters sans frontières (RSF).
L’UE s’est dit mardi «préoccupée» par les attaques contre la presse en Turquie. Washington a rappelé la Turquie «à respecter les valeurs démocratiques universelles, qui incluent la liberté de la presse et l’accès aux médias d’informations».
Source: agences et rédaction